L’enseignement de l’agriculture, d’après M. Zolla

Revue internationale de l’enseignement, volume 37, juin 1899, Texte établi par François PicavetSociété de l’enseignement supérieur37 (p. 441-442).

ÉTATS-UNIS D’AMÉRIQUE

M. D. Zolla, a fait récemment aux États-Unis un voyage d’études d’où il a rapporté de très précises et de très précieuses observations. Ces observations, enrichies de documents photographiques nombreux, sont la matière principale d’une série d’articles que M. Zolla publie dans l’Illustration sous le titre général de « La concurrence américaine ». Nous en détachons, en les résumant, les passages que l’auteur consacre à l’enseignement supérieur des sciences agricoles dans les États de l’Union.

Cet enseignement, constate d’abord M. Zolla, est très florissant, et les laboratoires scientifiques, ainsi que les chaires d’enseignement agricole, sont plus nombreuses aux États-Unis que partout ailleurs. C’est que les Américains, gens pratiques par excellence, ne professent cependant pas le dédain de beaucoup de Français pour la « théorie », c’est-à-dire pour les recherches scientifiques et les applications des découvertes dé la science à l’industrie agricole.

« La plupart des grandes universités américaines, comme celles de Yale et de Cambridge, possèdent des chaires d’agriculture. Les étudiants qui veulent compléter leurs études scientifiques dans ces magnifiques établissements ont à leur disposition toutes les ressources qu’ils peuvent désirer » : cours excellents, laboratoires, collections, bibliothèques.

« À l’Université Cornell, dans l’État de New-York, ce ne sont pas seulement des chaires d’agriculture et de sciences naturelles que l’on a fondées, mais un véritable collège agricole admirablement outillé et pourvu d’un domaine servant de champ d’expériences. »

M. Zolla, qui a visité en détail ce collige, sous la conduite de M. Roberts, son directeur, nous décrit avec une admiration enthousiaste l’installation de ses bâtiments et des cottages qu’habitent les élèves. Ceux-ci, en dehors d’étudiants libres admis temporairement à suivre les cours soit pendant une saison (cours d’élevage et de laiterie professés chaque année durant le trimestre d’hiver), soit pendant une ou deux années, ne sont reçus qu’à la suite d’un examen, et la durée de leurs études est de trois ou quatre ans, selon qu’ils veulent conquérir le diplôme de bachelier ou celui de docteur ès sciences agricoles. « Les matières enseignées se rapportent à l’agriculture proprement dite et à la zootechnie, à l’art vétérinaire, à la physique, à la chimie générale et à la chimie agricole proprement dite, aux mathématiques et à la mécanique agricole, à la botanique, à l’horticulture, à l’entomologie, à l’économie politique, à la littérature anglaise, à la langue française ou allemande. Les élèves sont exercés au maniement des instruments, à la fabrication des beurres et des fromages, etc., etc. ». En outre le collège agricole de Cornell est ouvert aux jeunes filles comme aux jeunes gens.

La plupart des établissements agricoles des États-Unis ressemblent à celui-là. Une loi fédérale de 1862 les a d’ailleurs richement dotés en concédant gratuitement à chacun d’eux 12.000 hectares de terres publiques. « Les revenus croissants de cet apanage princier ont été augmentés depuis 4890 d’une dotation annuelle de 75.000 fr. Ajoutez à cela les dons et legs particuliers, les allocations des États eux-mêmes et vous aurez une idée des ressources parfois énormes dont disposent ces établissements. Leurs bâtiments, leurs bibliothèques, leurs laboratoires, ont fait notre admiration. Notre belle École d’agriculture de Grignon, avec son château Louis XII, son parc de 300 hectares et ses ombrages séculaires, pourrait seule être comparée à Cornell ou à Amherst ».

Un des caractères de ces « facultés d’agriculture », et M. Zolla le met bien en relief, c’est qu’elles sont, en mème temps que de grandes écoles scientifiques, des centres d’études locales : les professeurs s’y attachent plus particulièrement aux questions qui intéressent la région, et leurs travaux, publiés dans des rapports annuels, sont répandus par milliers ou par centaines de mille. Des crédits spéciaux sont ouverts à cet effet, et tous les agriculteurs peuvent recevoir ces petits tracts, que l’on distribue à profusion.

En outre il existe dans chaque État des stations expérimentales parfaitement outillées et pourvues de revenus annuels qu’envieraient, au dire de M. Zolla, bon nombre de nos facultés de province. Cette organisation publique et officielle est d’ailleurs complétée par des centaines de sociétés privées agricoles, très actives et très utiles, et par une presse spéciale dont les organes atteignent un tirage énorme. « Ce sont là, conclut avec raison l’auteur, des traits caractéristiques ; ils nous révèlent ce que l’on appelle, d’un mot à la mode, l’ « État d’âme » du public américain ». L’Illustration, 15 janvier 1898.