L’Orbe pâle/Tout est fini

Eugène Figuière et Cie (p. 131-132).


TOUT est fini.

Si c’est la Mort qui a ouvert la porte que nul être visible n’a franchi. Elle est restée sur le seuil.

Elle a attendu.

Elle attend.

Pourquoi ?

La très pâle, plus pâle que la lune, maintenant invisible, a-t-elle senti la vanité de sa menace ?

Tout est fini. La Vie recommence.

L’attente continue.

Mes yeux sont impassibles devant elle, comme devant la Mort. La Mort, la très pâle, qui promet une fin très pâle, pâle comme la lune, pâle comme elle.

La vie continue. Je vois encore le soleil qui baise la mer, la mer qui étreint la terre ; je sais encore tout ce qui fourmille et bruit sous lui, sous elle, et sur elle.

Je sais toujours regarder toute chose et la comprendre.

Je sais toujours rêver ma vie et agir dans mon rêve.

Pendant quelque temps encore, je pourrai désirer tout, et ne jamais étreindre la satisfaction. Durant quelque temps !… longtemps, peut-être.

Car la pâle invisible, Celle qui a ouvert ma porte mais est demeurée sur le seuil, attend.

La Mort attend, comme moi j’attends.