CXVIII

ABNER FAIT ÉLIRE ROI D’ISRAËL ISBOSETH, FILS DE SAÜL

(Même année, 955 ans avant J.-C.)



Abner, général de Saül, ne voulut pas reconnaître la royauté de David. Il proclama roi d’Israël, Isboseth, fils de Saül ; il le fit reconnaître par dix tribus.

Isboseth avait alors quarante ans. Quant à David, il nomma général de son armée, un de ses plus braves capitaines, nommé Joab. Joab rencontra Abner, et le combat commença. Joab vainqueur, accompagné de ses deux frères Abisaï et Asaël, poursuivit Abner sans relâche. Asaël, s’étant trop approché d’Abner, eut le corps traversé par la lance de son ennemi ; Joab et Abisaï continuèrent la poursuite, jusqu’à ce qu’Abner, ayant demandé grâce, promit qu’Israël ne se battrait plus contre Juda. Alors Joab retourna à Hébron, près de David.

Les guerres continuèrent néanmoins. Après quatre ou cinq années, Isboseth eut une querelle violente avec Abner, qui avait pris pour épouse une des femmes du roi Saül. Abner se fâcha du langage hautain d’Isboseth ; il lui reprocha son ingratitude, et le menaça de l’abandonner et de passer au service de David. Isboseth n’osa plus rien dire.

Petit-Louis. Pourquoi cela, puisqu’il était roi ?

Grand’mère. Parce qu’Abner avait un grand pouvoir sur l’armée, et qu’Isboseth, ayant Abner pour ennemi, eût été abandonné par tout le monde et eût perdu sa royauté, à laquelle il tenait beaucoup.

Abner ne pardonna pourtant pas à Isboseth son reproche, et il envoya offrir ses services à David. David les accepta pour faire la paix avec Isboseth, mais à condition qu’on lui rendrait sa femme Michol, qui avait été sa première femme, et que Saül avait retenue. Isboseth la lui renvoya.

Abner s’occupa à faire des amis à David dans les tribus d’Israël qui avaient reconnu Isboseth. Il alla voir David, qui le reçut très-bien et lui donna un festin, à lui et à ses gens. Abner, avant de partir, promit à David de le servir et d’amener les dix tribus d’Israël à le reconnaître pour leur roi.

Aussitôt après, Joab revint d’une expédition contre des brigands qui ravageaient la tribu de Juda ; il apprit la visite d’Abner, sa trahison envers Isboseth et son alliance avec David. Il alla trouver le roi.

« Qu’avez-vous fait ? dit-il. Abner est un traître : il est venu non pour vous servir, mais pour voir comment il pourrait vous surprendre à Hébron et pour vous massacrer, vous et vos gens. »

Et, sans attendre les ordres de David, Joab envoya dire à Abner, de la part du roi, de revenir à Hébron. Quand Abner arriva aux portes de la ville, Joab, qui l’attendait, le frappa de sa lance et le tua.

Armand. Mais c’est abominable ce qu’a fait Joab ; moi qui le croyais si bon !

Grand’mère. Joab n’avait pas pardonné à Abner la mort de son frère Azaël, et il saisit cette occasion pour se venger d’Abner. Au reste, ce dernier méritait une punition pour sa trahison envers Isboseth.

David fut très-affligé de ce meurtre : il en témoigna hautement sa douleur ; il commanda de belles funérailles à Abner, et il suivit son cercueil jusqu’au tombeau qu’il lui avait fait faire à Hébron. Il jura, en revenant, qu’il ne mangerait ni ne boirait avant le coucher du soleil. Cette conduite de David plus beaucoup au peuple, qui vit bien que ce n’était pas lui qui avait ordonné le meurtre d’Abner.