L’Ombre (O. C. Élisa Mercœur)

Œuvres complètes d’Élisa Mercœur, Texte établi par Adélaïde AumandMadame Veuve Mercœur (p. 101-102).


L’OMBRE.
ÉLÉGIE.

 

Pour t’égarer encor sur les pas d’un mortel,
Ici tu redescends !… Ta demeure est au ciel.

Élisa Mercœur
 

Déjà l’obscurité, cette sœur du mystère,
De son aile jalouse enveloppe la terre.
Au loin, déjà s’égare à pas silencieux.
Une forme indécise, une vierge des cieux.
On dirait qu’elle rêve et dans soi se recueille ;
Elle semble écouter le doux bruit de la feuille
Son bras, qu’elle soulève et plie avec lenteur,
Paraît chercher encore où palpita son cœur.

Vierge céleste, hélas ! ton sein n’a plus d’haleine !…
Que tu sembles aimer la nuit qui te ramène !
Quoi ! n’oses-tu fixer que son pâle soleil ?
N’oses-tu revenir qu’à l’heure du sommeil ?
Qui donc viens-tu chercher ? Réponds. Ah ! je devine…
C’est assez ; j’ai compris, ombre pure et divine ;
Pour t’égarer encor sur les pas d’un mortel,
Ici tu redescends !… Ta demeure est au ciel.

Êtres aériens, souvent dans l’autre sphère
Vous entendez sans doute un écho de la terre ;
Et cet écho lointain, au suprême séjour
Est un doux souvenir de votre exil d’un jour.
Habitante du ciel, sous ta forme légère,
Le regard du rêveur, pensif et solitaire,
Quand le soir te rappelle, aime à suivre tes pas.
Ah ! s’il t’aima jadis, reste, ne le fuis pas ;
À toi s’il pense encor, s’il est plein de tes charmes,
Si dans son œil baissé tu rencontres des larmes,
Reste !… Mais dans son cœur si tu portes l’effroi,
Ombre, image incertaine, éloigne, éloigne-toi !!!


(Janvier 1827.)