La Bataille de Bouvines

Journal des débats des 13 et 16 décembre 1888 (p. 5-61).


LA BATAILLE DE BOUVINES


Je ne songeais guère à la bataille de Bouvines, quand M. le général de Galliffet m’informa qu’un comité, présidé par lui, a entrepris de célébrer cette journée, en conviant les artistes à la représenter dans ses plus beaux épisodes, et le public à contribuer aux frais du culte de ce souvenir national.

Le général me nomma les membres du comité, qui sont des écrivains, des artistes illustres et des hommes politiques de plusieurs nuances[1], puis il me demanda de « faire quelque chose sur la bataille ». Je lui répondis (et c’est la pure vérité, car j’ai failli être soldat et je regrette de ne pas l’être) que j’étais trop heureux de servir un moment sous ses ordres.

J’ai donc relu les vieux auteurs contemporains et témoins de l’action de Bouvines. J’ai lu avec grande attention et très vif intérêt la restitution de la bataille dans le savant livre de M. Henri Delpech sur la Tactique au treizième siècle[2]. Et, pour obéir au général de Galliffet, j’ai fait quelque chose sur Bouvines.


I.


Bouvines, c’est bien loin de nous !

La France naissait à peine ; car elle n’est pas si vieille que nous le croyons. Notre histoire ne date pas des Mérovingiens misérables, qui se partageaient le territoire comme un butin et n’ont pu qu’entrevoir l’idée d’une Francia ; ni des grands Carolingiens, pour qui la France n’était qu’une province de cette chrétienté, dont ils étaient les chefs temporels.

Les Capétiens sont notre première race royale française. Ils nous avaient donné, avant le vainqueur de Bouvines, six rois, de tout petits rois, bien qu’ils fussent des ambitieux et des hommes d’action ; mais leur titre de reges Francorum et leur dignité d’oints du Seigneur ne leur donnaient ni l’argent, ni la force, ces instrumens éternellement nécessaires de l’action politique. Ils n’avaient en propre que quelques comtés dans la région de la moyenne Seine et de la moyenne Loire. Autour d’eux, au Nord, à l’Ouest, au Sud, à l’Est, leurs vassaux faisaient barrière, et des vassaux étaient souvent des ennemis.

Le septième roi, Philippe, avait rompu la barrière du côté de l’Ouest. Là, de la Somme aux Pyrénées, régnait le plus puissant des vassaux du roi de France, roi lui-même. Par jugement et par force, Philippe avait pris à ce vassal roi, Jean d’Angleterre, la Normandie, le Poitou, le Maine, la Touraine et l’Anjou, triplant ainsi son domaine, ou, comme on disait, les terres d’obéissance le roy.

La Normandie était la plus belle province de la chrétienté. Elle avait Rouen, la ville forte, défendue par son fleuve, par un double rempart et un triple fossé, et Caen « si riche en églises, en maisons et en hommes, qu’elle se reconnaissait à peine inférieure à Paris ». Elle avait des villes épiscopales et des forteresses comme le Château-Gaillard, qui enroulait sur sa roche à pic des anneaux de rempart, comme un serpent dont la tête formidable était le donjon. Le Maine avait le Mans, la vaillante commune. La Touraine avait Tours, « riche en arbres et en grains, puissante par son clergé et décorée par la présence du corps très saint de l’apôtre des Gaules, Martin ». Angers, la capitale de l’Anjou, était célèbre « par ses champs chargés de vignes, qui fournissent à boire aux Normands et aux Bretons, et font que les seigneurs de cette terre ne manquent jamais d’argent ». Poitiers était une des capitales du Midi aquitain.

Île-de-France et Orléanais, voilà le pays natal du roi de France ; Normandie, Maine, Touraine, Anjou, Poitou, sont les premières conquêtes, au sortir du berceau. Ces pays donnaient à Philippe, en même temps que leurs richesses et leurs hommes d’armes, ouverture sur la mer et ouverture sur le Midi.

La France naissante n’avait pas encore conscience d’elle-même, et il faut prendre garde ici d’usurper sur l’avenir. C’était le propre de la féodalité de compliquer les sentimens comme les conditions des hommes, de régler les rapports des terres et des personnes par des droits et par des devoirs immédiats et très précis, sur un fond d’idées et de notions très générales.

Les Normands savaient bien qu’ils étaient du royaume de France (ceci est l’idée générale), mais ils avaient leur duc et ils admettaient sans difficulté ni scrupule, que ce duc fût roi d’Angleterre. Ils ne haïssaient pas l’Anglais, n’ayant aucune raison de le haïr. Ils n’étaient ni des vaincus, ni des opprimés. Ils ne subissaient pas une loi étrangère. Ils étaient et demeuraient des Normands.

Le roi d’Angleterre lui-même ne se sentait pas anglais. Sa famille, qui était angevine, avait succédé par légitime héritage à la famille normande sur le trône d’outre-mer. Il était, si l’on peut dire, un Anglo-Français, avec une préférence marquée pour le pays et pour les choses de France. Il parlait notre langue, vivait surtout en France, et ce n’était pas à Londres, c’était à Rouen ou à Fontevrault, en Anjou, qu’il dormait le dernier sommeil.

Les haines entre peuples viendront quand les nations seront faites ; elles seront le signe redoutable et inhumain de l’éveil d’une conscience nationale. Ne les introduisons pas trop tôt dans l’histoire. Dépouillons nos sentimens d’aujourd’hui pour nous représenter l’état singulier et pittoresque, ce je ne sais quoi d’indécis, de vague, ce point du perpétuel devenir où était la France au début du treizième siècle. Il y avait alors un royaume de France, mais qui n’était pas toute la France, puisque des pays vraiment français, comme la Lorraine, étaient hors des frontières, en terre d’empire. Et, dans ce royaume incomplet, combien de seigneurs français connaissaient à peine leur suzerain le roi ! Les hauts barons vivaient de leur vie propre, même dans la Champagne voisine, même dans la Bourgogne, dont le duc était un Capétien, à plus forte raison dans le pays de Toulouse et de Narbonne, aux bords de la Méditerranée, au pied des Pyrénées.

Cette mer et cette montagne, c’était au bout du monde !

Lorsque Suger, ministre de Louis VI, le grand-père de Philippe-Auguste, veut prouver que son maître a « les mains longues », il écrit sur un ton d’emphase que la puissance du roi s’étend « jusqu’au fond du Berri ! » Louis VII, père de Philippe-Auguste, s’étonne que l’évêque de Mende se soit rendu auprès de lui pour reconnaître qu’il tient son évêché de la Couronne. « On n’avait jamais vu, dit-il dans l’acte dressé à cette occasion, un évêque du Gévaudan, cette terre difficile et montueuse, venir à la cour pour y faire foi et hommage. »

Des parties du royaume de France étaient plus loin de Paris que ne se trouve aujourd’hui l’Amérique ou l’Inde.

C’est pourquoi les conquêtes de Philippe-Auguste sur Jean d’Angleterre étaient si importantes. Elles mettaient sous l’obéissance le roy des terres très vastes, de nouveaux contribuables et de nouveaux vassaux. Elles armaient d’une force réelle la puissance idéale du roi. Elles allongeaient ses « longues mains ».

À peine maître du Poitou, Philippe recueille en Périgord des hommages que ses prédécesseurs n’avaient pas reçus. Ailleurs, dans le Midi, les croisés de la guerre albigeoise, ces furieux exaltés par toute sorte de passions, achevaient une œuvre sanglante dont la royauté recueillera les profits, après s’être lavé les mains du sang versé par autrui.

Au Nord et à l’Est, comme aux deux autres points cardinaux, Philippe gagne, gagne toujours. Il a conquis, avec l’Amiénois et le Vermandois, les vallées de l’Oise et de la Somme, sur le comte de Flandre, ce très haut et très riche seigneur, qui, relevant à la fois de la France et de l’empire, cherche dans l’empire un appui contre la France. Dans la région belge et lorraine, le roi a des intelligences. Un grand rêve vague hante son esprit. Peut-être veut-il pousser la frontière du royaume jusqu’aux vieilles limites de la Gaule. Peut-être veut-il davantage. Les poètes et les savans de sa cour parlent d’une restauration de l’empire de Charlemagne au profit du fils de Philippe, qui descend par les femmes du grand empereur des Francs.

Ces Français du treizième siècle veulent déjà que leur France soit glorieuse. Ils n’admettent pas qu’aucune puissance sur terre soit supérieure à celle de leur roi. Ils se révoltent à l’idée que l’empereur allemand qualifie la France de province de l’empire, et son roi, de roitelet, regulus.

Cette haute idée de la France, ces ambitions en même temps que les résultats acquis de la politique de Philippe-Auguste, c’est tout cela qui était en question, le jour de la bataille de Bouvines.


II.


Quels étaient les ennemis de la France ?

L’Anglais, d’abord ; puis le Flamand ; puis l’empereur d’Allemagne.

Jean d’Angleterre n’a pas combattu à Bouvines. Parti de la Rochelle en février 1214, pour se diriger vers le Nord où se rassemblaient ses alliés, il avait eu sa défaite à lui, qui s’était terminée en désastre. Mais il était représenté à l’armée du Nord par Salisbury.

Le plus puissant des coalisés était Ferrand de Flandre ; le plus haut en dignité, Otton, l’empereur d’Allemagne.

Otton n’était pas assuré sur son trône. La querelle de l’empire et du sacerdoce durait toujours. Excommunié par le pape, qui lui avait suscité un rival, en guerre avec son clergé, délaissé par un grand nombre de ses vassaux, Otton ne régnait plus guère que sur son patrimoine de Brunswick, et n’avait de serviteurs que dans l’Ouest, aux confins disputés d’Allemagne et de France.

Comme Philippe-Auguste était alors l’allié du Pape et qu’il soutenait le rival d’Otton, celui-ci combattait pour sa couronne. Cette guerre est donc un épisode de la lutte des deux pouvoirs spirituel et temporel. Au moyen âge, les incidens de la vie politique se compliquaient ainsi du conflit des grandes idées solennelles et mystiques si chères à nos aïeux : César et saint Pierre allaient se rencontrer à Bouvines. Mais, à Bouvines, il y a aussi du moderne.

Ceci, d’abord, que la coalition contre la France a été faite et payée par le roi d’Angleterre : déjà l’or de la perfide Albion ! Ceci, que l’Angleterre et les Pays-Bas sont unis étroitement contre nous. Ceci, que les hommes de la zone entre France et Allemagne hésitent entre l’une et l’autre ; que les livres tournois de Philippe-Auguste sont bien accueillies en terre d’empire, comme le seront plus tard les écus de Louis XIV. Ceci, que le Luxembourg est demeuré neutre ; que le Brabant a beaucoup hésité (le Brabant, capitale Bruxelles) entre l’empereur Otton et Philippe de France, et qu’il a été obligé, en fin de compte, de combattre avec Otton. Ceci enfin, que les coalisés préparaient un partage de la France et qu’Otton, distribuant les territoires, promettait Paris à Ferrand de Flandre.

La pauvre France paraissait à peine qu’on la voulait annexer à la Belgique. Il n’y a rien de nouveau sous le soleil.

L’ennemi pouvait bien, d’ailleurs, compter sur la victoire. Otton, venu cum paucis militibus (une cinquantaine de chevaliers allemands), n’avait sous ses ordres immédiats que quelques milliers d’hommes, cavaliers et fantassins de Lorraine, de Limbourg, de Namur et de Brabant ; mais Salisbury commandait à une trentaine de mille hommes, et, sans parler de ses cavaliers de fiefs et de communes, la Flandre « avait versé par les larges portes de ses cités » de Gand, d’Ypres, de Bruges, d’Oudenarde, de Courtrai, etc., une fourmilière énorme de 40,000 fantassins.

Au roi Philippe, la noblesse et les communes du domaine royal, les vassaux de France et leurs communes avaient donné environ 25,000 hommes. Il allait combattre un contre trois.


III.


Philippe n’alla pas chercher à Valenciennes l’ennemi, qui s’y trouvait couvert par des forêts marécageuses. C’est par l’infanterie surtout que les coalisés l’emportaient sur lui, et il savait combien était redoutable la milice flamande, quand elle était bien retranchée. Il avait mis tout son espoir en sa chevalerie et en sa cavalerie. « Que les Teutons combattent à pied, dit un des poètes qui ont chanté la bataille ; toi, Français, combats toujours à cheval. »

Semper equesTu, Gallice, pugna,
Semper eques

Le roi voulait donc se battre « en plaine, à plat, à découvert ».

Au lieu de marcher au Sud-Ouest, dans la direction de Valenciennes, il fit une pointe au Nord-Ouest, jusqu’à Tournai, comme s’il voulait passer l’Escaut et prendre les Impériaux à revers. Otton s’ébranle dans la direction de Tournai. Philippe, aussitôt, bat en retraite vers Péronne, sachant bien ce qu’il faisait, voulant attirer l’ennemi sur un champ favorable. L’ennemi le suit.

Le 27 juillet, l’avant-garde française, composée surtout de milices que précédait l’oriflamme, avait franchi le pont de Bouvines, sur la Marque. Il était midi. La journée était belle et le soleil flamboyait. Le roi se délassait et mangeait au pied d’un frêne, tout près d’une église dédiée à saint Pierre, quand des messagers accoururent, annonçant à grandes clameurs que l’ennemi était là, et qu’il avait engagé l’action contre l’arrière-garde qui pliait.

Philippe se lève, embrasse à grands bras les chevaliers de sa maison, Montmorency et Guillaume des Barres, et Michel de Harnes, et Meauvoisin, et Gérard la Truie, celui-ci venu de Lorraine tout exprès pour combattre les Allemands[3]. Puis, le roi entre dans l’église. Il n’est pas vrai qu’il déposa sa couronne sur l’autel pour l’offrir au plus vaillant, car le roi de France était, par profession, le plus vaillant, et sa couronne ne lui appartenait pas. Dieu l’avait commise à Hugues de France et à la race qui sortirait des reins de ce prince jusqu’à la consommation des siècles.

Aussi bien n’était-ce pas le moment de discourir. Le roi pria brièvement. Je voudrais bien qu’il eût dit la prière que lui prête un chantre français de la bataille, car elle est bien jolie : « Seigneur, je ne suis qu’un homme, mais je suis roi de France ! Vous devez me garder, sans manque. Gardez-moi et vous ferez bien. Car par moi vous ne perdrez rien. Or donc, chevauchez, je vous suivrai, et partout après vous j’irai… »

Il sort de l’église, « rayonnant de joie, comme si on l’eût invité à une noce ». Il monte à cheval, et, « haut sur son haut destrier », se précipite dans l’avant-garde ennemie, qu’il arrête par son choc. Après quoi, il retourne vers les siens, qui se mettent en bataille.

Les deux armées s’allongent l’une en face de l’autre. On n’entend pas un mot :

L’un ost, ne l’autre mot ne sonne…

Philippe adresse aux siens un petit sermon. Il leur dit que toute sa foi est en Dieu, qu’Otton, excommunié par le seigneur pape, ne peut manquer d’être vaincu : « Nous, nous sommes chrétiens, nous jouissons de la communion et de la paix de Sainte Église… Dieu, malgré nos péchés, nous accordera la victoire sur ses ennemis et sur les nôtres. » Les chevaliers lui demandent sa bénédiction. Le roi, élevant la main, les bénit. Les trompes sonnent « à grans alaines et alonges ». Le chapelain placé derrière Philippe entonne avec son clerc le psaume : « Béni soit le Seigneur, qui est ma force et qui instruit mes mains au combat » ; puis le : « Seigneur, le roi se réjouira en votre force. » Jusqu’à la fin, « ils chantèrent comme ils purent, car les larmes s’échappaient de leurs yeux et les sanglots se mêlaient à leurs chants ».

Ainsi parle le propre chapelain de Philippe, Guillaume le Breton, qui nous a conté la bataille en prose et en vers. Mais quelles scènes à tenter les artistes de la commémoration de Bouvines ! Quel geste que celui de la bénédiction par un roi qui est à la fois prêtre et chevalier, Moïse et Aaron !


IV.


La bataille dura de midi jusqu’au soleil couché. Elle fut très belle.

Les fronts adverses s’étendaient tout voisins l’un de l’autre, l’aile gauche française et l’aile droite ennemie vers la Marque, la première gardant le pont de Bouvines.

À notre aile gauche étaient Dreux et son frère Philippe, évêque de Beauvais ; puis Nivelle et Saint-Waléry. À l’aile droite impériale, Boulogne et Boves, deux vassaux traîtres au roi de France, Audenarde et Salisbury. À notre droite, Champagne, Montmorency, Bourgogne, Saint-Pol, Beaumont, Melun et Guérin l’évêque de Senlis ; en face, Flandre. Aux deux centres, Philippe et Otton.

Sur tous les points, excepté à notre aile droite et à l’aile gauche ennemie, où il n’y avait que de la cavalerie, l’infanterie était rangée devant les chevaux, en masse trois fois plus profonde chez les Impériaux que chez les Français.

Près de Philippe, Montigny, un chevalier pauvre mais vaillant (c’est la vaillance et la force corporelle qui importaient), levait la bannière rouge fleurdelisée. ; près d’Otton, sur un char doré, se dressait un pal, autour duquel s’entortillait un dragon, ouvrant une large gueule et dont la queue et les ailes se gonflaient et s’agitaient au moindre souffle ; au-dessus du monstre, planait l’aigle de l’empire, aux ailes d’or.

Otton apercevait la bannière rouge, et Philippe l’aigle d’or. Aucun obstacle entre les deux armées ; on allait se heurter poitrine contre poitrine, sous le grand soleil. Philippe avait le champ de bataille qu’il avait choisi ; c’était, comme dit le chapelain, un bel endroit pour se tuer : dignus cæde locus.

Ce ne fut pas le roi qui commanda la journée ; ce fut, comme nous dirions aujourd’hui, son chef d’état-major général, Guérin de Montaigu, un religieux, frère profès de l’Ordre du Temple, évêque de Senlis, une des meilleures têtes de France et le principal conseiller du roi. Guérin ne tira point l’épée, puisque l’Église défend de verser le sang ; mais il plaça les troupes, exhorta les chefs et les soldats, leur parlant de Dieu et du roi, de leur foi et de leur vaillance, et de l’honneur de la nation.

Guérin était un vrai général, qui trouva un bon plan sur le terrain même : l’aile gauche et le centre devaient tenir ferme, pendant que l’aile droite attaquerait Ferrand, et, après l’avoir défait, se précipiterait sur le centre ennemi.

Otton, au contraire, cédant à la colère « qui conseille mal sur le champ de bataille », voulait jeter sur le centre français les plus grandes forces possibles, empruntées à toute sa ligne et s’y porter lui-même, pour saisir le roi mort ou vif, car cet empereur d’Allemagne disait : « Si le roi de France n’existait pas, nous n’aurions pas à redouter sur terre aucun ennemi. »

Il allait être vaincu, parce que notre armée était mieux commandée que la sienne et plus mobile. Elle était formée par sections qui se déplaçaient aisément et combinaient rapidement les troupes à pied et les troupes à cheval. Notre cavalerie échelonnée combattit à tour de rôle, au lieu que celle de l’ennemi fut engagée en masse toute la journée. Si peu nombreux que nous fussions, nous avions des troupes de soutien. Les nôtres enfin étaient plus adroits dans l’escrime à cheval. Ils avaient le coup d’œil plus prompt et la résolution plus claire. Pour la bravoure, les adversaires se valaient.


V.


Sur le fond de la grande mêlée se détachent les épisodes héroïques.

À notre droite, Champagne arrête Flandre par une charge furieuse, au moment où celui-ci, pour obéir à l’ordre d’Otton, se porte contre le centre français. L’aile gauche ennemie, affaiblie par le départ de Ferrand, est assaillie par Bougogne, Saint-Pol, Montmorency, Beaumont et Melun. Ici, Saint-Pol est le héros de la journée. Il traverse la chevalerie flamande, à fond de train, sans s’engager ; arrivé derrière les lignes, il forme en demi-cercle ses cavaliers, et charge à revers sur un autre point, enveloppant dans cette courbe les ennemis qu’il culbute. Puis il se repose et recommence. Après une de ces charges, il aperçoit un de ses chevaliers retenu dans les rangs des Flamands. Il se penche sur son cheval dont il embrasse le cou à deux bras, presse la bête à grands coups d’éperon, rompt le cercle qui entoure son homme, se redresse, tire l’épée, frappe, dégage le chevalier et rejoint son poste de repos, accablé de coups, mais invulnérable sous son armure.

Cependant, au centre, le roi de France est en grand péril. L’énorme masse des piétons flamands pénètre en coin à travers les milices françaises, et s’approche de Philippe, que l’empereur s’apprête à charger. Alors, pendant que le roi, avec une partie des siens, tient tête aux communiers, Guillaume des Barres et d’autres chevaliers, traversant ou tournant l’infanterie flamande, vont se placer derrière elle, face à Otton qui la suit. Étrange mêlée ! Philippe avait devant lui les fantassins flamands, au delà Guillaume des Barres, qui lui tournait le dos et chargeait Otton.

Le roi de France bouscule la piétaille pour rejoindre ses chevaliers, mais cette foule l’arrête. Avec ses lances, pointues comme une alène ou armées d’un crochet saillant, elle fait le siège de Philippe, ― car un chevalier était une fortification qui marchait et combattait.

Le roi tenait bon, solide en selle, n’inclinant ni à droite ni à gauche, frappant, tuant, avançant toujours. Mais le crochet d’une pique a pénétré sous le menton et s’est pris dans les mailles de la cotte. Philippe, pour l’arracher, tire, se penche en avant ; une poussée le fait tomber sous son cheval. Les piques et toutes les armes s’abaissent sur lui. « Ainsi, dit le bon chapelain, qui sans doute ne chantait plus, le roi étendu sur une place indigne de lui, n’y put même jouir du repos qu’on trouve à être couché. »

Heureusement les mailles de l’armure sont solides, et les pointes flamandes ne trouvent pas le chemin de la vie du roi. Les chevaliers qui entourent Philippe font un effort suprême ; Montigny agite la bannière. Tous appellent à la rescousse Guillaume des Barres par le cri : « Aux Barres ! aux Barres ! » Quand Guillaume des Barres « oï tex paroles », il laissa une partie de ses chevaliers devant Otton, se jeta sur les Flamands, qu’il prit à revers, et arriva auprès du roi. Philippe s’était relevé « par la force qui lui était naturelle » ; il se remit en selle. Dès lors ce fut un immense massacre de cette infanterie débandée. Jusqu’au soir, Philippe et ses chevaliers tuèrent et tuèrent ces vilains, qui avaient osé s’attaquer à la personne sacrée du roi de France.

Déjà Guillaume des Barres a rejoint son poste devant Otton. Il s’acharne contre lui avec Pierre Mauvoisin et Gérard la Truie. Pierre a saisi la bride du cheval impérial. Gérard frappe Otton en pleine poitrine d’un coup qui s’émousse sur l’armure ; il redouble, mais le cheval, qui fait un mouvement de tête, reçoit la pointe dans l’œil, se lève sur les pieds de derrière, dégage sa bride, tourne et s’emporte. Guillaume le suit à fond de train. Le cheval d’Otton s’abat, tué par sa blessure ; un des hommes de l’empereur lui donne le sien, mais Guillaume a rejoint. Déjà il avait saisi l’empereur par derrière, enfonçant ses doigts vigoureux entre le casque et le cou, quand un des Allemands frappe au flanc le cheval du Français, qui tombe à terre.

Ainsi fut sauvé des mains du plus redoutable jouteur de la chrétienté Otton, l’empereur excommunié, mais le péril lui avait fait perdre la tête. « Et s’en alla li empereires en Allemaigne », dit un chroniqueur. Otton continua de courir en effet, et ne s’arrêta qu’à Valenciennes. Quant à Guillaume, presque seul en arrière des lignes ennemies, entouré, harcelé, il fait front partout, jusqu’à ce qu’il soit délivré par une charge du sire de Saint-Waléry.

La fuite d’Otton n’arrêta point la lutte. Chevaliers d’Allemagne et chevaliers de France s’embrassèrent en étreintes mortelles. Jetés bas par leurs chevaux éventrés, ils s’empoignaient. C’étaient des corps à corps sans nombre, car il n’y avait plus d’espace pour des coups d’épée. Un géant, parmi les chevaliers de France, Étienne de Longchamp, « homme aux membres immenses, qui ajoutait la vigueur à son immensité et l’audace à sa force », saisissait les Allemands par le cou ou par les reins et, sans blessure, les tuait. Un de ses adversaires, près d’expirer, lui enfonça son fer dans la petite « fenêtre » du heaume. Ils tombèrent l’un sur l’autre, morts à quelques pas du roi de France qui les regardait.

Avant la fin de la journée, la plupart des Allemands étaient pris, et, au centre de la bataille, l’ennemi, sans direction, combattait sans espoir.


VI.


À notre gauche, la journée fut un moment compromise. Le comte de Dreux, qui était le plus proche du centre, fut assailli par le traître Boulogne. Celui-ci avait fait de son infanterie rangée en cercle une tour, qui s’ouvrait pour laisser passer ses charges, le recueillait au retour, et se refermait, piques baissées.

Plus loin, à notre extrême gauche, Ponthieu avait affaire à Salisbury et à son infanterie. Là se trouvaient les plus redoutables des fantassins, les Brabançons. Ponthieu s’usa contre leurs piques, qui éventrèrent ses chevaux. Salisbury le mit alors en tel désordre, qu’il eût pu s’emparer du pont de Bouvines.

C’est sans doute à ce moment que les sergens à masse, gardes du corps du roi, qui étaient chargés de la défense du pont, promirent à Notre-Dame de lui bâtir une belle église si elle daignait leur être secourable. Mais Salisbury laisse Ponthieu se défendre contre les Brabançons « avec ses pieds et avec ses mains », l’épée des chevaliers démontés ne pouvant rien contre les piques. Ponthieu sera délivré bientôt de ces communiers par ses propres communes. Quant à l’Anglais, il se tourne contre le comte de Dreux, qui est toujours aux prises avec Boulogne. Il va le prendre en flanc, mais l’évêque de Beauvais voit le péril que court le comte son frère.

Ce prélat, à sa façon, observait les lois de Sainte Église. Pas plus que Guérin de Senlis, il ne portait l’épée, qui verse le sang : il tenait une masse d’armes et son bras était assez fort pour la lever, l’abaisser, la relever et l’abaisser encore. Chaque coup tombant comme un boulet broyait un crâne ; la masse d’armes agissait comme le canon, un canon qui avait un mètre de portée. Le fort évêque cassa ainsi, selon le mot de l’Écriture, la tête de beaucoup, entre autres celle de Salisbury « qu’il envoya jeter sur la terre le dessin de son long corps ».

Après cette charge de l’évêque et de ses chevaliers, les Anglais, affolés, disparurent, et, sur notre gauche, Boulogne seul tenait encore dans sa tour vivante, d’où partaient ses sorties furieuses.

La victoire enfin se décida, là où les Français avaient pris l’offensive, à l’aile droite.

Saint-Pol et Montmorency, quand ils ont exterminé l’extrême aile gauche impériale, se joignent contre Ferrand à Champagne et à Bourgogne. Ferrand ne s’était pas reposé, pas une minute ! Criblé de coups, blessé, assailli par trois adversaires, il se rend « hors de souffle à force d’avoir combattu ». Tous les siens furent tués ou pris, hormis ceux qui honteusement s’enfuirent.

Ce fut alors, sur tout le champ de bataille, la débandade de l’ennemi.

Guillaume, le chapelain, voit se confondre dans la panique Ardennais, Saxons, Allemands, Flamands et Anglais. Au centre, demeurent 700 piétons de Brabant, ferme épave de cette infanterie qui avait pénétré jusqu’au roi Philippe, reste d’un massacre qui avait duré tout le jour. Chargés par Saint-Waléry, ils sont tués jusqu’au dernier.

Le soleil descendait vers l’Océan. Ses derniers rayons éclairèrent un spectacle superbe. De tous les ennemis de Philippe, un seul, « les flancs découverts par la déroute », continuait à se battre : c’était Boulogne. Les Français, oubliant sa trahison, admiraient le héros désespéré « dont la bravoure innée attestait la naissance française ». Le bon chapelain décrit ce personnage « fantastique », qui se détachait sur ce fond de soleil couchant : Boulogne, dont l’épée avait été brisée, tenait un frêne dans sa main. Sur son heaume se dressaient deux noirs fanons de baleine.

Le roi envoie contre lui trois mille cavaliers qui le coupent de sa retraite vers ses fantassins. Ceux-ci sont bientôt détruits. L’escorte de Boulogne, assaillie de toutes parts, se disperse. Dans le champ immense « bouillonnant de fuyards », le comte n’a plus auprès de lui que cinq fidèles. Une idée folle lui passe par la tête. Il pique vers le roi, résolu à mourir en le tuant. Mais Pierre de La Tournelle se glisse sous son cheval, qu’il frappe d’un coup de poignard. Boulogne gît sur le dos, la cuisse droite sous son cheval mort. Plusieurs se précipitent pour le prendre ; il se débat. Un valet, du nom de Cornu, lui enlève son casque, lui laboure le visage de son couteau, dont il essaye ensuite de faire passer la pointe sous les pans du haubert. Mais l’évêque de Senlis survient, et Boulogne, qui le reconnaît, se rend à lui. Ce n’est qu’une feinte : le prisonnier aperçoit un groupe de cavaliers, commandé par Audenarde, qui s’efforce de pénétrer jusqu’à lui. Pour attendre son libérateur, il fait semblant de ne pouvoir se tenir debout ; mais ses gardiens le criblent de coups, le forcent à monter sur un roussin et l’emmènent, pendant que Gérard la Truie met la main sur Audenarde.

C’était fini, et le soleil pouvait se coucher.


VII.


Sur le chemin de Paris, le retour du roi fut une longue fête. Les rues des villes étaient tendues de courtines de soie, et jonchées de fleurs, d’herbes et de branches vertes. Dans les champs, les moissonneurs, du plus loin qu’ils apercevaient le cortège, accouraient, la faulx suspendue au cou. Ils criaient Noël au roi, puis ils s’approchaient du char où Ferrand de Flandre était couché, chargé de chaînes. Ces petites gens, s’adressant à ce grand, qui avait trouvé plus fort que lui, criaient : « Ferrand, te voilà ferré ! »

Paris attendait impatiemment le vainqueur, les écoliers surtout. Philippe avait annoncé la victoire à l’Université : « Louez Dieu, mes très chers amis, lui avait-il écrit, car nous venons d’échapper au plus grave danger qui nous puisse menacer ! » Les écoliers se firent la part la plus belle dans le chant des hymnes et des cantiques, dans les cris de joie, dans les festins et les danses qui se prolongèrent pendant sept jours et sept nuits, car la nuit, éclairée par des flambeaux, brillait comme le jour.

Comme je voudrais pouvoir bien me représenter l’état d’esprit de ceux qui festoyaient ainsi !

J’ai connu, il y a vingt-neuf ans, une grande joie nationale, celle d’un peuple heureux d’être vainqueur et d’affranchir par sa victoire un autre peuple ; puis, il y a dix-huit ans, une grande douleur nationale. En 1859, la joie éclairait tous les visages ; dans les premiers jours de 1871, les têtes, courbées sous le même poids, regardaient le pavé des rues.

Pour que des hommes, répandus sur un vaste territoire, très différens par la condition et par l’esprit, comprennent et sentent tous, tout de suite, de la même façon, une même chose ; pour qu’une nouvelle criée dans les rues de Bordeaux et de Lille, de Rennes et de Lyon, de Toulouse et de Nancy, donne à tous les cœurs la même émotion et le même air à tous les visages, il a fallu la collaboration de la nature, du temps et de l’action des hommes, un sol qui permît l’unité, une suite de siècles, la politique de nos rois qui nous a rassemblés dans l’obéissance et dans le culte de la grandeur française, la Révolution qui a fait chacun de nous un co-propriétaire de la patrie, responsable des communes destinées.

Mais les Français du treizième siècle ? Ils ne voyaient pas l’unité du sol ; ils n’avaient ni devant les yeux ni dans l’esprit la carte de notre France. Leur regard s’arrêtait aux reliefs, effacés aujourd’hui, des frontières de fiefs, des remparts de châteaux et de villes, des privilèges de personnes et de lieux, des coutumes et des dialectes divers.

Que leur a dit la bataille de Bouvines ?

Elle a réjoui les grands et les petits, les nobles et les vilains : ceux-là, parce que l’honneur de leur chef de guerre était leur propre honneur, ceux-ci parce qu’il est beau d’avoir pour maître un victorieux, puis encore parce que le roi Philippe avait châtié des féodaux révoltés et ferré ce Ferrand.

Est-il vrai que la présence et la collaboration sur le champ de bataille d’évêques, de barons et de communiers ait rapproché les trois ordres et leur ait donné l’idée d’une nation, comme nous la comprenons aujourd’hui ou comme l’ont comprise plus tard les Français de l’ancien régime ? Je ne le crois pas. Encore une fois, n’allons pas si vite. Il n’y avait pas, au début du treizième siècle, d’ordres nettement constitués. La théorie des trois frères, le clerc qui prie, le noble qui combat, le vilain qui travaille et qui paye n’était pas faite encore. Le tiers-état n’était pas né. Chaque commune individuellement avait envoyé son contingent à Bouvines sur l’ordre du roi, si elle relevait de lui, ou bien sur l’ordre de son seigneur particulier ; car une commune était un vassal comme un autre, qui avait sa place dans la hiérarchie féodale.

Au retour de la bataille, les miliciens rentrés dans leurs villes, se sont complus sans doute au récit des exploits des gens de commune, pendant que les châteaux célébraient Saint-Pol ou Guillaume des Barres, et les palais d’évêques, Philippe de Beauvais ou Guérin de Senlis. Mais la notion d’un ordre distinct, assez claire pour les nobles, plus claire pour les évêques, était tout obscure pour les communes. Nul n’avait le sentiment, même vague, d’une démocratie française, qui eût son rôle à jouer dans la paix comme dans la guerre. La fusion des trois ordres, consommée en juin 1789, n’a pas commencé en juillet 1214.

Ce qui est vrai, c’est que tous, clercs, chevaliers et communiers, ont goûté le parfum de cette fleur d’orgueil qui éclot de la victoire. Ils se sont sentis grands et glorifiés en la personne du roi que la journée de Bouvines a fait plus grand et plus glorieux.

C’est en lui, le roi, en lui seul, qu’est l’unité de la nation naissante. C’est lui, le personnage à la fois réel et mystique, l’homme sacré par l’huile miraculeuse et le politique si avisé, le prêtre qui bénit et le soldat qui tue, c’est lui qui représentait la France à Bouvines. Il la contenait en lui tout entière. Si au lieu de mettre en fuite l’Angleterre et l’Allemagne, il avait été vaincu, qui sait de combien d’années la France eût été retardée ?

Bouvines a donné à notre pays, avec la sécurité de son berceau, belle figure dans le monde.

C’est dans les pays d’obéissance le roy que la journée a été le mieux célébrée ; mais dans tout le royaume de France, hors du royaume, à Rome où la défaite de l’empereur excommunié compta comme une victoire de l’apôtre Pierre, en Terre-Sainte, partout où il y avait des chevaliers, et où l’on savait les belles histoires héroïques du temps de Charlemagne, cette gloire sacra la vraie France, celle dont l’histoire, sans interruption, continuera jusqu’à nous.

C’est pourquoi le souvenir de Bouvines doit demeurer national. Je me fais gloire de quêter pour l’Œuvre de la commémoration de cette journée[4]. Je me réjouis de l’occasion qui m’a été offerte de mettre cette grande action dans son jour indécis, loin de la netteté crue des faits modernes, dans la poésie de sa lumière d’aurore.


Ernest Lavisse.
  1. Voici la liste du comité : Président d’honneur, M. lemaréchal Canrobert ; président, M. le général de Galliffet. Membres : MM. Edmond Develle, sénateur ; Alfred Mézières, membre de l’Académie française, député ; de La Rochefoucauld, duc de Doudeauville, député ; Turquet, député, ancien sous-secrétaire d’État aux beaux-arts ; le duc de Broglie, membre de l’Académie française ; Cabanel, membre de l’Institut ; Daumet, membre de l’Institut ; Guillaume, membre de l’Institut ; Lucien Magne, inspecteur de la commission des monuments historiques ; le baron Alphonse de Rothschild, membre de l’Institut ; MM. Dehaut, maire de Bouvines, trésorier ; Edelin de La Praudière, homme de lettres, secrétaire.
  2. Henri Delpech, La Tactique au treizième siècle, 2 vol. avec 11 cartes ou plans. Paris, chez Alphonse Picard, 1886.
  3. Ce Gérard la Truie est, à tous égards, un des héros de la journée. Il a été un des meilleurs au conseil et un des plus braves dans l’action. Il résulte de documens qu’a bien voulu me communiquer M. le comte de Pange, que ce Gérard, dont la nationalité était mal connue, était un baron de Lorraine. M. le comte de Pange a recherché dans l’histoire du moyen âge, avec une érudition patiente, la preuve de l’existence et de la persistance de sentimens français en Lorraine. Il se propose de la donner ces jours-ci en publiant un travail qui aura pour titre : les Manifestations de patriotisme français en Lorraine antérieurement à Jeanne d’Arc.
  4. Les souscriptions sont reçues au siège du comité, 1 bis, boulevard des Italiens, de une heure à trois heures, ainsi que chez les membres du comité. Elles pourront être adressées par correspondance au siège du comité, à M. Édelin de la Praudière, secrétaire.