L’art de faire, gouverner et perfectionner les vins/Chapitre 9


CHAPITRE IX.

Analyse du vin.


Nous avons déjà suivi l’analyse du vin dans les tonneaux, puisque nous avons vu qu’il s’en précipitoit successivement du tartre, de la lie et du principe colorant ; de manière qu’il n’y reste presque plus que de l’alkool et un peu d’extractif dissous dans une portion d’eau plus ou moins abondante. Mais cette analyse exacte, qui nous montre séparément les principes du vin, nous éclaire peu sur leur nature ; et nous allons tâcher de suppléer par une méthode plus rigoureuse à ce qu’elle a d’imparfait.

Nous distinguerons dans tous les vins acides, de l’alkool, du tartre, de l’extractif, de l’arome, et un principe colorant ; le tout délayé ou dissous dans une portion d’eau plus ou moins abondante.

1o. L’acide. L’acide existe dans tous les vins : je n’en ai trouvé aucun qui ne m’en ait présenté quelque indice. Les vins les plus doux, les plus liquoreux, rougissent le papier bleu qu’on y laisse séjourner quelque tems ; mais tous ne sont pas acides au même degré. Il est des vins dont le caractère principal est une acidité naturelle : ceux qui proviennent de raisins peu mûris, ou qui naissent dans des climats humides, sont de ce genre ; tandis que ceux qui sont produits de la fermentation de raisins bien mûrs et sucrés offrent très-peu d’acide. L’acide paroît donc être en raison inverse du principe sucré, et conséquemment de l’alkool, qui est le résultat de la décomposition du sucre.

Cet acide existe abondamment dans le verjus, et se trouve dans le moût, quoiqu’en plus petite quantité. Toutes les liqueurs fermentées, telles que le cidre, le poiré, la bière, ainsi que les farines fermentées, contiennent également cet acide, et je l’ai rencontré jusque dans la mélasse : c’est même pour le saturer complètement qu’on emploie la chaux, les cendres, ou d’autres bases terreuses ou alcalines, dans la purification du sucre. Sans cela, l’existence de cet acide s’oppose à la cristallisation de ce sel.

Si l’on rapproche le vin par la distillation, l’extrait qui en résulte est en général d’une saveur aigre et piquante. Il suffit de passer de l’eau sur cet extrait, ou même, de l’alkool, pour dissoudre et enlever l’acide. Cet ; acide a une saveur piquante, une odeur légèrement empyreumatique, un arrière-goût acerbe, etc.

Cet acide bien filtré, abandonné dans un flacon, laisse précipiter une quantité considérable d’extractif. Il se recouvre ensuite de moisissure, et paroît se rapprocher alors de l’acide acéteux. On le purifie, par la distillation, d’une grande quantité d’extractif, et il est pour lors moins sujet à se décomposer par la putréfaction.

Cet acide précipite l’acide carbonique de ses combinaisons. Il dissout avec facilité la plupart des oxydes métalliques, forme des sels insolubles avec le plomb, l’argent, le mercure, et enlève les métaux à toutes leurs dissolutions par des acides.

Cet acide forme pareillement un sel insoluble avec la chaux. Il suffit de mêler abondamment l’eau de chaux au vin, pour en précipiter l’acide qui entraîne avec lui tout le principe colorant.

Cet acide est donc de la nature de l’acide malique. Il est toujours mêlé d’un peu d’acide citrique, car quand on le fait digérer sur l’oxyde de plomb, outre le précipité insoluble qui se forme, il se produit un citrate qu’on peut y démontrer par les moyens connus.

Cet acide malique disparoît par l’acidification du vin : il n’existe plus dans le vinaigre bien fait que de l’acide acéteux. Cette transformation de l’acide malique en acide acéteux explique naturellement pourquoi le vin qui commence à aigrir ne peut pas servir à la fabrication de l’acétite de plomb ; il se fait dans ce cas un précipité insoluble dont la formation m’a singulièrement embarrassé jusqu’au moment où j’en ai connu la raison. Pendant long-tems le citoyen Berard mon ami, et associé dans ma fabrique de produits chimiques, a ajouté de l’acide nitrique au vin aigri, pour lui donner la propriété de former avec le plomb un sel soluble ; je pensois alors qu’on oxygénait par ce moyen l’acide du vin, tandis que l’on ne faisoit que hâter la décomposition et la transformation de l’acide malique en vinaigre.

L’existence, à diverses proportions, de l’acide malique dans le vin nous sert encore à concevoir un phénomène de la plus haute importance, relatif à la distillation des vins et à la nature des eaux-de-vie qui en proviennent. Tout le monde sait que non seulement tous les vins ne donnent pas la même quantité d’eau-de-vie, mais que les eaux-de-vie qui en proviennent ne sont pas, à beaucoup près, de la même qualité. Personne n’ignore encore, que la bière, le cidre, le poiré, les farines fermentées, donnent peu d’eau-de-vie, et toujours de mauvaise qualité. Les distillations soignées et répétées peuvent, à la vérité, corriger ces vices jusqu’à un certain point, mais jamais les détruire complètement. Ces résultats constans d’une longue expérience ont été rapportés à la plus grande quantité d’extractif contenu dans ces foibles liqueurs spiritueuses : la combustion d’une partie de ce principe par la distillation a paru devoir en être un effet immédiat ; et le goût acre et empyreumatique, une suite très-naturelle. Mais lorsque j’ai examiné de plus près ce phénomène, j’ai senti, qu’outre les causes dépendantes de l’abondance de ce principe extractif, il falloit en reconnaître une autre, la présence de l’acide malique dans presque tous ces cas. En effet, ayant distillé avec beaucoup de soin ces diverses liqueurs spiritueuses, j’ai constamment obtenu des eaux-de-vie acidulés dont le goût étoit altéré par celui qui appartient essentiellement à l’acide malique : ce n’est qu’en se bornant à retirer la liqueur la plus volatile qu’on parvient à séparer un peu d’alkool libre de toute altération ; encore conserve-t-il une odeur désagréable qui n’appartient point à l’eau-de-vie pure.

Les vins qui contiennent le plus d’acide malique fournissent les plus mauvaises qualités d’eau-de-vie. Il paroît même que la quantité d’alkool est d’autant moindre que celle de l’acide est plus considérable. Si, par le moyen de l’eau de chaux, de la chaux, de la craie, ou d’un alkali fixe, on s’empare de cet acide, on ne pourra retirer que très-peu d’alkool par la distillation ; et, dans tous ces cas, l’eau-de-vie prend un goût de feu désagréable, ce qui ne contribue pas à en améliorer la qualité.

La différence des eaux-de-vie provenant de la distillation des divers vins, dépend donc principalement de la différente proportion dans laquelle l’acide malique est contenu dans ces vins ; et l’on n’a pas encore un moyen sûr de détruire le mauvais effet que produit cet acide par son mélange avec les eaux-de-vie.

Cet acide que nous trouvons dans le raisin à tous les périodes de son accroissement, et qui ne disparoît dans le vin que du moment qu’il a dégénéré complètement en vinaigre, mériteroit de préférence la dénomination d’acide vineux ; néanmoins, pour ne pas innover, nous lui conserverons celle d’acide malique.

2°. L’alkool. L’alkool fait le vrai caractère du vin. Il est le produit de la décomposition du sucre ; et sa quantité est toujours en proportion de celle du sucre qui a été décomposé[1].

L’alkool est donc plus ou moins abondant dans les vins. Ceux des climats chauds en fournissent beaucoup ; ceux des climats froids n’en donnent presque pas. Les raisins mûrs et sucrés le produisent en abondance, tandis que les vins provenant de raisins verts, aqueux et peu sucrés, en présentent très-peu.

Il est des vins dans le midi qui fournissent un tiers d’eau-de-vie ; il en est plusieurs dans le nord qui n’en contiennent pas un quinzième.

C’est la proportion d’alkool qui rend les vins plus ou moins généreux ; c’est elle qui les dispose à la dégénération acide, ou qui les en préserve. Un vin tourne avec d’autant plus de facilité, qu’il renferme moins d’alkool, la proportion du principe extractif étant supposée la même de part et d’autre.

Plus un vin est riche en esprit, moins il contient d’acide malique ; et c’est la raison pour laquelle les meilleurs vins fournissent en général les meilleures eaux-de-vie ; parce qu’alors elles sont exemptes de la présence de cet acide qui leur donne un goût très désagréable.

C’est par la distillation des vins qu’on en extrait tout l’alkool qu’ils contiennent.

La distillation des vins est connue depuis plusieurs siècles ; mais cette opération s’est successivement perfectionnée ; et, de nos jours, elle a reçu des degrés d’amélioration qui doivent profiter au commerce des eaux-de-vie, et s’appliquer avec avantage à tous les genres de distillation. Les alambics dans lesquels on a distillé pendant long-tems étoient des chaudières surmontées d’un long col cylindrique, étroit et coiffé d’une demi sphère creuse d’où partoit un tuyau peu large pour porter la liqueur dans le serpentin. Arnauld de Villeneuve paroît être le premier qui nous ait donné des idées précises sur la distillation des vins, et c’est à lui que nous devons la première description de cette forme d’alambic à très-long col, dont nous retrouvons encore des modèles dans les ateliers de nos parfumeurs.

L’idée où l’on étoit que le produit de la distillation étoit d’autant plus délié, d’autant plus subtil, d’autant plus pur, qu’on l’élevoit plus haut, en le faisant passer à travers des tuyaux plus minces, a dirigé la construction de ces vaisseaux distillatoires. Mais on n’a pas tardé à se convaincre que c’étoient moins les obstacles opposés à l’ascension des vapeurs, que l’art de graduer le feu avec intelligence, qui rendoient le produit d’une distillation plus ou moins pur. On a vu que, dans le premier cas, la force du feu dénature les principes spiritueux en leur communiquant le goût d’empyreume, tandis que, dans le second, ils s’élèvent vierges et passent dans le serpentin sans altération. D’un autre côté, l’économie, ce puissant mobile des arts, a fait adopter tous les changemens qu’on a faits au procédé des anciens.

Ainsi, successivement la colonne perpendiculaire à la chaudière a été baissée ; le chapiteau, aggrandi ; la chaudière, évasée ; et l’on est parvenu par degrés à l’adoption générale des formes suivantes :

Les alambics sont aujourd’hui des espèces de chaudrons à cul plat, dont les côtés sont élevés perpendiculairement au fond jusqu’à la hauteur d’environ six décimètres (22 pouces). À cette hauteur on pratique un étranglement qui en réduit l’ouverture à trois ou quatre décimètres (11 à 12 pouces). Cette ouverture est terminée par un col de quelques pouces de long, dans lequel s’adapte un petit couvercle appelé chapeau, chapiteau, lequel va en élargissant vers sa partie supérieure, et a la forme d’une cône renversé et tronqué. C’est de l’angle de la base de ce chapeau que part un petit tuyau destiné à recevoir les vapeurs d’eau-de-vie, et à les transmettre dans le serpentin auquel il est adapté. Ce serpentin présente six à sept circonvolutions, et est placé dans un tonneau qu’on a soin de tenir plein d’eau, pour faciliter la condensation des vapeurs : ces vapeurs condensées coulent à filet dans un baquet qui est destiné à les recevoir.

Les chaudières sont, pour l’ordinaire, enchâssées dans la maçonnerie jusqu’à leur étranglement : le cul seul est exposé à l’action immédiate du feu. La cheminée est placée vis-à-vis la porte du foyer ; et le cendrier, peu large, est séparé du foyer par une grille de fer.

On charge les chaudières de vingt-cinq à trente myriagrammes de vin (5 à six quintaux) ; la distillation s’en fait dans huit ou neuf heures, et on brûle à chaque chauffe, ou opération, environ trois myriagrammes de charbon de terre (60 livres).

Tel est le procédé usité en Languedoc depuis bien long-tems : mais, quoiqu’ancien et généralement adopté, il présente des imperfections qui ne peuvent que frapper un homme instruit dans les principes de la distillation.

1°. La forme de la chaudière établit une colonne de liquide très-haute et peu large, qui n’étant frappée par le feu qu’à sa base, est brûlée en cette partie avant que le dessus soit chaud : alors il s’élève des bulles du fond, qui, obligées de traverser une masse de liquide plus froide, sa condensent et se dissolvent de nouveau dans la liqueur. Ce n’est que lorsque toute la masse a été échauffée de proche en proche, que la distillation s’établit.

2°. L’étranglement placé à la partie supérieure de la chaudière, et le bombement qu’elle présente dans cet endroit, nuisent encore à la distillation : en effet, cette calotte, n’étant pas revêtue de maçonnerie, est continuellement frappé par l’air qui y entretient une température plus fraîche que sur les autres points ; de manière que les vapeurs qui s’élèvent se condensent en partie contre la surface intérieure, et retombent en gouttes ou coulent en stries dans le bain, ce qui est en pure perte pour la distillation, il arrive, dans ce cas, ce que nous voyons survenir journellement dans les distillations au bain de sable : les vapeurs qui s’élèvent, venant à frapper contre la surface découverte et toujours plus froide de la cornue, s’y condensent et retombent en stries dans le fond, de manière que la même portion de matière s’élève, retombe et distille plusieurs fois ; ce qui entraîne perte de tems, dépense de combustible, et nuit à la qualité du produit, qui s’altère et se décompose dans quelques cas. On peut rendre ces phénomènes très-sensibles en rafraîchissant la partie supérieure d’une cornue au bain de sable ; au moment où la distillation est en pleine activité : les vapeurs deviennent de suite visibles dans l’intérieur, et il se condense des gouttes contre les parois, qui ne tardent pas à couler et à se rendre dans la liqueur contenue dans la cornue.

En outre, l’étranglement pratiqué à la partie supérieure de la chaudière forme une espèce d’éolipyle où les vapeurs ne peuvent passer qu’avec effort ; ce qui nécessite l’emploi d’une force d’ascension plus considérable. Ce fait a été convenablement développé par Beaumé.

3°. Le chapiteau n’est pas construit d’une manière plus avantageuse : la calotte se met presque à la température des vapeurs qui, fortement dilatées, pressent sur le liquide et en gênent l’ascension.

4°. La manière d’administrer le feu n’est pas moins vicieuse que la forme de l’appareil : partout on a un cendrier trop étroit, un foyer très large, une porte mal fermée, etc. ; de manière que le courant d’air s’établit par la porte et se précipite dans la cheminée, en passant par-dessus les charbons. Il faut par conséquent un feu violent pour chauffer médiocrement une chaudière. On engorge la grille d’une couche épaisse et tassée de combustibles, de façon qu’elle devient à-peu-près inutile par le manque absolu d’aspiration.

À présent que nous connoissons les vices de construction dans l’appareil, voyons d’appliquer, pour la perfectionner, les connoissances que nous avons acquises sur la distillation et sur l’art de conduire le feu.

Il me paroît que tout l’art de la distillation se réduit au trois principes suivans :

1°. Chauffer à-la-fois et également tous les points de la masse du liquide.

2°. Écarter tous les obstacles qui peuvent gêner l’ascension des vapeurs.

3°. En opérer la condensation la plus prompte.

Pour remplir la première de ces conditions, il faut d’abord que la masse liquide soit peu profonde ; ce qui exige déjà que le cul de la chaudière présente une très-grande surface, pour que le feu s’applique à beaucoup de parties.

Le fond de la chaudière doit être légèrement bombé en dedans. Cette forme présente deux avantages ; le premier, c’est que, par ce moyen, le combustible se trouve à une égale distance de tous les points, et que la chaleur est égale partout ; le second, c’est que, par cette construction, le fond de la chaudière présente plus de force, et que les matières qui peuvent se déposer dans le fond de la liqueur sont rejetées sur les angles qui reposent sur la maçonnerie, et où, par conséquent, le dépôt est moins dangereux. Lorsque ces dépôts se forment dans les parties soumises immédiatement à l’action directe du feu, ils établissent une croûte qui empêche le liquide de mouiller le point de la chaudière qui en est recouvert, et alors le feu brûle le métal. Cet inconvénient n’est plus à craindre du moment que, par la forme bombée du fond de la chaudière, ce dépôt est rejeté sur les angles, qui, reposant sur la maçonnerie, sont soustraits à l’action directe du feu.

Il faut faire circuler le feu autour de la chaudière du moyen d’une cheminée tournante ; alors toute la chaleur est mise à profit ; tout le liquide est enveloppé et également chauffé.

Pour que la colonne de vapeurs qui s’élève n’éprouve aucun obstacle dans son ascension, il faut que les parois de la chaudière montent perpendiculairement, et que les vapeurs soient maintenues dans le même degré d’expansion, jusqu’à ce qu’elles soient parvenues au réfrigérant. Mais les vapeurs, librement élévées et condensées par leur contact contre les parois froides du chapiteau, retomberaient dans la chaudière de l’alambic, si ces parois ne présentoient pas une inclinaison suffisante pour que les gouttes de liquide qui s’y appliquent, coulent sur les parois pour se rendre dans la rigole qui les conduit dans le serpentin. J’ai calculé que cette inclinaison devoit être au moins de 75 degrés par rapport à l’horizon. Il est encore nécessaire que l’eau du réfrigérant soit souvent renouvelée, sans quoi elle prend bientôt la température de la vapeur et ne peut plus servir à la condenser.

Quoique ces principes sur la distillation soient incontestables, il faut néanmoins y apporter quelques modifications pour faciliter le service : en effet, en donnant à l’orifice de la chaudière tout le diamètre de la base, le chapiteau présente un évasement très-considérable ; il est par conséquent indispensable de lui donner une grande hauteur, pour conserver aux surfaces l’inclinaison de 75 degrés. Cette construction entraîne deux inconvéniens majeurs : le premier, de rendre le chapiteau pesant, lourd et coûteux ; le second, de présenter de la difficulté, pour donner aux bords supérieurs de la chaudière la force convenable pour résister à l’effort du chapiteau. Ce sont ces premières considérations qui m’ont forcé à porter quelque changement dans la construction ci-dessus, quelque conforme qu’elle parût aux principes. Ces changemens sont tous dans la forme de la chaudière : j’en évase légèrement les côtés en les élevant, et je les rapproche vers le haut, de manière que le diamètre de l’ouverture réponde à celui du fond. Cette forme remédie aux deux défauts que nous avons notés ci-dessus, et elle a l’avantage de présenter un rebord à la partie supérieure contre lequel les bouillons provenant d’une ébullition trop forte viennent se briser pour être rejetés contre le centre de la chaudière.

Indépendamment de ce changement de forme dans la chaudière, j’ai cru qu’on devoit supprimer le réfrigérant dont on revêtoit le chapiteau. Ce réfrigérant a l’inconvénient de rafraîchir les vapeurs, et d’établir dans l’intérieur un nuage qui contrarie leur ascension ultérieure.

On peut observer que, lorsqu’on distille à la cornue et au bain de sable, il suffit d’appliquer un corps froid sur la cornue pour produire cet effet : on voit de suite se former de stries sur les parois, et la liqueur retomber dans le fond de la cornue elle-même.

Si, dans le tems, j’ai proposé moi-même de conserver le réfrigérant, c’est que je lui attribuois une portion des effets qui appartenoient à une construction de fourneau bien entendue, et qui en dérivoient. Je me suis assuré, par la suite, qu’on obtenoit un plus grand effet encore en supprimant le réfrigérant. Il y a d’ailleurs plus d’économie et moins d’embarras dans le service.

D’après cela, j’ai pensé que le grand art de condenser les vapeurs se bornoit à agrandir le bec du chapiteau, et à rafraîchir avec soin l’eau du serpentin. Par ce moyen, les vapeurs s’échappent de l’alambic avec d’autant plus de facilité, qu’elles sont appelées dans le serpentin par la prompte condensation de celles qui les ont précédées.

Ces divers degrés de perfection ont commencé à être introduits dans le Languedoc, il a douze à quinze ans. Les frères Argand ont puissamment contribué à les faire adopter ; les premiers, ils ont formé des établissemens d’après ces principes ; et on a obtenu une telle économie dans le tems et le combustible, qu’on l’évalue aux quatre cinquièmes, d’après les résultats des expériences comparées qui ont été faites.

J’ai dirigé moi-même plusieurs établissemens du même genre ; et d’après ces mêmes principes. Je crois qu’il est difficile de porter plus loin la perfection, et il est à desirer que ces méthodes de distillation deviennent générales.

Mais c’est encore moins à la forme de l’appareil, qu’à la construction du foyer et à la sage conduite du feu, qu’on doit ces effets extraordinaires. Le bord postérieur de la grille doit répondre au milieu du fond de la chaudière, pour que la flamme qui fuit, frappe et chauffe également tout le cul. La distance de la chaudière à la grille doit être d’environ seize à dix-huit pouces, lorsqu’on chauffe avec le charbon de terre, et la cheminée doit être tournante.

Indépendamment de l’économie dans le tems, le combustible, la main-d’œuvre, etc., cette forme d’appareil influe sur la qualité des eaux-de-vie. Elles sont infiniment plus douces que les autres ; elles n’ont point le goût d’empyreume, qui est presque un vice inséparable des eaux-de-vie du commerce. Cette dernière qualité, qui les rend si supérieures aux autres, a failli devenir pour elles un motif d’exclusion, parce que les habitants du nord, qui en font leur principale boisson, les trouvoient trop douces : il a donc fallu les mêler avec de l’eau-de-vie brûlée, pour les accréditer. On peut aisément leur donner ce goût de feu, en soutenant et prolongeant la distillation au-delà du terme. La liqueur qui passe vers la fin sent très-décidément le brûlé.

Il est nécessaire, dans les arts, de se plier au goût, même au caprice du consommateur ; et ce qui, chez nous, est rejeté comme de mauvais goût, peut paroître exquis et friand à l’habitant du nord. Dans le midi, une sensibilité extrême repousse des boissons brûlantes qui, dans des climats très-froids, pourront être foibles : Il faut écorcher un Moscovite pour lui donner de la sensibilité, a dit très-ingénieusement Montesquieu.

D’après des expériences comparatives que j’ai été dans le cas de faire, je me suis convaincu qu’on obtenoit encore un peu plus d’eau-de-vie par ce procédé que par l’ancien ; ce qui provient de ce que l’eau-de-vie sort fraîche de l’appareil, et qu’elle n’éprouve aucune perte par l’évaporation. Aussi les ateliers dans lesquels ces appareils perfectionnés sont établis n’ont-ils pas sensiblement l’odeur de l’eau-de-vie.

Lorsqu’on distille des vins, on conduit la distillation jusqu’au moment où la liqueur qui passe n’est plus inflammable.

Les vins fournissent plus ou moins d’eau-de-vie selon le degré de spiritualité. Un vin très-généreux fournit jusqu’au tiers de son poids. Le terme moyen du produit de nos vins, dans le midi, est d’un quart de la totalité : il en est qui fournissent jusqu’à un tiers.

Les vins vieux donnent une meilleure eau-de-vie que les nouveaux ; mais ils en fournissent moins, sur-tout lorsque la décomposition du corps sucré a été terminée avant la distillation.

Ce qui reste dans la chaudière, après qu’on en a extrait l’eau-de-vie, est appelé vinasse : c’est le mélange confus du tartre, du principe colorant, de la lie, etc. On rejette ce résidu comme inutile ; néanmoins, en le faisant dessécher à l’air ou dans des étuves, on peut en extraire par la combustion un alkali assez pur.

Il y a des ateliers où l’on fait aigrir la vinasse pour la distiller, et en extraire le peu de vinaigre qui s’y est formé.

L’eau-de-vie est d’autant plus spiritueuse, qu’elle est mélangée avec une moins grande quantité d’eau ; et, comme il importe au commerce de pouvoir en connoître aisément les degrés de spiritualité, on s’est long-tems occupé des moyens de les constater.

Le bouilleur ou distillateur juge de la spiritualité de l’eau-de-vie par le nombre, la grosseur et la permanence des bulles qui se forment en agitant la liqueur : à cet effet, on la verse d’un vase dans un autre ; on la laisse tomber d’une certaine hauteur ; ou bien, ce qui est plus généralement usité, on l’enferme dans un flacon allongé, qu’on en remplit aux deux tiers, et on l’agite fortement, en en tenant l’orifice bouché avec le pouce ; ce dernier appareil est appelé la sonde.

L’épreuve par la combustion, de quelque manière qu’on la pratique, est très-vicieuse. Le règlement de 1729 prescrit de mettre de la poudre dans une cuiller, de la couvrir de liqueur, et d’y mettre le feu. L’eau-de-vie est réputée de première qualité si elle enflamme la poudre ; elle est mauvaise, dans le cas contraire. Mais la même qualité de liqueur enflamme ou n’enflamme pas, suivant la proportion dans laquelle on l’emploie ; une petite quantité enflamme toujours ; une grande n’enflamme jamais, parce que l’eau que laisse la liqueur suffit alors pour humecter la poudre, et la garantir de l’inflammation.

On a encore recours au sel de tartre (carbonate de potasse), pour éprouver l’eau-de-vie. Cet alkali se dissout dans l’eau, et nullement dans l’alkool ; de manière que celui-ci surnage la dissolution qui s’en fait.

Ces premiers procédés, plus ou moins défectueux, ont fait recourir à des moyens capables de déterminer la spiritualité, par l’évaluation de la gravité spécifique.

Une goutte d’huile versée sur l’alkool se fixe à la surface ou se précipite au fond, selon le degré de spiritualité de la liqueur. Ce procédé a été proposé et adopté par le gouvernement espagnol, en 1770 ; il a fait l’objet d’un règlement ; mais il est sujet à erreur, puisque l’effet dépend de la hauteur de la chûte, de la pesanteur de l’huile, du volume de la goutte, de la température de l’atmosphère, des dimensions des vases, etc.

En 1772, cet objet important fut repris par deux physiciens habiles, Borie et Poujet de Cette ; ils ont fait connoître et adopter, par le commerce de Languedoc, un pèse-liqueur auquel ils ont adapté un thermomètre dont les divers degrés indiquent, à chaque instant, les corrections que doit apporter, dans la graduation du pèse-liqueur, la température très-variable de l’atmosphère.

À l’aide de ce pèse-liqueur, non seulement on juge du degré de spirituosité, mais on ramène l’eau-de-vie à tel degré qu’on peut desirer. À cet effet, on a des poids de diverse pesanteur : le plus pesant est marqué preuve de Hollande ; le plus léger, trois-sept : ainsi, si l’on visse à l’extrémité inférieure de la tige de l’aréomètre le poids preuve de Hollande, et qu’on plonge l’instrument dans une liqueur trois-sept, s’enfonce beaucoup trop ; mais on le ramènera au niveau preuve de Hollande, en y ajoutant quatre septièmes d’eau.

Si on visse, au contraire, le poids trois-sept, et qu’on plonge l’aréomètre dans un liqueur preuve de Hollande, il s’élèvera dans la liqueur au-dessus de ce dernier terme, et on le ramènera aisément à ce degré, en y ajoutant de l’alkool plus spiritueux.

Lorsqu’on distille des eaux-de-vie pour en extraire l’alkool, on emploie communément le bain-marie : alors la chaleur est plus douce, plus égale ; le produit de la distillation, de meilleure qualité ; c’est ce produit qu’on appelle esprit-de-vin dans le commerce.

3°. Le tartre. Le tartre existe dans le verjus ; il est encore dans le moût ; il concourt à faciliter la formation de l’alkool, ainsi que nous l’avons déjà observé, d’après les expériences de Bullion. Il se dépose sur les parois des tonneaux, par le repos, et y forme une croûte plus ou moins épaisse, hérissée de cristaux assez mal prononcés. Quelque tems avant les vendanges, lorsqu’on dispose les futailles à recevoir le vin, on défonce les tonneaux, et on détache le tartre pour l’employer dans le commerce à ces diverses usages.

Le tartre n’est pas fourni par tous les vins dans la même proportion ; les rouges en donnent plus que les blancs ; les plus colorés, les plus grossiers, en fournissent généralement le plus.

La couleur varie aussi beaucoup ; et on l’appelle tartre rouge ou tartre blanc, selon qu’il provient de l’un ou de l’autre de ces vins.

Ce sel est peu soluble dans l’eau froide ; il l’est beaucoup plus dans l’eau bouillante. Il ne se dissout presque pas dans la bouche, et résiste à la pression de la dent.

On le débarrasse de son principe colorant par un procédé simple, et il porte alors le nom de crême de tartre. À cet effet on le dissout dans l’eau bouillante ; et dès qu’elle en est saturée, on porte la dissolution dans des terrines pour la laisser refroidir : il se précipite, par le refroidissement, une couche de cristaux, qui sont déjà presque décolorés. On dissout de nouveau ces cristaux dans l’eau bouillante ; on mêle, on délaye dans la dissolution quatre ou cinq pour cent d’une terre argileuse et sablonneuse, de Murviel, près de Montpellier, et on évapore ensuite jusqu’à pellicule ; par le refroidissement, il se précipite des cristaux blancs qui, exposés en plein air sur des toiles, pendant quelques jours, acquièrent cette blancheur qui appartient à la crème de tartre ; les eaux-mères sont réservées pour servir à de nouvelles dissolutions. Telle est à-peu-près la méthode qu’on pratique à Montpellier et dans les environs, où sont établies presque toutes les fabriques connues de crême de tartre.

Le tartre est encore employé comme fondant : il a le double avantage de fournir le carbone nécessaire à la désoxygénation des métaux, et l’alkali, qui est un des meilleurs fondans connus.

On purifie encore le tartre par la calcination. On décompose et détruit son acide par ce premier moyen, et il ne reste plus que l’alkali et le charbon : on dissout l’alkali dans l’eau, on filtre, on rapproche la dissolution, et on obtient ce sel très-connu dans les pharmacies sous le nom de sel de tartre, carbonate de potasse.

Le tartre ne fournit guère en alkali que le quart de son poids.

4°. L’extractif. Le principe extractif abonde dans le moût ; il y paroit dissous à l’aide du sucre : mais lorsque la fermentation dénature le principe sucré, l’extractif diminue sensiblement. Alors une portion presque ramenée à l’état de fibre se précipite ; le dépôt en est d’autant plus sensible, que la fermentation s’est plus ralentie et que l’alkool est plus abondant ; c’est sur-tout ce qui constitue la lie. Cette lie est toujours mêlée d’une quantité assez considérable de tartre qu’elle enveloppe.

Il existe toujours dans le vin une portion d’extractif qui y est dans une dissolution exacte ; on peut l’en retirer par l’évaporation. Il est plus abondant dans les vins nouveaux que dans les vieux. Ils en paroissent d’autant plus complètement débarrassés qu’ils ont plus vieilli

Cette lie desséchée au soleil ou dans des étuves, après avoir été fortement exprimée, est ensuite brûlée pour en extraire cette sorte d’alkali appelé dans le commerce cendres gravelées. La combustion s’opère dans un fourneau dont on élève les parois à mesure qu’elle se fait ; le résidu est une masse poreuse, d’un gris verdâtre, qui forme environ la trentième partie de la quantité de lie brûlée.

C’est cette lie dont on débarrasse les vins par le soutirage, lorsqu’on veut les préserver de la dégénération acide.

5°. L’arome. Tous les vins naturels ont une odeur plus ou moins agréable. Il en est même qui doivent une grande partie de leur réfutation au parfum ou bouquet qu’ils exhalent. Le vin de Bourgogne est dans ce cas-là. Ce parfum se perd par une fermentation trop tumultueuse ; il se renforce par la vétusté. Il n’existe que rarement dans les vins très-généreux, ou parce que l’odeur forte de l’alkool le masque, ou parce que la forte fermentation qui a été nécessaire pour développer l’esprit l’a éteint ou fait dissiper.

Cet arome ne paroît pas susceptible d’être extrait pour être porté à volonté sur d’autres substances. Le feu même paroît le détruire ; car, à l’exception du premier liquide qui passe à la distillation, et qui conserve un peu de l’odeur particulière au vin, l’eau-de-vie qui vient ensuite n’a plus que les caractères qui lui appartiennent essentiellement.

6°. Le principe colorant. Le principe colorant du vin existe dans la pellicule de raisin : lorsqu’on fait fermenter le moût sans le marc, le vin en est blanc. Ce principe colorant ne se dissout dans la vendange que lorsque l’alkool y est développé ; ce n’est qu’alors que le vin se colore ; et la couleur en est d’autant moins nourrie que la fermentation a été plus tumultueuse, ou qu’on a laissé cuver plus long-tems. Cependant la seule expression du raisin par un foulage fait avec soin peut mêler au moût une quantité suffisante de principe colorant pour faire prendre à la masse une couleur assez intense ; et lorsqu’on a pour but d’obtenir du vin assez décoloré, on cueille le raisin à la rosée, et on foule le moins possible.

Le principe colorant se précipite en partie dans les tonneaux avec le tartre et la lie ; et lorsque le vin est vieux, il n’est pas rare de le voir se décolorer complettement ; alors la couleur se dépose en pellicules sur les parois des vases ou dans le fond : on voit comme des membranes nager dans le liquide et troubler la transparence de la liqueurs.

Si l’on expose des bouteilles remplies de vin au soleil, quelques jours suffisent pour précipiter le principe colorant en larges pellicules. Le vin ne perd ni son parfum ni ses qualités. J’ai fait souvent cette expérience, sur des vins vieux très-colorés du midi.

Il suffit de verser de l’eau de chaux en abondance sur le vin, pour en précipiter le principe de la couleur. Dans ce cas, la chaux se combine avec l’acide malique, et forme un sel qui paroît en flocons légers dans la liqueur. Ces flocons se déposent peu à peu et entraînent tous le principe colorant. Le dépôt est noir ou blanc, selon la couleur du vin sur lequel on opère. Il arrive souvent que le vin est encore susceptible de précipité, quoiqu’il ait été complettement décoloré par un premier dépôt, ce qui prouve que le principe de la couleur a une très-forte affinité avec le malate de chaux. Le précipité coloré est insoluble dans l’eau froide et dans l’eau chaude. Ce liquide ne produit même aucun changement sur la couleur. L’alkool n’a presque aucun effet sur lui, seulement il prend une légère teinte brune. L’acide nitrique dissout le principe colorant de ce précipité.

Lorsqu’on a réduit le vin à l’état d’extrait, l’alkool qu’on y passe dessus se colore fortement de même que l’eau, quoique moins. Mais, outre le principe colorant qui se dissout alors, il y a encore un principe extractif sucré qui facilite la dissolution.

Le principe colorant ne paroît donc pas de la nature des résines ; il présente tous les caractères qui appartiennent à une classe très-nombreuse de produits végétaux qui se rapprochent des fécules sans en avoir toutes les propriétés. Le plus grand nombre de principes colorans sont de ce genre : ils sont solubles à l’aide de l’extractif ; et lorsqu’on les dégage de cet intermède, ils se fixent d’une manière solide.



FIN.



  1. Je n’agiterai pas la question de savoir si l’alkool est tout formé dans le vin, ou s’il est le produit de la distillation, ou, en d’autres termes, s’il est le résultat de la fermentation ou celui de la distillation. Fabroni a adopté ce dernier sentiment, et s’est fondé sur ce que, ayant mêlé un centième d’alkool à du vin nouveau, il n’y a pu séparer, à l’aide de la potasse, que cette même quantité d’alkool. Mais cette expérience me paroîtroit prouver, tout au plus, que l’alkool étranger qu’on ajoute au vin, n’entra pas dans une combinaison aussi exacte que celui qui y existe naturellement ; il y reste dans un simple état de mélange. Nous observons un phénomène analogue lorsque nous délayons l’alkool très-concentré, par l’addition d’une quantité plus ou moins considérable d’eau ; car il est connu, dans le commerce que cet alkool affaibli n’a pas le même goût que l’alkool naturel qui marque néanmoins le même degré de spirituosité. Je considère donc l’alkool dans le vin, non point comme y existant isolément et dégagé de toute combinaison, mais comme combiné avec le principe colorant, le carbone, l’alkali, l’extractif, et tous autres principes constituans du vin ; de manière que le vin est un tout surcomposé dont tous les élémens peuvent être extraits par des moyens chimiques ; et lorsque, par l’application de la chaleur, on tend à séparer ces mêmes principes, les plus volatils s’élèvent les premiers, et l’on voit passer d’abord un composé très-léger formant l’alkool, ensuite l’eau, etc.

    La distillation, en extrayant successivement tous les principes du vin, d’après les lois invariables de leur pesanteur et de leurs affinités, rompt et détruit la combinaison primitive qui constitue le vin et présente des produits qui, réunis, ne sauraient reproduire le corps primitif, parce que la chaleur a tout désuni, et séparé le composé en des principes qui peuvent exister isolément, et qui n’ont presque plus d’affinité entre eux.

    Au reste, peu importe à l’art que l’alkool existe ou n’existe pas dans le vin : le distillateur n’en a pas moins des principes invariables, tant sur la qualité que sur la quantité d’alkool que peut fournir chaque vin. Ainsi, que le feu combine les principes de l’alkool, ou qu’il les extraie simplement d’une masse où ils sont combinés, la manière d’opérer et les résultats de l’opération ne sauroient en recevoir aucune modification. Nous voyons la répétition des phénomènes que nous présente la distillation des vins dans celle de toutes les matières végétales et de leurs produits.

    La distillation par le feu n’est pas le seul moyen d’extraire l’alkool du vin. 1o. Le gaz acide carbonique qui se dégage par la fermentation entraîne avec lui et dans un état de dissolution, une quantité assez considérable d’alkool, ainsi que je l’ai déjà prouvé. 2o. Le gaz qui s’échappe du Champagne enlève presque tout l’alkool contenu dans ce vin. 3o. Les vins très-spiritueux, agités dans les bouteilles, laissent échapper des bouffées d’alkool très-sensibles. 4o. Les vins qui fournissent le plus d’esprit sont jugés les plus spiritueux au goût. Tous ces faits ne sauroient se concilier dans l’hypothèse de la formation de l’alkool par la distillation, et paroissent prouver qu’il existe tout formé dans le vin.

    On peut encore consulter, dans les Annales de Chimie, l’opinion qu’a publiée Fourcroy sur cette importante matière.