F. Didot frères (p. 185-242).

L’ASTRONOMIE.




CHANT CINQUIÈME.

Arbitre souverain des mondes qu’il attire,
Le soleil les retient dans son brillant empire :
Immobile à leur centre, il voit, obscurs vassaux,
Autour de lui flotter onze astres inégaux ;
Errante colonie, et dont l’âge où nous sommes
Vit naître la moitié long-temps cachée aux hommes.
Eudoxe et Copernic n’atteignirent aux cieux
Que Mercure, Vénus, Mars, et le roi des dieux ;
Saturne leur cachait son écharpe brillante.
Mais depuis que, doués d’une force puissante,
Nos yeux ont pu sonder les profondeurs du ciel,
Un monde plus lointain fut conquis par Herschel.

Kepler, oh ! prescience attribut du génie !
Kepler, en admirant la céleste harmonie,
Soupçonna qu’entre Mars et l’ardent Jupiter
Quelques globes obscurs se perdaient dans l’éther,
Et notre siècle a vu, peuplant ce vaste espace,
Vesta, Junon, Cérès, Pallas, y prendre place.
Sur l’équateur céleste, en leur route inclinés,
Dans une zone étroite ils seraient tous bornés,
Si Pallas, renversant une injuste barrière,
N’eût loin de l’écliptique élargi sa carrière.
Tous ces astres, dont l’orbe enceint le dieu du jour,
En des temps inégaux recommencent leur tour.
De Mercure en trois mois la course est terminée(1),
La terre en douze mois accomplit son année,
Et l’antique Uranus y consume à pas lents
Seize lustres entiers prolongés de quatre ans.
Plus ou moins éloignés du monarque suprême,
Chacun reçoit ses feux en tournant sur soi-même.
Enfin les plus puissants, courtisans couronnés,
De leurs propres sujets marchent environnés.

La terre aime en Phœbé sa compagne fidèle ;
De quatre astres suivi Jupiter étincelle ;
Saturne, le front ceint du céleste bandeau,
Voit sept gardes brillants ranimer son flambeau :
Ils devancent ses pas, le suivent, et son père,
Deux fois encor plus loin du dieu qui nous éclaire,
De six globes amis dont il marche escorté,
Pour ses profondes nuits emprunte la clarté.
Loin, bien loin d’Uranus et de ses satellites,
Quels astres vont traçant ces bizarres orbites ?
L’erreur les crut long-temps dans leur route égarés ;
Mais vers notre soleil, comme nous, attirés,
Ils fuient et tour à tour recherchent sa présence ;
Et plus prompts que la foudre en leur ellipse immense,
Des limites du monde accourent vers leur roi,
Hérissant leur crinière, objet de notre effroi.
De l’astre souverain telle est la cour errante,
À son pouvoir soumise, et par lui seul brillante.
De ces globes long-temps méconnus dans les cieux,
La plupart échappaient à nos débiles yeux ;

Aux sept astres formant le nombre du mystère(2)
La science bornait le monde planétaire ;
La moderne Uranie a peuplé ces déserts,
Et peut d’astres nouveaux doter notre univers.
Mais lorsque de la terre à la voûte azurée,
Observateur d’un jour, dans sa courte durée,
L’homme suit sa conquête, hélas ! à ces confins
Qu’aux filles du soleil tracèrent les destins,
S’arrête aussi l’empire ouvert à son étude.
Par-delà, tout pour lui n’est plus qu’incertitude.
Limité, son domaine est encore assez beau.
Qu’il nous dise comment le céleste flambeau
Vers l’aurore en un an, corps immense et solide,
Tourne quatorze fois sur son axe rapide(3),
Tandis que des sujets qui composent sa cour,
Les quatre plus voisins roulent en un seul jour,
Et que des deux géants, Jupiter et son père,
La révolution en dix heures s’opère.
Archimèdes nouveaux, dont le savant compas
Mesura du soleil et le disque et les pas,

Dites-nous son pouvoir et sa vitesse immense.
Son axe ? — Cent dix fois le nôtre. — Sa distance ?
— Ce même axe compté douze mille et cent fois.
— Son orbite ? — Une ellipse. — Et sa force ? son poids ?
— Trois cent mille leviers, puissants comme la terre.
Ne l’ébranleraient pas au centre de la sphère.
— Sa grandeur, son volume ? — O mortels curieux,
Entassez tous ces corps qui flottent sous vos cieux,
Satellites obscurs, comètes vagabondes,
Saturne, Jupiter, un million de mondes
Non moins grands que ce globe où s’impriment vos pas,
Et leur masse au soleil ne s’égalera pas.
Bien qu’à nos yeux trompés son disque égale à peine
Le disque de sa sœur que roule un char d’ébène,
Trois fois il remplirait l’espace qui s’étend
De notre terre obscure à ce globe inconstant.
Atomes animés, contemplez votre maître :
Et toi, protége-les, puisque tu les fis naître,
Toi, l’un des souverains de l’immense univers,
Brillant monarque, assis sur le trône des airs,

De la vie et du feu source pure et féconde,
Centre des mouvements prescrits à notre monde ;
C’est toi qui nous dépars, régulateur du temps,
Les ans, les mois, les jours, les heures, les instants.
Bienfaiteur des mortels, prête-leur ta lumière :
Leurs jours sont-ils sereins, rallentis ta carrière ;
Sont-ils infortunés, retire ton flambeau,
Soleil, hâte ta course, et les rends au tombeau(4).
Mais quelle est ta nature, ô source inaltérable,
Foyer toujours ardent, toujours inépuisable ?
L’œil fixé vers les cieux dans un doute constant,
La science se tait, observe, admire, attend.
Son regard attentif suit cette tache obscure
Qui ternit de tes feux la lumière si pure,
Nuage irrégulier, qui d’abord offre aux yeux
Une ombre qu’environne un filet radieux ;
Fidèle à l’équateur, dont elle suit la trace,
Dans cette route ardente elle croît et s’efface,
Et le trait allongé que nous montre le bord
S’élargit en marchant pour s’amincir encor.

Après deux fois sept jours dans les cieux disparue,
A l’orient du disque elle nous est rendue ;
Et son retour atteste à l’œil qu’elle avait fui,
Que, fille du soleil, elle tourne avec lui (5).
Mais quelle est cette tache ? une écume formée
Des éléments impurs de la sphère enflammée ?
Un gigantesque mont de feux environné,
Qui lève tout-à-coup son sommet calciné ?
Un nuage dix fois aussi grand que la terre ?
D’un immense volcan l’effroyable cratère ?
Ou, dans ces cieux enfin qu’embrasent les éclairs,
Un long déchirement, des gouffres entrouverts,
Par qui l’œil peut atteindre à la surface obscure
De ce brillant soleil flambeau de la nature ?
Oh ! qui me répondra ? Newton, Laplace, Herschel,
Vous si souvent admis aux mystères du ciel,
Cet astre est-il ardent, ou le léger fluide
S’enflamme-t-il autour de son disque rapide ?
Quel est de tous ces feux l’éternel aliment ?
Cette lumière enfin qui coule incessamment (6),

Est-ce un trait qui s’élance, ou, partout répandue,
Attend-elle un effort pour frapper notre vue,
Pareille aux bruits lointains dans l’air retentissants,
Dont la vague sonore ébranle un autre sens ?
Ces mystères que l’homme encor n’a pu connaître,
Le ciel à nos neveux les réserve peut-être :
L’art a déjà tracé sur ses tables d’airain
Les mouvements divers de l’astre souverain,
Roulant parmi les feux qu’efface sa lumière.
Mais d’un cours inégal poursuivant sa carrière,
L’étoile, qui le soir accompagnait ses pas,
Aux portes du matin ne le retrouve pas.
Chaque jour, vers l’aurore, il rallentit sa route ;
Il s’élève, il s’éloigne, et la céleste voûte
Le voit, deux fois par an, abaissant sa hauteur,
Se rapprocher du pôle et franchir l’équateur.
À ses pâles sujets qui peuplent l’Empyrée
Il dispense des jours d’inégale durée ;
Mais lui-même, inégal dans son cours radieux,
Plus lent ou plus rapide, il traverse les cieux,

Et, pour favoriser l’hémisphère de l’Ourse,
Il semble de sept jours y prolonger sa course.
Ainsi ce globe obscur qui lui doit la clarté
L’accusait d’inconstance et d’inégalité.
Mais quand la terre enfin, rejetée à sa place,
Allongea son orbite et roula dans l’espace,
Le soleil arrêta ses coursiers bondissants,
Et l’ellipse expliqua l’illusion des sens.
C’était trop peu ; l’erreur qui redoublait ses voiles,
Faisait vers l’équinoxe avancer les étoiles(7),
Agitait l’équateur, ébranlait tout le ciel,
Pour laisser à la terre un repos éternel.
La science a détruit cet antique prestige ;
La terre se balance, il n’est plus de prodige.
L’équateur s’est gonflé, Newton parle ; à sa voix,
Et la terre, et les cieux, suivent les mêmes loix.
Des corps que le soleil retient dans son système,
Qui gravitent vers lui, qui l’attirent lui-même,
Si le compas sévère eût tracé les contours,
Sur un axe immobile ils tourneraient toujours ;

Les révolutions de leur course ordonnée
Au même point du ciel ramèneraient l’année :
Mais des globes roulants, sur leur pôle aplati,
L’essor est tour à tour rapide ou rallenti,
Et leur cours inconstant, l’ellipse qui l’enserre,
D’une immuable loi sont l’effet nécessaire.
Voyez-vous s’élancer, d’acanthe couronnés,
Ces marbres de Paros que l’art a façonnés,
Dont la tige superbe élève dans les nues
Le dôme qui des dieux protège les statues ?
Le ciseau, du compas empruntant le secours,
A d’un parfait module arrondi les contours.
Que la scie, en glissant, patiente ouvrière,
Divise obliquement cette colonne altière,
Le tronçon mutilé du marbre somptueux
Offre un orbe allongé dont le centre est douteux,
Image de celui qu’aux plaines de l’espace
Suivent les corps errants dans leur route sans trace(8).
L’invisible pouvoir qui fait le mouvement
Sur des points inégaux agit diversement(9) ;

Infini, répandu sur toute la nature,
Il nous est imposé par la planète obscure.
Voisin faible et pressant, le globe qui nous suit
Sollicite et retient l’astre qui le conduit (10).
Inégale en sa forme, errante en son orbite,
D’un triple mouvement notre sphère s’agite,
Marche autour du soleil, sur soi roule toujours,
Et, troublée, incertaine, oscille dans son cours.
Ainsi, lorsqu’un vaisseau, les ailes étendues,
De sa quille d’airain fend les ondes émues,
Les mâts, que chaque flot balance lentement,
D’un et d’autre côté penchent incessamment,
Et le nocher croit voir dans la céleste voûte
Les astres ébranlés s’écarter de leur route ;
Aux cieux et sur la terre ainsi l’illusion
Fait marcher le rivage et tourner l’horizon.
Tout change, l’équateur s’ébranle dans sa masse,
Avec l’axe des cieux le pôle se déplace,
L’écliptique descend ; quelques siècles encor,
Le char prendra sa course, et la reine du Nord (11)

Cessant de dominer sur le pôle infidèle,
Ne verra plus rouler les mondes autour d’elle.
Quoi ! nos neveux, un jour, verront-ils sans terreur
Le soleil égaré parcourir l’équateur ?
Plus d’été, plus d’hiver ; les saisons, les journées
A l’uniformité seraient donc condamnées ?
Rassurez-vous, mortels ; votre globe agité
Doit son juste équilibre à sa rapidité.
Il penche, il se relève en tournant sur lui-même.
Tel, si j’ose à l’enfance emprunter cet emblème,
Tel, d’une adroite main rapidement frappé,
Le buis infatigable, à sa corde échappé,
Sur un pivot aigu suspend son cône agile,
Et plus il est fouetté, plus il dort immobile.
Dans ses frivoles jeux l’enfance a découvert
Ce que sut le premier expliquer d’Alembert (12).
Par un balancement peu sensible à la vue,
Sur son axe incliné la terre est soutenue.
Les astres, chaque jour, d’un mouvement pareil
Devancent d’un instant la marche du soleil ;

Il semble que le dieu, regardant en arrière,
S’arrête au premier pas de sa vaste carrière,
Et des signes trop lents attende le retour :
Tous à chaque saison président tour à tour.
Vingt siècles prolongés de cent soixante années,
Reviennent douze fois changer leurs destinées.
La terre se souvient qu’aux âges reculés
Quatre de ces flambeaux des lambris étoilés
Dispensaient les saisons, et dans sa route oblique
En quatre égales parts divisaient l’écliptique.
Aux tropiques fixés, l’éclatant Régulus,
Et l’habitant des eaux protégé de Vénus,
Qui semble de ses flots couvrir l’urne propice,
De l’été, de l’hiver annonçaient le solstice(13) ;
Et plus loin Antarès ; Apis à l’œil sanglant,
L’un à l’autre opposés dans ce cercle brillant,
De leur flamme rougeâtre éclairaient l’Empyrée
Dans ces nuits qui des jours égalent la durée.
Long-temps Apis du Nil fut le dieu protecteur :
Plus tard, quand le soleil, franchissant l’équateur,

Ramenait lentement sa barque radieuse(14),
Et quittait pour le Nord l’Égypte limoneuse,
Ammon, le front paré des cornes du bélier(15),
Ouvrait à l’Orient son temple hospitalier,
Et Thèbes, vers l’autel couvert de ses offrandes,
Conduisait un taureau couronné de guirlandes.
Rites mystérieux ! antiques monuments,
Où la terre du ciel lisait les mouvements.
D’Ammon, vainqueur d’Apis, l’étoile fortunée
Présidait aux beaux jours qui commencent l’année
Autrefois le Taureau ramenait le printems ;
Le Bélier à sa place a régné deux mille ans ;
Et ce sont aujourd’hui les poissons de Nérée
Qui rendent sa parure à la fertile Rhée.
Le Verseau dardera tous les feux du Cancer ;
Le brûlant Sirius verra naître l’hiver.
L’Épi, trompant nos vœux, produira les orages ;
Et quand, roulés enfin par le torrent des âges,
Sur les vastes débris des trônes écroulés,
Treize siècles vingt fois se seront écoulés,

Les signes, l’équinoxe, et le solstice et l’Ourse,
Retrouveront leur place et reprendront leur course.
     Ainsi nés pour l’erreur, mortels ambitieux,
Tout n’est qu’illusion pour vos débiles yeux :
Ce soleil, cette terre, et ces astres tranquilles,
Vous paraissent briller à leur place immobiles !
Hélas ! de votre esprit les efforts impuissants
N’ont-ils pas leurs erreurs aussi bien que vos sens ?
Nier est téméraire ; affirmer, impossible.
La science d’Euclide est la seule infaillible :
Mais comment à l’erreur prétend-elle échapper ?
En écartant au loin ce qui peut la tromper.
Dans le monde idéal souveraine absolue,
Elle embrasse le temps, mesure l’étendue :
Le monde véritable échappe à son compas.
Elle ose soupçonner, mais ne nous montre pas
De ces globes brillants les énormes distances
Leur vitesse, leur cours et leurs orbes immenses.
Déjà Lalande, Herschel, dans des angles aigus,
Vers le pôle d’Auster ont vu fuir Sirius.

L’Arcture et le Lion suivent la même route.
Hercule, qui du Nord illumine la voûte,
Dans ce ciel qu’il porta s’élargit aujourd’hui :
Est-ce lui qui s’avance, ou marchons-nous vers lui(16) ?
Si le soleil voyage avec tout son système,
Sur quel centre inconnu gravite-t-il lui-même ?
Quels sont ces mouvements, divers, prodigieux,
Et par qui rien ne change au séjour radieux ?
S’il tourne sur un point qui lui-même s’agite,
Notre terre sur lui, sur nous un satellite,
Que deviennent alors les cercles éclatants
Si savamment prescrits à ces mondes flottants ?
De spirale en spirale, en sa course rapide,
Phœbé va décrivant sa triple cycloïde,
Et ces orbes divers qui se croisent aux cieux
Échappent au calcul et trompent tous les yeux.
Toutefois la science et la vue elle-même
Dans l’espace conquis atteindront ce problème.
Ô puissance du temps, du travail et des arts !
Vers des cieux plus voisins arrêtant ses regards,

Que l’étude assidue y sollicite encore
Les autres vérités que notre siècle ignore.
Comment interroger ces astres qui toujours
Dans un ordre immuable accomplissent leur cours,
Et qui, nous dérobant leur masse et leur distance,
Semblent fixés au ciel d’où leur flamme s’élance ?
Mais autour du foyer qu’enceint notre univers
Sont des mondes errants dans des sentiers divers,
Dont la douce lumière, au soleil empruntée,
Réfléchit son éclat, et n’est point agitée.
Dans l’océan de flamme incessamment plongé,
Roulant sa masse obscure en un orbe allongé,
Divers dans ses aspects, Mercure solitaire
Erra long-temps peut-être inconnu de la terre.
Cependant quand, le soir, le soleil moins ardent
Laissait le crépuscule éclairer l’occident,
Au bord de l’horizon une faible lumière,
Semblait suivre du dieu l’éclatante carrière.
L’art mesura son orbe, et l’œil de Gassendi
Sur le front du soleil suivit son vol hardi(17).

Du globe où nous marchons inconstante rivale,
Entre Mercure et nous partageant l’intervalle,
Compagne radieuse et sœur du dieu du jour,
C’est Vénus qui l’annonce et le suit tour à tour.
Mais en vain sous deux noms le vulgaire l’honore,
L’étoile de Vesper est celle de l’aurore.
La voilà qui paraît, courez, heureux amants !
Ô Vénus, devant toi, ces feux, ces diamants(18),
Tout pâlit ; et que sont auprès de tes montagnes,
Les Alpes et l’Atlas, géants de nos campagnes ?
Lorsque sur nous des nuits l’astre resplendissant
Huit fois a ramené son disque et son croissant,
Des coursiers du soleil brillante avant-courrière,
Tu fermes ton année et reprends ta carrière.
Près d’Hélion lui-même à son midi monté,
Ta sphère brille encor d’une douce clarté :
L’œil y distingue à peine une tache légère :
Dis-nous si dans les cieux tu roules solitaire.
Laisse-nous mesurer ton croissant lumineux.
Surtout quand du soleil tu traverses les feux,

Permets à l’œil humain d’y suivre ton passage ;
Qu’un obstacle jaloux, un funeste nuage
Ne vienne point ravir au sage qui t’attend
Le prix de ses travaux, ce bonheur d’un instant,
Qu’il est venu chercher de l’Europe savante
Aux rives où l’Indus roule une onde indolente.
Mars d’un œil amoureux contemple tes attraits :
Mais son disque en croissant ne se courbe jamais ;
Il s’arrondit en cercle, il s’allonge en ovale (19) ;
Maint nuage ternit sa lumière inégale.
Plus petit que Vénus, moins brillant à nos yeux,
Il est deux fois plus loin du flambeau radieux ;
Et, chargés de frimas, ses pôles qu’il balance
Du soleil qui les frappe attestent la distance.
D’une atmosphère épaisse on le dit entouré ;
Aux profondeurs des cieux quelquefois égaré,
Il échappe à la terre, et quand vers notre monde
Deux ans ont ramené sa course vagabonde,
Il revient furieux de ces orbes lointains,
D’un œil ensanglanté menaçant les humains.

Tel n’est point Jupiter, lorsque dans l’Empyrée(20)
S’élève lentement sa lumière azurée.
L’Éclatant est son nom ; d’un maître redouté
Il garde seulement la douce majesté.
Vainement Uranus, et Saturne et Cybèle,
Mars, Vénus, et Mercure, à son père rebelle,
Contre lui réunis voudraient le détrôner,
Le dieu d’un bras d’airain saurait les entraîner.
Mais rien ne trouble plus son empire paisible :
Son cortège long-temps à nos yeux invisible (21),
Errant autour de lui, va raconter aux cieux
De ses amours divins le sens mytérieux.
Le bel enfant qu’Ida vit ravir à la terre
Pour verser le nectar au maître du tonnerre,
L’arbitre des humains, la sévère Thémis,
Hébé toujours riante, et la sage Métis,
Par qui des arts savants la déesse animée
Du front de Jupiter s’élança toute armée,
Voltigent sur ses pas, l’entourent, et du jour
Lui prêtant les clartés qu’il leur rend à son tour,

Sans cesse à ses regards offrent la même face
De globes que vingt fois notre terre surpasse.
Autant nous sommes loin du souverain des deux.
Autant et quatre fois, dans son cours glorieux,
Le puissant Jupiter étend son orbe immense (22).
Le lustre vainement s’enfuit et recommence :
Dans chacun des palais sur sa route placés
Un an retient ses pas si lentement tracés ;
Et lorsqu’il touche enfin à sa borne dernière,
La terre a terminé sa douzième carrière.
Mais, tandis que nos yeux accusent sa lenteur,
Dans les cieux qu’il parcourt son rapide équateur
Accomplit en un an neuf cents tours sur lui-même.
Plus cet orbe est immense et sa vitesse extrême,
Plus, libre du pouvoir qui la fait graviter,
La matière s’échappe et tend à s’écarter,
Et vers son équateur par le temps amassée,
Change en globe aplati sa sphère balancée :
Tel roule Jupiter en fuyant l’occident.
O vous, de la nature illustre confident,

Dites-nous, Arago, quel savant artifice
Vous a rendu cet astre et docile et propice ;
Dites-nous et son jour à cinq heures borné,
Et son axe au soleil faiblement incliné,
Ses pôles, cette nuit qui, sur eux descendue,
Six ans de ce soleil leur dérobe la vue.
Mais des ans, sur ce globe immuable en son cours,
Rien ne marque la fin, n’annonce les retours.
D’une même saison l’éternelle durée
De feux ou de frimas couvre chaque contrée :
Le temps fuit, rien ne change, et l’hiver et l’été
Y gardent à jamais leur uniformité.
Sur ce disque pourtant des ombres infidèles (23)
Étendent à l’envi leurs zones parallèles ;
Leur forme est inconstante et leur nombre divers.
Qu’y dois-je voir ? des monts ? des nuages ? des mers ?
Des taches ont paru par le temps ramenées,
Et que l’œil reconnaît après plusieurs années.
Du globe impétueux elles disent l’essor ;
Ce qu’elles-mêmes sont, nous l’ignorons encor.

Resserrant son empire en d’étroites limites,
Jupiter près de lui retient ses satellites (24).
Tour à tour à nos yeux, de leur disque argenté
S’accroît, pâlit, s’éteint l’inégale clarté,
Et cachant son éclat dans l’ombre qui s’allonge,
Chaque jour éclipsé, l’un ou l’autre se plonge.
Chaque jour l’œil humain peut voir au haut des cieux
Leur ombre traverser le front du roi des dieux,
Et l’un d’eux quelquefois avec l’autre conspire
Pour obscurcir deux parts de ce brillant empire.
O pouvoir du génie ! ô travaux assidus !
Ces globes, si long-temps à nos yeux inconnus,
Leur marche, leurs retours, leurs éclipses fréquentes,
Laplace les soumet à ses règles savantes.
Delambre a calculé ces vastes mouvements.
Au pilote égaré sur les flots écumants
Ces astres vont marquer et sa place et sa route.
De l’éclipse annoncée à la céleste voûte
Le retard dit quel tems à parcourir les cieux
Employa le rayon qui vient frapper nos yeux :

Ces mondes avoueront leur masse et leurs distances.
Ah ! s’ils sont habités par des intelligences,
Que des observateurs sur leur surface épars
Un spectacle brillant doit charmer les regards !
Plus grand quinze cents fois que la sphère de Rhée,
Leur astre au milieu d’eux éclaire l’Empyrée.
Mais de Saturne encor le destin est plus beau (25) ;
Moins grand, deux fois plus loin du céleste flambeau,
Il a, comme son fils, de légers satellites,
Son double mouvement dans d’immenses limites,
Ses bandes et son jour par cinq heures compté,
Et des saisons sans terme et sans diversité.
Il consume trente ans à fournir sa carrière ;
Phébus ne lui départ qu’une faible lumière.
Sept lunes vont pour lui s’élevant, s’abaissant,
Lui présentent leur disque ou leur orbe naissant,
Et, favori du sort, seul dans notre système,
Il marche le front ceint d’un double diadème.
Par un espace étroit deux cercles divisés,
Et d’atomes flottants à nos yeux composés,

L’éclairent sans l’atteindre, et de leur face sombre
Sur son globe attristé laissent tomber leur ombre ;
Ils ont le même centre, et sur le même appui
En moins d’un demi-jour ils tournent comme lui.
De ces ponts éclatants, suspendus l’un sur l’autre,
L’axe prodigieux vingt fois passe le nôtre.
Quels tableaux variés doivent offrir aux yeux
Ces deux écharpes d’or flottantes dans les cieux !
Oui Saturne, à bon droit, en contemplant sa masse,
Ce soleil qui pour lui n’est qu’un point dans l’espace,
Ses gardes, sa couronne et leurs orbes divers,
Peut se croire le roi, centre de l’univers.
Nous-mêmes, race aveugle, éphémère, fragile,
Atomes exilés sur l’atome d’argile,
N’avions-nous pas, pour nous disposant tous les cieux,
Cru marquer des confins au monde radieux ?
Homme, console-toi de ces vaines chimères.
Si tu fus rejeté loin du centre des sphères,
Toi-même t’en bannis, et des astres nouveaux
Seront le prix heureux de tes nobles travaux.

Tandis que, rallumant les foudres de la guerre,
Les discordes des rois ensanglantaient la terre,
Armé d’un tube immense, ouvrage de ses mains,
Un sage, l’œil fixé sur ces globes lointains,
Paisible conquérant de la voûte profonde,
Au-delà de Saturne y découvrait un monde,
Cette sphère qui luit dans ces cieux inconnus,
Et que l’ingratitude a nommée Uranus (26).
Entre les feux du jour et son orbite immense
Autant l’époux de Rhée a laissé de distance,
Autant se plonge encor dans l’abîme du ciel
Le front demi voilé de la fille d’Herschel.
Trois heures ont à peine amené la lumière
Qui frappe de si loin sa timide paupière.
De six gardes suivie, elle embrasse en son cours
Tous les mondes errants connus jusqu’à nos jours.
Sait-elle cependant qu’au loin court dans l’espace
Un globe que le sien quatre-vingts fois surpasse,
Que de ce globe obscur l’habitant curieux
Sut l’atteindre elle-même aux profondeurs des cieux,

Et, guidé par Laplace, a tracé son orbite,
Déterminé sa marche, assigné sa limite.
Pendant trois ans entiers s’attachant à ses pas,
Delambre la soumet à l’angle du compas ;
Bouvard, de qui Saturne a publié la gloire,
D’Uranus, pour cent ans, trace déjà l’histoire ;
Herschel ajoute un monde à la création,
Et la France applaudit à l’orgueil d’Albion.
Honneur de l’Italie et mon guide céleste,
Toi qui daignas m’admettre à ton foyer modeste ;
Toi qui dans tes travaux as souvent confié
Les rêves de ta gloire à la tendre amitié,
Puis-je oublier jamais ce jour où, l’âme émue,
Palpitant de plaisir, tu me dis : — Je l’ai vue !
— Quoi ? — Cette nuit. — Quoi donc ? — Oui, je viens de la voir,
La planète. Grands dieux ! vous comblez mon espoir ;
Un monde est découvert, ma carrière est remplie ;
Piazzi peut maintenant abandonner la vie.
Juste orgueil ! noble joie ! oui, ton nom glorieux
Avec le nom d’Herschel est écrit dans les cieux.

C’était l’heure où Janus nous ramenait l’année,
Et d’un siècle nouveau la première journée.
Cérès se dévoilant à tes regards surpris,
À ton culte pieux gardait ce digne prix.
Cérès, de la Sicile antique protectrice (27),
Te devait un regard de son astre propice ;
Ton art de ses guérets protège les tributs,
Et son île à ton nom doit un lustre de plus.
Quel prix peut te payer de tes veilles savantes ?
Déjà la fièvre court dans tes veines brûlantes,
Et va fermer peut-être à la clarté du jour
Ces yeux explorateurs du céleste séjour.
Mais non ; après deux mois, la force t’est rendue :
Tu demandes Cérès ; Cérès est disparue.
Perdras-tu sans retour un si noble laurier ?
Le printemps fuit, l’été s’écoule tout entier :
Olbers revoit ton astre, il l’atteint, il l’arrête,
Proclame ton triomphe et te rend ta conquête :
Qu’il soit récompensé par de nouveaux succès.
Kepler, se disait-il, a de notre Cérès

Deviné l’existence et désigné la place ;
Mais du quart de Phœbé n’égalant point la masse,
Comment cette planète aux plaines de l’Éther
Peut-elle balancer et Mars et Jupiter (28) ?
Serait-elle un débris d’une sphère inconnue,
À cette même place autrefois suspendue ?
Il dit, il cherche, il veille ; et le tube allongé,
Sur les pas de Cérès constamment dirigé,
Lui découvre Pallas, Pallas, astre paisible,
Pâle comme Cérès, comme elle imperceptible.
Ce n’est pas tout encor ; Vesta sur son autel (29)
Rallume un chaste feu désormais immortel,
Et la fière Junon pour Harding s’est montrée.
Nouvelles déités de la sphère éthérée,
Parlez, que venez-vous enseigner aux humains ?
Laissez-vous contempler, dites-nous vos destins ;
Notre œil vous suit à peine en votre route obscure,
Et déjà le calcul vous pèse et vous mesure :
À ses efforts savants ne vous dérobez pas.
Est-il vrai qu’un degré qui s’enfuit sous nos pas

De vos pôles entre eux égale la distance ?
Des mondes tels que vous le nombre est-il immense ?
En vous tout semble égal, vitesse, orbes, pâleur :
Sœurs d’un âge pareil, de pareille grandeur,
Sortîtes-vous ainsi d’entre les mains divines ?
D’un monde qui n’est plus êtes-vous les ruines ?





NOTES
DU CINQUIÈME CHANT.

Séparateur


(1). page 186, vers 13.


De Mercure en trois mois la course est terminée, etc.
Et l’antique Uranus…


La durée des révolutions sidérales des planètes et leur distance moyenne au soleil, celle de la terre étant prise pour l’unité, sont :

Temps des révolutions.


Jours.
Distances à la terre


Mètres.
Pour Mercure 87,969 et de 0,387
Vénus 224,701 0,723
La terre 365,256 1,000
Mars 686,980 1,524
Vesta 1335,205 2,373
Junon 1590,908 2,667
Cérès 1681,539 2,767
Pallas 1681,709 2,768
Jupiter 4332,596 5,203
Saturne 10758,970 9,539
Uranus 30688,713 19,183

Telles sont les distances des planètes au soleil. Si de là on voulait passer aux distances des différentes étoiles, même des plus rapprochées, on tomberait dans des chiffres d’une longueur si démesurée, qu’ils ne représenteraient plus rien à l’esprit ; pour faire concevoir ces grandeurs qui n’ont pas de modèle dans notre nature et que notre imagination se refuse à embrasser, un auteur nommé Antide Janvier s’est servi d’une comparaison fort ingénieuse que voici :

« Qu’on se représente, dit-il, le soleil comme un globe de 10 pouces ou 120 lignes de diamètre, placé au milieu du grand bassin circulaire des Tuileries. La planète de Mercure sera représentée par un globe de 0,4382l. circulant autour de lui à la distance de 34 p., Vénus, Mars, etc., ainsi qu’il suit :

planète Diam. du globe


l.
Dist. au soleil


p.
Mercure 0,4382 34,709 Dans le bassin.
Vénus 1,0337 64,854
Terre 1,0763 89,664
Lune 0,2938 89,984
Mars 0,5599 136,622 sur le groupe d’Énée, un peu en-deçà.
Vesta 212,77 sur la statue de Jules-César.
Junon 232,15
Cérès 248,12
Pallas 248,73
Jupiter 11,6917 446,508 au-delà du Laocoon
Saturne 10,7458 855,465 au Centaure.
Uranus 4,6687 1710,967 à la grille du p. tournant.

Il résulte de ce tableau que Vénus et Mercure seraient renfermés dans le bassin des Tuileries ; la Terre, la Lune, Vesta, Junon, Cérès, Pallas et Jupiter, dans l’enceinte du jardin, entre les grilles latérales et la façade du palais. Uranus à une distance répondant à peu-près à l’endroit qu’occupe la grille du pont tournant. En observant ces proportions, si on veut connaître la place qu’occuperait l’étoile la plus rapprochée du soleil, on trouve qu’en lui supposant une parallaxe de 8″, il faut l’aller porter à Marseille. Que serait-ce si nous supposions la parallaxe de 2″ ? Cette hypothèse reculerait l’étoile la plus voisine de 674 lieues mesurées sur notre échelle, et de 1349 lieues environ, si on supposait la parallaxe de 1″. Faut-il s’étonner si la science est réduite jusqu’ici à des conjectures sur le diamètre des étoiles ? Notre système solaire tout entier, dans l’hypothèse d’une parallaxe de 8″, est en grandeur, pour les étoiles fixes les plus rapprochées, ce que serait un cercle de 1710 pieds de rayon, à un cercle concentrique de 2,301,264 pieds.


(2). page 188, vers 1.


Aux sept astres formant le nombre du mystère…


Le nombre sept était regardé comme sacré à cause des sept planètes : on élevait sept autels, on immolait sept victimes, etc. (Dict. de la fab. de Noël). On ne saurait croire combien chez les anciens et chez les modernes on avait imaginé de raisons pour établir que le nombre des planètes ne pouvait être que de sept, ni plus ni moins. La découverte des quatre lunes de Jupiter par Galilée, d’un satellite de Saturne par Huyghens, etc., vinrent déranger ce système.


(3). page 188, vers 14.


Tourne (le soleil) quatorze fois sur son axe rapide,
Tandis que, etc ......


La révolution du soleil sur lui-même s’accomplit en 25 jours et demi environ.

La durée de la rotation des planètes est :

Pour Mercure de 1 jour
Vénus 0,973
La terre 0,997
Mars 1,027
Jupiter 0,414
Saturne 0,428

« Il est assez remarquable que cette durée soit à peu près la même et au-dessous d’un demi-jour pour les deux grosses planètes, tandis que les planètes qui leur sont inférieures tournent toutes sur elles-mêmes dans l’intervalle d’un jour à fort peu près. »

L’axe du soleil… exactement 109,93 fois le nôtre ; sa distance moyenne exactement 34,522,339 lieues de 2280 toises, ou 24096 rayons terrestres de 1432 lieues 7/10.

L’orbite solaire est une ellipse dont le centre de la terre occupe un des foyers. L’ellipse solaire est peu différente d’un cercle ; car l’excès de la plus grande sur la moyenne distance du soleil à la terre, n’est que de 168 dix millièmes de cette distance.

La masse de la terre est à celle du soleil comme 1 est à 354,936.

Le volume du soleil est 1,328,460 fois celui de la terre.


(4). PAGE 190, VERS 8.


Soleil, hâte ta course…..

Phœbe pater, medio cessas quid lentus Olympo ?
Quid cohibes tardos fræno remorante jugales ?
Urge, age, fac celeri decurrant sæcula gressu ;
Fac citius miseris fugiat mortalibus ætas.
(Éclipses de Boscowich, ch. 4.)
(5). PAGE 191, VERS 4.


Que, fille du soleil, elle tourne avec lui (tache du soleil).

« On observe souvent sur le disque du soleil des taches noires d’une forme irrégulière qui traversent sa surface dans l’espace de quelques jours. Leur nombre, leur position, leur grandeur, sont extrêmement variables. On en a vu qui, par l’espace qu’elles occupaient sur le diamètre apparent du soleil, devaient être cinq ou six fois plus larges que la terre entière… Chaque tache noire est ordinairement environnée d’une pénombre, autour de laquelle on remarque une bordure de lumière, plus brillante que le reste du soleil. Quelque-fois on aperçoit d’abord des nuages lumineux sur le bord du disque, sans voir de taches à leur centre. Mais à mesure qu’ils s’avancent, les taches commencent à se former, ou du moins à devenir visibles, et ce phénomène est assez constant pour qu’on puisse prévoir par-là leur apparition. Lorsque les taches commencent à paraître sur le bord du soleil, elles ressemblent à un trait délié. Peu à peu leur grandeur apparente augmente, à mesure qu’elles s’avancent vers le milieu du disque ; ensuite elles diminuent par les mêmes périodes et finissent par disparaître entièrement… Ces accroissements et ces diminutions s’expliquent facilement, si l’on suppose les taches adhérentes à la surface arrondie du soleil ; car alors le seul mouvement de rotation doit nous les faire apercevoir sous divers degrés d’obliquité et de grandeur… Lorsqu’on a observé avec soin une même tache, pendant tout le temps qu’elle emploie à traverser le disque du soleil, ce qui demande environ 14 jours, si l’on est assez heureux pour qu’elle dure, on la revoit encore après un intervalle de temps à peu près égal ; mais elle se trouve sur le bord du soleil opposé à celui où elle a disparu. Cette marche révolutive est commune à toutes les taches… Il y a des années où on n’en voit aucunes, d’autres où elles sont très fréquentes… La durée de leur révolution est la même ; elles emploient toutes environ 27 jours pour revenir à la même position apparente sur le disque du soleil… Ces phénomènes ont conduit M. Herschel à penser que le corps du soleil est un noyau solide et obscur, environné d’une immense atmosphère, presque toujours remplie de nuages lumineux… qui s’entr’ouvrant quelquefois, nous découvrent le noyau obscur, de même que du haut de nos montagnes on peut quelquefois, à travers les interstices des nuages, découvrir le fond des vallées ;… et qu’il existe aussi à la surface du soleil des montagnes très-hautes, dont les sommets paraissant par intervalles au-dessus de la matière lumineuse, nous offrent l’apparence de taches noires… En supposant, avec l’auteur de la Mécanique céleste (qui a déclaré que la nature des taches est encore ignorée), que le corps même du soleil est embrasé, les taches pourraient être des cavités profondes d’où sortiraient par intervalles de vastes éruptions de feux faiblement représentées par les volcans terrestres. »

(Traité élém. d’astr. physique, par M. Riot, 1.2, ch. 13.)

(6). PAGE 191, VERS 20.


Cette lumière enfin, etc.....

« Les modernes se sont partagés entre deux systèmes, 1o de l’émanation, suivant lequel le soleil lance effectivement une matière lumineuse ; 2o des ondulations, où, l’espace étant regardé comme rempli d’une substance très-rare et éminemment élastique, qu’ils nomment éther, cet éther, par des mouvements vibratoires qu’il transmet fort rapidement, produit sur l’œil la sensation de la lumière, comme les vibrations de l’air produisent dans l’oreille le phénomène du son. »

(Astr. élément de Quetelet) M. Delambre remarque que le système des ondes, dû à

Huyghens, a été adopté par Euler et par quelques physiciens, mais n’a pas encore été suffisamment développé, et qu’en général, les géomètres étaient du sentiment de Newton pour l’émission en ligne droite, qui se prête mieux à l’explication générale des phénomènes.


(7). PAGE 193, VERS 10.


(L’erreur) faisait vers l’équinoxe avancer les étoiles.

« Comme les étoiles ont un mouvement progressif de longitude, ou plutôt que les points équinoxiaux rétrogradent continuellement à l’égard des étoiles et des constellations, il en résultait que les levers de ces étoiles retardaient dans le cours de l’année solaire, et que les points des équinoxes et des solstices répondaient à différents degrés des constellations. Ces changements deviennent sensibles au bout de quelques années. »

(Bailly, Hist. de l’astr. anc., 1. 7, § 6.)

(8). PAGE 194, VERS 18.


Suivent les corps errants dans leur route sans trace.

Il n’est pas étonnant que l’ellipticité des orbes planétaires ait échappé à tous les astronomes jusqu’au temps de Kepler, qui fut conduit à cette découverte par le calcul plutôt que par l’observation. Toutes les orbites des planètes sont allongées, mais d’une si petite quantité, que pour Mercure, qui décrit l’ellipse la plus excentrique, la différence du grand axe au petit n’est que de  ; pour Mars, elle est de  ; pour les autres planètes, encore moindre.


(9). PAGE 194, VERS 20.

L’invisible pouvoir qui fait le mouvement
Sur des points inégaux agit diversement..

« Cette protubérance de la terre à l’équateur est comme une ceinture dont elle est enveloppée… Newton conçut que la terre ainsi figurée ne devait plus éprouver la même attraction des corps célestes ; elle n’est plus un globe dont tous les points de la surface sont également éloignés du centre ; elle a des parties qui donnent plus de prise et qui doivent être différemment attirées. »

(Bailly, Hist. de l’astr. mod., 1. 12, § 26.)

« La théorie de l’attraction universelle a fait connaître que le phénomène de la précession des équinoxes est causé par l’attraction de la lune et du soleil sur le sphéroïde aplani de la terre. Cette attraction étant inégale sur les diverses portions du sphéroïde, à cause de l’aplatissement, détourne continuellement la place de l’équateur terrestre de sa direction, et le force de rétrograder sur l’écliptique. Si la terre était sphérique, cet effet n’aurait pas lieu, il n’y aurait point de précession. »

(Traité élémentaire d’astr. physique, par M. Riot, 1. 2, ch. 5.)
(10). PAGE 195, VERS 4.

Le globe qui nous suit
Sollicite et retient l’astre qui le conduit.

Euler est le premier qui ait fait voir que l’attraction des planètes sur la terre devait produire cet effet. — « La précession des équinoxes, qui est de 50″ par an, est produite par l’attraction du soleil et de la lune sur la partie de la terre que l’on conçoit relevée vers l’équateur du sphéroïde. De ces 50 secondes, il y en a au moins 36 qui sont produites par l’action seule de la lune. »

(Astr. de Lalande, 1. 16 et 17.)
(11). PAGE 195, VERS 20.

L’écliptique descend ; quelques siècles encor
Le char prendra sa course, et la reine du Nord…

« La théorie de l’attraction a prouvé que l’attraction des diverses planètes qui composent notre système, doit nécessairement déplacer peu à peu le plan de l’écliptique dans le ciel, et diminuer son inclinaison sur l’équateur d’une quantité à peu près égale à 160", 83 par siècle… et que cette diminution d’obliquité ne sera pas toujours progressive. Il arrivera un temps où ce mouvement commencera à se ralentir, puis cessera entièrement, et alors l’obliquité de l’écliptique sur l’équateur paraîtra constante ; après quoi, le déplacement de ce plan recommencera en sens contraire. »

(Traité élément. d’ast. phys. par M. Riot, I. 2, ch. 5.)

« L’obliquité de l’écliptique était, il y a 2000 ans, d’environ 24 degrés ; elle n’est plus aujourd’hui que de 23′ 28″ et diminue d’environ 1′ tous les cent ans. » (Lalande, astr. 1. 1.) Suivant M. de Laplace, l’étendue entière des variations de son inclinaison ne peut pas excéder 3 degrés.

Autrefois l’étoile qui forme l’extrémité de la queue de la petite Ourse était assez loin du point invisible où se trouve le pôle ; elle en est la plus voisine depuis 400 ans, s’en rapprochera encore jusque vers l’an 2013, puis s’en éloignera pour reprendre successivement les mêmes positions dans une révolution de 25980 ans. Deux autres étoiles, Alpha du Dragon et Beta de la petite Ourse, parviennent aussi tour à tour à la proximité du pôle.


(12). PAGE 196, VERS 16.

Ce que sut le premier expliquer d’Alembert.

« Ce grand géomètre a déterminé le premier par une très belle méthode les mouvements de l’axe de la terre… et fait connaître les vraies dimensions de la petite ellipse que décrit le pôle de la terre. »

(Exposition du système du monde, liv. 4, ch. 13.)
(13). PAGE 197, VERS 14.

De l’été, de l’hiver annonçaient le solstice.

« Environ 2500 ans avant notre ère, quatre belles étoiles semblaient avoir été placées par la nature pour fixer les limites des saisons, ou les divisions des signes de trois en trois, aux points équinoxiaux et solsticiaux : toutes quatre de première grandeur et de couleurs différentes, deux par deux. Les unes étaient rouges, les deux autres blanches ; et elles se trouvaient en telle opposition, que quand une rouge passait au méridien supérieur, l’autre était sous la terre au milieu de sa course. Les deux rouges étaient dans les signes des équinoxes de ce temps-là, lesquels étaient le Taureau et le Scorpion. L’une était l’œil du Taureau (Aldébaran) ; l’autre, le cœur du Scorpion (Antarès). Toutes deux étaient placées près du colure des équinoxes… comme en sentinelles près des deux points qui séparent les longues nuits des longs jours. Les autres répondaient aux signes solsticiaux ou aux limites du mouvement du soleil de haut en bas et de bas en haut. L’une fait partie du Lion et se trouvait située sur le colure même des solstices. C’était le cœur du Lion… ou Régulus. La deuxième, placée hors du zodiaque, mais liée au signe du Verseau, auquel répondait le solstice d’hiver, est la belle étoile de l’extrémité de l’eau du Verseau, dite la bouche du poisson et plus connue sous son nom arabe de Fomahaut. »

(Dupuis, Orig. des Cultes, 1. 1, p. 116.)

« Qu’il y ait des observations de cette date dans l’antiquité, c’est ce dont il ne semble pas possible de douter. Les Perses disent que quatre belles étoiles ont été établies pour garder les quatre coins du monde ; or, il se rencontre qu’au temps du commencement de l’âge Caliougan, 3000 ou 3100 ans avant notre ère, l’œil du Taureau et le cœur du Scorpion étaient précisément dans les équinoxes, le cœur du Lion et le Poisson austral assez près des solstices. »

(Bailly, traité de l’astr. indienne, dise, préliminaire.)
(14). PAGE 198, VERS I.

........ La barque radieuse.

Chaque peuple a ses usages. Les Grecs faisaient voyager le soleil sur un char ; les Égyptiens le plaçaient dans un bateau.


(15). PAGE 198, VERS 3.

Ammon, le front paré des cornes du Bélier.

« La translation de l’équinoxe est peut-être marquée dans une fête des Égyptiens, où, selon Hérodote, I.2, on amenait la statue d’Hercule à celle de Jupiter Ammon, couvert d’une peau de bélier. Cela ne semble-t-il pas signifier que l’équinoxe, représenté d’abord par Hercule, l’était alors par Jupiter Ammon, et avait passé du Taureau dans le Bélier ? »

(Bailly, Hist. de l’astr. mod., t. 3, disc. 5.)
(16). PAGE 200, VERS 4.

De ces globes brillants les énormes distances
Leur vitesse, leur cours et leurs orbes immenses.
Déjà Lalande, Herschell…
Est-ce lui (Hercule) qui s’avance, ou marchons-nous vers lui ?

« Pour les étoiles, non-seulement les diamètres apparents sont insensibles, mais leurs distances angulaires sont invariables, ou presque invariables, même après de longs intervalles de temps ; aucun point de la sphère des fixes ne s’approche donc ou ne s’éloigne de nous, dans cet intervalle, d’une quantité sensible. Ces différences nous conduisent à regarder le soleil, la lune, les planètes, les comètes et la terre, comme une sorte de groupe particulier parmi les autres corps célestes ; c’est ce que l’on nomme notre système planétaire.

« Mais ce repos des étoiles pourrait bien n’être qu’une apparence ; car, à cause de leur immense éloignement, il faut qu’elles parcourent de très-grands intervalles avant que nous puissions nous apercevoir qu’elles ont changé de place. Déjà quelques astronomes ont essayé de prouver que les distances angulaires de plusieurs étoiles ont augmenté sensiblement dans une certaine partie du ciel située vers la constellation d’Hercule, et ont diminué dans la partie opposée. Il est donc probable que les premières sont maintenant plus près de nous et les autres plus loin.

« Ces phénomènes prouvent incontestablement que la distance de la terre aux divers corps célestes ne reste pas toujours la même ; mais ils ne nous apprennent pas si le soleil, les planètes et les étoiles sont réellement en mouvement, la terre étant immobile, ou si la terre en mouvement s’approche et s’éloigne de ces astres. Quelque singulière que cette question paraisse, il n’y a rien dans les observations qui puisse la décider. »

(Traité élément, d’astr., phys. par M. Biot, l. ier, ch. 16.)

Voyez dans l’Astronomie de Lalande, liv. 16, les détails sur les mouvements particuliers de plusieurs étoiles, nommément d’Arcturus et de Théta de la grande Ourse : leur mouvement est, dit-on, de 2 secondes par an, ce qui, en les supposant à une distance seulement 400 mille fois plus grande que celle du soleil, correspondrait à un déplacement annuel de 137 millions de lieues ; et il y a plusieurs milliers d’années qu’on observe ces étoiles sans que ce mouvement ait été soupçonné.

« Quelques étoiles paraissent avoir des mouvements propres, et il est vraisemblable qu’elles sont toutes en mouvement ainsi que le soleil, qui transporte avec lui dans l’espace le système entier des planètes et des comètes, de même que chaque planète entraîne ses satellites dans son mouvement autour du soleil. »

(Exposition du système du monde, I. 2, ch. 2.)

« Le système du soleil et de tout ce qui l’environne est emporté vers la constellation d’Hercule avec une vitesse au moins égale à celle de la terre dans son orbite. Les observations très-précises et très-multipliées, faites à un ou deux siècles d’intervalle, détermineront exactement ce point important et délicat du système du monde. »

(Ibid., I. 4, ch. 15.)

« Quelques belles étoiles ont changé de position dans le ciel : ces changements sont légers, mais assez sensibles pour être décisifs. Plusieurs étoiles de l’Aigle, d’Orion, du Lion, ont laissé apercevoir de petits mouvements, mais surtout Arcturus et Sirius, qui se sont avancés et s’avancent encore vers le midi. Ces mouvements n’appartiennent pas à notre globe ; ils seraient communs à la multitude des étoiles ; et puisqu’ils sont différents pour chacune d’elles, ils sont réellement propres à ces étoiles. »

(Bailly, Hist. de l’astr. mod., t. 3, disc. 4.)
(17). PAGE 201, VERS 20.

L’art mesura son orbe, et l’œil de Gassendi
Sur le front du soleil suivit son vol hardi (de Mercure).

L’ellipse que décrit Mercure est plus excentrique que les orbites des autres planètes : sa masse n’est à celle de la terre que comme 39, est à 100.

« Kepler… annonça un passage de Mercure sur le soleil pour le 7 novembre 1761… Gassendi s’était préparé à l’observer… Mais le temps fut couvert le 7 novembre. Le soleil parut dans les nuages… et la sortie de la planète fut le seul phénomène qu’il put observer avec soin… Son observation est cependant la seule dont on ait tiré des conséquences astronomiques. »

(Bailly, Hist. de l’astr. mod., t. 2., 1. 3, § 10.)
(18). PAGE 202, VERS 8.

Ô Vénus ......

On croit que les hautes montagnes de Vénus ont à peu près 17,000 toises d’élévation, c’est-à-dire quatre ou cinq fois plus que celles de la terre.

La révolution de Vénus autour du soleil est de 224,701 jours, ce qui équivaut à huit fois 28 jours, ou huit mois lunaires.

Il y a des temps où l’éclat de Vénus est tel qu’on la voit en plein jour, à la vue simple[1].

« En 1678 et en 1686, D. Cassini, observant Vénus, vit une lumière qui avait la même phase que la planète : c’était un croissant. Il est certain que si Vénus avait un satellite, nous les verrions l’un et l’autre avec la même phase… Ce satellite, ou du moins cette apparence, a été revue en 1740 par M. Short, Anglais, en 1761 par M. Montagne de Limoges… Malgré ces apparitions répétées, les astronomes doutent encore de l’existence de ce satellite, qu’on n’a pu retrouver en le cherchant et qui n’a jamais été offert que par le hasard ; plusieurs sont portés à croire que c’est une illusion d’optique… »

(Bailly, Hist. de l’astr. mod., I. 10, § 19 et 20.)

M. Le Gentil, parti le 26 mars 1760, pour aller observer à Pondichéry le passage de Vénus sur le disque du soleil, qui devait avoir lieu le 6 juin 1761, ne put, par suite des événements de la guerre entre la France et l’Angleterre, observer ce phénomène que de dessus le pont de son vaisseau, et par conséquent très-imparfaitement : son zèle le détermina à attendre dans ces contrées l’autre passage qui devait avoir lieu, huit ans après, le 3 juin 1766. La paix lui permit de se transporter dès 1766, pour son observation, à l’île de Manille ; mais il y reçut ordre de retourner à Pondichéry, où un autre malheur lui fit perdre le fruit de dix ans d’attente. « Par une fatalité qui semblait le poursuivre, le temps serein qui avait régné tout le mois de mai, et s’était prolongé jusqu’au 3 juin 1766, cessa le jour même où il en avait le plus besoin. Un coup de vent s’éleva de grand matin ; le ciel fut couvert constamment pendant toute la durée du passage de Vénus ; il s’éclaircit une demi-heure après. Le reste de la journée et les jours suivants, il fit le plus beau temps du monde ; et pour comble de regrets, M. Le Gentil apprit bientôt qu’à Manille, qu’il avait quittée presque malgré lui, le ciel avait été très-favorable. »

(Éloge de M. Le Gentil, par M. le comte de Cassini, iv.)
(19). PAGE 203, VERS 9.

Il (Mars) s’arrondit en cercle, il s’allonge en ovale…
Plus petit que Vénus…

Les phases de Mars n’ont pas la forme d’un croissant, mais bien celle d’une ovale plus ou moins allongée. À mesure que les planètes s’éloignent du soleil, les phases doivent paraître moins prononcées.

Son volume est à celui de Vénus, comme 2 est à 9.

La distance moyenne de Vénus au soleil est de 24,966,000 lieues ; celle de Mars, de 52,613,000.

Ses régions polaires, suivant que l’un ou l’autre pôle est frappé des rayons du soleil, réfléchissent une lumière blanche et beaucoup plus vive que celle que nous envoient les autres parties de ce globe ; ce qu’on attribue aux neiges qui couvrent ces régions. Quelques taches de Mars, deux surtout qui forment une espèce de zone autour de ses pôles, augmentant ou diminuant, suivant leur exposition plus ou moins oblique au soleil, peuvent être des amas de glaces, analogues à nos glaces polaires.

Mars a une lumière obscure et rougeâtre, très-prononcée, qui a fait penser qu’il a une atmosphère épaisse et nébuleuse… et comme les étoiles, quand elles viennent d’être éclipsées par cette planète, ne reprennent leur éclat qu’après s’en être éloignées d’une distance égale aux deux tiers de son diamètre, on a conclu que dans tout cet intervalle l’éclat de l’étoile était affaibli par l’atmosphère de Mars, et que cette atmosphère devait avoir mille lieues d’élévation.

Dans les oppositions, la planète est très-brillante ; ce phénomène revient après 2 ans et 50 jours. En août 1719, Mars était à la fois au périhélie et en opposition ; son éclat extraordinaire porta l’effroi parmi les ignorants.

(Uranogr. de M. Francœur, et Traité élém. de M. Biot.)
(20). page 204, vers 1.

Tel n’est point Jupiter......
L’éclatant est son nom......

Jupiter, dont le nom, chez presque tous les peuples de l’antiquité, rappelle l’idée d’éclatant, surpasse par son volume, par sa masse, par son poids, toutes les planètes et tous les satellites ensemble. Homère, qui ne pouvait pas connaître cette vérité, a cependant fourni une image qui en est l’allégorie : « Osez, dit Jupiter, essayer vos forces contre les miennes, suspendez une chaîne d’or à la voûte du ciel, attachez-vous tous, dieux et déesses, à cette chaîne, tous vos efforts réunis ne pourront entraîner sur la terre le moteur et l’arbitre du monde. Moi, si je veux y porter la main, j’enlèverai et la chaîne, et la terre, et les mers ; j’attacherai la chaîne au sommet de l’Olympe, et l’univers entier ne sera qu’un météore suspendu devant moi : tant mon pouvoir surpasse le pouvoir et des hommes et des dieux. »

(Iliade, 1.8, traduct. de M. Lebrun.)
(21). PAGE 204, VERS 10.

Son cortège… et la sage Métis…
Sans cesse à ses regards offrent la même face…

Hébé, la jeunesse ; Ganymède, la beauté ; Thémis, la

justice ; Métis, la prudence, sont les noms qu’on a donnés aux quatre satellites de Jupiter. « Métis était une déesse dont les lumières étaient supérieures à celles de tous les autres dieux et de tous les hommes. Jupiter l’épousa, mais ayant appris de l’oracle qu’elle était destinée à être mère d’un fils qui deviendrait le souverain de l’univers, il avala la mère et l’enfant afin d’apprendre le bien et le mal. » (Hésiode) « Ce fut ainsi qu’il conçut Minerve. »

(Dict. de la Fable, par M. Noël.)

Herschell a trouvé que les satellites de Jupiter (ainsi que la lune et le dernier satellite de Saturne, les seuls dont on ait encore reconnu la rotation) tournent sur eux-mêmes dans un temps égal à la durée de leur révolution autour de leur planète, d’où il résulte qu’ils lui présentent constamment la même face. — Les satellites de Jupiter sont à la terre,

Le 1er comme 1 est à 40.
Le 2e29, 57.
Le 3e7, 73.
Le 4e15, 82.

(22). PAGE 205, VERS 5.


Le puissant Jupiter.....

Sa distance moyenne au soleil est 5 fois 203 m. de celle de la terre.

Il emploie à parcourir les 12 signes du zodiaque 4,332 jours , ou près de 12 de nos années à faire sa révolution autour du soleil.

900 tours… exactement, 882 en 365 jours un quart.

Le diamètre de Jupiter étant de 31,118 lieues, ou 11 fois environ celui de la terre, le contour de son équateur est près de 12 fois plus grand que celui de la terre ; il roule sur lui- même en moins de dix de nos heures ; il s’ensuit que chaque point de l’équateur de Jupiter fait dans un temps égal 26 fois plus de chemin qu’un point de l’équateur terrestre, et que cette rapidité de mouvement produit une force centrifuge 68 fois plus grande que celle qu’éprouve la terre. Aucune planète n’a un mouvement de rotation si rapide ; aussi son aplatissement (découvert par D. Cassini) est-il plus considérable que dans les autres planètes. « M. Arago a trouvé, par des mesures très-précises, que le diamètre de Jupiter, dans le sens des pôles, est à celui de son équateur, à fort peu près, dans le rapport de 167 à 177. »

(Exposition du système du monde, I. i, ch.7.)

« Cassini découvrit que la rotation de Jupiter s’accomplit en 9 heures 56 minutes. Le jour y est donc de 5 heures, et la nuit n’y est pas plus longue. L’axe, les pôles dans ce mouvement sont presque perpendiculaires à la route que Jupiter trace autour du soleil ; l’équateur de ce globe se confond presque avec son écliptique… Il n’y a donc point de vicissitudes dans les saisons. Presque partout les jours sont égaux aux nuits. Mais aussi, quelque peu d’inclinaison que cet équateur ait sur l’écliptique, quand le soleil est une fois au-dessous de son équateur, il y est pour long-temps… et la nuit des pôles, au lieu d’être de 6 mois, comme celle de nos pôles, est de six de nos années. »

(Bailly, Hist. de l’astr. mod., t.2, I.8, § 7.)

(23). PAGE 206, VERS 13.


Sur ce disque pourtant des ombres infidèles…

On voit à la surface de Jupiter des bandes ou taches qui ceignent le globe de cette planète par zones sensiblement parallèles entre elles et à l’écliptique. Mais les variations sont telles, quant à leur mouvement, à leur mobilité, à leur volume, à leurs apparences plus ou moins obscures ou lumineuses, surtout à leur nombre (de 8, ou 7, ou 5, ou d’une seule, le plus souvent de 3), que l’on en est encore réduit à d’ingénieuses conjectures sur la nature de ces étranges phénomènes. Seulement, les retours de plusieurs taches ou points ont suffi pour faire connaître le mouvement de rotation de Jupiter d’occident en orient. Voyez les Mémoires de D. Cassini, les opinions de MM. de Laplace, de Lalande, Biot et de M. Thilorier dans son Système universel, et le morceau de Bailly sur les bandes, dans son Discours sur les corps lumineux, où il conclut ainsi : « Cette planète paraît livrée à un bouleversement général ; c’est l’image du chaos des éléments, et d’un premier état de nature. »


(24). PAGE 207, VERS 2.


Jupiter près de lui retient ses satellites…

Le mouvement des satellites de Jupiter est presque circulaire et uniforme. Le plus éloigné n’en est qu’à 27 fois le demi-diamètre de la planète, c’est-à-dire à 27 fois 16,500 lieues. Herschell a remarqué que leur éclat varie, ce qui donne lieu de croire que certaines parties de leur surface réfléchissent plus de lumière que les autres. Le quatrième disparaît quelquefois entièrement.

Les ellipses reviennent,

Pour le premier satellite après 42 heures 48 minutes.
Pour le second, après 85 heures 3 minutes.
Pour le troisième, après 7 jours 4 heures.
Pour le quatrième, après 17 jours.
Ainsi, il y a par mois trente de ces ellipses.

« M. de Laplace, entrant dans la carrière, la parcourut en entier, et chacun de ses pas fut marqué par une découverte… Il expliqua toutes les inégalités périodiques… les variations des nœuds et celles de l’inclinaison… Il détermina entre les mouvements moyens et les longitudes des trois premiers de ces satellites un rapport qui lui fournit deux théorèmes élégants qu’on pourrait appeler les lois de Laplace, comme on a désigne par le nom de lois de Kepler, les trois théorèmes fondamentaux des mouvements elliptiques des planètes. »

(Delambre, rapport sur les progrès des sciences mathém.)

La découverte de la transmission successive de la lumière est due à l’observation des satellites vers les conjonctions de Jupiter, c’est-à-dire lorsque étant au-delà du soleil par rapport à la terre, il se trouve plus loin de nous de tout le diamètre de notre orbite, ou de plus de 69 millions de lieues, les éclipses de ces petits corps retardent sur celles qui ont lieu dans les oppositions de 16′ 26″, d’où l’on a conclu, et l’observation l’a pleinement confirmé, que la lumière parcourt plus de 4 millions de lieues en une minute, et nous vient du soleil en 8′ 13″.

La masse de ces quatre petits corps est de 17, 23, 88 et 43 millionièmes de la masse de Jupiter.

L’observation de leurs éclipses a aussi fait trouver une méthode simple et assez exacte, et qui manquait aux anciens astronomes pour comparer les distances respectives de Jupiter et du soleil à la terre, et prouver que Jupiter est au moins 5 fois plus loin de nous que le soleil.

Plus grand 1500 fois : exactement 1470 fois que la terre.


(25). PAGE 208, VERS 7.


Mais de Saturne encor le destin est plus beau…

La grosseur de Saturne est de 887 fois celle de la terre. Sa distance au soleil est de 5 fois 539 millièmes celle de la terre.

Il consume 30 ans… exactement 29 ans 5 mois ½. Qu’une faible lumière….. Vu de Saturne, le soleil doit paraître 90 fois moins grand que vu de la terre.

« Il est vraisemblable que les anneaux (ou cercles) de Saturne sont des zones pareilles, abandonnées par son atmosphère. »

(Exposit. du syst. du monde, I.4, ch. 8.)

« Le diamètre apparent de l’anneau, dans la distance moyenne de la planète, est, d’après les mesures précises de M. Arago, égal à 118",58. Sa largeur apparente est de 17",858. Sa surface n’est pas continue : une bande noire qui lui est concentrique la sépare en deux parties qui paraissent former deux anneaux distincts, dont l’extérieur est moins large que l’intérieur. Plusieurs bandes noires, aperçues par quelques observateurs, semblent même indiquer un plus grand nombre d’anneaux. L’observation de quelque point brillant de l’anneau a fait connaître à Herschel sa rotation d’occident en orient, dans une période de oj, 437, autour d’un axe perpendiculaire à son plan et passant par le centre de Saturne. »

(Exposit. du syst. du monde, I.1, ch. 8.)
La largeur du cercle extérieur est de 2,439 lieues
Celle du cercle intérieur est de 6,541
Ils sont spéarés l'un de l'autre par un espace de 0,682
La distance du bord intérieur du petit cercle à la surface de Saturne est égale au tiers du diamètre de la planète, c'est-à-dire à 9,645
Ainsi le rayon de la circonférence extérieure du grand cercle est de 33,775 lieues

C’est vingt-deux fois le rayon de la terre.

L’épaisseur est d’à peu près quinze cents lieues, c’est-à-dire égale au rayon terrestre ; mais elle décroît en s’éloignant du centre.


(26). PAGE 210, VERS 8.


Et que l’ingratitude a nommée Uranus…

L’auteur de sa découverte avait donné à la nouvelle planète le nom d’astre de Georges, pour témoigner sa reconnaissance au roi Georges III. Lalande lui donna celui d’Herschell ; mais les Allemands se sont obstinés à l’appeler Uranus, et ce nom a prévalu.

La distance d’Uranus au soleil est à celle qui sépare Saturne du même astre dans le rapport de 19,183 à 9,539 .

La lumière du soleil ne parvient à Uranus qu’en 2 heures 3/4.

80 fois… Uranus surpasse la terre exactement 77 fois.

MM. de Laplace, Delambre et Bouvard ont déterminé l’orbite d’Uranus, son ellipticité et les perturbations que cette planète doit éprouver par l’influence de Jupiter et de Saturne.

L’Académie des sciences ayant proposé pour sujet de prix la théorie d’Uranus, ce prix fut remporté par M. Delambre en 1790. Il compara pendant trois ans ses tables avec le ciel, et dans cet intervalle, la différence entre le calcul et l’observation ne se trouva que de sept secondes. Trente ans d’observations qu’on a faites depuis ce beau travail, n’ont donné lieu à aucune correction sensible.

M. Bouvard a donné des tables de Jupiter, de Saturne et d’Uranus.


(27). PAGE 212, VERS 5.


Cérès, de la Sicile antique protectrice…

M. Piazzi aperçut, 1er janvier 1801, une étoile inconnue ; il y reconnut un mouvement, et soupçonna une planète nouvelle… Mais bientôt une maladie grave, causée par un travail excessif, manqua de faire périr l’astronome avec sa découverte. Quand il fut rétabli, la planète, qu’il nomma depuis Cérès (par allusion à la déesse de la Sicile, et qu’il surnomma Ferdinandea pour rappeler que cet astre avait été découvert sous le règne de son roi Ferdinand IV), avait disparu dans les rayons du soleil. Cette planète, presque imperceptible, et dont l’orbite n’avait pu encore être bien déterminé, était très-difficile à retrouver… Tous les astronomes étaient à sa recherche. MM. Olbers et de Zach l’aperçurent enfin à peu près dans le même temps, un an après sa première observation.


(28). PAGE 213, VERS 4.


Peut-elle (Cérès) balancer et Mars et Jupiter ?… ..................Pallas, astre paisible.

« Kepler avait soupçonné l’existence de deux planètes, l’une entre Mars et Jupiter, l’autre entre Mercure et Vénus… Cérès se trouve à peu près à la place où les idées de Kepler indiquaient une planète inconnue. Cette espèce de prédiction ne fut accueillie qu’en Allemagne, où l’on forma un plan méthodique pour découvrir la planète de Kepler… M. Piazzi l’avait trouvée en cherchant autre chose : cette rencontre inespérée ramena plus fortement à l’idée de Kepler… On fut obligé de renoncer au rapport qu’il avait cru entrevoir dans les distances des planètes au soleil… Ce fut en recherchant Cérès, que M. Olbers aperçut une nouvelle planète, qu’il nomma Pallas. Cette planète est encore plus petite que Cérès, et chose beaucoup plus extraordinaire, elle fait sa révolution dans un temps égal, et par conséquent à même distance du soleil. Ces deux circonstances réunies lui firent soupçonner que ces deux planètes imperceptibles et hors de toute proportion avec les planètes connues, devaient être des fragments d’une ancienne planète de grosseur ordinaire, et qu’une cause inconnue avait pu diviser eu différents morceaux, qui auraient continué de se mouvoir avec la même vitesse et à la même distance… idée au moins fort ingénieuse… et qui a été suivie de recherches pénibles et heureuses. »

(Delambre, Rapport sur le progrès des sciences math.)

Les astronomes allemands ont remarqué que la distance moyenne des planètes au soleil (la terre étant prise pour unité) suivait la progression des multiples de 3 en les doublant toujours, ainsi qu’il suit :

mètr. lieues, du soleil.
Mercure 4 4 à 387 ou 13,361,000
Vénus 4+3 ou 7 0,723 24,966,000
La terre 4+3 x 2 10 1,000 34,515,000
Mars 4+3 x 4 16 1,524 52,613,000
Vesta 4+3 x 8 28 2,373 81,904,000
Junon 4+3 x 8 28 2,667 92,051,500
Pallas 4+3 x 8 28 2,767 95,632,000
Cérès 4+3 x 8 28 2,768 95,600,000
Jupiter 4+3 x 16 52 5,203 179,575,000
Saturne 4+3 x 32 100 9,539 329,232,000
Herschel 4+3 x 64 196 19,183 662,114,000

L’accord de cette formule avec les mesures reconnues est fort singulier, mais rien n’explique la cause de ce rapport ; la lacune qui existait dans la progression ci-dessus entre Mars et Jupiter, s’est trouvée remplie par la découverte des 4 petites planètes. (Extrait du même Rapport.)


(29). PAGE 213, VERS 11-14.


.............. Vesta, sur ton auteur...
Et la fière Junon....... M. Olbers a découvert Pallas en 1802, et Vesta en 1807.

M. Harding a découvert Junon en 1803. — On dit que le diamètre de Junon n’est que de 25 lieues. Vesta paraît encore plus petite. Cérès et Pallas sont plus grandes. — Ces planètes n’ont pas encore été observées pendant assez longtemps pour être bien connues.




  1. Vénus étant une planète inférieure, c’est-à-dire placée plus près du soleil que la terre, nous ne pouvons jamais la voir complètement éclairée.