L’instruction publique en Angleterre : lois de 1870 et de 1876




Premier article : Revue pédagogique, 1878-I, p. 146-153.



Antérieurement à 1839, l’Angleterre n’avait pas, au vrai sens du mot, un système d’éducation nationale ; l’école était abandonnée à l’initiative personnelle, qui sut réaliser des progrès auxquels tout le monde se plaît à rendre justice. Mais le régime volontaire, si puissamment secondé qu’il fût par de généreuses libéralités, était encore resté bien au-dessous des besoins, et dans cette même année 1839, fut créé le Département d’éducation, autrement dit Comité du Conseil privé d’éducation, composé de membres de la Chambre haute. Grâce à l’action de ce nouveau pouvoir, des écoles libres en grand nombre passèrent sous la protection et la surveillance de l’État, qui les aida de ses subsides et dont l’intervention fut de plus en plus recherchée, Dès lors l’instruction primaire eut son budget formé, par tiers, de souscriptions volontaires, du montant de la rétribution des élèves et de subventions allouées par l’État.

Ce nouveau régime, quelque profitable qu’il fût à l’organisation scolaire, n’eut qu’une durée de quelques années ; il dut faire place à un autre système le jour où l’on constata que, dans les diverses parties du royaume, près de deux millions d’enfants, de l’âge de cinq à treize ans, étaient encore privés de toute instruction. Le mouvement en faveur d’une réforme radicale partit de la ville de Birmingham, et, en 1869, prit naissance la National Education League (Ligue de l’Éducation nationale), qui inscrivit en tête de son programme : Enseignement laïque et gratuit. Un projet de loi, rédigé par la Ligue d’éducation, allait être soumis au Parlement : mais le Gouvernement, d’accord avec le sentiment public, tint à préparer lui-même et à proposer à la Chambre des Communes le bill qui devint peu de temps après l’Elementary Education Act de 1870 (Loi sur l’Éducation élémentaire).

Avant de faire connaître, dans ses dispositions principales, cette loi qui sert de base à l’organisation scolaire actuelle, nous dirons que l’Angleterre est partagée en districts scolaires, lesquels correspondent aux divisions parlementaires dans la métropole, aux délimitations des bourgs dans les villes autres que Londres, et aux circonscriptions paroissiales dans le reste du pays. « Il y aura, est-il énoncé en tête de la loi, dans chaque district scolaire, des écoles, ou des établissements élémentaires publics, en nombre suffisant pour pourvoir convenablement à l’instruction de tous les enfants à l’éducation desquels il n’est pas pourvu autrement ». En exécution de cette disposition, le département d’éducation a le devoir de s’assurer et de déclarer que le nombre des écoles, dans chaque district scolaire, est suffisant et qu’il est satisfait aux besoins constatés. Là où il y a insuffisance, il est formé un comité scolaire chargé de compléter les moyens d’instruction ; si le comité scolaire est en défaut, le Département d’éducation intervient directement et prescrit d’office les mesures réclamées par les circonstances.

Le Comité scolaire est élu dans les bourgs par les personnes inscrites sur la liste des bourgeois, et dans les paroisses situées hors de la métropole par les contribuables. À Londres, le Comité scolaire, ou Conseil des Écoles, est composé de tel nombre de membres que fixe le Département d’éducation, et ces membres sont élus, pour chacune des divisions de la métropole, par les mêmes personnes et de la même manière que les membres du Conseil municipal. Le Conseil des Écoles est tenu de doter les diverses ressorts ou sections des aménagements scolaires nécessaires ; l’administration des nouvelles écoles est confiée au Comité scolaire, qui peut déléguer, sous sa responsabilité, la gestion et le contrôle de l’école à une commission administrative nommée par lui et composée de trois personnes au moins. Chaque Comité scolaire forme un corps administratif jouissant de la personnification civile, ayant qualité pour acquérir et prendre telles résolutions qu’il juge nécessaires, en se conformant aux dispositions de la présente loi.

Tout enfant, fréquentant une école publique, paie chaque semaine telle rétribution qui est fixée par le Comité scolaire. Remise partielle ou totale de cette rétribution peut être faite en faveur des enfants pauvres, selon le degré d’insolvabilité des parents. Dans les districts pauvres, le Comité scolaire peut ensuite, avec l’assentiment du Département d’éducation, rendre la fréquentation de l’école tout à fait gratuite ; il a aussi le droit d’établir des écoles industrielles, sous réserve des dispositions spéciales qui les régissent. Deux ou plusieurs districts scolaires peuvent être réunis en un seul, sauf dans la métropole, lorsque le Département d’éducation juge que cette réunion est plus avantageuse, et, dans ce cas, les districts unis sont substitués, dans tous les droits et dans toutes les obligations légales, à chacun des districts dont ils se composent.

La loi n’exige d’aucun enfant, comme condition d’admission dans une école publique, qu’il suive des exercices religieux, ou qu’il reçoive un enseignement sur des sujets religieux. Cet enseignement est donné au commencement où à la fin des classes, et l’enfant, à la demande de la famille, peut être dispensé de le recevoir. Enfin, l’enfant n’est pas tenu de se rendre à l’école aux jours spécialement réservés à la pratique des devoirs religieux dans la confession à laquelle appartiennent ses parents. Sans doute, l’école reste ouverte en tout temps aux inspecteurs royaux ; mais il n’entre pas dans les attributions de ces inspecteurs de s’enquérir de l’instruction religieuse qui se donne à l’école, ni d’examiner aucun élève en cette matière sur aucun sujet ou livre de religion. Il ressort de tout ceci que l’enseignement religieux n’est pas exclu des programmes suivis dans les écoles publiques, mais que cet enseignement doit être donné dans des conditions et à des heures déterminées. Le Parlement, en rendant cette loi, a entendu avant tout assurer à tous les enfants les bienfaits de l’éducation élémentaire, telle qu’il appartient à l’État de la donner ; mais dans son vote, il a été unanime à reconnaître et à déclarer que la religion ne serait pas exclue du système d’enseignement mis en pratique dans les écoles subventionnées.

Il est pourvu aux dépenses d’entretien des écoles au moyen d’un fonds spécial nommé fonds scolaire. Ce fonds se compose de rétributions versées par les élèves, du produit d’une imposition spéciale et des subsides accordés par l’État. Lorsqu’il y a déficit dans les ressources, la somme requise pour le combler est payée par l’autorité administrative du fonds des taxes locales. Pour les districts réunis, le Département d’éducation fixe la part contributive de chacun des districts qui entretiennent en commun des écoles. La loi complémentaire de 1873 reconnaît aux Comités scolaires qualité pour accepter et gérer les fondations ou donations faites à des écoles, sous la condition que l’objet de ces libéralités ne soit pas en opposition avec les principes édictés dans la loi de 1870. Il est procédé à la liquidation et à l’examen des dépenses annuelles, du 25 mars au 29 septembre ; les comptes sont arrêtés par le Comité et signés par le président. L’audition des comptes se fait par l’auditeur des comptes des pauvres du district dans lequel les écoles sont situées, au siége du Comité, ou dans tel autre endroit que désigne le Comité législatif des pauvres. Il est loisible à tout contribuable du district scolaire d’assister à l’audition et de faire des observations sur le compte.

La loi de 1870 ne rend pas la fréquentation obligatoire ; seulement elle confère aux Comités scolaires le pouvoir de prescrire telles mesures qui leur paraissent utiles en vue de déterminer les parents à envoyer aux écoles tous les enfants entre 5 et 13 ans. Encore ces mesures pour être exécutoires doivent-elles recevoir l’approbation du Département d’éducation.

Nous avons dit, dans un précédent article, que le principe de l’obligation ne rencontrait aucune opposition de la part de tous ceux qui s’intéressent aux progrès de l’enseignement primaire, qu’il est même en faveur auprès des classes pauvres. Un Inspecteur des écoles de grande expérience et de grande autorité a émis à ce sujet des considérations qui ont leur importance. « La chose difficile, dit M. Arnold dans un de ses rapports, ne serait pas de rendre une loi déclarant l’enseignement obligatoire, mais de faire exécuter la loi après qu’elle serait rendue. En Prusse, dont on invoque à tout propos l’exemple, l’instruction est florissante non parce qu’elle est obligatoire, elle est obligatoire parce qu’elle est florissante. Là le peuple tient en haute estime la culture intellectuelle et la met au-dessus de tous les autres biens ; aussi ne fait-il pas difficulté de s’imposer le devoir de rechercher et d’acquérir l’instruction. En Angleterre on a le goût inné des affaires, on veut gagner de l’argent et arriver vite à la fortune sans laquelle il n’y a dans ce pays nulle considération ; aussi longtemps que nous donnerons la préférence à ces choses, nous pourrons légiférer à notre aise sur l’instruction populaire, nous ne ferons œuvre ni sérieuse ni durable. Quand l’instruction sera appréciée chez nous comme elle l’est en Allemagne, nous pourrons songer à la rendre obligatoire. Pour le moment, le meilleur moyen de servir la cause de l’enseignement est d’en faire naître et développer le goût dans l’esprit de la nation. »

La loi de 1870, sans être parfaite, a réalisé un grand bienfait, en ce que l’action de l’État s’est substituée à l’initiative privée, et que, par la formation des comités scolaires, l’instruction à pénétré jusque dans les localités les plus retirées et les plus obscures. L’ignorance et l’apathie des parents, de même que la cupidité des chefs d’industrie, seront encore des obstacles à la diffusion de l’enseignement, surtout dans les centres manufacturiers et dans les pays agricoles ; mais ces résistances ne sauraient tenir longtemps contre la puissance des moyens employés pour les vaincre. Ce qui importe, c’est de faire d’abord comprendre aux classes pauvres les avantages de l’instruction et d’exciter en elles le désir de l’acquérir. Avec le temps des générations plus éclairées s’élèveront, et sous l’influence d’une législation nouvelle, apprécieront mieux l’importance d’une éducation vraiment nationale.

Les hommes d’État et les publicistes anglais pensent généralement que quiconque s’occupe de l’éducation des enfants, doit avoir en vue trois choses : initier les enfants aux connaissances les plus indispensables dans les diverses circonstances de la vie, leur enseigner les vérités fondamentales de la religion chrétienne, former et élever en eux le caractère, en d’autres termes, exciter et développer le sentiment de la dignité personnelle. On peut différer d’opinion sur l’importance à donner à chacun de ces trois éléments de l’éducation, ainsi que sur les moyens les plus propres pour les communiquer ; mais il n’est personne, ayant médité un instant sur ces questions, qui ne reconnaisse que l’enseignement auquel il manquerait l’une des conditions que nous venons d’énoncer, serait un enseignement imparfait.

Un autre inspecteur des écoles, dans un de ses rapports, insistait tout particulièrement sur les habitudes que l’enfant contracte de bonne heure à l’école, et qui devront exercer plus tard sur les événements de la vie une influence heureuse ou funeste. « Nul doute, dit M. Bellairs, tant vaut le maître, tant vaut l’école. Le maître est-il indolent, négligé dans la préparation de ses leçons, se montre-t-il indifférent aux travaux de ses élèves. l’indiscipline et le désordre régneront dans la classe, quelle que soit l’étendue de son savoir, ou la perfection de ses méthodes. Est-il au contraire, laborieux, vigilant, jaloux de rendre son enseignement fructueux et intéressant, ses qualités se communiqueront aux élèves avec plus ou moins de facilité, selon le milieu auquel ils appartiennent. Les leçons de l’école suivent l’enfant plus tard dans la vie ; les préceptes et les exemples du maître sont une semence qui portera tôt où tard ses fruits. Je ferai volontiers la part de la première éducation, bonne ou mauvaise, que l’enfant a reçue. dans la maison paternelle, mais j’affirme que de l’éducation donnée dans nos écoles publiques dépendra en bien ou en mal le caractère de la nation. »

Ici vient se placer naturellement la question du choix des maîtres auxquels doit être confiée la direction des écoles. En Prusse et aussi en France, le recrutement du personnel enseignant se fait dans des conditions meilleures qu’en Angleterre. Dans ces deux pays, il existe depuis longtemps des établissements spéciaux, largement dotés par l’État ou par les administrations locales, et où la science pédagogique est enseignée par des professeurs éprouvés. En Prusse, on aurait peine à comprendre que l’éducation des enfants fût confiée à des maîtres qui ne seraient pas préparés de longue main à l’art de l’enseignement, celui de tous les arts qui est le plus difficile. L’instituteur prussien est instruit ; il aime sa profession dont les devoirs ne lui coûtent pas à remplir, et toujours il s’efforce de donner à son enseignement un intérêt qui le rend attrayant pour les élèves. À cet égard l’instituteur anglais, sauf dans les centres importants, est dans un état d’infériorité auquel la loi de 1870 n’a remédié qu’en partie et qui appelle des réformes sérieuses.

Plusieurs de ces améliorations seront réalisées par les lois qui suivront, notamment par la loi de 1876, dans laquelle est établi, avec une sanction positive, le principe de l’obligation, et dont nous exposerons l’économie dans un prochain numéro.



Deuxième et dernier article : Revue pédagogique, 1878-I, p. 582-591.



La loi de 1876 est la première, en Grande-Bretagne, qui ait inscrit dans son texte, avec une sanction formelle, l’obligation, pour le parent ou le tuteur, de faire donner à tout enfant âgé de cinq à quatorze ans une instruction élémentaire efficace en lecture, écriture et arithmétique ; le parent ou tuteur qui manquerait à cette obligation est passible des mesures et pénalités prévues dans la présente loi. Voilà le principe ; le soin de le faire passer dans la pratique incombe aux autorités constituées par la loi.

Des Autorités locales. — D’après l’Act de 1870, toute initiative était laissée aux Conseils scolaires pour créer des écoles et pourvoir à leur entretien, au moyen de contributions qui étaient levées dans le district et auxquelles venaient s’ajouter la rétribution des élèves et la subvention de l’État. Les Conseils scolaires avaient aussi le pouvoir, d’ailleurs très-limité, d’assurer la fréquentation des écoles ; ce pouvoir est, sous le nouveau régime, inauguré par la loi de 1876, attribué au Conseil scolaire du district, s’il en existe un, et dans les autres districts, au Comité d’assiduité qui est nommé, chaque année, dans les bourgs par le Conseil du bourg, et dans les paroisses par les gardiens de l’union. Le Conseil scolaire ou le Comité d’assiduité, qui sont désignés sous le nom commun d’autorité locale, ont le devoir de faire connaître dans leurs circonscriptions les prescriptions de la loi, et aussi d’adresser au Département de l’éducation des rapports sur chaque infraction commise dans l’étendue de leurs circonscriptions respectives. Toute- fois les inspecteurs et sous-inspecteurs, agissant en vertu des lois relatives aux manufactures, usines et ateliers, restent chargés, à l’exclusion de l’autorité locale, d’assurer exécution des dispositions de la nouvelle loi, en ce qui concerne le travail des enfants.

Obligation directe. Sanction pénale. — Lorsque le parent d’un enfant âgé de cinq à quatorze ans néglige, sans excuse valable, d’accomplir le devoir que la loi lui impose, ou bien lorsqu’un enfant est rencontré sans surveillance, en état de vagabondage ou en compagnie de gens de mauvaise vie, l’autorité locale, après avertissement donné au parent, porte plainte devant une Cour de juridiction sommaire. La Cour, si la plainte est justifiée, ordonne que l’enfant suive telle école certifiée, ou école primaire publique ouverte aux inspecteurs royaux, consentant à le recevoir et dénommée dans l’ordre, choisie par le parent ou, à défaut, par la Cour, s’il n’est pas satisfait à l’ordre de présence délivré par la Cour. Si le parent ne justifie pas de tous ses efforts pour assurer l’exécution de cet ordre, la Cour peut infliger une amende n’excédant pas cinq shillings. Si, au contraire, le parent justifie de ses efforts, la Cour peut, sans infliger l’amende, ordonner que l’enfant soit envoyé à une École industrielle et, s’il est nécessaire, à une école industrielle de jour, autrement dite École de correction particulière.

À dater du 1er janvier jusqu’au 31 décembre 1877, défense est faite à toute personne, même aux parents, d’employer, de quelque manière que ce soit, un enfant âgé de moins de dix ans, sauf dans le cas où il n’y aurait pas d’école à portée de la famille, sauf encore aux jours et aux heures où l’école publique ne serait pas ouverte ; le parent ou le patron qui aurait enfreint cette prescription est passible d’une amende de 40 shillings. Toutefois, l’autorité locale peut, si elle le juge utile, autoriser l’emploi des enfants au-dessous de huit ans pour les opérations nécessaires de la culture et de la récolte, sans que les périodes d’exemption dépassent en tout six semaines par an. L’enfant âgé de plus de dix ans et de moins de quatorze ans peut être employé ; mais alors il doit justifier du certificat d’examen du deuxième degré, ou établir qu’il a fréquenté une école publique élémentaire 250 fois au moins pour chacune des deux années qui ont précédé. La présente disposition est en vigueur pendant l’année 1878.

En 1879, l’enfant, entre dix et quatorze ans, devra avoir passé l’examen du troisième degré, ou avoir fréquenté l’école 250 fois dans chacune des trois années précédentes.

En 1880, l’enfant devra avoir passé l’examen du quatrième degré, ou avoir fréquenté l’école 250 fois dans chacune des quatre années précédentes.

Comme on vient de le voir, il y a un intérêt de premier ordre pour la famille à ce que l’enfant suive régulièrement l’école, quel que soit d’ailleurs son âge. Les enfants qui n’ont actuellement que sept ans d’âge, ne pourront, quand ils auront atteint leur dixième année, être admis à aucun emploi, si dès maintenant ils ne fréquentent une école avec exactitude et d’une manière satisfaisante. Une déclaration de la famille, ou l’acte de naissance, fait connaître l’âge de l’enfant ; le parent qui déclare un âge faux ou produit un certificat falsifié est passible d’une amende de 40 shillings.

Des Écoles industrielles. — Une innovation importante est due à la loi de 1876 ; c’est la création d’un nouvel ordre d’écoles industrielles, appelées Écoles industrielles de jour. Dans ces établissements les enfants reçoivent, avec l’instruction primaire, une sorte d’éducation professionnelle ; ils y prennent même un ou plusieurs repas, mais ils vont coucher chez leurs parents. Une école de ce genre dont l’ouverture est autorisée par le Ministre, prend le nom d’École industrielle de jour certifiée, et, à ce titre, elle participe aux libéralités de l’État, qu’il s’agisse de l’installation ou des frais d’entretien. Toutefois, la subvention accordée, tant pour l’instruction que pour la nourriture, ne doit pas excéder un shilling par semaine et pour chaque enfant admis dans ces établissements en vertu d’un ordre de la Cour.

Aussitôt que le Conseil scolaire ou le Comité d’assiduité sont informés qu’un enfant relevant de leur juridiction se trouve dans le cas d’être envoyé à une école industrielle, ils ont le devoir de procéder contre lui. Tout enfant qui, d’après l’Acte de 1866, pourrait être envoyé à une école industrielle ordinaire, pourra être envoyé, si la Cour le juge convenable, à une École industrielle de jour certifiée. L’enfant peut y être retenu pendant le temps prévu à l’ordre, aux heures spécifiées par les règlements approuvés par le Secrétaire d’État.

Quand une cour de juridiction sommaire déclare qu’un enfant doit être envoyé à une école industrielle de jour certifiée, elle ordonne en même temps que le parent aura à contribuer aux frais d’entretien de l’enfant pour une somme n’excédant pas deux shillings par semaine. Si Île parent ne peut payer la part de frais laissée à sa charge, remise totale ou partielle lui en est faite par les gardiens de la paroisse dans le ressort de laquelle il réside. Les Directeurs de l’école peuvent recevoir les enfants, sans ordre de la Cour, à la requête des parents ou de l’autorité locale, mais à la charge par le parent de payer au minimum un shilling par semaine. En pareil cas, l’État peut contribuer à l’entretien de l’enfant, mais pas au delà de six pence par semaine.

Lorsque, sur la plainte de l’autorité locale, un enfant a été envoyé à une école industrielle, les Directeurs de cette école peuvent, après un mois de séjour de l’enfant, lui ac corder la permission de résider hors de l’école, mais à la condition qu’il suivra d’une manière régulière, comme élève de jour, une école certifiée consentant à le recevoir et dénommée dans la permission.

Le consentement des principaux Ministres, et non plus seulement du Département de l’éducation, est désormais nécessaire pour l’établissement, la construction et l’entretien par un Conseil scolaire d’une école industrielle certifiée, ordinaire ou de jour, ainsi que pour l’emprunt et l’amortissement, en cinquante, annuités au plus, des sommes nécessaires à la dépense.

Du Paiement des rétributions scolaires par les gardiens des paroisses. — D’après la loi de 1870, c’était le Conseil scolaire qui, à défaut de la famille, payait la rétribution scolaire de l’enfant ; cette disposition est abrogée. Désormais tout parent, qui se trouve dans l’impossibilité de payer tout ou partie de la rétribution ordinaire de son enfant dans une école publique élémentaire, peut s’adresser aux gardiens de la paroisse de sa résidence. Les gardiens doivent, si l’impossibilité de payer est établie, verser une rétribution n’excédant pas trois pence par semaine, ou telle portion de rétribution que le parent serait reconnu ne pouvoir payer. Le parent reste toujours libre de choisir l’école, et le paiement par les gardiens de la rétribution scolaire de l’enfant ne saurait priver le parent de ses franchises, droits et priviléges. Toute personne qui aurait obtenu frauduleusement d’un Conseil scolaire, ou de toute. autre autorité locale, un paiement ou une remise de paiement des rétributions scolaires, est passible d’un emprisonnement de quatorze jours au plus.

Des Dépenses faites par les autorités locales et les gardiens. — Les Conseils scolaires conservent, en ce qui concerne les dépenses, tous les pouvoirs qui leur ont été conférés par les Actes de 1870 et 1873.

Les Comités d’assiduité créés par la loi de 1876, ne peuvent faire aucune dépense sans le consentement de l’autorité de laquelle ils relèvent. Les dépenses, s’il y en a, sont payées, savoir :

Si le Comité est nommé par le Conseil d’un bourg, par les fonds du bourg ou les taxes du bourg ;

Si le Comité est nommé par les gardiens d’une paroisse, par un fonds provenant de la taxe des pauvres de la paroisse ou des paroisses comprises dans le district. Le Comité sanitaire d’un bourg peut obtenir du Département de l’éducation le même pouvoir qui est donné au Comité nommé par les gardiens pour lever des contributions et effectuer les dépenses.

Les sommes versées par les gardiens pour les rétributions scolaires des enfants sont à la charge de la paroisse dans laquelle réside le parent. Lorsqu’une portion de paroisse forme à elle seule un district scolaire distinct du reste de la paroisse, les gardiens ont tout pouvoir de lever des contributions, comme dans le cas d’une paroisse entière.

Obligations diverses des autorités locales. — Ainsi qu’il a été dit plus haut, le Conseil scolaire ou le Comité d’assiduité doivent porter à la connaissance de tous les dispositions de la présente loi et faire son rapport au Département de l’éducation sur toute infraction commise.

Lorsqu’une autorité locale vient à manquer à quelqu’une de ses obligations, le Département de l’éducation peut, après enquête et avertissement préalables :

S’il s’agit d’un Conseil scolaire, procéder comme à l’égard d’un Conseil scolaire en défaut, conformément à l’Acte de 1870 ;

S’il s’agit d’un Comité d’assiduité, le remplacer, pour une période déterminée, de deux ans au plus, par telles personnes qu’il avisera. Pendant la durée de cette période, la Commission est investie de tous les pouvoirs et n’est pas soumise au contrôle des gardiens qui ont nommé le Comité en défaut. À l’expiration de la période, un nouveau Comité d’assiduité est formé par le Conseil des gardiens, dans les conditions qui ont été indiquées.

Le Département de l’éducation peut attribuer une rémunération aux membres de la Commission qui aura été désignée pour remplacer le Comité en défaut ; la rémunération, de même que les dépenses faites par la Commission, seront dues au Trésor par le Conseil du bourg ou les gardiens de la paroisse qui auront nommé le Conseil en défaut.

Dispositions spéciales aux Conseils scolaires. — Nous avons vu précédemment en quoi consistent les pouvoirs d’un Conseil scolaire considéré comme autorité locale. La loi nouvelle contient quelques dispositions d’un intérêt secondaire, mais qu’il est encore utile de connaître.

Lorsqu’une vacance se produit dans un Conseil scolaire par décès, démission ou toute autre cause, il est pourvu à la vacance, non plus par le Conseil du bourg ou l’assemblée des contribuables, selon qu’il s’agit d’un bourg ou d’une paroisse, mais par l’un des membres restants du Conseil. De la sorte on évitera à l’avenir la dépense qu’occasionnerait l’élection nouvelle.

Si, en raison de la population considérable d’un district scolaire, le Conseil de ce district justifie, à la satisfaction du Département de l’éducation, de la nécessité ou de l’opportunité de l’établissement d’un bureau, cet établissement peut être autorisé, et le Conseil à cet égard a tous les pouvoirs qui lui sont conférés par les Actes de 1870 et 1873 pour faire les constructions nécessaires et contracter des emprunts à cet effet.

Enfin le Département de l’éducation a le droit de dissoudre un Conseil scolaire, dans certaines circonstances déterminées, et après avoir acquis la conviction qu’aucune école n’est soumise à la juridiction du Conseil scolaire attaqué, et que le district est suffisamment pourvu d’établissements scolaires. Tous les règlements du Conseil dissous restent en vigueur, mais sont soumis à la révocation et aux modifications ordonnées par l’autorité locale.

Des Subsides accordés par le Parlement. — En ce qui concerne les contributions accordées par le Parlement, la loi dispose que quand un enfant âgé de moins de onze ans aura obtenu certains certificats d’assiduité dans une école publique et d’instruction suffisante en lecture, écriture et arithmétique, la rétribution scolaire, pour les trois années suivantes après l’obtention du dernier certificat, peut être payée par le Département de l’éducation, au moyen de fonds provenant des subsides votés par le Parlement.

Une modification a été apportée à la loi de 1870, quant aux conditions des subventions allouées aux écoles par le Parlement. À partir du 831 mars 1877, la subvention a cessé d’être réduite, comme elle l’était auparavant lorsqu’elle dépassait le revenu de l’école et pourvu qu’elle n’excédât pas 17 shillings 6 pence par enfant présent en moyenne pendant l’année.

À cette subvention annuelle vient s’en ajouter un autre, lorsque la population du district scolaire, où la population habitant dans un rayon de deux milles autour de l’école, est inférieure à 300 âmes, et qu’il n’y à point d’autre école publique élémentaire reconnue par le Département de l’éducation. Cette seconde subvention est fixée à 10 livres (250 fr.), si la population est de 200 âmes, à 15 livres (375 fr.}, si la population est au-dessous de 200 âmes.

L’allocation de subsides parlementaires est dans tous les cas subordonnée à cette condition, que le revenu ordinaire de l’école est appliqué seulement et en entier au service de l’éducation publique élémentaire.

Caractère de la loi. — Telle est dans son ensemble la loi de 1876, qui a conservé plusieurs dispositions de la loi de 1870, mais qui a aussi apporté à la législation antérieure de notables améliorations. Tout récemment, à l’occasion des projets de loi présentés aux Chambres françaises par M. Bardoux, un publiciste, appartenant à la rédaction du Journal des Débats, appréciait avec une grande indépendance de jugement l’esprit de la loi nouvelle votée par le Parlement anglais. « Si, dans ces derniers temps, dit M. Leroy-Beaulieu, l’obligation et la gratuité de l’instruction primaire ont fait des progrès dans la Grande-Bretagne, les tendances à la laïcité ont été, au contraire, combattues indirectement par la loi de 1876. Les Anglais de toute opinion et de tout parti sont beaucoup : trop libéraux pour rêver la laïcité de l’instruction dans le sens où l’entendent certaines personnes chez nous. Il ne viendra jamais à l’esprit d’un groupe considérable en Angleterre de vouloir fermer les écoles religieuses ; mais beaucoup de personnes et un grand nombre des Conseils scolaires qui avaient été établis par la loi de 1870, cherchaient à favoriser indirectement les écoles laïques en leur accordant exclusivement les subventions locales. La récente législation témoigne du triomphe du principe de l’obligation, des progrès de la gratuité et de l’échec qu’ont éprouvé les tendances à la laïcité absolue. »

Dans l’espace d’une année seulement, les résultats de la loi de 1876 ont été rapides autant que considérables : les moyens d’instruction se sont multipliés à l’infini ; il existe aujourd’hui, tant en Angleterre que dans le Pays de Galles, 20,782 écoles publiques pouvant recevoir plus de trois millions d’enfants ; les subsides du Parlement, pour les écoles publiques, qui, en 1834, n’étaient que de 20,000 livres, ont atteint, en 1877, le chiffre de un million de livres ; les rétributions scolaires se sont également élevées à un million et les souscriptions volontaires à 600,000 livres, ce qui constitue un ensemble de ressources de 2,600,000 livres (65 millions de francs), affectés au service des écoles publiques en Angleterre.