L’amour saphique à travers les âges et les êtres/04

(auteur prétendu)
Chez les marchands de nouveautés (Paris) (p. 14-18).

L’Amour saphique, Bandeau de début de chapitre
L’Amour saphique, Bandeau de début de chapitre

IV

ORIGINE DU SAPHISME. — LES SAPHISTES
DANS L’HISTOIRE. — LES GRANDES DAMES,
LES ARTISTES, LES FEMMES GALANTES,
DE L’ANTIQUITÉ À NOS JOURS.


Assigner une date à la naissance de cette passion serait absurde et dérisoire. Il est probable qu’elle se développa tout à l’origine des sociétés, alors que les mœurs commençaient à grouper les familles en tribus et que hommes et femmes se séparaient pour vaquer à des attributions spéciales dévolues plus particulièrement à l’un et à l’autre sexe.

Plus les sexes sont éloignés par les mœurs, plus les amours unisexuelles ont chance de se développer, le corps et l’esprit humain ayant besoin d’amour et ayant tendance à satisfaire ce besoin avec un être sympathique.

À travers les âges, la notoriété éclatante ou la médisance nous montre d’illustres femmes se livrant aux passions lesbiennes et démontrant par là que ces amours se poursuivaient au long des siècles.

Après Sappho l’illustre, voici Hélène, la femme de l’Empereur Julien qui, disait-on, se faisait amener journellement de jeunes Gauloises vierges pour les dépuceler de sa main et jouir de leurs baisers malhabiles, qu’elle stimulait à l’aide de verges impitoyablement maniées par ses suivantes romaines.

Isabeau de Bavière, célèbre par ses débordements, ne se contentait point de nombreuses amours masculines et, dit-on, faisait porter des cornes aux principaux grands seigneurs mariés de la cour de Charles VI.

Catherine de Médicis est également accusée d’avoir autant aimé les caresses de ses belles et ardentes femmes de chambre italiennes que son fils Henri III était friand de ses mignons.

La chronique scandaleuse unit la belle Mme de Chevreuse à la reine Anne d’Autriche et révèle tout bas les amours de la délicieuse Mme de Longueville qui chérissait autant ses amies que ses frères.

Y eut-il plus d’amours lesbiennes au dix-huitième siècle que dans les âges antérieurs ?… On serait tenté de le croire devant la multiplicité des aventures scandaleuses qui éclatent de toutes parts à cette époque.

En réalité, ce fut probablement égal à ce qui se passait précédemment et à ce qui se passe aujourd’hui, seulement les documents sont foison et fourmillent, surgissant de toutes provenances.

De plus, l’on n’est point arrêté pour citer tel ou tel nom, alors que la chronique contemporaine doit se taire, même lorsqu’elle est le mieux renseignée.

Au dix-huitième siècle, on parlait de tout avec hardiesse. La princesse palatine, belle-sœur du roi Louis XIV, racontait sans détour dans ses lettres aussi bien les amours de son époux Monsieur avec ses jeunes officiers, que les liaisons entre elles de telles ou telles dames de la cour.

C’est elle qui nous apprend qu’au su de tout le monde, à la cour, la seconde dauphine « couchait avec cette vieille guenippe de Mme de Maintenon », la complaisante maîtresse du vieux roi.

L’une des filles du Régent, Mlle d’Orléans qui devint abbesse de Chelles, est connue par ses folies et son amour effréné pour son sexe.

Les orgies de l’abbaye de Chelles firent scandale, même en un temps où les pires débauches ne soulevaient que le rire indulgent.

Entre autres bizarreries, l’abbesse inventa un soir de visiter son tombeau. Celui-ci avait été construit par ses ordres dans les cryptes de l’abbaye, aux côtés de la bienheureuse sainte Bathilde dont les restes étaient ensevelis dans ce caveau.

À dix heures du soir, ayant fortement soupé et bu, Mme de Chelles ordonna que l’on ouvrît le caveau, et à l’aide d’une échelle descendit, s’étendit sur la couche funèbre éclairée par une multitude de cierges. Puis, sans doute pour avoir par delà la mort de doux rêves, elle exigea que chacune des religieuses, ses subordonnées, vînt se coucher à côté d’elle et goûter en sa compagnie les plaisirs amoureux.

Les amours des actrices célèbres sont contées et plaisantées complaisamment dans tous les mémoires du temps. Mlles Clairon, Arnould, Raucourt étaient particulièrement connues pour leur passion du sexe féminin.

Plus tard il est incontestable que la liaison de Marie-Antoinette, reine de France, avec Mmes de Lamballe et de Polignac ne fut point une simple amitié ni même uniquement de la camaraderie dans les aventures galantes que la jeune épouse de Louis XVI aimait à nouer au hasard des soupers et des bals masqués.

Évidemment, on lui prêta plus de fantaisies qu’elle n’en eut, mais ses amours avec la Lamballe et la Polignac ressortent même des faits reconnus par tous les historiens.

Nous arrêtons les citations à cette date historique, parce que, touchant à la période contemporaine, le terrain devient brûlant et que nous sommes observateur et notateur hardi des faits historiques, mais nous détestons le rôle de pamphlétaire et d’indiscret.

Tout ce que notre examen attentif du temps présent nous a révélé, nous l’apporterons comme document nécessaire, mais en couvrant d’une ombre résolue les individus qui, pour nous, n’ont d’intérêt que comme démonstration des vérités scientifiques que nous voulons dégager dans cette étude.

Qu’il s’agisse d’aventures mondaines contées à l’oreille ou d’observations médicales recueillies dans les cliniques, les hôpitaux, les asiles ou les cabinets professionnels, nous voilerons avec soin les actrices, les victimes qui ont joué un rôle dans les scènes que nous rapporterons parfois, fourni leur document vécu à l’histoire générale du vice qui nous occupe.


L’Amour saphique, Vignette de fin de chapitre
L’Amour saphique, Vignette de fin de chapitre