L’Oubli (Fernand Séverin)

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Parnasse de la Jeune BelgiqueLéon Vanier, éditeur (p. 241-242).


L’Oubli


Aux jours bien morts, hélas ! du rêve inviolé,
Quand vacillait en nous la suprême espérance,
N’avions-nous plus, du moins, l’attente et la souffrance
Et cet âcre jouir de vivre immaculé ?

N’était-ce pas très doux encor, cette blessure
Par où se dissipa le sang de notre orgueil,
Et ces râles jaillis du cœur même, et ce deuil
De s’écouter descendre en une tombe obscure ?

Et n’était-ce pas doux ce dernier souvenir,
Pâle ou sanglant parfois, de la vie écoulée,
Et ces regrets enfin de l’audace en allée,
Et l’orgueil du néant méprisant l’avenir ?

C’était mélancolique et cher comme d’entendre
Au lointain le plus bleu des vespéraux halliers
Vibrer d’âme navrée et s’éteindre oubliés
Les vains appels du cor harmonieux et tendre


Voici l’heure venue où se penchent les cœurs
Vers les fuyants échos des vibrances dernières,
Et, de la mort des sons dans la mort des lumières,
Se sentent défaillir en d’immenses rancœurs.

Bientôt s’élèveront les silences funèbres,
Et nous saurons alors, mais alors seulement,
Quel mal c’est que l’oubli d’un ancien tourment,
Et nous voudrons en vain mourir dans nos ténèbres.