La Belle libertine/00
Frontispice | |
Que tout Bande que tout S’Embrase, |
INTRODUCTION.
La vanité ou l’intérêt ont toujours
été les motifs de ceux qui
ont écrit des mémoires ; les miens
ſont uniquement le déſir d’amuſer
& d’inſtruire. On ne manquera
pas de dire, en liſant le titre
de cet ouvrage ; mais nous
ſavons tout cela, on voit cela
par-tout ; l’art de multiplier les
jouiſſances, en variant les préludes
& les poſitions, eſt pouſſé
à sa perfection ; d’ailleurs, le
principe & le réſultat ne ſont-ils
pas toujours les mêmes ?
enc...ner & dé....ger,
cela eſt vrai : mais c’eſt la façon
de le faire qui fait tout ; & j’en
appelle à tous les libertins, à
tous ces charmans roués, que
la curioſité, l’occaſion ou la
néceſſité ont fait paſſer des bras
de la ducheſſe dans ceux de la
ſimple villageoiſe du boudoir
voluptueux de l’élégante courtiſane
dans le cabinet modeſte
de la timide griſette ; par-tout
ils ont pu trouver un joli minois,
belle gorge, jolie motte,
ſans doute même au village
plus de fermeté, plus de fraîcheur
naturelle ; mais cette
propreté recherchée, ces
toilettes galantes & laſcives, ces
appartemens élégamment meublés,
où le jour eſt adroitement
intercepté par des rideaux
couleurs de roſe ; ces glaces
qui deviennent des tableaux
animés ; les minauderies d’une
femme galante qui fait augmenter
le déſir en le prolongeant,
& doubler le plaiſir en
retardant le moment de la
jouiſſance ; mais tous ces jolis
préliminaires qu’un homme délicat
multiplie à l’infini, & préfère
au moment du bonheur ; mais
enfin, cette langueur délicieuſe
qui ſuccède au délire ; où
trouve-t-on tous ces avantages ?
eſt-ce au village ? ſeroit-ce même
auprès des bergères d’Idalie,
qui n’ont jamais éxiſté que dans
l’imagination des poëtes ? non,
ce n’eſt qu’auprès de ces jolies
coquines qui réuniſſent la
fineſſe au tempérament, & qui
ſuppléent à l’expérience par
l’inſtruction.
C’eſt donc pour elle eſſentiellement que j’écris mes aventures libertines, Je croirois faire un vol à mes contemporaines, à la proſpérité galante, ſi je cachois mes jolies découvertes ; & ſi mes lecteurs bandent une ſeule fois en les liſant, je ſuis aſſez dédommagée de mes peines, & je ne demande d’autre témoignage de leur reconnoiſſance, que de voir quelquefois l’effet de mon ouvrage.
Après un ſi joli début dans la carrière du plaiſir, je dois faire de grands progrès, & ſi cette partie de ma vie a fait ſur mes prosélytes, l’effet que je dois en attendre, les mêmes principes m’engageront à leur en donner une ſeconde que mon expérience rendra ; à-coup-sûr, plus inſtructive que la première.