L’ordre, la marche, et les cérémonies qui s’observeront dans la fête nationale



L’ORDRE, LA MARCHE,

ET LES CÉRÉMONIES

QUI S’OBSERVERONT

DANS LA FÊTE NATIONALE


Qui ſera célébrée au Champ de Mars, à l’occaſion du PACTE FÉDÉRATIF, formé par toutes les Gardes Nationales & les Troupes de Ligne du Royaume le 14 Juillet 1790, jour de l’Anniverſaire de la priſe de la Bastille


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Une Fête Nationale ſe prépare ; l’anniverſaire de la journée du 14 Juillet 1789 va voir célébrer le plus majeſtueux, comme le plus impoſant ſpectacle qui, jamais, ait été donné dans l’Univers.

25 millions d’hommes, devenus libres, vont ſe réunir par leurs Repréſentans pour faire un Pacte fédératif d’union, de patriotiſme, de civiſme ; ils vont jurer, ſur l’autel de la liberté, de ſoutenir & de défendre la première Conſtitution d’un Empire que la philoſophie ait dicté aux hommes, & qui, nous oſons l’aſſurer pour l’honneur de la France & de Paris en particulier, déviendra la Conſtitution de l’Univers.

Voici les détails de cette fête, tels qu’ils ſeront exécutés.

« MM. les Députés ſont invités à ſe rendre à Paris, au plus tard pour le 12 Juillet. Dès qu’ils ſeront arrivés, ils voudront bien ſe préſenter à l’Hôtel de la Mairie, au Bureau de la Confédération, pour y faire vérifier leurs Pouvoirs ils y recevront une carte portant ces mots : Confédération Nationale. Les Députés des Diſtricts qui voudroient faire parvenir quelques obſervations, les adreſſeront à l’Hôtel de la Mairie, ſous le couvert de M. le Maire de Paris, en diſtinguant leurs lettres par ces mots placés en tête, Confédération Nationale.

» La veille de la cérémonie, MM. les Députés ſeront invités, par une proclamation, à ſe raſſembler dans le lieu qui fera déſigné. On y fera l’appel des Diſtricts, qui ſe réuniront, pour repréſenter leurs Départemens reſpectifs, d’où il réſultera quatre-vingt-trois Diviſions ; chacune de ces Diviſions ſera diſtinguée par une bannière portant le nom de ſon Département. La Commune de Paris fera préparer à cet effet quatre-vingt-trois bannières uniformes : elles ſeront portées à la cérémonie par MM. les Députés, qui les dépoſeront, à leur retour, dans le Chef-lieu de leurs Départemens, pour y ſervir de monument & de gage de la ſainte alliance contractée par tous les Français, pour y être portées dans les revues générales, & à la cérémonie du Pacte Fédératif, qui ſe renouvellera tous les ans, à la même époque, dans chaque Département.

» Cette époque demeurera fixée au 14 Juillet, jour mémorable auquel la France a reconquis ſa liberté.

MM. les Députés des Troupes de ligne auront à leur tête une oriflamme, qui restera dépoſée dans la ſalle de l’Aſſemblée Nationale.

» Tous les Citoyens du Royaume voudront ſans doute s’unir perſonnellement au pacte auguſte & ſolemnel, que la Nation va contracter.

Ce ſera le 14 Juillet, à l’heure préciſe de midi, que le ſignal de la cérémonie ſera donné à Paris. La Commune de Paris invite toutes les Municipalités du Royaume, à raſſembler le même jour & à la même heure, leurs Communes reſpectives, conjointement avec les Troupes de ligne, qui ſe trouveront dans leurs arrondiſſemens, afin que le Pacte Fédératif ſoit prononcé de concert, & au même inſtant, par tous les Habitans, & dans toutes les parties de cet Empire ».

Le premier ſoin des Députés de la Commune, de Paris a été de faire parvenir le plus promptement poſſible leur adreſſe, leurs inſtructions & ſur-tout les Décrets de l’Aſſemblée Nationale.

Ils ont fait des envois directs pour les Diſtricts & les Municipalités.

MM. les Miniſtres de la Guerre & de la Marine ont adreſſé les ordres du Roi les plus poſitiſs, pour ainſi dire, dans les 24 heures de la ſanction du Roi.

Depuis, les Députés de la Commune ſe ſont occupés de tous les acceſſoires de la fête.

D’une voix unanime, il a été voté une médaille. M. Duvivier, Graveur général des médailles de France, a offert gratuitement ſes ſoins & ſes talens. Des applaudiſſemens univerſels ont accueilli la généroſité patriotique de M. Duvivier, déjà connue par pluſieurs médailles gratuites, ſupérieurement exécutées, qui ſont en même temps la gloire de l’Artiſte, & des Héros, qu’il immortaliſe, & la conſolation des bons Citoyens, dont elles font oublier les maux paſſés.

La médaille repréſentera deux mains droites qui s’uniſſent, & embraſſent une pique ſurmontée du bonnet de la liberté, avec cette deviſe, pour la Conſtitution & la liberté : ſur le revers, Confédération Nationale, avec cette Exergue, à Paris XIV Juillet, M. D. C. C. XC.

Il ſera diſtribué une médaille en bronze à chacun de tous MM. les Députés.

À l’égard des ornemens de la fête, nous devons les publier, & nous les publions avec joie ; le patriotiſme de tous les Artiſtes eſt inexprimable. Un Arrêté fondamental des Députés de la Commune de Paris avoit décidé ſolemnellement que l’économie & la ſimplicité, les plus grandes, ſeroient la baſe de l’ordonnance entiere de la fête. Les Artiſtes les plus célèbres ont fait plier leur génie, pour ſe prêter entièrement à la rigueur de l’Arrêté. Des plans de toute eſpèce ont été mis ſous les yeux des Députés. Tous ont été diſcutés & applaudis. Les circonſtances ont heureuſement permis qu’en prenant, pour ainſi dire, une idée de chacun, on ait fait un tout, un enſemble, qui, ſans aucune diſcordance, préſentera, à ce que l’on eſpère, le plus de perfection poſſible.

C’eſt ainſi que les Députés de la Commune de Paris, après avoir rendu toute juſtice au zèle des Artiſtes, ont auſſi impérieuſement voulu que le travail fût réparti également entre les Citoyens de leurs Diſtricts, qui les ont honorés de leur confiance. Une proclamation des Députés invitera les différens Diſtricts ou Sections de Paris à faire, chacun dans leur ſein, un choix convenable & proportionné des Entrepreneurs & des Ouvriers néceſſaires pour l’exécution de la fête.

Les Députés de la Commune ont arrêté d’abord, que le Champ de Mars, qui ſe trouve placé entre les bâtimens de l’École Royale Militaire & la riviere de Seine, ſeroit préféré, comme leur paroiſſant le lieu le plus propre, à raiſon de ſon étendue, & de la ſymmétrie de ſon local, pour célébrer la fête du Peuple Français, la fête de la Nation entiere.

Un Cirque de quatre cents ſoixante-cinq toiſes de long, ſur cent ſoixante-cinq toiſes de large, le Cirque de forme circulaire du côté de l’École Militaire, & quarré du côté de la riviere : trois rangs de gradins en amphithéâtre, dans tout le pourtour : le Cirque excavé pour ne pas maſquer la vue des allées qui entourent le Champ de Mars : un arc de triomphe de vingt-quatre toiſes de face, ſervant d’entrée du côté de la riviere : un amphithéâtre, avec deux parties demi-circulaires, adoſſé au grand bâtiment de l’École Militaire, dominant ſur le Cirque, deſtiné pour le Roi, l’Aſſemblée Nationale, les Ambaſſadeurs, & les Invités à la fête. Au milieu du Cirque, un autel civique de cent huit toiſes de circonférence, dont le ſtylobate, ou ſoubaſſement, contiendra le Doyen d’âge des Députés de chacun des quatre-vingt-trois Départemens, ainſi que des Troupes de ligne de terre & de mer : tous ces Députés, diſtribués en quatre-vingt-trois pelottons, ſur l’arêne du Cirque, ayant leurs drapeaux, leurs bannières, & leur oriflamme : les Citoyens qui le placeront ſur les gradins du Cirque, invités à paroître en uniforme, ſur le rang ſupérieur, & à céder le rang du milieu à des femmes habillées en blanc, & parées de rubans aux couleurs de la Nation : trente tentes, de chaque côté, derrière le Cirque, deſtinées pour un repas champêtre que les ſoixante bataillons de la Garde Nationale de Paris doivent donner, après la fête, aux Députés des quatre-vingt-trois Départemens, ainſi qu’aux Députés des Troupes de ligne : huit ponts placés à des diſtances convenables, ſur les foſſés du Champ de Mars, pour paſſer à volonté de l’extérieur dans l’intérieur : environ dix-huit mille Citoyens rempliſſant l’amphithéâtre du Roi & de l’Aſſemblée-Nationale ; deux cents ſoixante mille autres Citoyens environ, placés aiſément & ſans confuſion, tant dans l’intérieur du Cirque, que dans toutes les allées qui l’environnent. Enfin, le coteau de Chaillot formant un troiſième amphithéâtre vraiment pittoreſque.

Telle eſt l’eſquiſſe de la décoration d’une fête, dont l’objet eſt unique dans l’hiſtoire, & qui ſurpaſſera ſans doute tout ce que la Grèce, Rome & Palmyre ont jamais imaginé & exécuté, même de plus brillant.

La dépenſe ſera bien éloignée de l’éclat de la cérémonie.

À la vérité, il va être remué vingt-quatre mille toiſes cubes de terre, qui, à raiſon de quatre francs la toiſe, forment un objet de quatre-vingt-ſeize mille livres.

Mais la Ville de Paris eſt obligée de donner chaque jour de l’ouvrage à douze mille Ouvriers, que les circonſtances privent de toute eſpece de travail. Ce ſeront ces douze mille hommes, pris dans les différens Diſtricts, qui ſeront employés. Ainſi l’on peut dire, à proprement parler, que la dépenſe du remuement des terres eſt nulle.

Quant au reſte de la dépenſe, on eſpere d’après tous les détails dans leſquels on eſt entré, que le grand amphithéâtre & tous les autres acceſſoires ne paſſeront pas une ſomme de cent cinquante mille livres.

Nous obſervons que les gradins de l’amphithéâtre du cirque ne ſeront formés qu’avec de la terre battue, ſans aucune charpente, par conſéquent aucun riſque à courir.

Le Cirque ſera façonné en plan incliné, du côté de la riviere, avec quatre lignes de pente par toiſe.

On a déjà agité quelle ſeroit la marche qui précéderoit la fête.

On a propoſé de partir de la Barrière du Trône, de ſuivre la rue du fauxbourg Saint-Antoine, le Boulevard juſqu’à la Porte Saint-Denis, la rue de la Féronnerie, la rue Saint-Honoré, la rue Saint-Nicaiſe, le Carrouſel ; enſuite, après avoir reçu le Roi, la Famille Royale l’Aſſemblée Nationale, le Pont-Royal, la rue du Bacq, la rue Saint-Dominique, la grande rue du Gros-Caillou, enfin l’entrée dans le Cirque, par l’arc de triomphe, ſur le bord de la riviere.

Il eſt auſſî queſtion d’un ſecond jour de fête. Il conſiſteroit, dans une marche, des évolutions militaires, & des réjouiſſances champêtres.

Nous ne parlons, ni des ſalves d’artillerie, qui ſeront répétées, ni d’un Te Deum en muſique militaire, ni d’illuminations. Notre objet n’a été que d’indiquer les préparatifs principaux de la fête, que les circonſtances & des réflexions ultérieures ne feront que modifier.