L’Oublié (Fernand Séverin)

Parnasse de la Jeune BelgiqueLéon Vanier, éditeur (p. 235-236).


L’Oublié


Plaise à qui va ployé du faix de ses chimères
Clore sur mon passé de tristes nœuds d’oubli ;
Plaise honorer encor de bouquets éphémères
Les restes douloureux du frêle enseveli !

Car vraiment s’il n’a point désennuyé les races
D’un livre où soient inscrits leurs rêves à venir,
Ses étreintes du moins étaient bonnes et lasses
Et des baisers reçus savaient se souvenir.

Mais il s’est trop penché vers les larmes versées
Pour s’y mirer plus beau sous les grâces du deuil,
Et d’avoir attendu de vaines fiancées
S’en retournent enfin sa force et son orgueil.

Plaise à vous, les bénis de son geste suprême,
Le bien ensevelir, ce cher passé défunt ;
Dorme-t-il, exilé des mémoires qu’il aime,
Mariant à des fleurs la mort de son parfum !


Et plus tard, du néant de braises expirées
Où tout ce qui fut mien se sera replongé,
Dans le calme béat des futures vesprées
On verra revenir le lointain naufragé.

Mais il sera si beau, les mains pleines de roses,
Et le cœur enlacé de longs rameaux de lys,
Que nul n’ira rouvrir les bandelettes closes
Où ses jours écoulés gisent ensevelis.