L’enseignement des langues vivantes doit-il devenir facultatif dans les Écoles normales ?

Auteur anonyme
L’enseignement des langues vivantes doit-il devenir facultatif dans les Écoles normales ?
Revue pédagogique, premier semestre 191872 (p. 351-352).

L’enseignement des langues vivantes doit-il devenir facultatif dans les Écoles normales ?

On lit, dans le rapport annuel de M. l’Inspecteur primaire faisant fonction d’Inspecteur d’Académie en Dordogne :

« Dirai-je toute ma pensée en ce qui concerne l’étude des langues à l’École normale ? Les examens étant les régulateurs des études et celles-ci devant être fonction de la destination des élèves, j’estime qu’une réforme est nécessaire. Que deviennent» en effet, nos élèves à leur sortie ? Presque tous vont enseigner à la campagne. Appelés à vivre au milieu de nos populations agricoles, ils pourraient leur rendre des services signalés et contribuer ainsi efficacement au progrès de l’agriculture s’ils y avaient été préparés par une forte instruction théorique et pratique. La vérité m’oblige à dire que leur bagage est un peu léger. Sans doute l’agriculture est enseignée à l’école normale, mais elle y est réduite à la portion congrue, une demi-heure en première et en deuxième année, une heure en troisième, voilà pour les heures de cours, alors qu’on consacre aux langues deux heures par semaine en première et en deuxième année, et trois heures en troisième. Quant aux exercices pratiques, ils occupent, à l’emploi du temps, deux heures par semaine en troisième année, le plus souvent consacrées aux travaux horticoles, ce qui est manifestement insuffisant. Il faudrait donc, si l’on veut que notre enseignement soit plus réaliste, augmenter la part de l’agriculture théorique et pratique dans nos Écoles normales ; et on ne peut guère le faire qu’au détriment de l’enseignement des langues qui, dans nos régions, est dépourvu de toute utilité pratique pour l’instituteur.

« On objectera que l’étude des langues vivantes constitue une très bonne gymnastique pour l’esprit. Je répondrai qu’avec l’emploi de la méthode directe ce bénéfice éducatif est peu important, surtout pour les élèves ordinaires.

« Mais, dira-t-on, est-il opportun au moment où nos relations avec nos héroïques alliés vont devenir plus étroites que jamais, de songer à réduire la part de l’anglais dans nos écoles ? La réponse est facile. Que l’étude de l’anglais soit renforcée dans les lycées, les écoles de commerce, les sections industrielles et commerciales des écoles primaires supérieures, rien de mieux ; mais ne perdons pas de vue la réalité. Or, il est incontestable que, après la guerre, il faudra de toute nécessité que notre agriculture produise beaucoup plus ; puisque nos maîtres peuvent y contribuer en recevant une forte préparation agricole et qu’ils ne peuvent tirer aucun parti de leurs faibles connaissances en anglais, l’hésitation n’est pas possible. D’ailleurs, je serais d’avis que l’enseignement des langues restât facultatif ; les meilleurs de nos élèves, sans négliger les autres matières, pourraient consacrer deux heures par semaine à l’anglais. En conséquence, je propose qu’une épreuve d’agriculture remplace au brevet supérieur l’épreuve de langues qui deviendrait facultative. »

Il nous a semblé que cette question méritait d’être soumise à nos lecteurs. Nous accueillerons avec reconnaissance leurs opinions.