L’Ombre des jours/Tristesse

Comtesse Mathieu de Noailles ()
Calmann-Lévy, éditeurs (p. 75-76).


TRISTESSE


Le cœur divin du soir, percé de rayons d’or,
Presse contre lui l’arbre et la belle colline,
L’air rose plein de gloire et de douceur s’incline
Jusqu’à la plaine lasse et faible qui s’endort.

Le tilleul, l’oranger, les sorbiers aux baies sures
S’émeuvent dans la brise, et leurs parfums stridents
Vibrent comme une harpe, et font comme des dents
Au cœur triste et profond une amère blessure.


Ah ! ce cœur toujours ivre et toujours inquiet,
Le pauvre cœur sensible et vaniteux de l’homme,
Toujours plein du besoin qu’on l’aime et qu’on le nomme,
Toujours fort de désirs, et las de ce qui est…

— Notre cœur bondissant et penchant, quelles vignes
T’étourdiront d’un vin assez chaud et puissant
Pour qu’ayant la torpeur ou l’ardeur dans le sang
Tu goûtes la douceur de vivre, et t’y résignes…