La Beauceronne - La Fleur du tombeauImpr. de Beaulé et Maignand.

La Beauceronne

Oh ! quand luira ce jour, terre du ciel bénie,
Ô ma Beauce ! où j’irai vivre de ton air pur ?…
J’aime les bleus lointains de ta campagne unie
Qui bordent l’horizon d’un éternel azur !
          Toi qui vas sur la France
          Épanchant, tous les jours,
          Ta corne d’abondance,
          Qui se remplit toujours ;

          Oui, je t’aime, ô patrie !
     Champs dorés où Dieu mit mon berceau !
          Terre absente et chérie,
          Loin de toi, rien n’est beau !


J’aime l’immensité de tes fertiles plaines
Que mesure l’oiseau libre dans son essor,
Quand les brises d’été, sous leurs chaudes haleines,
De tes blés mûrissants agitent les flots d’or :
          Mer d’épis où surnage,
          Ombre unique au tableau,
          Un clocher de village,
          Comme un mât de vaisseau.

          Oui, je t’aime, etc.


J’aime tes verts guérets semés de boutons jaunes ;
Les bluets des sentiers où, joyeux, si souvent
Pour mon front enfantin je tressai des couronnes,
Diadèmes de fleurs dispersés par le vent !
          Que de fois, à cet âge,
          Couché dans les moissons,
          L’alouette sauvage
          Me berça de chansons !

          Oui, je t’aime, etc.

J’aime tes toits de chaume et leur mousse fleurie,
Où toujours, au printemps, l’hirondelle a son nid ;
L’étable hospitalière, agreste hôtellerie,
Où le pauvre qui passe, en hiver, trouve un lit ;
          Et le soir, près de l’âtre,
          Le cercle frissonnant,
          Quand parfois le vieux pâtre
          Évoque un revenant…
          Oui, je t’aime, etc.

J’aime tes laboureurs, inclinant leur front mâle
Pour ravir aux sillons le pain du lendemain ;
Et les enfants du bourg, tout brunis par le hâle,
Essayant leurs pieds nus aux cailloux du chemin ;
          Et puis nos Beauceronnes,
          Quand le jour est couché,
          Rustiques amazones,
          Retournant du marché.
          Oui, je t’aime, etc.

J’aime chez tes enfants cette ardeur héroïque
Qui, du champ paternel, les entraîne aux combats ;
Tel Marceau, qui, s’armant, au cri de : République !
Force l’étranger même à pleurer son trépas !
          Noble fils d’une terre
          Où dorment ces Gaulois
          Morts, l’âme libre et fière,
          Lorsque mouraient leurs lois !
          Oui, je t’aime, etc.

Oui, tes champs nourriciers pour moi sont tout un monde,
Ô ma Beauce adorée, ô mon riche pays !
Pauvre plante arrachée au sol qui la féconde,
Sous un ciel étranger, loin de toi je languis ;
          Mais j’attends, et j’espère
          Un jour, un jour enfin !
          Te revoir, ô ma mère !
          Et mourir sur ton sein…
          Car je t’aime, ô patrie !
     Champs dorés où Dieu mit mon berceau !
          Terre absente et chérie,
          Loin de toi rien n’est beau !

Noël parfait.