L’Origine de nos Idees du Sublime et du Beau/PIV V

Traduction par E. Lagentie de Lavaïsse.
Pichon et Depierreux (p. 237-238).

SECTION V.
De quelle manière le Sublime est produit.

Ayant vu que la terreur excite dans les nerfs une tension extraordinaire et des émotions violentes, il nous est facile de conclure de ce que nous venons de dire, que tout ce qui est propre à produire une telle tension doit causer une passion analogue à la terreur[1], et par conséquent être une source du sublime, alors même qu’il ne s’y joindrait aucune idée de danger. Ainsi, pour faire connaître la cause du sublime, il s’agit seulement de prouver que les exemples que nous en avons donnés dans la seconde partie de ces recherches, se rapportent à des choses que la nature a rendues propres à produire cette sorte de tension, soit par l’opération première de l’ame, soit par celle du corps. À l’égard des choses qui affectent par l’idée associée du danger, il n’y a pas de doute qu’elles ne produisent la terreur, et qu’elles n’agissent par quelque modification de cette passion ; et que la terreur portée à un degré suffisant, cause dans le corps les violentes émotions dont on vient de parler, c’est de quoi il n’est pas plus permis de douter. Mais si le sublime est fondé sur la terreur, ou sur quelque passion analogue à la terreur, qui a la douleur pour objet, il convient avant tout d’examiner comment il peut naître quelque sorte de délice d’une cause qui y est en apparence si contraire. Je dis délice, parce que, comme je l’ai remarqué plusieurs fois, il est très-évidemment différent dans sa cause et dans sa propre na ture, du plaisir actuel et positif.

  1. Partie II, sect. 2.