L’enseignement militaire à l’école

L’enseignement militaire à l’école
Revue pédagogique, second semestre 1882n. s. 1 (p. 111-127).

L’ENSEIGNEMENT MILITAIRE À L’ÉCOLE



Ce n’est pas une idée nouvelle que celle de préparer la jeunesse au service militaire en assouplissant et en fortifiant l’enfant par la gymnastique et en le familiarisant de bonne heure avec le maniement des armes. Nous ne remonterons pas à l’antiquité pour le démontrer et nous ne rappellerons pas les exemples fameux de Sparte, d’Athènes et de Rome. Nous passerons sous silence l’époque de la chevalerie où le jeune noble sortait à sept ans des mains des femmes pour recevoir une éducation virile et se préparer par les plus rudes exercices aux fatigues de la guerre.

Dans la pensée des législateurs de la Révolution, l’éducation physique, jadis bornée à un petit nombre de privilégiés, devait étendre ses bienfaits à toute la jeunesse du pays. Si nous consultons, en effet, les plans proposés à cette époque, nous trouvons que presque tous les hommes qui se sont occupés des questions d’enseignement se sont inquiétés du développement physique de l’enfant. Talleyrand demande, « au lieu des exercices de l’enfance, qui ne sont pour la plupart que des jeux, des exercices qui supposent et donnent à la fois de la force et de l’agilité, tels que la natation, l’escrime, l’équitation et même la danse ». Condorcet veut que l’on n’oublie pas dans les programmes « la gymnastique par laquelle l’enfant acquiert la santé, la force, l’adresse, l’agilité du corps ». Michel Le Peletier se plaint que, dans les écoles primaires, un des objets les plus essentiels soit omis. « Je suis, dit-il, qu’on propose quelques exercices de gymnastique, mais cela ne suffit pas. » Il veut « former un bon tempérament aux enfants, augmenter leurs forces, favoriser leur croissance, développer en eux vigueur, adresse, agilité ; les endurcir contre la fatigue, les intempéries des saisons, la privation momentanée des premiers besoins de la vie ».

Malheureusement ces plans ne furent pas mis à exécution, et nous avons été devancés dans la voie que nous avions indiquée, et où nous ne faisons que d’entrer, par les pays étrangers, notamment la Suède, le Danemark, l’Angleterre, l’Allemagne et surtout la Suisse.

En France, cependant, depuis le commencement du siècle, nous trouvons assez fréquemment, dans les instructions émanées de l’administration de l’instruction publique, la recommandation d’exercer les jeunes gens des lycées et collèges au maniement des armes.

Nous citerons, entre autres, à titre de document intéressant, une circulaire du duc de Plaisance, grand maître de l’Université impériale pendant les Cent jours. Ce haut fonctionnaire informe, le 29 mai 1815, les recteurs que « d’après une décision de l’Empereur, provoquée avec enthousiasme par tous les jeunes gens élevés dans les établissements de l’Université », les élèves des lycées pourront servir comme canonniers dans les villes en état de siège.

Mais pendant longtemps les prescriptions concernant les exercices militaires ne sont applicables qu’aux établissements d’enseignement secondaire.

Avant que la pensée ne vint de faire pénétrer l’enseignement militaire dans l’école primaire, on s’occupa d’y organiser la gymnastique.

M. Duruy, surtout, prit cette tâche à cœur. Le décret du 3 février 1869, rendu sur sa proposition, régla cet enseignement dans les lycées et collèges, les écoles primaires communales et les écoles normales primaires. Le programme qui y état annexé comprenait pour les écoles primaires quelques éléments de manœuvres militaires, notamment pour les élèves de onze ans et au-dessus : « composition d’un peloton… marche en bataille, en avant… marche oblique », etc. Mais ce n’était encore que dans les lycées et collèges et dans les écoles normales que devait réellement s’enseigner le maniement des armes.

Toutefois ce décret faisait faire un pas important à la question. Les écoles primaires devaient recevoir un premier commencement d’instruction militaire, et les élèves-maîtres des écoles normales, les futurs instituteurs, un enseignement beaucoup plus développé, qui leur permettrait un jour de bien diriger les enfants confiés à leurs soins.

a Un genre particulier d’exercices, disait, le 9 mars 1869, le ministre aux recteurs en leur transmettant le décret du 38 février, aura lieu dans les lycées, les collèges et les écoles normales primaires : Ce sont ceux qui se rapportent au maniement des armes et à l’école du soldat. Ils sont réglés par la théorie spéciale que le ministère de la guerre a préparée pour la garde nationale mobile. Introduits, à titre d’essai, dans l’académie de Paris, ils y ont parfaitement réussi. Les instructeurs s’étonnent de la promptitude avec laquelle nos élèves apprennent ces exercices, qui se combinent avec la gymnastique ordinaire et qui les mettront en état de réclamer le bénéfice du dernier paragraphe de l’article 9 de la loi du 1er février 1868 sur l’organisation de l’armée, aux termes duquel « sont exemptés des exercices les » jeunes gens qui justifient d’une connaissance suffisante du maniement des armes et de l’école du soldat. »

» D’ailleurs, au point de vue de l’éducation, il ne faut point dédaigner ce moyen de donner au corps une meilleure tenue, à l’âme plus d’assurance. On a dit que certaines vertus tenaient aux armes. Ceux qui ont le soin paternel d’élever les jeunes générations ne doivent négliger rien de ce qui peut les aider à former des hommes. »

Après nos désastres, M. Jules Simon appelait, le 2 novembre 1871, l’attention des recteurs sur la place à donner, dans les établissements d’instruction, aux exercices gymnastiques. CIE Y a nécessité, leur disait, de tenir partout la main à ce que les décrets et règlements qui ont été rendus récemment au sujet de la gymnastique soient observés, notamment le décret du 3 février 1869 », et il leur transmettait, le 13 décembre, copie d’une circulaire adressée par le ministre de la guerre aux généraux commandant les divisions : « Le gouvernement attache la plus. grande importance à ce que les exercices corporels, y compris le maniement du fusil, et surtout l’équitation qui a été beaucoup trop négligée jusqu’à présent, occupent désormais une large place dans l’éducation de la jeunesse. » Et le ministre prescrivait aux généraux de mettre des fusils à la disposition des élèves des établissements publics ou libres d’instruction secondaire et de fournir, sur la demande des proviseurs, des chevaux aux élèves des lycées et collèges, pour les leçons d’équitation.

Le 27 septembre 1872, M. Jules Simon insistait de nouveau sur l’importance des exercices militaires, de l’équitation, de l’escrime. de la natation et des longues promenades, surtout des promenades topographiques pour les élèves des établissements d’enseignement secondaire.

Cependant l’instruction militaire gagnait du terrain dans l’enseignement primaire. Un certain nombre d’écoles publiques la recevaient bien plus étendue que ne le comportaient les programmes, Elle était régulièrement et sérieusement donnée dans la plupart des écoles normales, et le règlement du 3 août 1881, relatif à l’emploi du temps et à la répartition des matières d’enseignement dans ces établissements, en consacra définitivement l’introduction dans les programmes, jusqu’au tir inclusivement.

À la suite de la loi du 27 janvier 1880 qui rendait obligatoire, dans tous les établissements d’instruction publique de garçons dépendant de l’État, des départements et des communes l’étude de la gymnastique, un manuel préparé par la Commission centrale de gymnastique et des exercices militaires fut publié par le ministère de l’instruction publique. Ce manuel se compose de deux volumes divisés chacun en deux parties : 1° exercices gymnastiques ; 2° exercices militaires, et qui parurent l’un en 1880, l’autre en 1881.

Ces actes de l’administration répondaient à un vœu très accentué de l’opinion publique, qui manifestait de plus en plus le désir de voir les exercices militaires s’implanter d’une façon générale dans les écoles primaires communales. Le gouvernement, d’accord avec le sentiment national, se montrait tout disposé à prendre les mesures nécessaires.

« Les exercices gymnastiques et militaires se pratiquent régulièrement dans les établissements secondaires et dans les écoles normales primaires, disait M, Jules Ferry dans sa circulaire aux recteurs du 20 mai 1880 ; mais le nombre des écoles primaires pourvues de cet enseignement est encore bien restreint ; il reste beaucoup à faire, notamment en ce qui concerne les écoles des communes rurales, et c’est surtout de ce côté que doivent se porter nos efforts. »

La circulaire du 29 mars 1881 est encore bien plus catégorique :

« En attendant que la question de l’organisation du tir soit résolue, ce qui ne saurait tarder, je vous prie de veiller à ce que les exercices militaires se fassent régulièrement dans les écoles primaires, comme dans les lycées et collèges. Vous savez quel en est le but, quelle importance nous devons y attacher ; suivant l’expression de l’honorable auteur de la proposition de loi sur la gymnastique, « il ne s’agit plus seulement ici de la santé, de la vigueur corporelle, de l’éducation physique de la jeunesse française, il s’agit aussi du bon fonctionnement de nos lois militaires, de la composition et de la force de notre armée, » Tous les enfants qui fréquentent nos écoles sont appelés à servir un jour leur pays comme soldats ; c’est une œuvre patriotique que nous poursuivons et nous rendons un vrai service à nos élèves eux-mêmes, en cherchant à leur donner des habitudes viriles, à les familiariser, dès l’enfance, avec le rôle qu’ils auront plus tard à remplir, à les initier aux devoirs qui les attendent au régiment. Si, dans toutes les écoles, l’instruction militaire était donnée comme nous Île désirons et comme nous le demandons instamment, les jeunes gens, en arrivant sous les drapeaux, n’auraient plus qu’à compléter leur éducation militaire, et ainsi se trouverait résolu le problème de la réduction de la durée du service.

» Vous ne sauriez trop insister dans ce sens auprès de MM. les inspecteurs d’académie. »

Afin que les prescriptions ministérielles fussent ponctuellement exécutées, la circulaire informait les recteurs que le ministre tiendrait la main à leur application et qu’il avait l’intention de faire procéder ultérieurement à une enquête détaillée sur l’état de l’enseignement de la gymnastique.

Cette enquête à eu lieu aux mois d’avril et mai derniers. Elle a porté non seulement sur l’enseignement de la gymnastique, mais encore sur les exercices militaires.

En voici le résumé :

L’enquête a établi que l’enseignement gymnastique seulement était donné dans 19,094 écoles ; l’enseignement gymnastique et militaire dans 11,441 ; que 2,419 écoles exerçaient leurs élèves au tir, et que 4,662 leur faisaient faire des promenades et excursions topographiques.

En ce qui concerne le nombre des enfants qui prennent part à ces exercices, elle a donné les chiffres suivants : 895,000 reçoivent l’enseignement gymnastique seulement ; 353,600 l’enseignement gymnastique et militaire ; 39,230 ont pris part au tir ; 172,364 aux promenades topographiques.

22,531 maîtres, titulaires ou adjoints, donnent l’enseignement gymnastique seulement ; 12,710 l’enseignement gymnastique et militaire. Sauf de rares exceptions, les instituteurs ont pu suffire à cette double tâche. Pour l’enseignement du tir on a dû quelquefois recourir à des instructeurs spéciaux, car 2,419 écoles l’ont reçu et 1,805 maîtres seulement se sont trouvés en état de le donner. Les excursions topographiques ont été dirigées par 5,021 maîtres.

Comme on le voit, les résultats constatés par cette enquête sont déjà satisfaisants.

Il est vrai de dire que la sollicitude des pouvoirs publics. l’aide de l’administration et le concours de l’initiative privée n’avaient pas fait défaut à la nouvelle institution.

L’article 6 de la loi de finances du 29 juillet 1881, qui mettait à la disposition de l’administration de l’instruction publique une somme d’un million pour l’instruction militaire, était ainsi conçu : « Le ministre de la guerre est autorisé à céder, à litre gratuit, au ministère de l’instruction publique et des beaux-arts 120,000 fusils hors modèle existant dans les arsenaux de la guerre pour les approprier à l’usage des écoles publiques. »

Cette somme a servi à transformer en fusils scolaires de tir, réduction du fusil Gras, 52,600 chassepots. 35,700 de ces armes ont été distribuées à raison de trois par école dans les communes Où se trouvait un instituteur où un instructeur en état de diriger les exercices. Ces fusils devaient être exclusivement réservés à l’enseignement du tir. L’un devait être consacré à apprendre aux enfants le montage et le démontage de l’arme, les deux autres à les exercer au tir avec des cartouches à tir réduit. Il a été malheureusement constaté que, dans la plupart des écoles, ces fusils avaient servi à faire l’exercice, ce qui est de nature à les détériorer et à amener des accidents lorsqu’on voudra plus tard les utiliser pour le tir. En outre ils sont trop lourds pour l’exercice et fatiguent l’enfant.

L’administration de l’instruction publique aurait voulu pouvoir venir en aide aux municipalités pour l’achat de fusils d’exercice ; mais aucun crédit n’étant inscrit à son budget pour cet objet, elle s’est vue jusqu’à présent dans l’impossibilité de le faire.

Le 21 janvier 1882, M. Paul Bert, alors ministre de l’instruction publique et des cultes, institua au ministère de l’instruction publique une Commission de l’éducation militaire.

Les principales questions que cette Commission fut chargée d’étudier étaient les suivantes : enseignement des exercices militaires et du maniement des armes ; choix des armes ; distribution des fusils et des cartouches ; choix de livres, d’images et de chants ; discipline intérieure des établissements d’internes ; gymnastique, escrime, — Fêtes, revues, tirs, excursions et, en général, continuation de l’éducation militaire en dehors des écoles. — Inspection.

Dans la première séance, qui eut lieu le 25 janvier, M. Paul Bert, après avoir remercié les membres de la Commission du concours qu’ils étaient disposés à lui prêter « pour résoudre la question la plus importante peut-être et celle à coup sûr qui lui tenait le plus à cœur parmi tous les projets dont il avait entrepris la réalisation », exposa ses vues sur l’éducation militaire à l’école d’abord, puis « entre l’âge où finit l’enseignement primaire et celui où commence le service militaire ».

Au moment où M. Paul Bert faisait appel aux lumières d’une Commission spéciale pour l’aider à trouver la solution des difficultés que pouvait présenter l’introduction de l’éducation militaire à l’école, des hommes de cœur s’étaient déjà préoccupés de l’organisation pratique de cet enseignement, et, sur bien des points du territoire, l’initiative privée avait marché de l’avant sans attendre la réglementation officielle.

Secondés par des municipalités actives et dévouées, beaucoup d’instituteurs, formés à l’école normale au maniement des armes, d’anciens sous-officiers ou soldats, avaient accepté gratuitement les fonctions d’instructeurs. Dans les communes où les ressources étaient suffisantes, on avait acheté de petits fusils d’exercice, dans d’autres on se contentait de fusils de bois ou d’armes plus modestes encore ; mais l’enseignement n’en était pas moins donné avec zèle et méthode, reçu avec plaisir et profit.

Sur la frontière de l’Est, où les exercices gymnastiques et militaires sont si fort en honneur, des bataillons scolaires étaient déjà organisés dans le territoire de Belfort, dans les départements des Vosges, du Doubs, de la Haute-Saône, de Meurthe-et-Moselle, de la Marne, etc.

Mais ce n’est pas seulement sur la frontière allemande qu’existait cette institution. Nous trouvons l’enseignement militaire à l’école sur les points les plus divers du territoire : à Lyon, à Dunkerque, à Cherbourg, à Grenoble, à La Rochelle, à Périgueux, à Bordeaux ; dans les départements de l’Ardèche, d’Eure-et-Loir, de l’Isère, de la Haute-Savoie, du Var, des Basses-Pyrénées, etc. Il n’y a pour ainsi dire pas de département où nous ne puissions trouver trace de louables efforts et de réels succès.

Le bataillon scolaire de Paris mérite une mention spéciale.

Le 4 novembre 1880, le conseil municipal de Paris était saisi d’une proposition de M. Aristide Rey, ayant pour objet d’organiser en bataillons armés et équipés les enfants des écoles communales de garçons de Paris.

Le 19 juillet suivant, le conseil municipal prenait une délibération décidant qu’il y avait lieu d’approuver le plan proposé par M. Aristide Rey, ouvrait au préfet de la Seine un crédit de 250,000 francs pour la réalisation de ce plan, et nommait une Commission spéciale de huit membres chargée de préparer l’organisation votée en principe par le conseil municipal et d’étudier toutes les mesures propres à assurer le succès de cette organisation.

Dans chacun des vingt arrondissements de Paris fut créée une « caisse des jeunes bataillons », avant pour objet d’assister les familles auxquelles leur état de fortune ne permettrait pas de subvenir aux frais d’équipement et d’habillement de leurs enfants.

L’institution, accueillie avec faveur par la population parisienne, est en voie de prospérité. Le 13 juillet dernier, à l’occasion de l’inauguration du nouvel Hôtel de Ville, le premier bataillon scolaire de la ville de Paris, composé de 650 élèves des écoles du Ve arrondissement, bien équipés et bien armés, a été passé en revue sur la place de l’Hôtel-de-Ville, où il a défilé avec un grand ensemble et beaucoup de précision devant le gouverneur de Paris, le président du conseil municipal et le préfet de la Seine. Ce magistrat a remis au commandant un drapeau donné par le ministre de l’instruction publique et a invité les enfants composant le bataillon à un banquet offert par la ville de Paris et qui les attendait dans la salle Saint-Jean. Au dessert, M. Jules Ferry vint leur adresser une allocution. « Sous l’apparence d’une chose bien amusante, leur dit Je ministre, vous remplissez un rôle profondément sérieux. Vous travaillez à la force militaire de la France de demain. » On ne pouvait résumer avec plus de netteté le caractère et le but de l’institution.

Une œuvre si éminemment patriotique devait attirer l’attention de tous ceux qui se préoccupent du relèvement de la France.

À la suite de son Congrès tenu en avril dernier, la Ligue de l’enseignement ouvrit une souscription pour contribuer au développement de l’instruction militaire et gymnastique de la jeunesse française, Voici le texte des résolutions votées par le Congrès, dans sa séance du 13 avril :

« La Ligue de l’enseignement, étendant le cercle de son action, prend en main la cause nationale de l’éducation civique et militaire.

» Comme moyen d’action, le Congrès estime qu’il y a lieu de prendre dès à présent les mesures suivantes :

» 1° Provoquer la formation, dans chaque canton de France, d’un cercle d’éducation nationale, subdivisé en sections par communes et qui aura pour but d’organiser pour les jeunes gens sortant de l’école, jusqu’à l’âge de vingt-ans, l’instruction gymnastique et militaire, au moyen d’exercices hebdomadaires et de réunions cantonales périodiques.

» 2° De former aux chefs-lieux de département et d’arrondissement une commission de citoyens de bonne volonté qui se chargerait d’entrer en relations avec chaque chef-lieu de canton, d’y provoquer la création de cercles cantonaux, et de servir d’intermédiaire entre les sociétés locales et le Conseil général de la Ligue.

» 3° Enfin, comme pour la formation et le fonctionnement de ces cercles cantonaux il sera indispensable de venir en aide aux cantons les moins aisés, il importe que la Ligue ait à sa disposition des ressources en proportion avec la grandeur de l’œuvre et l’importance des besoins à satisfaire. En conséquence, le Congrès décide qu’il sera fait appel à tous les citoyens et aux femmes de France qui avaient déjà organisé l’œuvre de la libération du territoire, et qu’il sera ouvert dans ce but une grande souscription nationale.

» Le Conseil général de la Ligue est chargé de prendre les mesures nécessaires pour l’exécution de cette résolution. »

Comme on le voit, la Ligue de l’enseignement ne se renferme pas dans les limites, un peu étroites peut-être, qu’à dû se fixer l’administration. Sa sphère d’action est plus large. L’œuvre qu’elle entreprend est en quelque sorte le complément de celle du gouvernement.

Son objet est de créer, à l’aide de l’initiative privée, une organisation qui lui permette de perfectionner et de compléter les éléments d’instruction gymnastique et militaire donnés aux enfants dans les écoles, de les prendre à la sortie des classes et de les conduire jusqu’à leur entrée au régiment.

En attendant que le gouvernement puisse s’occuper à son tour de l’éducation militaire des jeunes gens de quinze à vingt ans — et pour nous, nous n’hésitons pas à le dire, c’est là qu’est le nœud de la question, c’est là que devront plus tard se porter tous les efforts, — il a fait son possible pour la créer et la développer à l’école.

Nous avons dit qu’un drapeau avait été remis au nom du ministre de l’instruction publique au premier bataillon scolaire de la ville de Paris. Une décision ministérielle du 7 juillet accordait la même faveur à trente-huit autres villes ou cantons.

Nous reproduisons ici l’arrêté du 7 juillet et la note qui le précédait au Bulletin administratif.

NOTE

La circulaire du 21 mars 1882 portait qu’un drapeau serait accordé, à l’occasion de la fête nationale du 14 juillet, aux cantons dans lesquels les écales publiques de garçons auraient donné un enseignement régulier de la gymnastique, des exercices militaires et du tir.

MM. les préfets ont, en conséquence, soumis à l’administration supérieure des propositions dans ce sens.

Après un examen attentif des nombreuses demandes parvenues à l’administration, il a été constaté que, dans différentes localités, des bataillons scolaires, formés des élèves des écoles en âge de se livrer au maniement des armes. étaient organisés et avaient donné des résultats satisfaisants.

À plusieurs reprises, les autorités militaire et universitaire ont eu l’occasion de remarquer la bonne tenue et la discipline de ces bataillons, la régularité de leurs manœuvres, l’intérêt et le zèle que les instructeurs apportaient à la tâche qui leur était confiée, le goût et l’ardeur que les enfants mettaient à ces exercices. L’inspection générale, dans ses rapports, témoigne des résultats obtenus par cette nouvelle et patriotique institution.

Les bataillons scolaires complètement organisés étant en très petit nombre, trente-neuf cantons seulement se sont trouvés avoir complètement rempli les conditions de la circulaire précitée.

Le don d’un drapeau aux bataillons les plus méritants sera pour eux un précieux encouragement, et l’espoir d’obtenir, à leur tour, dans le courant des années suivantes, la même distinction, un stimulant énergique pour ceux qui sont déjà en formation ou qui viendraient à se créer dans l’avenir.

Par l’arrêté suivant, M. le ministre, à l’occasion de la fête nationale du 14 juillet, a accordé un drapeau à chacun des cantons ci-après désignés :

ARRÊTÉ
(7 juillet 1882).

Le Ministre de l’instruction publique et des beaux-arts

Arrête :

Il est accordé, à l’occasion de la fête nationale du 14 juillet, un drapeau aux bataillons scolaires des villes au contons ci-après désignés, savoir :

DÉPARTEMENTS :
CANTONS :
Alpes (Hautes-)
Gap.
Ardèche
La Voulte, Annonay.
Belfort (territoire du)
Belfort, Delle.
Charente-Inférieure
La Rochelle.
Dordogne
Périgueux.
Doubs
Besançon, Montbéliard, Pontarlier.
Eure-et-Loir
Authon, Châteaudun.
Gironde
Bordeaux (Ier arrondissement).
Isère
Grenoble.
Manche
Cherbourg.
Marne
Reims, Suippez.
Meurthe-et-Moselle
Gerbéviller, Toul (sud).
Meuse
Bar-le-Duc.
Nièvre
Châtillon.
Nord
Dunkerque.
Pyrénées (Basses-)
Tardets.
Saône (Haute-)
Jussey.
Sarthe
Sillé-le-Guillaume.
Savoie
Bourg-Saint-Maurice.
Seine
Paris.
Seine-et-Marne
Meaux, Melun.
Seine-et-Oise
Saint-Germain-en-Jaye, Chevreuse.
Seine-Inférieure
Le Havre, Yvetot, Marommie.
Var
Besse.
Vendée
Les Sables-d’Olonne.
Vosges
Épinal, Remiremont, Saint-Dié.

Le jour même où le ministre de l’instruction publique signait cet arrêté, paraissait au Journal officiel un décret, du 6 juillet, sur les bataillons scolaires.

Ce règlement, qui fixe les conditions d’organisation et de fonctionnement des bataillons scolaires, a été préparé, ainsi que l’arrêté sur les exercices de tir qui y fait suite, par une com mission composée de délégués des trois ministères de la guerre, de l’intérieur et de l’instruction publique.

Voici le texte de ces deux documents :

DÉCRET
relatif à l’instruction militaire et à la création de bataillons scolaires dans les établissements d’instruction primaire où secondaire.

Le Président de la République française,

Sur les rapports des ministres de la guerre, de l’instruction publique et des beaux-arts, et de l’intérieur ;

Vu l’article 1er de la loi du 28 mars 1882, qui met la gymnastique et les exercices militaires au nombre des matières d’enseignement des écoles primaires publiques de garçons ;

Vu la loi du 27 janvier 1880, qui rend l’enseignement de la gymnastique obligatoire dans tous les établissements d’instruction publique de garçons ;

Vu le décret du 29 juillet 181 et l’arrêté du 3 août fixant le programme de cet enseignement dans les écoles normales d’instituteurs ;

Vu l’article 6 de la loi du 27 juillet 1872 sur le recrutement de l’armée ;

Vu les articles 8 et 10 de la loi du 24 juillet 1873, relative à l’organisation générale de l’armée ;

Vu l’article 54 de la loi du 13 mars 1875, relative à la constitution des cadres et des effectifs de l’armée active et de l’armée territoriale ;

Vu le décret du 2 avril 18375 relatif à l’organisation militaire des douaniers:

Vu le décret du 2 avril 1875, relatif à l’organisation militaire du corps forestier ;

Vu le décret du 29 décembre 1875, sur l’organisation des corps de sapeurs-pompiers;

Vu les procès-verbaux do la commission mixte formée de délégué des trois ministères de la guerre, de l’intérieur et de l’instruction publique, chargée de préparer un règlement relatif à l’instruction militaire dans les établissements d’instruction,

Décrète :

Art. 1er. — Tout établissement public d’instruction primaire ou secondaire ou toute réunion d’écoles publiques comptant de deux cents à six cents élèves âgés de douze ans et au-dessus pourra, sous le nom de bataillon scolaire, rassembler ses élèves pour les exercices gymnastiques et militaires pendant toute la durée de leur séjour dans les établissements d’instruction.

Art. 2. — Aucun bataillon scolaire ne sera constitué sans un arrêté d’autorisation rendu par le préfet. Cette autorisation ne pourra être accordée qu’après que le groupe d’enfants destiné à former le bataillon aura été reconnu capable d’exécuter l’école de compagnie.

Il sera procédé à cette constatation par les soins d’une commission de trois membres, savoir : deux officiers désignés par l’autorité militaire et l’inspecteur d’académie ou son délégué.

Art. 3. — Tout bataillon scolaire, après sa constitution, devra être inspecté au moins une fois par an, par la commission désignée à l’article 2.

Art. 4. — Tout bataillon scolaire recevra du ministre de l’instruction publique un drapeau spécial qui sera déposé chaque année, dans celle des écoles dont les enfants auront obtenu, au cours de l’année, les meilleures notes d’inspection militaire.

Art. 5. — Chaque bataillon scolaire se composera de quatre compagnies dont chacune comprendra au moins cinquante enfants.

Art. 6. — Ne pourront faire partie du bataillon les élèves que le médecin attaché à l’établissement aura déclarés hors d’état de participer aux exercices gymnastiques et militaires du bataillon.

Art. 7. — Tout bataillon scolaire est placé sous les ordres d’un instructeur en cnef et d’instructeurs adjoints désignés pur l’autorité militaire. La répartition des élèves dans les diverses compagnies est faite sur la proposition des chefs d’établissement par l’instructeur en chef.

Art. 8. — Un maître au moins de chaque établissement scolaire dont les élèves font partie du bataillon devra assister aux réunions du bataillon. Ces réunions auront toujours lieu, sauf autorisation spéciale de l’inspecteur d’académie, en dehors des heures de classe réglementaires.

Art. 9. — Le bataillon scolaire ne pourra être armé que de fusils conformes à un modèle adopté par le ministre de la guerre et poinçonnés par l’autorité militaire. Ces fusils, dont la fabrication sera abandonnée à l’industrie privée, devront présenter les trois conditions suivantes : n’être pas trop lourds pour l’âge des enfants ; comporter tout le mécanisme du fusil de guerre actuel ; n’être pas susceptibles de faire feu, même à courte portée.

Ces fusils seront déposés à l’école.

Art. 10. — Pour les exercices du tir à la cible, les élèves des bataillons scolaire âgés de quatorze ans au moins, et que l’instructeur en chef aura désignés comme aptes à y prendre part seront conduits au stand ou au champ de tir et y seront exercés avec le fusil scolaire spécial dans les conditions qui seront réglées par un arrêté des ministres de la guerre et de l’instruction publique.

Art. 11. — Aucun uniforme ne sera obligatoire. Les uniformes qui pourraient être adoptés par les bataillons scolaires devront être autorisés par le ministre de l’instruction publique.

Les caisses des écoles pourront seules être autorisées par le préfet 4 fournir aux élèves, dans des conditions à déterminer par des règlements locaux, tout ou partie des objets d’habillement jugés nécessaires.

Art. 12. — Les établissements libres d’instruction primaire et secondaire qui déclareront se soumettre à toutes les prescriptions du présent décret sont autorisés, soit à incorporer leurs élèves dans le bataillon scolaire du canton, soit, si leur effectif est suffisant, à former des bataillons scolaires distincts qui seront à tous égards assimilés à ceux des écoles publiques.

Art. 13. — Les ministres de la guerre, de l’instruction publique et de l’intérieur sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent décret.

Fait à Paris, le 6 juillet 1882.

Jules GRÉVY.
Par le Président de la République :
Le Ministre de la guerre.
Le Ministre de l’instruction publique.
Billot.
Jules Ferry.
Le Ministre de l’intérieur,
René Goblet.

ARRÊTÉ
portant règlement sur l’exécution des exercices de tir dans les établissements d’instruction primaire ou secondaire.

Les ministres de la guerre, de l’instruction publique et de l’intérieur,

Vu le décret en date du 6 juillet 1882,

Arrêtent :

Dispositions générales.

Art. 1er — Les fusils scolaires destinés aux exercices de tir et mis en service à raison de trois par école seront, ainsi que les munitions, déposés soit dans les casernes de gendarmerie, soit dans les magasins des corps de troupe, suivant les ordres de l’autorité militaire.

Art. 2. — Ces armes ne seront délivrées que les jours d’exercice de tir réduit, et, exceptionnellement, les jours des exercices préparatoires ayant pour but de démontrer le maniement du fusil devant la cible, le pointage et les positions du tireur.

Art. 3. — Les fusils et les munitions nécessaires pour le tir de la journée seront remis à l’instructeur militaire, sur sa demande écrite et motivée.

Art. 4. — L’instructeur militaire prendra, de concert avec les chefs des établissements scolaires, les dispositions nécessaires pour faire transporter, dans de bonnes conditions, les armes et les cartouches sur le terrain du tir, et pour les faire rapporter à la caserne, et s’il y a lieu, pour faire transporter les cartouches du centre de fabrication à la caserne de gendarmerie.

Art. 5. — Les armes seront nettoyées et réintégrées au lieu de dépôt, le jour même de chaque exercice, par les soins de l’instructeur militaire ; remise sera faite, en même temps, des cartouches non consommées.

Art. 6. — Dans chaque subdivision de région, l’autorité militaire désignera les corps de troupe chargés de fournir des cartouches aux groupes scolaires qui désireront pratiquer le tir réduit. Après les tirs, les étuis vides seront rapportés aux corps désignés, pour être rechargés par leurs soins, s’il y a lieu.

Art. 7. — Le prix de cession de l’étui est fixé à 0 fr. 04 c. Celui du chargement, y compris le nettoyage des étuis et la fourniture des divers éléments qui le composent, est de 0 fr. 009 par cartouche.

Ces dépenses, ainsi que les frais de transport, seront à la charge des établissements scolaires.

Art.. — Il sera alloué aux corps par cartouche livrée aux écoles une somme de O fr. 002, dont O fr. 001 pour les frais de combustible, etc., et 0 fr. 001 pour le personnel subalterne qui procédera au chargement. Cette allocation sera payée sur les fonds de l’armement et devra être comprise dans le relevé des dépenses annuelles effectuées pour ce service par les corps.

Art. 9. — Les demandes de délivrance de cartouches scolaires ou de chargement d’étuis vides, établies en triple expédition, seront adressées par les inspecteurs d’académie aux généraux commandant les subdivisions de région, qui les transmettront pour exécution aux corps désignés à cet effet.

L’une de ces expéditions sera conservée au corps, la seconde sera envoyée à l’inspecteur d’académie, et la troisième au ministre de la guerre. Toutes les trois porteront le récépissé de l’instructeur militaire.

Art. 10. — Ces demandes seront totalisées par les soins de l’administration de la guerre ; la dépense totale sera indiquée au ministère de l’instruction publique, qui en remboursera le montant annuellement,

Exécution du tir.

Art. 11. — Le tir réduit avec le fusil scolaire s’exécute en employant trois lignes de mire, savoir :

De 10 à 20 mètres : employer la ligne de mire qui passe par le sommet du guidon et le cran du talon de la hausse couchée (ce cran porte l’indication 10 à 20).

À 30 mètres : employer la ligne de mire qui passe pur le sommet du guidon et le cran inférieur de la planche de la hausse levée (ce cran porte l’indication 30).

À 40 mètres : employer la ligne de mire qui passe par le sommet du guidon et le cran du curseur abaissé, la planche de hausse étant levée (un trait, affleurant le bord supérieur du curseur abaissé, est tracé sur le côté droit de la planche, et l’indication 40 est inscrite au-dessus).

Art.. 12. — La cartouche de tir réduit pour fusil scolaire comprend :

1e Un étui vide de cartouche modèle 1874, raccourci de 0m,01 ;

2e Les divers éléments nécessaires au chargement :

1 amorce ;

1 couvre-amorce ;

1 balle sphérique en plomb de 8 gr. 70 ;

1 charge de poudre de 0 gr. 4.

Cette cartouche est chargée exactement comme la cartouche de tir réduit ordinaire.

Art. 13. — Chaque enfant susceptible de prendre part aux exercices de tir réduit, dans les écoles où ces exercices auront été organisés, pourra tirer au maximum cinq séries de six balles, soit trente cartouches par an. Il ne sera jamais tiré dans la même séance plus de six cartouches par enfant.

Art. 14. — Avant de commencer une série de six coups, on aura soin d’huiler fortement l’intérieur du canon afin de faciliter le glissement de la balle ; cette précaution est indispensable. L’expérience a montré que le graissage de la balle nuisait à la justesse.

Si, dans le tir, une balle restait dans le canon, on l’enlèverait avec la baguette. et on huilerait de nouveau le canon.

L’intérieur du canon, la chambre et la culasse mobile seront soigneusement nettoyés après chaque séance de tir.

Art. 15. — Les plus grandes précautions seront recommandées pendant l’exécution des tirs. Il sera toujours préférable de construire un stand peu coûteux, analogue à ceux qui sont décrits dans l’instruction ministérielle du 27 janvier 1882, sur la confection et le mode d’emploi des cartouches de tir réduit.

L’établissement d’an stand sera obligatoire pour les tirs au delà de 20 mètres exécutés soit dans des cours, soit près des habitations.

Les généraux commandant les subdivisions de région donneront aux corps de troupe sons leurs ordres des instructions pour qu’ils fournissent aux directeurs des écoles qui le demanderont, tous les renseignements nécessaires sur la construction de ces stands.

Art. 16. — Le tir réduit pourra exceptionnellement être exécuté en rase campagne ; dans ce cas, la direction de tir ne devra rencontrer, à mous de 450 mètres de la cible, ni route, ni canal, ni voie ferrée, ni habitation. On tirera, s’il est possible, contre une butte en terre naturelle ou artificielle.

Les habitants devront être prévenus avant chaque séance, par les soins de l’autorité municipale, du jour, de l’heure et de l’endroit choisis pour l’exercice.

Art. 17. — Les généraux commandant les subdivisions mettront autant que possible les champs de tir à la disposition du bataillon scolaire.

 Fait à Paris, le 6 juillet 1882.

Le Ministre de la guerre,
Le Ministre de l’intérieur,
Le Ministre de l’Instruction publique.
Billot.
René Goblet.
Jules Ferry.

On peut donc considérer comme décidément fondé l’enseignement militaire à l’école.

Nous nous sommes mis tard à l’œuvre ; mais nous essayons aujourd’hui avec la furie française de réparer le temps perdu ; nous y arriverons.

Maintenant, que les instituteurs ne s’y trompent pas. Certes, c’est quelque chose d’avoir appris à l’enfant à manœuvrer, à bien manier un fusil, même à tirer vite et juste ; mais cela ne suffit pas.

L’adresse et l’agilité du corps, habitude des armes, la régularité dans les manœuvres, tout cela n’est rien sans la force morale et les mâles vertus qui constituent la véritable puissance d’une armée et d’une nation. Et c’est aux instituteurs qu’est réservé le grand rôle d’inculquer aux jeunes générations les nobles sentiments sans lesquels aucun peuple ne saurait avoir ni grandeur ni durée. C’est à eux que revient l’honneur de faire des hommes et des citoyens des enfants qui leur sont confiés, en gravant profondément dans leurs jeunes âmes l’amour ardent de la patrie, le sentiment de la discipline, l’idée inébranlablement du devoir, l’esprit d’abnégation et de sacrifice, le mépris de la mort quand il s’agit de donner sa vie pour une cause juste et sainte. Qu’ils leur fassent connaître nos gloires nationales, le sujet est vaste, mais qu’ils n’hésitent pas à leur parler aussi de nos revers et de nos désastres.

En 1880, neuf ans après le traité de Francfort, un inspecteur général de l’instruction publique en tournée demandait aux élèves d’une école de village si la France n’avait pas, à la suite d’une guerre terrible, subi, quelques années auparavant, une diminution de territoire, Surpris et douloureusement affecté par le silence universel qui accueillit cette simple question, l’inspecteur général se tourna vers le maître, qui balbutia en rougissant que l’histoire Contemporaine ne faisait pas partie des programmes,

Il ne faut plus de ces hésitations.

Après la guerre de 1866, on a dit que c’était l’instituteur allemand qui avait vaincu à Sadowa. Comme toutes les idées simples, exprimées sous une forme nette et concise, l’idée a fait son chemin. Cette proposition a été universellement admise ct on l’a répétée à satiété, Dans sa formule absolue elle n’est pas rigoureusement vraie. Les canons Krupp, le fusil à aiguille, les talents de l’état-major, l'instruction technique et l'admirable discipline du soldat ont bien été pour quelque chose dans les succès de la Prusse.

Le rôle de l’instituteur n’en reste pas moins grand. Que nos maîtres sachent remplir dignement la haute mission qui leur est confiée, ct nous aurons bientôt une jeunesse saine, robuste, exercée au métier des armes et prête à tous les sacrifices, si l’honneur et la sécurité du pays l’exigeaient,