L’Orbe pâle/Ce matin, à l’aube, ou sous la lune

Eugène Figuière et Cie (p. 99-100).


CE matin, à l’aube, ou sous la lune, — était-ce l’aube ? était-ce la lune ? étaient-ce toutes les deux ? — de grands coups sourds ont résonné jusque dans mon lit.

Des clous pénétraient des planches, mais des clous énormes, peut-être, dans des planches immenses, peut-être. Quel mort fantastique enfermait-on dans ce cercueil fantastique à l’heure du sommeil ? Était-ce l’aube ? Était-ce la lune ? Quel mort fantastique ? Et pour quel sommeil ?

Les coups sourds résonnaient jusque dans mon lit, jusqu’autour de moi, jusque sur moi-même.

Quelle parcelle de moi enfermait-on dans ce cercueil fait de clous énormes et de planches fantastiques. Je sentais que je connaissais ce mort ? Je sentais que ce mort était quelque chose de moi, une chose morte, morte assez récemment, pour que j’en sois encore meurtrie.

Mais quoi ?

Et puis ce n’était peut-être qu’un bateau qu’on clouait à l’aube ou sous la lune.

Mais je le disais bien que c’était un cercueil, un cercueil fantastique, le plus profond des cercueils, puisqu’il mène son mort tout au fond de la mer, au plus lumineux des néants. Qu’elle s’en aille ainsi bellement, cette parcelle de moi, morte récemment et que déjà j’ignore.

De grands coups sourds ont résonné jusque dans mon lit, jusqu’autour de moi, jusque sur moi, à l’heure du sommeil.

Était-ce l’aube ? Était-ce la lune ?