La Belgique et le Congo (Vandervelde)/2/01

F. Alcan (p. 147-166).


DEUXIÈME PARTIE

LES RÉFORMES



CHAPITRE PREMIER

LES DÉCHETS DE 1910


L’histoire de la colonisation atteste que l’exploitation libre peut amener une dépression momentanée de la production, mais la production, — c’est notre conviction inébranlable, — se relèvera ensuite, comme automatiquement, par la puissance de l’initiative.
Le ministre Renkin.


À peine le Congo était-il repris (18 octobre 1908) que, pressé par l’opinion publique belge, talonné par les gouvernements anglais et américain, M. Renkin, nommé ministre des Colonies, s’embarquait pour l’Afrique, consacrait quatre mois à visiter le Bas Congo, les stations du haut fleuve et du Kasaï et, à son retour, annonçait, dans l’Exposé des motifs du budget de 1910, son intention d’inaugurer une politique économique toute différente de celle qui avait été suivie depuis 1892.

Certes, le gouvernement colonial belge maintenait le principe de la domanialité, continuait à se prétendre propriétaire de la presque totalité du Congo.

Mais il annonçait l’intention de laisser aux indigènes le droit de disposer des produits naturels du sol ; il prenait l’engagement de supprimer, à bref délai, l’impôt en travail ; il promettait la réorganisation des chefferies, que la politique de l’État Indépendant avait presque totalement annihilées.

Ces intentions, qui furent, en général, favorablement accueillies, ne tardèrent pas à prendre corps dans trois importants décrets, des 22 mars et 10 mai 1910, sur la récolte des produits végétaux dans les terres domaniales, sur l’impôt indigène, sur les chefferies et les sous-chefferies indigènes.


§ 1. — Le décret relatif à la récolte
des produits végétaux dans les terres domaniales
.


Le décret du 22 mars 1910 supprime l’exploitation en régie des produits végétaux des terres domaniales, à partir du 1er juillet 1910, dans les zones teintées en bistre sur la carte jointe au décret et formant, à peu près, la moitié du territoire ; à partir du 1er juillet 1911, dans la zone hachurée en vert, formant l’ancien Domaine de la Couronne ; à partir du 1er juillet 1912, dans les zones teintées en rose, c’est-à-dire dans le district de l’Ouellé.

Du jour où cessera l’exploitation en régie, toute personne duement patentée, ou occupant un établissement pour lequel elle paie l’impôt personnel, pourra, à la condition de se munir d’un permis de récolte (250 francs par an, pour le copal et le caoutchouc), soit récolter ou faire récolter les produits végétaux sur les terres domaniales, non louées ou concédées, soit acquérir des indigènes les dits produits.

Quant aux Congolais de race indigène, qui n’exporteront pas directement les produits de leur récolte, ils pourront récolter sans se munir de permis et vendre librement, au plus offrant, les produits de leurs récoltes.

Le Gouvernement, au surplus, se réserve le droit de limiter, de supprimer, ou de suspendre temporairement la récolte, dans telles régions qu’il déterminera, soit pour cause d’épuisement, soit pour toute autre raison. Mais pareilles mesures ne pourront être prises que par décret.

Il est créé une réserve forestière, d’une superficie de 600.000 hectares, autour de chacun des postes de Loto, Lodja, Dekese, Belo et Nepoko. Ces réserves sont teintées en vert foncé sur la carte annexée au décret[1].

Un autre décret, daté également du 22 mars, supprime le droit de licence de 5 000 francs par établissement créé pour la récolte des produits domaniaux, et le remplace par les impôts suivants, sur le caoutchouc autre que le caoutchouc de plantation, récolté dans le territoire de la colonie : un impôt de 0 fr. 73 par kilogramme de caoutchouc provenant d’arbres ou de lianes ; un impôt de 0 fr. 50 par kilogramme de caoutchouc dit « des herbes »[2].

Il est inutile d’insister sur l’importance du décret supprimant l’ « exploitation en régie ».

C’est, au moins en principe, le triomphe de la liberté commerciale ; c’est, dans le délai de trois ans, la fin du système qui refusait aux indigènes la libre disposition des produits naturels de leur sol.

Aussi est-il naturel qu’au Conseil colonial, M. H. Speyer ait dit que c’était une grande joie pour lui de prendre part au vote qui allait abolir le régime détestable qu’en 1905, déjà, la Commission d’enquête avait condamné. .

Remarquons toutefois que la démolition à laquelle applaudissait M. Speyer, ne laisse pas d’être incomplète.

D’abord, il faudra trois ans pour que la liberté commerciale soit établie dans tout le Congo, et il suffit de jeter un coup d’œil sur la carte des réformes pour se convaincre que si, dès la première sulfite, le système de l’ « exploitation en régie » a été aboli dans la moitié du territoire, c’est, pour la plus grande partie, dans des régions qui ne produisent guère de caoutchouc, telles que le Katanga, le Mayombe, le district des Cataractes, ou bien dans des régions comme le Kasaï, où la liberté commerciale existait déjà, sinon en fait, du moins en principe

D’autre part, la question des réformes reste entière pour ce qui concerne les territoires concédés, et le gouvernement, jusqu’ici, s’est borné à parler, en termes vagues, d’arrangements ultérieurs avec les sociétés concessionnaires.

Enfin — et ceci est essentiel —, la faculté que l’on accorde aux indigènes de récolter les produits forestiers n’est pas la reconnaissance d’un droit : c’est une concession faite à titre gracieux et toujours révocable, qui laisse intacte l’ancienne conception domaniale de l’État.

Dans son rapport au Conseil colonial sur le projet de décret, M. Dupriez n’a pas manqué, d’ailleurs, d’insister sur ce point :

Le droit de récolte organisé par le projet actuel — disait-il — comprend tous les produits végétaux des terres domaniales, à exception des coupes de bois qui ont été prévues et réglementées par le décret du 3 décembre 1909.
xxxx Quelle est la nature de ce droit de récolte ? Ce n’est évidemment pas un droit réel, une sorte de servitude, dont seraient dorénavant grevées toutes les terres domaniales, un droit absolu, envers et contre tous, acquis dès maintenant et à tout jamais à tous les indigènes et habitants de la Colonie.
xxxx La Colonie, propriétaire des terres domaniales, croit que le meilleur mode d’usage qu’elle puisse faire actuellement de son droit de propriété, c’est de permettre à tous, indigènes ou non indigènes, moyennant des conditions diverses, de récolter les produits végétaux naturels ; mais elle n’entend pas par là restreindre, en quoi que ce soit, son droit de propriété. Elle veut pou- voir, dans la suite, aliéner des terres domaniales, à titre onéreux, ou à titre gratuit, au profit d’individus ou de communautés, indigènes ou non indigènes, donner ces biens domaniaux en location ou concéder des droits de jouissance exclusive, sans grever les futurs propriétaires ou occupants de l’obligation de respecter le droit de cueillette[3].

Bref, après comme avant le décret du 22 mars, l’État prétend être propriétaire de presque tout le Congo. Les indigènes, au point de vue foncier, n’ont droit qu’aux terres qui leur sont laissées ou assignées pour leurs cultures et pour leurs villages. Le surplus du territoire continue à être considéré comme « terres vacantes » et, pour affirmer son droit sur ces terres, le gouvernement prélève une taxe domaniale sur chaque kilogramme de caoutchouc qu’on y récolte.

Le taux de cette taxe a été critiqué, comme excessif, par l’un des membres du Conseil colonial, M. Morisseaux, ancien directeur de la Compagnie à charte du Mozambique :

La lourdeur uniforme de cet impôt — disait-il à la séance du 12 mars 1910[3] — m’inquiète à plusieurs points de vue. Elle me fait craindre qu’il ne soit pas facile de réaliser la réforme qui nous est chère : de transformer le paiement de l’impôt en nature, en paiement en espèces ; que le noir ne trouve pas toujours un stimulant suffisant au travail dans la marge de profit qui lui est laissée et que, dès lors, il se laisse aller a sa propension naturelle pour la paresse ; qu’il ne se produise un resserrement de la production du caoutchouc et une diminution notable de ressources pour la Colonie.

À plusieurs de mes collègues, comme à moi-même, la taxe de fr. 75 parait trop exclusivement basée sur les prix qui ont cours actuellement. La taxation devrait permettre un certain jeu. Elle devrait pouvoir être réduite ou même supprimée quand le caoutchouc descend au-dessous d’un certain prix[4].

Ces observations, qui ne tendaient à rien moins que de mettre en doute l’efficacité des réformes projetées, furent assez mal accueillies par la majorité du Conseil.

M. Renkin répondit que la taxe était modérée, si l’on tenait compte du prix moyen du caoutchouc ; qu’elle frapperait surtout les acheteurs, c’est-à-dire les gros marchands, qui réalisent d’énormes bénéfices ; qu’au surplus l’État devait bien se procurer des ressources, et qu’en définitive l’impôt nouveau n’augmentait pas, de beaucoup, les charges antérieures.

Cette argumentation ministérielle n’eut pas le don de convaincre M. Morisseaux, non plus que d’autres membres, qui partageaient ses craintes.

Mais le rapporteur fit observer que si l’on ne demandait pas ces ressources à la Colonie, on devrait les demander aux contribuables belges, et comme cette dernière perspective inquiète, plus que toute autre, le gouvernement et ses amis, le projet de décret finit par être adopté unanimement. MM. Speyer et Tournay, cependant, associèrent leurs réserves à celles de M. Morisseaux.

Quant à la question de savoir à qui appartiennent, réellement, les terres dites vacantes, elle ne fit pas l’objet, au Conseil Colonial, d’un examen approfondi. Nous y reviendrons ultérieurement.


§ 1. — le décret relatif a l’impôt indigène.


Le décret du 2 mai 1910 supprime l’impôt en travail ou en nature et le remplace par des taxes en argent, à mesure que disparaîtra l’exploitation en régie, suivant les étapes prévues au décret du 22 mars.

Le nouveau système repose sur les principes suivants :

1° Est soumis à l’impôt, tout indigène de sexe masculin et valide qui n’acquitte pas d’impôt personnel. Donc : exemption des femmes et des indigènes qui paient déjà l’impôt personnel sur l’une des trois bases établies par le décret du 17 mars 1910 : superficie des bâtiments ; emploi d’ouvriers, employés ou domestiques ; bateaux et embarcations.

2 L’impôt indigène est double : principal et supplémentaire. L’impôt principal est dû par tous les contribuables indistinctement. L’impôt supplémentaire frappe un des signes les plus apparents de la richesse. Il est dû par les contribuables en raison du nombre de femmes qu’ils possèdent. Ceux qui n’en possèdent qu’une en sont exempts. Son taux est fixé à 2 francs par femme, et son total ne pourra dépasser 60 francs par contribuable.

3° Le taux de l’impôt principal est fixé chaque année, pour chaque région, par le Gouverneur général, dans les limites de 5 à 12 francs par contribuable et en tenant compte des ressources et du degré de développement des populations.

La diversité des situations sur le territoire de l’immense colonie est telle, en effet — fait observer M. Dubois dans son rapport au Conseil colonial[5] —, qu’il serait impossible de fixer un taux uniforme applicable à l’ensemble des contribuables.

Il faut remarquer, de plus, qu’en vertu de l’article 10, alinéa 2 de la Charte coloniale, le Gouverneur général et les agents délégués par lui ont le droit d’accorder, même en dehors des limites prévues, des exemptions temporaires.

Le Gouvernement donne l’assurance que ces règles seront mises en vigueur avec une grande modération.

4° L’impôt est payable exclusivement en argent.

5° L’impôt est perçu par des agents de la colonie, spécialement commissionnés par le Gouverneur général, en qualité de collecteurs d’impôts.

Ces collecteurs peuvent, sous certaines garanties, déléguer la perception aux seuls chefs et sous-chefs indigènes.

Si le contribuable en défaut ou en retard de paiement est soumis au régime de la chefferie, le chef ou le sous-chef le contraint à s’exécuter par les moyens prévus par la coutume indigène et lui applique les peines que la coutume détermine. Si le contribuable récalcitrant n’est pas soumis au régime de la chefferie, le collecteur fait saisir une partie de ses objets mobiliers, et le fait condamner à une amende de 30 francs, au plus, et subsidiairement à une servitude pénale de deux mois au maximum[6].

Si l’impôt en travail est aboli, en trois étapes successives, par le décret du 2 mai, le travail forcé subsiste pour les travailleurs d’utilité publique. On s’est borné à réduire la durée du temps de service à trois ans, au lieu de cinq, et à réaliser d’autres améliorations par voie administrative. Le ministre, toutefois, a déclaré que, pour le moment, il ne comptait plus faire de nouvelles levées.

De même que le décret du 22 mars, le décret relatif à l’impôt indigène a reçu l’approbation unanime du Conseil colonial. En principe, d’ailleurs, on ne peut que se féliciter de voir disparaître, enfin, l’odieux impôt en travail, et le seul reproche qu’on puisse faire au gouvernement, c’est de maintenir jusqu’en 1912 la coexistence des deux régimes.

Mais nous ne dirions pas notre pensée tout entière si nous n’ajoutions pas que l’introduction immédiate de l’impôt en argent, dans un pays où, sauf quelques régions, il n’y a pour ainsi dire pas de commerce ni de circulation monétaire, nous laisse, à la fois, sceptique et inquiet.

Certes, le ministre a déclaré, au Conseil colonial, que l’impôt devra être mis en vigueur avec une grande modération : « Il faudra procéder avec circonspection et consolider tout d’abord l’occupation et l’organisation politique pour avancer progressivement en tenant compte des multiples conditions que commande la diversité des régions et des conditions dans une même région. »

Mais, en même temps, il a repoussé un amendement qui fixait à 3 francs le minimum de l’impôt, « parce qu’un minimum de 3 francs érigé en règle générale serait manifestement insuffisant pour payer les charges du budget colonial. »

Nous retrouvons toujours, dans les projets de réforme du gouvernement, le même souci de ne rien demander, ou de demander le moins possible aux contribuables belges.

Alors que partout ailleurs, la métropole, dans les débuts, intervient, on veut, ici, que la colonie se suffise à elle-même, et l’on fixe le taux de l’impôt, non d’après ce que les nègres sont en état de payer, mais d’après ce que le gouvernement colonial doit recevoir pour boucler son budget.

La chose à faire eût été d’abolir immédiatement l’impôt en travail, d’établir des taxes en argent modérées, à mesure que le développement du commerce créerait une circulation monétaire, et de demander l’intervention de la Belgique pour combler, pendant quelque temps, le déficit du budget.

Au lieu de cela, on va demander, immédiatement, de 5 à 12 francs d’impôts, plus les impôts supplémentaires, à tous les indigènes qui ne seront pas dans l’impossibilité absolue de s’acquitter. On va généraliser hâtivement le système fiscal qui existe déjà dans le Bas Congo, où il soulève, de la part des contribuables, des plaintes légitimes.

Lorsque le ministre des Colonies passa à Thysville, en 1909, les chefs N’Gombé de la région lui remirent la pétition suivante, qui montre bien à quel point l’impôt en argent peut devenir vexatoire lorsque le taux en est excessif, lorsqu’il n’y a pas beaucoup de numéraire dans la région et lorsque les taxes ne sont pas dépensées dans l’intérêt des indigènes :

Le receveur des contributions, lorsqu’il arrive chez nous, ne veut pas prendre de l’étoffe, ou d’autres choses que nous sommes en mesure de lui offrir ; il ne veut prendre que des francs. Or, nous avons les plus grandes peines à nous procurer des francs. Aussi, nous désirons que le receveur prenne ce que nous sommes capables de lui donner pour paiement de nos taxes.
xxxx Nous ne recevons aucun avantage en échange de nos taxes. Jadis nous payions des taxes. Lorsqu’un homme établissait un pont sur une rivière, quiconque usait de ce pont acquittait un péage ; lorsqu’un homme voulait passer une rivière sur une pirogue de passage, il payait le passeur. Mais pour la taxe que nous payons maintenant à l’État, nous n’obtenons aucune contre- valeur. Il n’y a pas d’école où l’enseignement se donne en français, pas d’enseignement professionnel ; et alors que le paiement de nos taxes devrait servir, par exemple, à l’entretien des routes, lorsque celles-ci sont envahies par la brousse, on nous fait donner encore un cochon en sus de l’impôt. Or, nous demandons que, si nous payons nos taxes, nous ne soyons pas encore obligés de payer des rations pour l’entretien de nos routes.

Sans doute, il a été tenu compte dans une certaine mesure de cette réclamation et, désormais, les indigènes de la région des Cataractes paieront au maximum 12 francs par adulte mâle, plus l’impôt supplémentaire qui grève les ménages polygames, tandis qu’en 1909, l’impôt était de 12 francs pour les hommes et de 6 francs pour les femmes sans exception.

Mais il reste que, dans la plupart des cas, les indigènes auront peine à se procurer des espèces pour payer l’impôt ; que, sans doute, on continuera, comme par le passé, à consacrer la plus grande partie des recettes de l’État à des dépenses qui ne les intéressent que très indirectement, et que, si l’on ne procède pas avec une extrême prudence, la taxe menace de provoquer les mêmes mécontentements et les mêmes résistances que l’impôt en travail.

Nous voulons espérer, toutefois, que le gouvernement colonial belge ne se laissera pas détourner de ce devoir d’extrême prudence par des considérations trop exclusivement budgétaires, et qu’il s’inspirera des sages conseils que M. Merlin, Gouverneur général du Congo français, adressait en 1909 à ses subordonnés :

Notre but est de civiliser ce pays et nous ne pouvons y parvenir qu’avec le concours des habitants. On n’impose pas le progrès, on le fait comprendre et désirer ; il est donc essentiel que les populations aient confiance en nous. Il importe qu’elles aient conscience, au moins confusément, du but que nous poursuivons et de la sincérité de nos intentions. Si nous voulons les contraindre par la violence à nous fournir leur contribution, nous ne parviendrons qu’à augmenter leur méfiance et renforcer leur hostilité. Elles seront convaincues que le produit de l’impôt servira, non à l’intérêt général, mais a nos intérêts particuliers ; elles continueront à l’appeler « amende » et ce sera leurs yeux une manière de tribut de guerre annuel, un abonnement à la razzia, que le plus fort a le droit d’exiger du plus faible. Vous sentez quel obstacle insurmontable un pareil état d’esprit présenterait pour le développement de noire œuvre et vous reconnaîtrez avec moi que nous devons tout faire pour en empêcher la propagation[7].

Ces paroles trouvent leur application, plus encore, au Congo belge qu’au Congo français. Puissent les Belges le comprendre et préférer une politique de sacrifices temporaires à une politique de contraintes et de violences, qui continuerait, sous l’administration coloniale nouvelle les traditions du Congo Léopoldien.


§ 3. — Le décret relatif aux chefferies et sous-chefferies indigènes.


Ainsi que le fait remarquer M. Diderich, dans son rapport au Conseil colonial, les décrets relatifs aux chefferies et à l’impôt indigène sont intimement liés.

C’est, avant tout, pour rendre le paiement de l’impôt plus régulier, que le gouvernement s’est préoccupé de rendre aux chefs indigènes le prestige et l’autorité qui leur manquent, aujourd’hui, dans la plupart des régions du Congo.

À cet effet, le décret du 10 mai 1910 répartit les indigènes en chefferies et sous-chefferies, dont les limites territoriales sont déterminées par le commissaire de district, conformément à la coutume.

Immédiatement après la délimitation de la chefferie et de la sous-chefferie, les populations indigènes sont recensées par voie d’inscription dans le poste de l’État, dont la chefferie dépend.

L’indigène est autorisé à émigrer de sa chefferie, à la condition d’obtenir du chef de poste un passeport de mutation. Le chef de poste ne délivre cette pièce qu’après avoir pris l’avis du chef ou du sous-chef indigène. S’il estime qu’il y a lieu de refuser le passeport, il fait un rapport au commissaire de district qui décide. Émigrent en violation du décret, et sont passibles de servitude pénale, les indigènes qui restent absents de leur chefferie pendant une période continue de plus de trente jours.

Les chefs ou sous-chefs, déterminés par la coutume, ou, à défaut de règles coutumières, par le commissaire de district, reçoivent l’investiture gouvernementale. Ils jouissent d’un traitement. Ils sont assistés de messagers indigènes, désignés par eux, agréés par le chef de poste et salariés par le gouvernement. Ils doivent obéissance aux autorités européennes, et exercent leur autorité dans la mesure et de la manière fixées par la coutume indigène, en tant que celle-ci n’est pas contraire aux lois ou à l’ordre public universel.

La chefferie et la sous-chefferie sont respectivement tenues :

a) De débrousser les alentours des villages et de maintenir ceux-ci en état constant de propreté.

b) D’aménager, aux endroits désignés par l’administration, des lazarets provisoires pour les malades atteints de la maladie du sommeil ou d’autres maladies contagieuses.

c) D’établir et d’entretenir un cimetière, et, au chef-lieu de la circonscription, un établissement destiné à l’incarcération des indigènes punis par la juridiction indigène ou mis en état de détention primitive.

De plus, la chefferie et la sous-chefferie sont tenues, mais moyennant rémunération des travailleurs par l’État, d’aménager ou d’entretenir les chemins, ponts et passages d’eau, ainsi que les gîtes d’étapes, et de construire ou d’entretenir, au chef-lieu de la circonscription, une école et une habitation à l’usage des agents européens de passage.

Nul ne peut être contraint de coopérer plus de deux jours ou seize heures par mois à ces travaux obligatoires[8].

Le décret que nous venons d’analyser a ceci de bon qu’il reconnaît explicitement que les indigènes doivent, autant que possible, s’administrer eux-mêmes, conformément à leurs coutumes.

Mais, d’autre part, la préoccupation s’affirme, pour ainsi dire à tous les articles, d’organiser, par l’intermédiaire des chefferies, un système de contrainte fiscale auquel il soit très difficile aux contribuables de se soustraire.

Tout d’abord, nous voyons reparaître les messagers indigènes, qui, sous un nom différent, n’ont jamais été autre chose que les capitas, les sentinelles armées de l’ancien régime.

En second lieu, de nombreuses corvées locales — l’impôt des seize heures au lieu de l’impôt des quarante heures — viennent s’ajouter aux taxes en argent, pour tous les services, précisément, qui peuvent être de quelque utilité directe pour les populations ; si bien que l’on ne doit guère s’attendre à les voir obtenir grand’chose en échange des impôts de 5 à 12 francs qu’elles devront payer.

Enfin, les dispositions relatives à l’émigration peuvent, si elles sont appliquées dans un esprit restrictif, avoir pour effet d’attacher les indigènes à la glèbe, de les transformer en véritables serfs du fisc.

C’est ce que M. Speyer a fait observer, en ces termes, au Conseil colonial :

J’ai des doutes sérieux sur la légalité de la mesure qu’on nous propose, mais, en tout cas, je la repousse, en elle-même, à raison de son caractère réactionnaire. En effet, la législation qu’on nous propose est plus restrictive que celle de l’ancien État Indépendant du Congo. Comme le prouve la circulaire du 16 août 1906, cette dernière législation assurait aux indigènes la liberté d’aller et venir sans aucune restriction. On leur défendait simplement d’aller fixer leur domicile définitivement dans une autre chefferie sans une autorisation, mais les déplacements temporaires n’étaient soumis à aucune réglementation. Le principe que vous allez consacrer est contraire également à la liberté du commerce, telle que la définit le régime économique nouveau. Vous attachez l’indigène à la terre[9].

Il est vrai que le ministre des Colonies a protesté contre ce reproche : « Je ne l’attache nullement — a-t-il dit —. S’il demande un passeport, on le lui donnera, sauf circonstances exceptionnelles. » Mais il faudra voir, à l’expérience, ce que l’administration entendra par circonstances exceptionnelles, et si le décret de 1910 n’aura pas, en définitive, pour résultat de consolider l’esclavage domestique, par le fait que les esclaves n’obtiendront pas toujours le passeport indispensable pour se soustraire à l’autorité de leurs maîtres.

En somme, nous est avis que les décrets de M. Renkin vaudront ce que vaudra leur application.

Ils ne font pas mal sur le papier et apportent, aux partisans des réformes, des satisfactions nombreuses et importantes : la liberté commerciale est proclamée ; les indigènes pourront récolter librement les produits végétaux du sol ; l’impôt en travail aura complètement disparu le 1er juillet 1912 ; les coutumes indigènes, si les décrets ne restent pas lettre morte, seront désormais respectées.

Malheureusement, rien n’est changé à l’ancienne conception domaniale, et, dans le décret même qui consacre le droit de cueillette des habitants, l’État se réserve de le limiter, de le supprimer, d’aliéner les emplacements où il s’exerce, de maintenir ou d’étendre le régime des concessions.

D’autre part, le travail forcé subsiste, soit pour les corvées locales, soit pour la levée des travaux publics, et, de plus, la généralisation hâtive de l’impôt en argent, même dans les territoires concédés à des compagnies, menace de soumettre les indigènes à une contrainte indirecte.

Enfin, le décret sur les chefferies trahit, d’une manière trop évidente, des préoccupations d’ordre fiscal, (qui menacent de conserver ou de faire renaître une partie des anciens abus.

Au fond, le gouvernement ne demande pas mieux que de faire des réformes, à la condition qu’elles ne coûtent rien, ou peu de chose, aux contribuables belges, et que les impôts indigènes ne subissent pas, ou ne subissent guère de diminution

Or, posé en ces termes, le problème est insoluble et il ne faut point s’étonner qu’au Congo les décrets de réforme aient été accueillis avec un certain scepticisme.

Voici, par exemple, ce que m’écrivait, récemment, un homme d’expérience qui a fait en Afrique une brillante carrière et qui est, mieux que personne, en situation d’apprécier ce que deviennent dans l’application, après avoir passé par la filière administrative, les mesures réformatrices décrétées à Bruxelles :

Le nouveau régime gouvernemental au Congo belge commence ses effets. Le budget a été visiblement dressé dans le but de ne pas émouvoir la susceptibilité du contribuable métropolitain. Pour la mise en vigueur du régime nouveau, que l’opinion publique et la pression étrangère nous ont obligés d’accepter, trois modes étaient possibles :

1° La substitution pure et simple, dans toute l’étendue du territoire, de méthodes modernes aux méthodes de l’État Indépendant. Des crédits élevés eussent été nécessaires, et des frottements très durs se tussent produits, par suite du manque de préparation du personnel et des indigènes, de l’absence des organes nouveaux indispensables et de la présence des anciens, nuisibles à un fonctionnement des divers services.

2° Cette même substitution totale dans les limites de certains territoires, avec extension progressive à tout le pays. Les inconvénients identiques aux précédents n’affectaient, au début, qu’une partie du territoire.

3° La mise en pratique du régime pour toute la colonie à la fois, en n’opérant que progressivement pour chaque réforme, et en réservant son application intégrale pour une époque ultérieure et peu éloignée. Ces délais eussent permis l’adaptation des rouages à leurs conditions nouvelles de fonctionnement. Il est bien certain, par exemple, que l’introduction totale et brutale du numéraire, que la suppression générale de la perception de l’impôt en vivres risquent d’entraîner des conséquences désastreuses, même dans l’avenir. Rien ne s’opposait, d’autre part, à ce que l’on accordât aux noirs la libre disposition des produits de leurs forêts, même dans le but de s’acquitter de leurs impositions. Il eut fallu admettre les paiements en nature, subsidiairement à l’argent, et laisser au noir le choix du mode de paiement, à la condition que les produits apportés fussent utilisables, et, aussi, à la condition que le gouvernement fit des efforts réels et sincères pour la systématisation de l’emploi de la monnaie par les indigènes.

On a adopté le second de ces modes et l’on a réservé pour l’exploitation telle que la concevait l’État Indépendant, tous les territoires, ou à peu près, dont l’exploitation était restée, jusque dans ces derniers temps, rémunératrice pour le trésor. C’est ainsi que le budget a pu être bouclé. L’expérience faite, dans ces conditions, risque beaucoup d’être défavorable à l’extension du système adopté. Elle entraînera forcément des frictions, et il est à craindre que l’on ne tente de les exploiter en vue d’un retour en arrière, ou, tout au moins, du maintien du statu quo.

De quoi il résulte que, si rien n’est plus facile que de créer un mauvais système, rien n’est plus difficile que de le réformer. La Belgique aura maintes fois encore l’occasion de s’en apercevoir.

Sur un point, toutefois, nous ne pouvons partager les craintes de notre correspondant.

Le statu quo ne sera pas maintenu, parce que son maintien est moralement impossible et que, bon gré mal gré, spontanément ou contraint par l’opinion, le gouvernement belge devra renoncer à faire de la politique coloniale au rabais et poursuivre, coûte que coûte, l’œuvre commencée des réformes.

Dès à présent, d’ailleurs, il est certain que, lors de la discussion du budget des colonies pour 1911, les partisans de l’abolition radicale du système Léopoldien reviendront à la charge, demanderont que les décrets de 1910 soient complétés par des mesures plus décisives, et insisteront auprès du gouvernement pour que, le plus tôt possible, la question des sociétés concessionnaires soit réglée, au mieux des intérêts de la colonie et des populations indigènes.

Au surplus, cette question, qui paraissait à l’origine si épineuse et si grosse de conséquences financières, ne demande, pour être résolue d’une manière satisfaisante, qu’une attitude énergique de la part de l’État.

Si l’on regarde la carte des réformes annexée au budget de 1910, on constate que les « blancs », qui désignent les territoires concédés et font comme des taches de pelade dans les zones de liberté commerciale, sont au nombre de sept et se rapportent aux sociétés suivantes : la Société du Lomami (propriétaire) ; les sociétés exploitant le bloc de la Busira (propriétaires) ; la Compagnie des Grands Lacs, l’American Congo Company, le Comptoir commercial Congolais (C. C. C), l’Anversoise et l’Abir.

Toutes ces concessions ont été faites sous réserve des droits des indigènes. Elles n’ont porté et ne pouvaient porter que sur les terres vacantes. Il suffirait donc que l’État définisse les droits des indigènes comme ils doivent être définis, et qu’au lieu de présumer la vacance des terres il présume leur occupation par les communautés indigènes, pour que l’objet des concessions perde, ou à peu près, toute réalité.

Mais, en ce qui concerne la Compagnie des Grands Lacs et les sociétés qui n’ont que le droit de récolter les produits végétaux, il n’est même pas besoin de rompre avec l’ancienne conception domaniale de l’État Indépendant pour que le gouvernement soit, à leur égard, le maître de la situation.

En effet, la convention du 4 janvier 1902, entre l’État Indépendant et la Compagnie des Grands Lacs, accorde à la Compagnie pour quatre-vingt-dix-neuf ans, 4 millions d’hectares, plus, en cas d’augmentation du capital, 4 autres millions ; mais ces terres doivent être exploitées par l’État, pour compte commun, les bénéfices à provenir de cette exploitation étant partagés entre l’État et la compagnie.

Cette convention a été évidemment faite dans la pensée que l’État exploiterait le domaine des Grands Lacs au moyen du travail forcé, de l’impôt en travail. Mais, du jour, où l’impôt en travail sera supprimé dans toute l’étendue de la colonie, l’exploitation par l’État, que celui-ci sera maître d’organiser d’une manière plus ou moins intensive, ne produira vraisemblablement plus grand’chose. De nouveaux arrangements s’imposeront, et le gouvernement pourra en dicter les termes, puisqu’il pourra toujours dire à la compagnie : « Vous n’avez rien à réclamer, aussi longtemps que j’exécute, avec les moyens que met à ma disposition le régime nouveau, la convention de 1902. »

Quant au C. C. C. ou à l’Américan Congo Company, les territoires qui leur sont concédés ont une configuration telle, que si la liberté commerciale est effectivement établie dans les régions adjacentes, leur privilège perdra vraisemblablement presque toute sa valeur : elles ne pourront, en effet, empêcher les indigènes de vendre les produits de leurs récoltes aux colporteurs et aux factoreries du dehors qu’en leur offrant les prix fixés par la concurrence. Dès à présent, d’ailleurs, une notable partie du caoutchouc récolté dans ces concessions est vendu à des colporteurs du Stanley Pool ou à des Portugais.

Restent l’Abir et la Société Anversoise, qui se trouvent dans une situation spéciale, étant donné qu’à la suite des révélations de la Commission d’enquête, elles ont subi une déchéance partielle. Par conventions datées du 12 septembre 1906, elles ont dû faire l’abandon des avantages de leur concession, tandis que l’État s’engageait, de son côté, « à leur céder, au prix de 4 fr. 50 le kilogramme, tout le caoutchouc qu’il retirera des forêts qui faisaient l’objet de la concession »[10].

Mais on sait que, depuis 1909, l’État ne perçoit plus l’impôt du caoutchouc dans les territoires de l’Abir et de l’Anversoise. Il se borne à céder aux deux Sociétés le caoutchouc que les indigènes lui fournissent volontairement.

Dans ces conditions, les dirigeants de l’Abir font, actuellement, de pressantes démarches pour obtenir un autre arrangement. Ils proposent à l’État d’abandonner ses mille parts ; par contre, ils renonceraient à la moitie de leur ancienne concession (la Maringa) et reprendraient jusqu’en 1952 l’exploitation de l’autre moitié (le Lopori).

Si ces propositions étaient accueillies, un arrangement analogue interviendrait avec la Société Anversoise.

Il va sans dire que nous protestons, par avance, contre cette convention nouvelle, qui ne pourrait d’ailleurs être faite sans l’intervention du Parlement.

L’Abir et la S. A., en effet, ont abandonné « les avantages de leur concession ». Elles n’ont plus d’autres droits que ceux qui dérivent des conventions du 12 septembre 1906. Or, ces conventions obligent l’État à leur remettre tout le caoutchouc qu’il retirera des forêts de leur ancienne concession, sauf à prendre la moitié des bénéfices, mais elles ne disent point que, pour retirer ce caoutchouc, il recourra au travail forcé. Dès l’instant où, comme c’est le cas à présent, il remet aux deux sociétés le caoutchouc que les indigènes fournissent librement, ses obligations sont remplies.

On objecte que, dans ces conditions, les fournitures de caoutchouc sont peu importantes et que, pour ce qui concerne la récolte des produits végétaux, les territoires de l’Abir et de la S. A. sont, à peu de chose près, en jachère. Il faut s’en féliciter. Ce repos, ou plutôt cette faculté de se livrer à d’autres travaux sont indispensables aux populations, après les années terribles quelles viennent de passer ; et les sociétés ci-devant concessionnaires doivent s’en prendre à elles-mêmes si les indigènes, démoralisés par la contrainte, refusent, pour la plupart, de faire du caoutchouc sans y être forcés.

Quant à l’abandon des parts de l’État et à la restitution partielle de leur ancien privilège, que l’Abir et la S. A. demandent à titre de compensation, ou pourra leur répondre, si le Parlement discute jamais cette question, ce que Hill disait à la Chambre des Communes, en 1833, aux planteurs de la Jamaïque :

« Je veux exprimer mes félicitations à l’assemblée de ce que l’esclave ne vient pas ajouter sa part à nos difficultés, en demandant, lui aussi, des compensations. J’avoue ne pas savoir comment nous nous en tirerions si, invoquant la justice, il nous disait : « J’ai été maintenu en esclavage (par l’État) pendant les meilleures années de ma vie ; j’ai été condamné à travailler, non pour moi-même ou pour mes enfants, mais pour un dur patron. Celui-ci se présente, maintenant, devant vous, avec le bénéfice de mon labeur en poche et demande une compensation. Si vous avez vraiment de l’argent à donner, payez-moi, d’abord, la compensation à laquelle j’ai droit[11]. »

Mais les indigènes de l’Abir ou de la Mongala ne manifestent point de telles exigences. Ils s’estimeront heureux si, désormais, on les laisse à peu près tranquilles, et nous croyons avoir montré que le gouvernement peut leur assurer ce bienfait, en opposant, purement et simplement, à ceux qui lui proposent d’autres combinaisons, le texte même des conventions de 1906.

D’une manière générale, d’ailleurs, il suffira, ou plus exactement, il suffirait d’appliquer à la lettre — comme à Shylock — les conventions faites par l’État Indépendant avec les sociétés concessionnaires, pour que celles-ci ne tardent pas à être réduites à composition et à demander, elles-mêmes, d’échanger leur privilège, devenu illusoire, contre des terres d’étendue relativement faible où elles pourraient entreprendre des plantations.

Leur concession, en effet, avait une valeur réelle, aussi longtemps que subsistait l’impôt en travail et que, sur le reste du territoire, les indigènes n’avaient pas le droit de disposer des produits du sol.

Cette valeur a déjà décru, depuis qu’elles n’ont plus le droit de recourir à la contrainte. Elle décroîtra encore, lorsque leurs territoires ne formeront plus que des îlots dans la mer de la liberté commerciale. Elle serait réduite à néant, le jour où des réformes plus profondes détruiraient ce qui reste encore du régime Léopoldien, dont elles ne sont qu’un corollaire.

Nous nous proposons, dans les chapitres qui vont suivre, de justifier ces réformes, notamment en ce qui concerne le régime foncier, l’organisation du travail et l’autonomie des communautés indigènes.

    Mais — ajoutait-il — cette joie n’est pas sans mélange, et j’éprouve quelque amertume à l’idée que tant d’autres qui ont été à la peine n’auront pas comme moi cet honneur. Et c’est pourquoi, au seuil de ce débat, je tiens à rendre hommage au R. P. Vermeersch, ce prêtre admirable qui revendiqua les droits des indigènes avec tant de courage et de dignité, à Camille Janssens, cet ancien Gouverneur général qui brisa sa carrière plutôt que de signer un des décrets que nous allons abroger aujourd’hui, à A.-J. Wauters et Touchard, qui défendirent la liberté du commerce avec talent et ténacité, à Félicien Cattier, dont le livre vengeur et mémorable fut comme le premier coup de pioche qui ébranla l’œuvre déplorable que nous démolissons aujourd’hui *

  1. Bulletin officiel du Congo belge, 25 mars 1910, pp. 315 et suiv.
  2. Ibid., pp. 344 et suiv.
  3. a et b Conseil colonial. Compte rendu analytique, 1910, p. 325.
  4. Conseil colonial. Compte rendu analytique, 1910, p. 288.
  5. Bulletin officiel du Congo belge, 1910, p. 472.
  6. Texte du décret dans le Bulletin officiel du Congo belge, 1910, Pp. 483 et suiv.
  7. Journal officiel du Congo français, 1er septembre 1909, p. 330.
  8. Voir texte du décret dans le Bulletin officiel du Congo belge, 1910, pp. 457 et suiv.
  9. Compte rendu analytique du Conseil colonial, 1910, p. 518.
  10. On trouvera le texte de ces conventions, ainsi que toutes celles dont il est parlé dans ce chapitre, aux annexes A. B. C. du Traité de cession de l’État Indépendant du Congo à la Belgique. Chambre des Représentants. Documents parlementaires, 1907-1908, pp. 383 et suiv.
  11. Cité par Félix de Vera. lEssai sur les principes de colonisation. Bruxelles, 1908.