L’Origine de nos Idees du Sublime et du Beau/PII X

Traduction par E. Lagentie de Lavaïsse.
Pichon et Depierreux (p. 137-138).

SECTION X.
La grandeur de dimension en architecture.

L’architecture semble ne pouvoir atteindre le sublime que par la grandeur de dimension ; car l’imagination ne peut s’élever à l’idée de l’infinité sur un petit nombre de parties, encore moins si ces parties sont petites-La grandeur de la manière ne saurait compenser avec succès le défaut des dimensions convenables. Il n’est pas à craindre que cette régie entraîne les artistes dans des desseins extravagans ; elle porte son correctif avec elle ; parce que la longueur trop considérable d’un édifice détruit le dessein de grandeur qu’on s’était proposé de remplir : la perspective lui fait perdre en hauteur ce qu’il gagne en longueur, et le réduit enfin en une espèce de triangle, qui est de toutes les figures la plus mesquine dans, ses effets. J’ai toujours remarqué que les colonades et les avenues d’arbres d’une longueur moyenne, ont une noblesse, une pompe qu’on ne trouve pas à celles qu’on a poussées à perte de vue. Le véritable artiste charmera le spectateur par une généreuse imposture et n’emploiera que des moyens aisés pour l’exécution des plus nobles desseins. Un plan qui n’est grand que par ses dimensions, est la marque certaine d’une imagination commune et rétrécie. Aucun ouvrage de l’art n’est grand qu’autant qu’il trompe ; la véritable grandeur est une prérogative de la nature. Un œil exercé fixera un terme moyen entre une excessive longueur ou hauteur (car la même objection subsiste contre les deux) et une quantité courte ou brisée : et peut-être réussirais-je à le déterminer avec assez d’exactitude, s’il était dans mon dessein d’entrer dans les détails d’un art quelconque.