L’honneur de souffrir/LXVII. Ne te résigne pas à la douleur

Librairie Grasset (p. 108-109).

LXVII


Ne te résigne pas à la douleur. Écarte
Le courage mortel qu’exerce contre soi
Mon inflexible cœur qui fut formé dans Sparte,
Et que tout, sauf le goût du pur tombeau, déçoit.

Renais, réjouis-toi, tu n’as pas dès l’enfance
Subi le joug secret infligé par les dieux.
Tu peux continuer, sans ressentir d’offense,
Ta route où rien ne fut vaste et victorieux.


Vis, intrus éphémère, en qui la paix abonde !
Les grands proscrits sont ceux que le destin comblait,
Qui, debout sur la proue orageuse du monde,
Trouvaient leur parenté quand l’éther s’étoilait.

Ceux-là peuvent quitter l’univers où leur être
Par sa force ajoutait à la création.
Leur poussière, pareille au vent puissant, pénètre
Ce qui se meut, du sol aux constellations.

Ceux-là possédaient bien, dans leur subtile sève,
— Loi de l’exactitude et de la pâmoison —
L’âme, qui n’est jamais que des instincts qui rêvent,
Et qui ne peut tromper la divine raison.

Qu’ils meurent, ces beaux fronts où tout mit son empreinte,
Ces yeux où tout pays somptueux fut planté,
Ces cœurs qu’éblouissait Sophocle dans Corinthe,
Ce souffle où se jouait l’universel été !

Qu’il dorme, parfumé, digne toujours de plaire,
Ce corps qui n’osait plus croire à la fin du mal ;
Que son renom soit pur, frénétique et stellaire,
Ô corps mystérieux, saintement animal !