L’Orpheline (Waldor)

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La PsychéVolume 4 (p. 242-245).


L’Orpheline.


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Au pied des saints autels j’avais prié longtemps !…
Des cierges consumés la flamme vacillante,
Errant autour de moi, jetait de temps en temps,
Comme un dernier adieu, sa clarté plus brillante ;
Puis, plus pâles ensuite ; ils n’éclairaient plus rien,
Et sur le simple autel les pieuses reliques,
Les images gothiques,
Semblaient fuir, se couvrant d’un voile aérien.

Et mes yeux, fatigués de répandre des larmes,
À cette obscurité trouvaient alors des charmes.

J’écoutais s’affaiblir les derniers bruits du soir,
Et sur les bleus vitraux je regardais encore
Si le jour, qui fuyait, me laisserait y voir
Près de mon saint patron, la Vierge que j’adore,
Mais elle et tous les saints ne s’apercevaient plus
Et, sous un rideau noir, on eût dit que, dans l’ombre
De cette nuit plus sombre,
Ils étaient tour à tour à jamais disparus.

Et moi, fermant alors mes paupières lassées,
Je ne me souvins plus de mes peines passées.

Mon front appesanti s’inclina sur ma main ;
Et, près de m’endormir, je vis dans un nuage
Des anges occupés à tracer un chemin,
Où leurs ailes laissaient un lumineux passage ;
L’un d’eux me souriait comme pour me bénir,

Puis, en me soulevant doucement de la terre,
 Semblait avec mystère,
M’avertir que ma vie allait bientôt finir.

Et je sentis alors qu’avec de blanches ailes
Je parcourais dans l’air des régions nouvelles.

Des sons mélodieux me berçaient mollement ;
Leurs accords inconnus parcouraient la surface
De cet azur que Dieu nomma le firmament,
Se taisaient, renaissaient et mouraient dans l’espace !
Une clarté nouvelle alors frappa mes yeux,
Et mon ange gardien, qui me servait de guide,
 Cessa son vol rapide :
« Où sommes-nous ? lui dis-je, » il répondit : « Aux cieux » ;

Et, la Vierge Marie, en m’appelant sa fille,
Me dit : « Approche, enfant, je te rends ta famille. »

Alors je vis ma mère : elle m’ouvrait ses bras…
Mon père souriait à ma joie enfantine ;
Des chérubins jetaient des roses sur mes pas ;

Et des voix murmuraient : « Tu n’es plus orpheline ! »
Soudain je crus sentir un baiser maternel…
Sous ce premier baiser tressaillant tout entière,
Je rouvris la paupière…
Hélas ! j’étais encor seule au pied de l’autel…

Et, voyant le bonheur fuir sans pouvoir le suivre,
Je regardai le ciel…, et je pleurai de vivre.

Madame M. Waldor.