L’araignée (leçon de choses)

L’ARAIGNÉE.
(Leçon de choses.)


Voyez cette image, que représente-t-elle ?

Les Élèves. — Une araignée au milieu de sa toile.

La Maîtresse. — A-t-elle des ailes ?

Les E. — Oh ! non.

La M. — Ce caractère distinctif des araignées : n’avoir pas d’ailes, distingue une classe d’animaux, les arachnides, à laquelle les araignées ont donné leur nom. Ont-elles des os ?

Les E. — Des os ! bien sûr non.

La M. — C’est ce qui les a fait placer, comme les insectes, dans l’embranchement des annelés, animaux qui n’ont pas d’os, pas de squelette intérieur. Ces animaux sont composés de petites parties qui se répètent dans la longueur ; leur corps est formé d’anneaux placés à la suite les uns des autres. Quelques-uns de ces anneaux peuvent se souder, et c’est de cette soudure que résultent les diversités des types.

Une E. — Mais, madame, les araignées n’ont pas d’anneaux ; — comme les chenilles, par exemple, — pourquoi donc font-elles partie des annelés ?

La M. — La raison, la voici : nous ne voyons l’araignée qu’après sa sortie de l’œuf, et, quoique toute jeune, elle naît ordinairement avec les formes de l’adulte, c’est-à-dire qu’elle ressemble à la mère ; elle n’a pas de transformations comme la chenille, pas d’anneaux visibles comme les mille-pieds, par exemple ; — mais quand elle est encore dans l’œuf (ce qu’on appelle être à l’état d’embryon) les anneaux existent, et se soudent plus tard pour former les deux parties apparentes de son corps.

Puisque nous parlons des œufs de l’araignée, c’est donc un…

Les E.Ovipare, c’est-à-dire un animal qui se reproduit par la ponte des œufs.

La M. — Bien. Maintenant, regardez bien cette image de l’araignée. Où voyez-vous sa tête ?

Les E. — Elle n’en a pas.

La M. — Mais si, mes enfants, elle en a une et fort intelligente, je vous assure ; seulement son corselet et sa tête sont réunis, et c’est par la position de ses yeux, au nombre de 6 ou 8, qu’on peut se rendre compte de l’existence de sa tête.

Regardez encore. Combien les araignées ont-elles de parties dans leur corps ?

Les E. — Deux parties : 1° la tête confondue avec le thorax ou la poitrine ; 2° l’abdomen ou ventre.

La M. — Cette conformation les a fait classer dans un ordre spécial auquel elles ont donné leur nom : les aranéides, qu’il ne faut pas confondre avec les arachnides dont nous parlions tout à l’heure, car ces dernières forment une classe qui comprend plusieurs espèces d’animaux : les araignées, les scorpions, l’acarus, qui cause la gale, la tique du chien, le faucheur, espèce d’araignée à longues pattes ; tandis que les aranéides sont un ordre, une subdivision de la classe des arachnides, subdivision qui comprend toutes les araignées, dont les caractères sont d’avoir des téguments assez flexibles et le corps divisé en deux parties.

Une E. — Les faucheurs ne sont donc pas des araignées ?

La M. — Non ; ce sont des arachnides, parce que leur corps à la forme d’une boule et qu’il n’est pas divisé en deux parties distinctes comme celui des aranéides.

Quand l’araignée veut changer de place, de quoi se sert-elle ?

Les E. — De ses pattes.

La M. — Combien en a-t-elle ? Comptez-les isolément et par paires.

Les E. — 8 pattes ou 4 paires de pattes.

La M. — Est-ce qu’il n’y a rien au bout de ses pattes ? — Vous n’en savez rien ? — Si : ses 8 pattes sont terminées par des griffes ou peignes, qui lui servent à s’accrocher, à se retenir aux branches, au sol ou sur sa toile. Ces fourches ou crochets qui terminent les pattes sont simples ou multiples.

Et le long de ses pattes, est-ce qu’il n’y a pas aussi quelque chose ?

Les E. — Ah ! si, elle est toute velue, elle a de grands poils.

La M. — Oui, ces poils, examinés à la loupe, sont barbelés comme des plumes, et leur fin duvet se montre d’une netteté irréprochable.

Quand l’araignée veut saisir sa proie, se sert-elle de ses grandes pattes ?

Les E. — Non ; elle se sert de deux autres petites pattes placées en avant des autres, du côté de la tête.

La M. — Ces deux petites pattes s’appellent des mandibules ; ce sont deux véritables pinces à l’aide desquelles elle s’empare de sa proie. Elles contiennent des glandes salivaires, qui fournissent le venin de l’araignée, et sont percées à leur extrémité d’une petite fente qui livre passage au venin sécrété par les glandes.

Il ne faut pas oublier de placer à l’actif de la propreté de l’araignée, qu’elle ne se nourrit que de proies vivantes ; elle repousse avec dédain les cadavres des animaux dont elle fait sa nourriture habituelle, et elle préfère mourir de faim plutôt que d’y toucher.

Quant à son venin particulier, il tue les animaux dont elle s’empare pour se nourrir ; mais il est sans action sur l’homme, au moins dans nos climats. Il est néanmoins dangereux chez certaines espèces, mais moins qu’on ne l’a dit. En Italie, la piqûre de la tarentule a donné crédit à des versions plus ou moins fantaisistes ; la tarentelle est une danse italienne dans laquelle les danseurs sont censés imiter les mouvements désordonnés des gens piqués par la tarentule. — L’araignée véritablement dangereuse serait la mygale de l’Amérique du Sud, qui a 0m,25 les pattes étendues : c’est à peu près la grosseur d’un petit oiseau.

Le Jardin d’acclimatation de Paris en possède une vivante.

L’araignée donc prend sa proie au moyen de ses deux mandibules, la suce, puis la digère, en la faisant passer dans son abdomen au moyen d’un tube digestif presque droit. Observons maintenant cet abdomen ou ventre. Est-il dur ou mou ?

Les E. — Il est mou, puisque les téguments (peau) de l’araignée sont assez flexibles.

La M. — Quelle est sa forme ?

Les E. — Il est rond.

La M. — Il serait plus exact de dire qu’il est renflé, car il n’est pas rigoureusement rond. — Est-il rigide ou mobile ?

— Réfléchissez bien.

Quelques E. — Il est mobile.

La M. — Oui ; l’abdomen donc est mou, renflé, mobile. — Et savez-vous d’où sort la soie qui sert au tissage de la toile ? — Écoutez-moi bien.

La soie, qui sert à l’araignée aussi bien pour construire sa demeure que pour tendre des piéges, est sécrétée par un appareil placé à la partie postérieure du ventre.

Cet appareil est formé de tubes contournés sur eux-mêmes, et s’ouvrant par de petits trous à la surface de 4 ou 6 mamelons charnus, qui sont placés à l’extrémité de l’abdomen.

Ces tubes contiennent une matière gluante (figurez-vous un sirop ou une colle épaisse) qui, expulsée à travers les pores ou trous placés sur les mamelons, prend de la consistance au contact de l’air, formant des fils d’une longueur considérable. Le fil tissé par l’araignée est pris comme terme de comparaison quand on veut exprimer la ténuité, l’extrême finesse. Eh bien, mes enfants, songez au nombre dés trous des mamelons, et vous verrez que ce fil que vous trouvez si fin, si ténu, est formé d’une multitude de fils, et ressemble à une sorte de câble (une grosse corde formée de ficelles nombreuses peut vous en donner une idée).

Dix mille fils sortant des pores d’une filière n’égalent pas, dans nos climats, la grosseur d’un cheveu. Vous comprenez bien, d’après cela, que l’araignée n’a pas dans le corps une bobine qui se déroule indéfiniment.

Quand l’animal veut tisser sa toile, au moyen de ses pattes, il réunit une grande quantité de ses fils en une sorte de corde ; il se balance (le vent lui vient quelquefois en aide), et toutes les fois que les filières touchent les corps voisins, il y fixe le bout d’un de ses fils, dont l’autre extrémité est encore renfermée dans l’appareil sécréteur (les mamelons), et dont, par conséquent, il peut à volonté augmenter la longueur. Il recommence jusqu’à ce que son travail soit terminé.

Ne croyez pas que l’araignée soit un être inutile. Tout, dans la création, à sa raison d’être ; l’araignée est un animal d’une grande utilité dans la nature : elle détruit une foule d’insectes nuisibles. Animaux industrieux, pleins de ruse et d’habileté, bonnes et vigilantes mères, elles enveloppent leurs œufs dans un cocon de soie pure, et certaines d’entre elles, les vagabondes, portent constamment ce précieux dépôt, souvent même leurs nouveau-nés, qu’elles défendent avec le plus brillant courage. Actives : elles réparent avec une intelligence parfaite les déchirures faites à leur toile. Adroites : si une mouche est-elle prise, vite l’araignée se précipite, l’environne d’un fil qui paralyse ses mouvements et s’en empare. Elles sont, de plus, susceptibles d’une sorte d’éducation : des prisonniers en ont apprivoisé pendant leurs longues heures de solitude, et on en à vu venir sur la main chercher la nourriture qui leur était présentée. Elles paraissent aimer la musique. Ce fait est affirmé par Grétry ; Pellisson, enfermé à la Bastille sous Louis XIV, reçut la visite d’une araignée, et il la voyait s’approcher de lui toutes les fois qu’il se mettait à jouer de la flûte. J’ai moi-même eu mon araignée familière : dès que je me mettais au piano, elle quittait sa toile pour m’écouter de plus près, et sitôt que je quittais ma place, elle remontait à l’angle du mur où elle s’était établie. Son instinct musical la sauva du balai réservé d’ordinaire à ses pareilles.

Quelles couleurs ont les araignées ?

Les E. — Il y en a de noires et de grises.

La M. — Oui, mes enfants ; leur couleur est variable, et il y en a effectivement, comme vous me le dites, de grises et de noires ; mais il y en a aussi de blanches, de brunes, de jaunes, de tachetées, de rouges.

Quelles sont les couleurs de la toile de l’araignée ?

Les E. — Elles sont blanches et grises. La M. — Vous voulez sans doute me parler de la toile de l’araignée commune, l’araignée domestique, la grosse araignée noire des gens qui ont peur, n’est-ce pas, Marguerite ? Cette toile est blanche quand elle est neuve ; elle est toute grise quand elle est déjà vieille ; qu’est-ce qui l’a souillée ?

Les E. — La poussière.

La M. — Mais, oui ; c’est la même toile salie. Il y a des araignées, ailleurs que dans nos climats, qui tissent des toiles de couleur ; ces toiles sont jaunes, rouges, noires, chez certaines araignées du Mexique, ce vaste pays que vous voyez là au sud de l’Amérique du Nord.

Les fils de la toile de l’araignée offrent-ils beaucoup de résistance ?

Les E. — Oh ! non.

La M. — Détrompez-vous : dans les pays chauds, certaines araignées tissent des trames assez fortes pour prendre des petits oiseaux. Ce sont de véritables filets.

Quelle est la forme de leur toile ? — Vous êtes embarrassées pour me répondre ; en effet, cette forme dépend des espèces. Il y a même des araignées, dites vagabondes, qui ne construisent pas de toiles : elles se logent dans les endroits qui peuvent leur offrir un abri.

Vous avez dû voir, à l’automne, dans les jardins, une grosse araignée, l’épéire diadème, ainsi nommée à cause des ornements qui se dessinent sur la teinte rosée de son ventre. Sa toile est remarquable de régularité : des cordages soutiennent l’édifice ; des lignes partent du centre et finissent aux extrémités : ce sont les rayons, formant la trame avec des cercles concentriques ; l’animal se tient au milieu. C’est l’araignée de cette image.

L’araignée commune, noire, velue, la tégénaire, tisse de vrais filets pour prendre sa proie. Sa toile est un peu relevée sur les bords ; elle l’établit ordinairement dans les encoignures des murailles, où elle est maintenue comme un hamac. À l’un des angles, elle construit un tube soyeux, d’où elle s’élance sur sa toile quand une mouche imprudente est venue s’y jeter. Elle loge ses œufs dans un cocon de soie fine, recouvre ce cocon d’un sac plus grossier qu’elle a suspendu au-dessous de sa toile, pour veiller sur son dépôt qu’elle ne quitte plus.

Les clubiones que vous pourrez facilement observer, se font des tentes soyeuses et blanches entre les tiges d’avoine.

En Corse, la famille des mygales est représentée par l’araignée pionnière, dont les mandibules ou antennes-pinces ressemblent à un râteau. Les tarses (nom donné au pied des insectes) placés aux extrémités des pattes, ressemblent à de petits peignes. Cette araignée creuse un puits dans lequel elle peut monter ou descendre à son aise. Elle le tapisse d’une tenture de soie fine et ajuste une porte, un couvercle à charnière de soie. À l’extérieur, cette porte ressemble au sol environnant ; à l’intérieur, pour serrure, elle pratique de petits trous dans lesquels elle enfonce ses pattes pour empêcher qu’on force l’entrée de sa maison, ou que la porte s’ouvre contre son gré. Elle ne sort de son gîte que pour chasser, et ne chasse que pendant la nuit.

Une autre espèce d’araignées, les argyronètes, brune, velue, ne présente rien d’extraordinaire par sa forme, mais ses mœurs sont curieuses. Elle ne peut respirer que dans l’air, et vit sous l’eau dans une espèce de cloche à plongeur qu’elle construit. Pour faire sa provision d’air, elle plonge, entraînant des bulles d’air entre ses poils ; puis, arrivée sous une feuille, elle se frotte et laisse sa provision d’air sous la feuille. Elle recommence jusqu’à ce que la bulle d’air emmagasinée soit assez grosse. Quand elle juge sa provision suffisante, elle l’emprisonne dans un tissu fin et serré qu’elle sécrète comme toutes ses congénères, forme une cloche à plongeur, et la fixe par des cordages aux objets environnants. C’est de cette retraite qu’elle guette les insectes qui passent à sa portée.

Se sert-on des fils d’araignée ?

Les E. — Oui, pour arrêter les hémorrhagies.

La M. — Cela est vrai, et ne serait-ce que pour ce service, l’araignée mériterait d’être réhabilitée ; — mais, dans l’industrie, on a cherché à utiliser ces fils pour en fabriquer des tissus qui ressemblent à de la soie ; seulement, la cherté de la main-d’œuvre rend la chose peu pratique. — Les Chinois, industrieux et patients, ont tiré parti de ces fils si doux et si réguliers, et en ont fabriqué des étoffes.

Une Elève. — Les fils de la Vierge sont-ils donc aussi tissés par les araignées ? car j’en ai trouvé qui contenaient de petites araignées.

La M. — Oui, mes enfants ; les fils de la Vierge ne sont autre chose que les toiles nombreuses des bois et des champs, lavées par la pluie de l’arrière-saison, agglomérées et amoncelées en longs écheveaux qui, enlevés par le vent, forment de longs filaments blancs.

Maintenant, récapitulons, si vous le voulez bien.

Dans quelle classe placez-vous l’araignée ? — Les arachnides.

Dans quel ordre ? — Celui des aranéides.

Par rapport au manque d’os ? — Dans l’embranchement des annelés.

Par rapport à sa reproduction ? — Dans les ovipares.

Combien a-t-elle d’yeux ? — 6 ou 8

Gombien de pattes ? — 8, ou 4 paires de pattes terminées par des tarses crochus.

Avec quoi prend-elle sa proie ? — Avec deux mandibules.

Mange-t-elle des bêtes mortes ? — Non ; elle ne touche qu’à des proies vivantes.

Est-elle utile ? — Oui, elle détruit des insectes nuisibles.

Est-elle dangereuse pour l’homme ? — Non, pas dans nos climats ; son venin ne tue que les animaux.

D’où vient la soie ? — D’une matière gluante qui sort des pores des mamelons et qui se solidifie à l’air.

Ont-elles des formes et des couleurs différentes ? — Oui.

Leurs toiles sont-elles semblables ? — Non : elles varient de forme et de couleur ; elles ont plus ou moins de solidité.

Quelles sont leurs qualités ? — La propreté, l’habileté. l’adresse, le courage, la sollicitude maternelle, l’intelligence, l’activité.

Quelles sont les principales espèces ? — La tégénaire (murailles), l’épéire-diadème des jardins, la clubione (avoine), la tarentule (Italie), l’argyronète (araignée aquatique, cloche à plongeur), la mygale (Amérique du Sud), l’araignée pionnière (Corse).

Utilise-t-on les fils d’araignée ? — Oui, en médecine pour arrêter les hémorrhagies ; dans l’industrie pour fabriquer des tissus, surtout en Chine.

Que sont les fils de la Vierge ? — Des fils d’araignée enlevés par le vent.

Pourriez-vous donner une idée de l’extrême finesse du fil de l’araignée ? — Dix mille fils égalent à peine la grosseur d’un cheveu.

Nota. — Après cette leçon, dictez les principaux mots qui s’y rencontrent : ces mots formeront un excellent exercice ; non-seulement ils serviront aux élèves comme lexicographie (orthographe d’usage), mais : ils les aideront à fixer leurs souvenirs, et pourront leur tenir lieu de questionnaire sur la leçon.