L’Origine de nos Idees du Sublime et du Beau/PII XII

Traduction par E. Lagentie de Lavaïsse.
Pichon et Depierreux (p. 139-140).

SECTION XII.
La Difficulté.

La difficulté est une autre source de grandeur [1]. Lorsqu’un ouvrage parait avoir exigé une force extraordinaire et un travail immense on ne peut s’en former qu’une grande idée. Stonehenge [2] n’a rien d’admirable ni par sa disposition, ni par ses ornemens ; mais ces énormes et grossières masses de pierre , entassées l’une sur l’autre, avertissent l’esprit des efforts prodigieux que l’ouvrage a coûtés : la rudesse même du travail donne une nouvelle force à cette cause de grandeur, en excluant toute idée d’invention et d’art ; car la dextérité produit une autre sorte d’effet, assez différent de celui-ci.

  1. Voyez part.IV, sert.4, 5, G.
  2. On nomme ainsi des ruines situées dans la plaine, de Salisbury, dont l’origine se perd dans la confusion des tems barbares, et qui n’ont pas été un petit sujet de dispute parmi les antiquaires. Les uns en font un monument des anciens Danois, les autres des Romains, d’autres enfin prétendent que ce sont les restes d’un temple des druides. Cette opinion parait être la plus généralement adoptée. Quoiqu’il en soit, cette construction est fort remarquable par son architecture. C’est un exagone régulier de 110 pieds de diamètre, dont le pourtour est une muraille composée d’un simple rang de pierres qui ont 27 pieds de haut sur 7 pieds de largeur, et sur 4 pieds d’épaisseur. On prétend qu’il n’y a jamais eu de toit.