L’instruction obligatoire par Ch. Woest

L’instruction obligatoire par Ch. Woest
La Revue générale85 (p. 9-26).

L’INSTRUCTION OBLIGATOIRE.


Depuis quelque cinquante ans, la question de l’instruction obligatoire a été maintes fois agitée dans le pays. Elle n’a pas réussi à provoquer de la part du parlement une solution législative ; le 2 août 1895, la Chambre des représentants en a repoussé le principe par quatre-vingts voix contre quarante-six et deux abstentions. Cependant, c’est surtout en politique qu’on peut dire que l’histoire recommence toujours ; aussi fallait-il s’attendre à ce que les partisans de l’obligation revinssent à la charge ; c’est ce qui est arrivé en 1906 ; elle est aujourd’hui un des articles de la coalition des gauches. Quelle est la cause de ce mouvement offensif ? Est-ce parce que l’instruction obligatoire a réussi dans les États où elle a été récemment introduite ? Il serait impossible de l’affirmer, les résultats ayant été fort médiocres. Est-ce parce que les progrès de l’enseignement laissent à désirer en Belgique ? On le soutient parfois ; mais une telle assertion ne résiste pas à l’examen des chiffres. Est-ce parce que les gauches sont éprises pour l’enseignement d’un amour que la droite ne partage pas ? Les faits protestent contre ce blason qu’elles voudraient se décerner. En réalité, la campagne en faveur de l’instruction obligatoire, à laquelle il convient de joindre le service personnel et le suffrage universel pur et simple, est née exclusivement du désir des gauches de trouver une plate-forme qui leur permit de nouer entre elles des liens étroits ; il fallait, pour tâcher d’escalader le pouvoir, grouper l’opposition tout entière autour de quelques mesures auxquelles ses diverses fractions pussent se rallier : l’inscription de l’instruction obligatoire au programme des libéraux, des radicaux et des socialistes n’a pas d’autre cause. Est-ce une raison pour nous d’emboîter le même pas ? Je ne le pense pas, et ces lignes ont pour objet de justifier ma résistance.

I.

Je n’ai pas l’intention de reprendre ici par le menu l’examen du problème : je l’ai fait il y a un peu plus de vingt ans ; j’ai examiné alors l’instruction obligatoire dans ses origines, dans ses applications, ainsi qu’en elle-même, et je crois pouvoir renvoyer le lecteur aux développements que j’ai présentés[1] ; ils ne me paraissent pas avoir vieilli, et, par suite, j’estime qu’il me suffira de mettre en relief quelques aspects de la question qui répondent directement aux polémiques du jour.

En principe, je reste très peu sympathique aux thèses obligatoires. Je sais que l’on invoque, à titre d’exemples, les sertudes dont l’homme est frappé dans l’intérêt de l’État et de la société, et je ne songe pas à contester la nécessité de la plupart d’entr’elles. Mais ce n’est pas une raison pour les étendre à des domaines où elles peuvent être évitées. Dans les pays modernes, profondément divisés de doctrines, d’opinions et de sentiments, et où l’État est entre les mains d’un parti, l’obligation peut glisser aisément, à l’aide de mesures législatives ou administratives, sur la pente de la tyrannie.

Si donc je voulais ici me placer sur le terrain des thèses, mon agrément serait difficile à obtenir. Dans l’histoire de l’humanité, deux principes en cette matière se disputent la suprématie : le principe de l’antiquité païenne, déjà proclamé par Lycurgue, d’après lequel les enfants appartiennent à l’État avant d’appartenir aux parents, et le principe chrétien, en vertu duquel les parents sont responsables de leurs enfants et ont par suite à diriger leur éducation.

En vain invoque-t-on l’utilité de l’instruction et les avantages qu’elle procure à la société et aux individus. Si l’État était en droit de l’imposer à raison de motifs de ce genre, de quelles prérogatives ne serait-il investi ! La religion est aussi salutaire à la société qu’aux citoyens ; est-ce une raison suffisante pour qu’elle soit imposée ? Le pain est nécessaire à l’homme : s’ensuit-il que l’État doive le fabriquer et le distribuer ?

Je sais bien que certains catholiques, visant l’intérêt de la société à ce que les citoyens soient instruits, reconnaissent à l’État le droit de forcer les parents à donner l’instruction à leurs enfants, et si les écoles, toutes les écoles, offraient des garanties suffisantes, peut-être beaucoup consentiraient-ils, tout en maintenant en principe leurs répugnances, à les faire fléchir en fait. Je sais notamment que les catholiques allemands ne se sont jamais déclarés les adversaires de l’instruction obligatoire, et que feu l’évêque de Mayence, Mgr de Ketteler, s’y est montré favorable. Il a même admis que l’État était qualifié pour forcer les parents qui ne peuvent ou ne veulent pas procurer par d’autres moyens cette éducation à leurs enfants, à profiter de l’école publique ; seulement il a ajouté : « supposé, bien entendu, qu’elle soit en harmonie avec les convictions religieuses et avec la conscience des chefs de famille[2] ; » et, quand il a tracé ces lignes, il a certainement considéré qu’il en était ainsi en Allemagne de l’école officielle. Mais cette situation subsistera-t-elle toujours ? Y a-t-il chance qu’il en soit de même ailleurs, et que de telles garanties, une fois accordées, ne soient pas tôt ou tard retirées ? Il faut bien le reconnaître : c’est la crainte contraire, parfaitement justifiée, qui prévaut chez les catholiques, et, à vrai dire, l’instruction obligatoire ne rencontre pas de plus grands obstacles qu’une telle perspective.

Je dis que cette crainte est justifiée, car le programme de ceux qui préconisent aujourd’hui l’instruction obligatoire ne s’arrête pas à l’obligation ; il comprend la laïcisation complète et absolue de l’école ; et, du coup, l’on s’aperçoit de l’intérêt qu’ils ont à nous convertir à l’instruction obligatoire. Décréter en même temps l’obligation et la neutralité, ce serait pour eux deux gros morceaux à faire avaler ; combien la tâche ne serait-elle pas facilitée si elle se réduisait au second point ! Les enfants auraient déjà pris l’habitude de se rendre dans beaucoup d’écoles publiques ; cette habitude contractée, on pourrait compter sur elle pour les entraîner à suivre le même chemin que précédemment, D’ailleurs, dans les localités où il n’y aurait pas d’école libre, ou au moins pas d’écoles libres en nombre suffisant, ils seraient forcés d’aller à l’école officielle, et, comme déjà ils la fréquentaient en vertu de l’obligation antérieurement instituée, ils trouveraient naturel, par une propension inhérente à l’homme, de faire le lendemain ce qu’ils faisaient la veille. Mais contraindre les parents à envoyer leurs enfants à l’école et en même temps changer le caractère de l’école officielle, qui serait peut-être la seule dans la commune, ce serait recourir à une violence morale qui révolterait une foule de consciences. Les libéraux, les radicaux et les socialistes ont peur de cette éventualité, et c’est pour atténuer les effets de la réforme désirée qu’ils voudraient nous en voir exécuter la première partie à la faveur d’un programme d’études comprenant encore l’enseignement religieux. Les appels à l’instruction obligatoire constituent donc, dans les circonstances actuelles, un piège, et nous jouerions un jeu de dupes, en même temps que nous préparerions les voies à l’accomplissement de desseins funestes, si bénévolement nous nous y laissions tomber.

Il me serait aisé d’insister sur ces considérations, mais, je le répète, je les ai exposées antérieurement, et dans les pages que je trace en ce moment, je préfère n’examiner la question qu’au point de vue politique. Trois ou quatre considérations me paraissent, à ce point de vue, essentielles.

II.

La première, c’est que, lorsqu’on peut atteindre par la persuasion le résultat entrevu, il vaut mieux y recourir que d’employer la contrainte. La persuasion ne froisse pas ; la contrainte rebute. Les gens sont ainsi faits que souvent ils résistent, quand on ordonne ; ils cèdent, quand ils croient se décider volontairement. Cette vérité trouve particulièrement son application dans notre pays ; traditionnellement épris d’indépendance et de liberté, il répugne aux mesures coercitives.

Encore, si les faits tendaient à établir que la contrainte est nécessaire. Mais c’est précisément le contraire qu’ils révèlent.

Consultons d’abord les derniers recensements.

Le recensement de 1880 apprend qu’il y avait à cette époque, sur 100 habitants, 57.75 lettrés ; mais ce chiffre s’élevait à 67.19, si l’on défalque les enfants de moins de 5 ans, et à 69.37, si l’on retranche les enfants de moins de 8 ans. En 1890, les trois chiffres étaient respectivement devenus 62.37, 70.45 et 74.56 ; en 1900, 68.06, 77.03 et 80.88.

Le progrès est donc constant et rapide. 19.12 p. c. d’illettrés, dira-t-on, c’est beaucoup ! Mais il ne faut pas oublier que ce chiffre embrasse la population tout entière et que dans celle-ci sont comprises des personnes qui étaient en âge d’école à une époque où l’instruction était bien moins répandue qu’aujourd’hui ; ensuite, on ne peut méconnaître que, parmi ceux qui sont voués à des travaux manuels, il en est un certain nombre qui à la longue perdent les notions reçues dans l’enfance.

À côté des enseignements qui nous viennent des recensements, il convient de souligner les constatations relatives au degré d’instruction des jeunes gens appelés au tirage au sort pour le service militaire. Les voici :

En 1850, ne savaient pas lire et écrire : 44,15 p. c.

— 1860, — — 39.41 »

— 1870, — — 29.23 »

— 1880, — — 21.66 »

— 1890, — — 15.92 »

— 1900, — — 12.01 »

— 1903, — — 10.68 »

— 1904, — — 10.19 »

— 1905, — — 9.65 »

Ainsi, en cinquante-cinq ans, le gain a été de 34.50 p. c., et, si l’on considère qu’actuellement les efforts en faveur de l’extension de l’instruction sont beaucoup plus intenses qu’au milieu du siècle dernier, on peut compter que d’ici à peu de temps la proportion d’illettrés deviendra insignifiante. Il y a lieu, en outre, de tenir compte de ce que nombre de jeunes gens qui ont été appelés pendant les dernières années au service militaire, étaient en âge d’école à un moment où les progrès de l’instruction étaient moins caractérisés qu’aujourd’hui, et que d’autres, tout en ayant été sur les bancs scolaires, ont pu être de mauvais élèves, et, après les avoir quittés, oublier les leçons qu’ils y avaient reçues.

N’est-il pas permis d’aller plus loin et d’avancer que, dès à présent, tous les enfants reçoivent l’instruction, à part les quelques exceptions qui se rencontrent même dans les pays, comme l’Allemagne, où l’instruction est le plus répandue ?

On a affirmé bruyamment que 125 000  enfants ne recevaient pas d’instruction.

Aucune preuve n’a été apportée à l’appui de cette audacieuse affirmation. Les preuves contraires ont abondé : elles sont irrécusables ; rappelons-les.

D’après le recensement de 1900, il y avait 810 955 enfants de 6 à 12 ans ; l’accroissement annuel de cet élément de la population étant de 3 000 environ, on doit admettre qu’en 1904, le chiffre de 810 935 s’était élevé à 823 000 environ.

Or, en 1904, il y avait dans les écoles communales, adoptées et adoptables, 859 436 élèves, d’où un excédent de 36 436. Objectera-t-on que cet excédent prouve à lui seul l’inexactitude de la démonstration ? Non ; on peut même ajouter qu’il n’y avait pas en 1904 dans les écoles de ces trois catégories 823 000 enfants de 6 à 12 ans ; une partie de ces enfants, en effet, fréquentait les écoles moyennes du degré inférieur, les classes préparatoires des collèges libres ou les écoles primaires privées non subsidiées ; d’autres se trouvaient placés dans les écoles de bienfaisance de l’État ou dans celles du département de la guerre ; d’aucuns recevaient l’instruction dans leurs familles. Il s’ensuit que la différence entre le nombre des enfants de 6 à 12 ans recevant l’instruction dans les écoles communales, adoptées ou adoptables, et le chiffre de 859 436 élèves provient des enfants restant à l’école primaire après l’âge de 12 ans.

Deux choses par conséquent découlent de ces chiffres : la première, c’est que la presque totalité des enfants reçoit l’instruction ; la seconde, c’est que, pour beaucoup, l’instruction se prolonge au delà de l’âge de la première communion.

De tels résultats sont hautement satisfaisants. Ils mettent à néant les déclamations du parti libéral. Et quand on considère qu’en 1881, il n’y avait dans les écoles primaires que 588 814 enfants et qu’à la même date, les dépenses faites par l’État, les provinces et les communes pour l’enseignement montaient à 32 millions, alors quelles s’élèvent aujourd’hui à 41 millions, on se demande sur quel fondement les détracteurs des catholiques peuvent tout à la fois appuyer leurs reprochés et étayer la nécessité de l’instruction obligatoire.

Au moins la progression s’est-elle arrêtée dans les dernières années ? C’est le contraire qui est vrai. Depuis 1899, 399 nouvelles écoles se sont ouvertes, dont 150 communales, 97 adoptées et 146 adoptables. Quant à l’accroissement des élèves, il a été pendant la même période de 84 010 enfants.

Des chiffres non moins éloquents se rapportent aux écoles gardiennes et aux écoles d’adultes. Là aussi l’augmentation du nombre des écoles et des élèves est constante. Pour ne pas remonter à une époque trop éloignée, il me suffira de constater que, de 1899 à 1906, le nombre des écoles gardiennes a augmenté de 375 et que leur population est supérieure de 66 469 élèves à ce qu’elle était il y a six ans. De même, pendant cette période, {{nobr|1 462 écoles d’adultes ont été ouvertes ; et d’une manière générale cette catégorie d’écoles est fréquentée par 82 822 jeunes gens de plus qu’avant 1899[3].

On dira peut-être : « Si tout cela est vrai, pourquoi repoussez-vous l’instruction obligatoire ? Elle ne ferait que consacrer une situation de fait sans y rien ajouter. »

Je réponds d’abord que la tâche du législateur ne consiste pas à faire des choses inutiles ; ensuite, qu’il ne doit pas consacrer tm principe dangereux ; enfin, que nous voulons conserver le droit, dans le cas où nos adversaires reviendraient au pouvoir et introduiraient dans les écoles publiques l’enseignement soi-disant neutre, de retirer nos enfants de ces écoles, alors même que dans la commune il n’en existerait pas d’autres nous offrant toute garantie, et où nous pourrions les envoyer.

III.

On argumente souvent, en parlant de l’instruction obligatoire, des exemples donnés par les pays étrangers, et on semble dire qu’en la repoussant, la Belgique se met en dehors des nations civilisées. Mais la question, à ce point de vue, n’est pas de savoir si ailleurs on l’a inscrite dans les lois, mais si elle y est appliquée.

Sans doute il en est ainsi en Allemagne, bien que là les déchets dans certaines provinces soient plus marqués que dans d’autres. Le motif de cette situation est aisé à indiquer. L’instruction obligatoire a été introduite en Prusse à une époque où ce pays était en quelque sorte coulé dans le moule militaire ; en haut, on commandait ; en bas, on obéissait ; les populations se sont pliées à ce régime, alors que le goût et la possibilité de la résistance n’étaient pas même nés, et il n’est pas surprenant que l’habitude, s’étant formée dans ces circonstances, ait continué sans grand effort à régir les générations suivantes.

Mais quand on a tenté au siècle dernier d’introduire cette réforme dans d’autres États, on s’y est heurté à des obstacles provenant d’un esprit nouveau, l’esprit de liberté, et il a fallu compter avec eux. Il y a vingt ans que l’instruction obligatoire a été introduite en Italie : le pourcentage des illettrés y est resté très élevé[4]. Mais on néglige volontiers cet exemple ; on se tourne vers la France, et on soutient que l’obligation y a réussi.

Cela est-il vrai ? Il convient de le rechercher, car il existe bien des affinités entre ce pays et la Belgique.

L’instruction obligatoire a été établie en France en 1882. Douze ans après, en 1895, le progrès était presque nul. En 1882, 5 540 295 enfants étaient inscrits dans les écoles primaires publiques et privées ; en 1895, il y en avait 22 000 de plus[5]. C’est peu ; encore faut-il ajouter que, depuis 1888, la statistique comprenait les écoles d’Algérie qui n’y figuraient pas auparavant, et, d’autre part, il y a lieu d’avoir égard aux réflexions judicieuses du Journal des Débats qui écrivait le 9 mai 1897 : « L’augmentation a donc été assez médiocre ; elle est même presque nulle, si l’on tient compte de la progression normale et régulière qui se produisait avant 1882 et qui sans doute ne se serait pas arrêtée. » À la même époque, M. Rivière s’exprimait ainsi, en parlant de Paris : « Sur 225 000 enfants d’âge scolaire, 20 000 environ ne reçoivent pas d’instruction » ; il ajoutait que, pour toute la France, le rapport entre les enfants inscrits et ceux qui sont réellement assidus, est d’environ 89 p. c. sur 5 545 000 élèves : c’était donc tout près de 600 000 enfants qui échappaient au principe de l’obligation[6].

Les choses avaient-elles changé dix ans plus tard ? Non, elles ne s’étaient guère améliorées. M. Goyau, dans un article de la Revue des Deux-Mondes écrit en décembre 1905, cite ces paroles de M. l’inspecteur général Cazes, datées de 1904 : « La situation est à peu près aujourd’hui ce qu’elle était avant l’application de la loi de 1882 : une moyenne de 5 p. c. d’enfants dans les campagnes, de 20 p. c. dans les centres populeux, ne fréquentent aucune école, et, chose plus grave, les 95 centièmes la fréquentent d’une manière tout à fait insuffisante. » À Paris même, la loi n’est pas appliquée : lors de l’incorporation des conscrits en 1905, on a constaté qu’il y avait 82 jeunes gens ne sachant ni lire ni écrire et 59 sachant seulement lire ; 1 547 ignoraient les premiers éléments de l’arithmétique. En juillet 1906, le Journal des Débats écrivait au sujet des conscrits ne sachant ni lire ni écrire : « La moyenne des ignorants dépasse 50 pour 1000 dans une vingtaine de départements, 10 p. c. dans une demi-douzaine d’autres, un tiers dans l’arrondissement de Rochechouart, qui détient le peu enviable record de l’ignorance crasse. » Au mois d’août 1906, M. Gabriel Monod, de l’Institut, a écrit au Journal de Genève : « La cause de l’impuissance de notre loi sur l’obligation de l’enseignement primaire est simplement sa non application ; nulle part les autorités, soit universitaires, soit administratives, soit municipales, ne font le moindre effort pour appliquer la loi… La loi d’obligation n’existe jusqu’ici que sur le papier. »

Il ne suffit pas d’ailleurs d’être inscrit ; il faudrait une fréquentation constante. Et, à cet égard, le témoignage de M. Cazes n’est pas le seul ; en voici un autre, qui émane de M. Forfer, inspecteur de l’Académie du département de l’Aisne, et qui se rapporte à l’année 1904 : « Il n’y a pas moins de 3 000 enfants de 6 à 13 ans qui n’ont jamais paru à l’école dans le département. À côté de ceux-là, totalement illettrés pour la vie, il y a ce qu’on pourrait appeler les demi-écoliers ou quarts d’écoliers, qui, après un vague stage à l’école, fréquemment interrompu, s’en vont avec de vagues connaissances, qu’ils s’empressent d’oublier. Sait-on combien, sur 60 000 inscrits d’âge légal, nous en avons reçu en classe plus de 150 jours, du 1er juin 1901 au 1er juin 1902 ? Pas même les deux tiers, soit 38 000 environ. Parmi les autres, 8 300 ont paru en classe 120 ou 130 jours ; 5 000 s’y sont présentés 70 à 80 jours ; 4 800 y sont venus moins de 50 jours[7]. » Avant MM. Cazes et Forfer, M. Guillaume, professeur au collège Chaptal à Paris, dans son rapport présenté en 1900 au Congrès international de l’enseignement, après avoir constaté que le nombre des inscrits à l’école décroissait chaque année, avait ajouté ce qui suit : « À côté de la catégorie des enfants non-fréquentants, des non-inscrits, se place la catégorie, beaucoup plus nombreuse, de ceux qui, bien qu’inscrits, fréquentent l’école d’une manière irrégulière et incomplète, comme en témoignent des documents précieux : les rapports annuels des inspecteurs d’académie aux conseils départementaux. Ce n’est guère que pendant cinq mois, six mois au plus, que les élèves de 6 à 13 ans suivent les classes avec une assiduité relative. » Enfin, le Journal des Débats, dans l’article que j’ai déjà cité, constate que le nombre des absents s’élève, dans les régions montagneuses, jusqu’à 49 p. c.[8].

Tels sont les faits. Qu’est-ce à dire, si ce n’est que dans notre siècle, où dominent l’esprit d’indépendance et la démocratie, les mœurs sont plus fortes que les lois de contrainte ; quand on veut recourir à l’obligation, il se produit une réaction. Mieux vaut laisser les pères de famille prendre eux-mêmes conscience de leurs devoirs : les faits prouvent que ce procédé est couronné en Belgique d’un succès de plus en plus prononcé ; pourquoi vouloir l’abandonner, pour aboutir à des résultats contestables ?

IV.

Encore, si l’instruction obligatoire était sans dangers. Mais on se convainc du contraire, quand on pénètre la pensée de ses promoteurs : de multiples enseignements peuvent découler de cette recherche. J’affirme que l’instruction obligatoire aboutirait, dans beaucoup de localités, à l’école obligatoire, et que c’est pour cela que les ennemis de l’Église et en général de toute religion révélée la préconisent. C’est ce qu’il s’agit d’établir.

On ne peut contester l’accord qui s’est produit, dans ces derniers temps, en faveur de l’instruction obligatoire entre les libéraux, les radicaux et les socialistes : tous, d’une voix, ont recommandé cette réforme, et la poussée qu’ils ont suscitée a coïncidé avec un mouvement d’hostilité très prononcé contre l’Église ; d’ailleurs, à l’instruction obligatoire ils ont accolé l’instruction laïque, comme pour marquer que ce qu’ils cherchent à imposer, au moins d’une manière indirecte, c’est un enseignement qui, sous le couvert de l’indifférence religieuse, serait contraire aux croyances chrétiennes ou s’efforcerait, en tout cas, de les faire oublier. Si un doute pouvait exister à cet égard, il serait levé par la mise en lumière de la part très active que la franc-maçonnerie prend à la propagande au profit de l’obligation ; on peut même dire qu’elle l’a inspirée et qu’elle en dirige les manifestations.

C’est le 29 mai 1858 que le Grand-Orient de Belgique a ordonné de mettre à l’ordre du jour de toutes les loges belges la question de l’instruction obligatoire. Les loges répondirent unanimement à l’appel, et leurs rapports furent publiés l’année suivante en un volume fort instructif. Un projet de loi, élaboré par In loge des Amis philanthropes, fut même adopté par le Grand-Orient ; il édictait l’obligation pour les parents d’envoyer leurs enfants à l’école et la suppression de toute instruction religieuse. Depuis lors, la Maçonnerie ne s’est plus désintéressée de ce qu’elle considérait comme une condition du succès des ses efforts. Le 28 février 1874, à la loge des Amis philanthropes, M. Jottrand s’écria : « L’instruction primaire obligatoire, la Ligue de l’Enseignement, les sociétés d’enterrements civils… sont autant d’idées, autant d’œuvres, dont la conception, la création et l’introduction en Belgique sont dues à l’agitation de la maçonnerie bruxelloise. » Une assemblée générale, tenue peu de temps après à Bruxelles, le 7 mai 1876, par les francs-maçons, délibéra sur la ligne de conduite à tenir en matière d’enseignement et adopta la résolution suivante : « Les nécessités sociales et l’intérêt du pays exigent que l’enseignement public, qui comprend l’instruction morale, soit désormais exclusivement laïque et scientifique à tous les degrés, qu’il soit en même temps gratuit au degré inférieur. Ils exigent aussi que l’instruction primaire soit rendue obligatoire. » En 1886, un nouveau Convent confirma les décisions prises en 1876. La Maçonnerie n’a négligé aucune occasion de renouveler ses exhortations, et c’est à son intervention constante qu’on est en droit d’attribuer l’adoption par toutes les gauches, comme premier article de leur programme commun, de l’instruction obligatoire.

Les libres-penseurs ne se sont pas tenus à l’écart du mouvement ; à leur dernier Congrès, tenu le 4 juin 1906, un de leurs orateurs, M. Chapelié, a révélé le but des propagandistes : « L’instruction obligatoire, a-t-il dit, donnera de bons résultats, si l’enseignement est donné loin de tout dogme. »

De telles origines et de telles visées sont bien de nature à provoquer chez les catholiques les plus vives alarmes, les défiances les plus justifiées. Je connais la réponse : « Nous voulons, disent quelques-uns, l’instruction obligatoire et non l’école obligatoire. » Mais il ne s’agit pas de savoir si, en définissant ainsi la solution, nos adversaires sont sincères ; il s’agit de savoir si, en fait, l’école obligatoire ne sera pas obligatoire dans beaucoup de communes, ou tout au moins pour beaucoup d’enfants. Supposez une commune où il n’y ait pas d’école catholique : n’est-il pas manifeste que l’école laïcisée sera obligatoire ? Supposez une autre commune qui possède une école catholique, mais insuffisante pour recevoir tous les enfants : est-il contestable qu’un certain nombre d’entre eux seront astreints à fréquenter l’école laïcisée ? Vainement ajouterait-on que l’instruction pourra se donner dans la famille et être confiée à des maîtres privés. Outre que ce mode d’enseignement ne serait possible qu’au moyen d’un contrôle inquisitorial organisé dans les familles, il est certain que les riches seuls pourraient y recourir. Les victimes de l’instruction obligatoire et laïque, ce seront donc les pauvres ; et ainsi il est démontré une fois de plus qu’en prenant en mains les intérêts de leurs consciences, c’est nous qui en sommes les défenseurs.

« Que craignez-vous ? », nous dit-on. « La religion ne sera pas enseignée dans l’école future ; mais elle n’y sera pas attaquée ; ainsi sera sauvegardée la liberté religieuse. » Vain artifice ! L’école a pour objet de faire de l’enfant un homme ; elle doit non seulement alimenter son intelligence, mais lui donner une règle de conduite, et, ci celle-ci n’a pas une base et une sanction religieuses, l’école sera certainement une école rationaliste. Au surplus, notre droit sera de l’envisager comme telle ; nous déclarons dès maintenant que c’est là notre conviction profonde ; et dès lors comment soutenir que la réforme projetée sauvegarderait la liberté de nos âmes ?

Encore si des subsides étaient accordés également par tous les pouvoirs publics aux écoles officielles et libres ! On pourrait, même dans cette hypothèse, se demander si cela suffirait ; car, pour fonder et maintenir une école, il y a à pourvoir à bien autre chose qu’aux dépenses journalières ; des bâtiments doivent être constitués dans des conditions qui donnent satisfaction aux exigences de l’hygiène, et leur entretien n’est pas sans imposer de lourdes charges. Mais, même abstraction faite de ce point de vue, nos adversaires sont-ils disposés à obliger les communes et les provinces à fournir aux écoles libres les mêmes subsides qu’aux écoles officielles, ou même à se contenter de leur conserver les subsides de l’État ? La négative est certaine. Dès le 2 mars 1900, M. Hymans écrivait : « L’Église prétend au monopole de l’enseignement. S’en trouvant dépouillée, elle réclame la liberté, afin de la transformer en privilège. Le privilège qu’elle exige, c’est la liberté rentée. Nous lui enlevons le privilège, c’est-à-dire la rente, et nous lui laissons la liberté. Nous sommes dans la vérité constitutionnelle.[9] »

Pur sophisme ! Mettre toutes les écoles sur le même pied quant aux subsides, c’est le sophisme ! Soutenir exclusivement les écoles publiques par toutes les forces financières de l’État, de la province et des communes, c’est le contraire du privilège ! Jamais un pareil abus de mots ne s’est vu et la passion antireligieuse peut seule recommander son emploi. Qu’on ne se récrie pas ; car, dans le même article, M. Hymans ajoutait : « L’Église a fait en 1879 un effort prodigieux. Si les libéraux avaient tenu bon deux ans de plus, l’effort avortait. Elle ne saurait le renouveler. Et là est le secret de l’opposition des vieux cléricaux à l’instruction obligatoire. Les jeunes cléricaux, comme M. Renkin, ont des illusions. Les anciens, comme M. Woeste, savent à quoi s’en tenir. Ils savent que, dans une aussi formidable lutte de concurrence, l’Église succomberait. » L’Église succomberait : tel est le but ; tel est l’espoir.

Quoi qu’il en soit, les subsides seront refusés ; loin d’être étendus, ceux qui existent seront retirés. On veut en revenir à la vieille doctrine païenne, reprise par les Jacobins de 1793 : les enfants doivent appartenir à l’État. Et n’est-ce pas là le résultat qu’on poursuit, lorsqu’on entend M. Janson tracer le programme suivant ? « 1o suppression de l’intervention des petites communes en matière d’enseignement ; 2o monopole de l’État pour la formation des instituteurs ; 3o refus de tout subside aux écoles libres ; 4o exclusion des emplois publics et de toutes les professions où est engagé l’intérêt social, comme le barreau, l’enseignement, la médecine, pour tous les anciens élèves des écoles catholiques ; 5o suppression aux congrégations du droit de fonder des écoles et de posséder celles qui existent, soit directement, soit par personnes interposées[10]. »

L’instruetion obligatoire est la première étape qu’il s’agit de franchir : il en a été ainsi en France ; après elle, viendraient les autres ; toutes tendraient à déchristianiser la société, en enlevant à l’individu l’un de ses droits les plus précieux, celui d’élever ses enfants suivant les prescriptions de sa responsabilité devant Dieu et devant sa conscience. Qu’on ne nous oppose donc pas l’exemple de l’Allemagne, où l’école publique est confessionnelle. Ce que veulent les partis de gauche, c’est la suprématie de l’école publique organisée suivant le modèle de l’école française, pour laisser le champ libre aux ennemis de l’Église.

V.

D’aucuns répètent que le salut de l’humanité réside dans l’instruction. Qu’il s’agisse de l’organisation politique, de l’observation des règles de la morale, de la diminution de la criminalité, de la paix des ménages, du respect des fondements de la société, on nous dit à satiété : ayons des citoyens instruits et tout ira bien ou du moins mieux qu’aujourd’hui. Les faits ne justifient pas cette prédiction optimiste. Non pas que l’instruction ne soit une bonne chose, car elle a pour objet de développer les admirables facultés dont l’homme est doué et qui sont un présent de la Providence ; mais elle est un instrument pour le mal comme pour le bien : autant dire que tout dépend de sa direction et qu’elle doit chercher un frein et un guide dans la religion ; seule, celle-ci est en mesure d’empêcher qu’on ne fasse abus de l’instrument. Ce n’est pas moi qui l’affirme, c’est l’expérience qui le crie, et comme ceux qui voient dans l’instruction une panacée universelle, sont nos adversaires, et que ceux-ci ne donnent à la morale aucune base ni aucune sanction, ils sont condamnés à assister à la faillite de leurs théories.

Les peuples les plus sains, les plus vigoureux, les plus moraux sont ceux chez qui la natalité est développée, et où l’on ne rencontre que peu de suicides et de divorces.

Or les chiffres attestent que, dans les pays d’instruction obligatoire, telle qu’on l’entend aujourd’hui, la natalité faiblit, les suicides et les divorces abondent. À ce triple point de vue, la France figure au premier rang.

De 1876 à 1880, la moyenne annuelle des naissances dans ce pays était de 963 000 pour 35 millions d’habitants. Aujourd’hui, pour 38 millions, elle est de beaucoup inférieure ; de 1887 à 1891, elle a été de 873 000 naissances ; de 1892 à 1895, de 857 000 ; de 1896 à 1901, de 847 000 ; en 1903 les naissances étaient descendues à 826 712 ; en 1904, à 818 229, et en 1905 à 807 291. Ce n’est pas que les mariages aient diminué ; ils sont au contraire en progression ; mais ils sont volontairement peu féconds. C’est ce qui fait dire à l’Allemagne, pays d’enseignement confessionnel, que « chaque année les Français perdent une bataille[11] ».

Combien, d’autre part, la statistique des divorces ne multiplie-t-elle pas les plus tristes leçons !

Le divorce a été rétabli en France en 1884. La première année, le nombre des divorces a été de 1 700 ; en 1888, il s’est élevé à plus de 6 000 ; en 1895, à 6 751 ; en 1900, à 7 157 ; en 1903, à 8 919 ; en 1904, à 9 860 ; en 1905, à 10 019, et, actuellement, c’est Paris, la ville-lumière, qui en offre le plus grand nombre. On affirmait que les condamnations pour adultère diminueraient par l’effet du divorce. Bien au contraire : en 1883, il y en avait 371 ; dès 1890, ce chiffre s’était élevé à 1 173. C’est principalement dans la classe ouvrière que le divorce sévit, et l’on se demande avec effroi ce que deviennent alors les enfants, quand le modeste foyer qui les abritait est brisé et que leurs parents les sacrifient à de coupables amours.

Je ne l’ignore pas : il y a aussi beaucoup de divorces dans les pays protestants où l’instruction obligatoire est en vigueur ; mais ce fait doit être attribué aux facilités de leur foi religieuse, qui s’est montrée très complaisante pour les faiblesses humaines, et, dès lors, on ne peut, comme en France, faire remonter les causes du mal au mépris de la religion ; beaucoup de protestants, en divorçant, ne rompent pas, par cela même qu’ils se croient autorisés à recourir à cet expédient, avec les règles de la morale et les obligations qui leur incombent envers leurs enfants, et c’est ainsi que le mal est tant soit peu atténué dans ses effets.

La Belgique, malheureusement, depuis que l’impiété ravage un certain nombre de familles, a vu s’accroître aussi le nombre des divorces ; ceux-ci étaient presque inconnus en 1830 : on n’en comptait que 4 ; en 1903, il y en avait 784, et en 1904, 932.

Les suicides n’ont pas cessé de se multiplier aussi, depuis que l’attachement à la religion a faibli. Au cours du XIXe siècle, de 1820 à 1880, leur chiffre a quadruplé. Voici l’ordre dans lequel les pays d’Europe se suivent au point de vue du nombre des suicides : la France, le Danemarck, la Suisse, l’Allemagne, l’Autriche, la Hongrie, la Belgique, l’Angleterre, l’Italie, la Norvège, l’Irlande, l’Espagne. Les pays d’instruction obligatoire sont donc ceux où les suicides sont les plus nombreux. En Saxe, où les socialistes et les radicaux dominent, le chiffre des suicides annuels est d’un peu plus de 305 par million d’habitants ; bien que très élevé, il n’atteint que 246 en France. Est-il nécessaire de le rappeler ? ce sont les contrées catholiques où le dégoût de la vie conduit le moins à cette extrémité.

Et, ce qu’il y a de plus douloureux à constater, c’est la multiplicité des suicides d’enfants. En France, en 1900, 53 jeunes garçons et 67 jeunes filles de moins de 16 ans, 372 garçons et 409 filles de 16 à 21 ans, se sont tués. En Allemagne, de 1869 à 1899, la moyenne a été de 57 par an : c’est beaucoup ; cependant elle reste bien inférieure aux moyennes françaises.

Il faut donc bien le reconnaître : ceux qui recommandent l’instruction obligatoire ne peuvent, quand on consulte les faits, démontrer que ce procédé ait l’efficacité qu’ils prétendent. Les populations catholiques présentent, au triple point de vue de la natalité, des divorces et des suicides, des résultats encourageants. Combien dès lors ne sont pas aveugles ceux qui veulent bannir la religion des mœurs et la séparer de l’instruction ? Ils nous exposent à avoir des générations abâtardies, oublieuses des lois sociales les plus élémentaires et livrées sans défense aux plus mauvaises passions. Les enfants n’échappent pas à ces influences funestes ; ils en subissent le contre-coup. En 1897, M. Fouillée, étudiant dans la Revue des Deux Mondes la situation de la France, écrivait : « La précocité est une des traits douloureux de notre époque. On remarque dans les actes des jeunes accusés une exagération de férocité, une recherche de lubricité, une forfanterie de vice singulières. La prostitution enfantine va aussi croissant, et on a estimé à 40 000 en dix ans le nombre des enfants atteints ! »

En présence de cette situation, on voit des législateurs s’essouffler à réclamer des réformes variées. Assurément, il y a toujours des progrès à réaliser dans la législation ; mais on se trompe en croyant trouver dans ces progrès des solutions suffisantes et définitives. C’est sur les mœurs qu’il faut agir ; la famille doit être restaurée sur ses bases anciennes ; il est nécessaire que l’esprit chrétien les vivifie à nouveau. Beaucoup ne savent plus sur quoi appuyer le devoir, et, dans l’incertitude où ils sont, ils en méconnaissent les prescriptions et jusqu’au nom. Comment une société peut-elle espérer se maintenir dans ces conditions ? elle était en possession de promesses de vie : elle les repousse ; aux autels anciens, elle veut substituer le règne des négations, des incertitudes et des insouciances : ce n’est pas ainsi qu’une restauration sociale peut être espérée.

Je fais depuis longtemps partie du parlement ; j’y vois des discussions se prolonger à perte de vue sur des bagatelles. Quand l’un de ces débats portant sur un problème minuscule a pris fin, d’un côté on se félicite de la victoire, du côté opposé on déplore la défaite ; en réalité, les solutions intervenues peuvent prévenir ou atténuer certains maux ; elles sont impuissantes à discipliner les âmes. Les lois d’enseignement ne sont certes pas sans efficacité ; mais elles n’ont d’influence réelle et bienfaisante que quand, tout en aidant au développement de l’intelligence, elles contribuent à graver efficacement dans les cœurs la loi du devoir. C’est à ce soin que tous devraient se consacrer, en n’accordant qu’une importance secondaire à des controverses dont la portée et les effets seront fort toujours restreints.

Ch. Woeste.
  1. Belgique. (Vingt ans de polémique, t. II, p. 76).
  2. Liberté, autorité, p. 201,
  3. Tous les chiffres qui précèdent sont empruntés à l’Annuaire statistique, au recensement de 1886, au rapport de M. Colaert sur le budget de l’Intérieur pour 1906, et au discours prononcé par le Ministre de l’Intérieur à la Chambre le 4 mai 1906.
  4. Je n’ai pas les dernières statistiques ; mais, en 1896, ce pourcentage était de 23 p. c. dans le Piémont ; de 40 p. c. dans l’Italie centrale ; de 53 p. c. dans l’Italie méridionale ; de 56 p. c. dans les Iles.
  5. Statistique publiée parle Ministre de l’Instruction publique.
  6. Mendiants et vagabonds, Paris, 1902.
  7. Enquête sur l’absentéisme volontaire, organisée par la Ligue française de l’enseignement.
  8. On peut consulter enfin, sur l’état de l’enseignement en France d’utiles renseignements dans la Revue Générale, 1902, t. Ier, p. 931.
  9. Messager de Bruxelles.
  10. Ralliement du 24 février 1906.
  11. En France, la population était, en 1890, de 38 342 000 habitants, et en 1900, de 38 962 000 ; en Allemagne, elle était, en 1890, de 49 429 000, et en 1900, de 56 345 000.