L’Inde après le Bouddha/Livre 3/Chapitre 2

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Livre III

CHAPITRE II
LE BOUDDHISME À CEYLAN
1. Historique.

La dynastie des Mauryas s’éteignit en 188 et fut remplacée par celle des Sangas qui fournit 10 rois et dura 112 ans.

Vers cette époque, une émigration de Grecs Baktriens ou noirs (les Kala Yavanas) bouddhistes, sous la conduite d’Eucratides, fit irruption dans l’Inde septentrionale, conquit le Kaboul, le Punjab, les rives de l’Indus jusqu’à son embouchure, et envoya des expéditions dans le Catch et le Guzarat. Ménandre son fils ou son successeur poussa ses conquêtes à l’Est jusqu’à Ayodya et Patalipoutra (Patna). On a trouvé des médailles de ces deux princes à Caboul, Mathura et Patna.

Ménandre était bouddhiste ; c’est le roi Mitindu des légendes bouddhistes, peut-être le Kala Yavana qui attaqua Kritshna et sa tribu devant Mathura et les en chassa ; ils se réfugièrent dans le Guzarat.

Empire Indo Scythe (126 ans avant — 544 après J. C.). Une nouvelle irruption de Sakas ou Saces (Gêtes) dans le Nord Ouest de l’Inde en chassa les Grecs Baktriens et fonda un empire qui s’étendait depuis Yarkande et Khokand dans le bassin du Tarin jusqu’à Agra, au Sind et au Kachemir. Il dura 600 ans et fut le soutien du Bouddhisme dans le Nord Ouest de l’Inde.

Vers l’an 76 de l’ère ancienne, la dynastie des Sangas de Magadha fut remplacée par celle des Kanevas qui dura 45 ans et fournit quatre rois.

Vers l’an 70 avant J.-C. la tribu Scythique des Sus ou Suars fonda dans le Guzârat un empire qui dura environ 400 ans ; ils donnèrent leur nom à cette contrée, le Surahtra, pays de Surate et, furent remplacés en 319 par les Wallabbas. Ils avaient un port qui faisait un grand commerce avec l’Égypte et l’Europe.

On fait remonter au iie siècle avant J.-C. l’admission des Radjapoutes dans la classe des Kchattrias pour remplacer les anciens qui s’étaient convertis au Bouddhisme. Ils s’établirent alors dans la contrée qui a pris et conservé leur nom. Vikramadita roi d’Udgein (Oudgiana) dans le Radjapoutana fut le premier des souverains Radjapoutes qui combattit les Sakas bouddhistes. Il leur infligea de sanglantes défaites vers l’an 56 avant J.-C. Sa cour était le rendez-vous de tous les beaux esprits du temps.

L’an 31 du même siècle, la dynastie des Andrahs supplanta dans le Magadha celle des Kanewas et fournit 31 rois qui régnèrent sur l’Inde Septentrionale jusqu’à l’an 436 après J.-C. Ils étaient bouddhistes et on leur attribue la construction du magnifique temple d’Amaravati.

Le Royaume d’Orissa avait une dynastie propre. Le littoral du golfe du Bengale obéissait aux rois Andhras ou Gangas du Kalinga.

L’Inde centrale était occupée par les Kôles, les Bilils, les Konds, les Curumbars etc.

Ces derniers formèrent jusqu’au milieu du 11e siècle une puissante monarchie avec Canjipuram pour Capitale.

Le Sud se partageait entre les royaumes de Chola, Pandion et Chera, et l’état de Kongu en formation, comprenant les provinces actuelles de Salem et de Coïmbatour.

Ceylan. — Sous Devanampyatissa, le plus illustre et le plus pieux des rois de Ceylan qui régna de 307 à 207 avant notre ère, cette île fut convertie au Bouddhisme par Maheinda fils du roi Açoka assisté de 4 religieux dans son apostolat. Les missionnaires furent accueillis à la capitale Lanka avec toute la faveur possible par le roi qui était un tributaire d’Açoka. Les succès de la prédication furent très rapides et bientôt on construisit des Viharas pour servir de lieux d’étude, de noviciat et de retraite pour les religieux, entre autres le Mahavihara (grand Vihara) le plus ancien et le plus grand de l’Île. Le roi lui attribua de vastes domaines et dota de la même manière les autres Viharas et en même temps fit construire 52 Stoupas.

Açoka envoya au roi, sur sa demande, une précieuse relique, la Clavicule de Bouddha ; et plus tard une branche sacrée de l’arbre Bodi ; l’un et l’autre furent reçus avec des honneurs infinis ;

Le roi fit construire dans toute l’île de vastes et nombreux monuments religieux, temples et monastères.

Mahinda vécut encore huit ans sous le règne du successeur de Devanampyatissa, gouvernant l’île pour le spirituel. À sa mort on lui fit les plus solennelles funérailles. Ses reliques furent en partie renfermées dans un stoupa élevé comme monument funéraire et en partie distribuées entre les différents Viharas.

Un an après mourut Sanghamitta, la grande Rahanesse sœur de Maheinda, qui avait, apporté à Ceylan la branche de l’arbre de la Bodi et avait ensuite partagé l’apostolat. Elle reçut les mêmes honneurs funèbres que son frère.

À cette histoire qui paraît véridique, la tradition ajoute et les Cingalais (habitants de Ceylan) croient que, neuf mois après avoir acquis la Bodhi, Gautama se transporta de sa personne à Lanka qui était alors livrée aux mauvais génies les Takshas. Ceux-ci étaient réunis en assemblée dans les délicieux jardins de Mahanaga au centre de Lanka, lorsque Bouddha arriva, au milieu d’eux par la voie des airs, les frappa d’abord d’épouvante, puis toucha leurs cœurs par sa prédication. À quelques années d’intervalle, Bouddha fit une seconde, puis une 3e visite à Lanka et sanctifia cette capitale, autrefois le séjour et la proie de tous les mauvais génies décrits dans le Ramayana.

Il y a à Ceylan beaucoup de légendes se rapportant au séjour de Bouddha dans l’île et de monuments pour en honorer et perpétuer le souvenir.

Pendant les règnes suivants, Ceylan eut beaucoup à souffrir des invasions des Malabars. Ceux-ci furent enfin chassés par Dhouttagamini qui régna de 161 à 137 avant Jésus-Christ. Il y fut puissamment aidé par les religieux Bouddhistes qui, à cette occasion, prirent les armes contre les Malabars Brahmanistes et entraînèrent à leur suite beaucoup de combattants. En reconnaissance de ce service, le roi rendit tout son ancien éclat au culte de Bouddha qui avait subi quelque éclypse. Il édifia le Mahastoupa (grand Stoupa) qui fut érigé solennellement en l’an 137 avant Jésus-Christ. Dans cette cérémonie figurèrent des tableaux représentant les Djatakas, c’est-à-dire les naissances successives de Bouddha. On voit encore près d’Anouradhapoura (ville d’Anouradha) les ruines de l’immense construction en briques qui formait ce stoupa, le plus grand de l’île.

Le fils de Dhouttagami donna un exemple extraordinaire pour l’Inde ; il renonça au trône pour épouser une Tchandali.

Comme il n’y avait pas de centre d’Orthodoxie bien reconnu, les différents monastères se disputèrent sur l’interprétation de la doctrine du maître. Pour prévenir des Schismes, on fixa par l’écriture sous le règne de Vattagamini, en l’an 89 avant Jésus-Christ les textes sacrés du Pattakattaya (la Triple corbeille) pâli, jusque-là conservé oralement par les religieux, ainsi que le commentaire orthodoxe de l’Atthakatha. Cette précaution n’empêcha point les hérésies ; la plupart naquirent sans doute de compromis avec le brahmanisme qui survivait dans l’Île.

En même temps les invasions des Malabares désolèrent le pays pendant trois siècles.

Enfin le roi Tissa qui eut la gloire d’abolir la torture, se fit le protecteur généreux de la religion, paya les dettes des couvents depuis longtemps obérés et combattit au profit de l’Orthodoxie du Mahavihara, l’hérésie Vetoullya que professait le couvent d’Abayâcaguiri.

Un de ses successeurs Mahaséna, de 275 à 302 de notre ère, se déclara pour l’hérésie et laissa détruire le Mahavihara et transporter à Abayaguiri les objets précieux qui s’y trouvaient. Mais neuf années après, les religieux Orthodoxes furent rappelés de l’exil et rebâtirent le Mahavihara. Sirunegavarna fils et successeur de Mahaséna protégea l’Orthodoxie ; ce fut sous son règne que fut apportée à Ceylan par une princesse Brahmine la fameuse dent de Bouddha conservée jusque-là à Dantapoura. Cette dent, objet d’une vénération enthousiaste, est le sujet d’une histoire qui se prolonge jusqu’au milieu du siècle dernier.

De 339 à 368 après Jésus Christ, régna Bouddhadassa, grand médecin et bouddhiste fervent, qui fonda de nombreux hôpitaux et établit un médecin pour chaque section de 10 villages.

De 395 à 416 après Jésus-Christ eut lieu le séjour du pèlerin Chinois Fa Hien à Ceylan. Il y trouva la religion bouddhique plus prospère que dans aucune autre partie de l’Inde. Il rapporte, d’après la tradition locale, que Bouddha est venu à Sinhala et a laissé deux empreintes de ses pieds, l’une au Nord de cette ville, l’autre sur le pic d’Adam qui a 2,000 mètres d’altitude. Il raconte aussi que la branche de l’arbre Bodhi amenée de l’Inde est annuellement l’objet d’une adoration générale suivie d’une procession où l’on porte des tableaux représentant les 500 naissances ou manifestations de Bouddha. Il a vu le couvent de la montagne sans crainte, où résidaient 5,000 religieux, le grand couvent, où il y en avait 3,000, la chapelle de la Bodhi où il y en avait 2,000 et enfin 5 ou 6,000 religieux que le roi nourrit directement lui-même.

Il estime que le nombre des religieux dans toute l’île est de 50 à 60 mille, tous pauvres et vivant d’aumônes, tandis que les temples sont très riches. Les donations magnifiques que les rois leur font continuellement finissent par former d’immenses propriétés.

Les 4 castes se rendent tous les 10 jours à des lieux désignés pour écouter attentivement la prédication faite par des religieux qui sont fort instruits.

Fa hian a récolté une riche moisson d’ouvrages écrits dans la langue sacrée (le pali ou le sanskrit).

On rapporte à cette époque la traduction des Soutras Palis ou Cingalais.

2. Les livres canoniques de Ceylan.

En 432, au contraire, l’Atthakâtha Cingalais fut traduit du Cingalais en pâli par le fameux Brahmane Bouddagosha. Ce commentaire des livres sacrés avait été traduit en Cingalais par Maheinda lui-même, sans doute du sanskrit, mais on n’avait point le livre en langue pâli, Bouddagosha fit cette traduction difficile à la grande satisfaction des religieux.

La triple corbeille Cingalaise se compose, comme partout, des Soutras, du Vinaya et de l’Abidarma.

Le Soutrapitaka Cingalais comprend 5 ouvrages, en tout 200,000 stances, indépendamment du commentaire qui en a davantage encore.

Le Vinaya Cingalais comprend également 5 ouvrages. Les 2 premiers sont une espèce de code criminel, les deux seconds une sorte de code religieux et civil. Le cinquième n’est qu’un commentaire des quatre autres sous une forme de catéchisme qui en rend l’étude plus facile.

Il y a 42,230 stances pour l’ensemble du Vinaya.

La méditation a cinq degrés : 1. la bienveillance envers tous les êtres y compris les ennemis que l’on peut avoir ; 2. la pitié pour tous les maux et toutes les douleurs ; 3. la joie pour tous les biens et tous les bonheurs d’autrui ; 4. le dégoût du corps et de tout ce qui s’y rapporte ; 5. enfin l’indifférence, source d’un calme inaltérable.

L’Abidarma se compose de 7 ouvrages renfermant ensemble 96,230 stances pour le texte et un tiers environ en plus pour les commentaires.

Le Brahma Jala Sutra, d’après Gogerly, compte soixante-deux sectes hétérodoxes ; cette énumération, dit le Sutra, comprend tous les modes de croyance qui existaient alors ou qui pouvaient exister dans l’Inde. Ils sont divisés en deux grandes sections ; ceux qui raisonnent sur le passé et ceux qui s’occupent de l’avenir.

La 1re section renferme 18 écoles ;

Les 4 premières croient à l’éternité de l’existence, soit en raison du souvenir qu’ils ont de leur ancienne naissance, soit par induction.

Les quatre suivantes croient que certains êtres sont éternels et d’autres soumis au changement.

Les quatre qui viennent ensuite soutiennent : l’une que le monde est fini, l’autre qu’il est infini, la 3e qu’il est infini seulement en largeur, la dernière qu’il n’est ni fini ni infini.

La 13e école doute ou dispute sur un grand nombre de points.

Les cinq dernières écoles admettent que ni les hommes ni le monde n’ont de cause, parce qu’ils ont préalablement existé dans le monde de Brahma dans lequel on n’a pas d’existence consciente.

La 2e section compte 46 classes.

Les seize premières comprennent ceux qui croient à un état futur d’existence consciente, état soit matériel, soit immatériel, soit partie matériel et partie immatériel, soit ni matériel, ni immatériel dont la durée est finie ou infinie, ou un mélange des deux, ou ni finie ni infinie dans lequel les perceptions sont ou simples ou divergentes, limitées ou illimitées, heureuses, malheureuses, mélangées de plaisirs ou de peines, ou sans peine ni plaisir. Les sept classes suivantes croient à une existence inconsciente comme terme final.

Les 6 classes qui viennent ensuite, croient que la mort est une annihilation temporaire ou définitive.

Enfin les cinq dernières raisonnent sur les moyens d’atteindre le bonheur parfait ou la béatitude. Après avoir fait cet exposé, le Sutra ajoute : Selon Gautama, la vérité pure, sans mélange, ne se trouve que dans son bana ou enseignement.

Les autres maîtres ont pu voir chacun une partie de la vérité ; lui seul la possède toute entière et sans nuage, non pour l’avoir apprise d’un autre, mais par sa propre intuition et création.

Aucune des soixante-deux opinions énumérées ne sont vraies ; par conséquent l’état de l’existence future n’est : ni conscient ni inconscient ni matériel ni immatériel ni heureux ni malheureux et pourtant la mort n’est pas l’annihilation. Nous existons et nous n’existons pas. Nous mourons et nous ne mourons pas.

Cela paraît contradictoire ; mais cette apparente contradiction ne vient que de la complication du système. Il y aura un état futur d’existence, mais l’individu ne sera point tel qu’il est en ce monde. Quoique la mort détruise ce qui existe, elle n’annihile point la force ou virtualité inhérente à cette existence. Pour les fidèles de Ceylan, Bouddha est le plus fort, le plus puissant, le plus compatissant, le plus méritant, le plus beau de tous les êtres. Nul autre n’a une démarche pareille. Celui qui prononce pieusement son nom ou qui donne en son nom un peu de riz obtiendra le Nirvâṇa. L’oreille ne peut rien entendre, l’esprit rien concevoir d’excellent comme le Bouddha. Il en est de même de la Loi et de l’assemblée qu’on ne sépare jamais de lui.

Malgré cette suprématie, les Bouddha sont des hommes. Si un Bouddha apparaissait comme un déva ou un brahma, on pourrait attribuer son excellence à sa nature de Déva ou de Brahma et non à sa nature de Bouddha.

Il ne serait point aimé, écouté par toutes les espèces d’êtres sans exception, tous ne seraient pas convertis.

Mais quoiqu’il naisse homme, il peut apparaître par une naissance apparitionnelle (magique).

Le corps du Bouddha était sujet à la souffrance et à la maladie. — Cela ne tient pas à lui, mais à une cause générale opérant dans le moment où cette souffrance s’est produite ou bien à sa participation à la souffrance des autres par l’effet de sa bienveillance.

D’après un Soutra, Bouddha a dit à Ânanda : Il n’y a rien de caché dans la doctrine du Thatagata.

On pourrait en conclure que Bouddha n’a point eu de doctrine secrète et que tous les développements ultérieurs du Bouddhisme sont des altérations. C’est en effet ce que prétendent en général les Bouddhistes de Ceylan. Cependant, il est difficile d’admettre qu’il n’a pas eu un enseignement supérieur ou du moins plus explicite, pour les disciples les plus avancés, et que cet enseignement renfermait en germe les développements de sa religion qui n’ont point été empruntés au Brahmanisme. La légende prétend que tous ceux qui entendaient le Bouddha, entraient dans le chemin de la perfection, même les animaux, mais ceux-ci ne pouvaient avancer dans ce chemin qu’après une renaissance.

On possède une relation intéressante de l’état intérieur de Ceylan et par suite de son état religieux par Robert Knox qui y fut captif de 1639 à 1680. Le Bouddhisme y était florissant ; les viharas et les temples étaient d’une grande richesse et possédaient des terres immenses, les meilleures de l’île. Les fermiers des viharas étaient les plus heureux de l’île, ils tenaient admirablement les terres moyennant des redevances assez légères qui étaient affectées à l’entretien des temples, des viharas et des stoupas, aux frais du culte et au traitement du nombreux personnel attaché à chaque communauté.

À certaines époques de l’année des femmes allaient mendier pour le Bouddha portant dans leurs mains son image couverte d’un voile blanc. On donnait ou de l’huile pour Bouddha, ou du riz pour l’offrande à lui faire, ou de la toile, ou même de l’argent. Cette quête était un acte de piété auquel participaient les plus grandes dames.

De 432 à 1800 le Bouddhisme subit à Ceylan beaucoup d’altérations tendant à le rapprocher du Çivaïsme ; cela ressort des documents que nous citerons un peu plus loin et des peintures et statues que l’on trouve dans les temples même de Ceylan que j’ai visités[1]. Il en est résulté un système religieux conservant le fonds moral du bouddhisme, mais tout imprégné de souvenirs et de formes brahmaniques. En voici les traits distinctifs :

Système du monde[2].

Il y a d’innombrables systèmes de mondes dont chacun a son soleil, sa terre et sa lune et prend le nom de sakhala. Chaque sakhala a ses enfers et ses cieux. Chaque ciel est divisé en deva lokas et brahma lokas (sièges des devas et des brahmas). Chaque sakhala est entouré d’un mur circulaire en rocher. Les sakhalas sont répandus dans l’espace par groupes de trois qui se touchent. L’espace compris entre les trois forme l’enfer Lokantarika.

Il y a trois sortes de Sakhalas : ceux que Bouddha voit seulement, ceux qui obéissent à son autorité, enfin ceux au nombre de 10.000 où un Bouddha peut naître, (entre la naissance où il est un aspirant au Bodhisattwa et celle dans laquelle il atteint la Bodhi) ou bien dans lequel on connaît l’apparition d’un Bouddha et auquel s’étend le pirit ou l’exercice religieux.

On divise encore les sakhalas en mondes d’où la forme est absente ; mondes où il y a là forme sans jouissances charnelles ; mondes où il y a la forme et la jouissance charnelle.

Chaque partie de chaque sakhala appartient à une des trois divisions suivantes : le monde des êtres sentants ; celui de l’espace ou du vide ; le monde de la matière qui comprend rochers, arbres, etc.

À la base de chaque Sakhala est le vide ; au-dessus du vide est le monde du vain ou de l’air ; au-dessus celui de l’eau ; au-dessus la grande terre qui repose sur un lit de miel vierge.

Au centre de la terre de chaque sakhala est un mont Maha Mérou (grand Mérou) qui a une hauteur de deux cent mille myriamètres. À son sommet est le Dewa loka dont Sakra (Brahma) est le Régent.

Entre le mont Mérou et le cercle extérieur du sakhala, il y a six cercles concentriques de rocher embrassant des mers dont la profondeur va en diminuant à mesure que l’on s’éloigne du centre et qui sont peuplées de poissons de grandeurs diverses qui atteignent plusieurs milliers de kilomètres.

Dans chaque terre, il y a quatre continents dont les habitants ont la figure de même forme que le continent lui-même carrée, demi-lune, circulaire et la nôtre ; notre séjour s’appelle Djambudjiva. Innombrables étaient primitivement et même du temps de Bouddha, les villes, les ports de mer, les royaumes du Djambudjiva.

Notre terre est soumise à une série de destructions et de restaurations sans commencement ni fin. Il y a pour une des révolutions ou vies de notre monde trois grands cycles dont chacun dure un asankijaka (l’unité suivie de 140 zéros d’années,) la destruction, la continuation de la destruction, et la formation ; la continuation de la formation ; en tout un mahakalpa (4320 millions d’années.)

L’âge de l’homme dans un monde croît depuis 10 ans jusqu’à un asamkyaka d’années.

Il y a dans chaque continent ; six dewa lokas, ou parades des dewas encore passionnés ; seize rupa brahmalocas où existe encore la forme, mais sans la passion ; quatre arupa brahmalocas, sièges où la forme a disparu.

Ils se distinguent par la durée des jours et celle du temps que l’on y passe et qui va toujours en augmentant : Les âges de tous ces séjours additionnés ensemble donnent un total de 12 milliards 285 millions d’années.

Il y a enfin 8 narakas ou séjours de punition. Toute cette cosmogonie se retrouve à peu près textuellement dans les Pouranas ainsi que nous le verrons plus loin au Baghavata Pourana ; elle est aussi la même que celle des Djaïns ; d’où il faut conclure que le Bouddhisme a partout accepté la cosmogonie reçue ; cela était absolument indifférent à sa doctrine et à son institution.

Différents ordres d’existence sensible.

En dehors des suprêmes Bouddhas, les différents ordres d’existence sensible comprennent :

1. Les Pratryka Bouddhas ; 2. Les Arhats ; 3. Les Devas 4. Les Brahmas ; 5. Les Gandarvas ; 6. Les Garoudas ; 7. Les Nagas ; 8. Les Yaksas ; 9. Les Khumbandas ; 10. Les Assouras ; 11. Les Raksasas ; 12. Les Prélats et autres monstres ; 13. Les habitants des Narakas ; il faut y ajouter les animaux qui peuplent l’air, la terre et les eaux.

Ces ordres se divisent en cinq conditions ou natures : dieux, hommes, monstres (comme les Prélats), brutes comme les animaux, démons nature infernale.

Parmi les hommes les plus éminents sont : Les Sidhas qui ont des pouvoirs surnaturels par les herbes ; les Widhyaras qui ont le même pouvoir par les mantrans et la magie ; les Rishis qui l’ont obtenu par la pratique de certains rites et austérités ;

1. Les Prateyka Bouddhas sont des sages doués d’un pouvoir surnaturel qui n’apparaissent que dans les Kalpas[3] où il y a un Bouddha, mais jamais en même temps que le Bouddha lui-même.

2. Les Arhats sont les ascètes qui sont entrés dans le 4e et dernier chemin qui conduit au Nirvana. Ils ont cinq pouvoirs surnaturels.

3. Les Déwas, dit minores, n’habitent pas exclusivement les Dewa lokas, ils sont aussi répandus partout sur la terre (comme les Nats). Ils naissent par une apparution (magie). Ils ont toutes les passions, et une taille plus que colossale. Leur nombre est incalculable. Ils ont évidemment été empruntés aux Brahmanistes.

Il y a des dewadatas (places d’adoration pour les Dévas) dans presque tous les villages de Ceylan, mais rarement des temples. Ils inspirent plutôt la crainte que l’amour ou la sympathie.

4. Les Brahmas sont bien supérieurs aux Dewas, ainsi que l’indiquent les définitions de leurs divers séjours. Ils ont obtenu leur état présent par l’exercice du Dyani (contemplation). Quelques-uns sont lumineux par eux-mêmes, traversent l’air, ont des plaisirs purement intellectuels. Dans un des sièges, ils sont demi-conscients, dans un second inconscients, dans tous les autres conscients.

Le chef des Brahma lokas, Sampati Maha Brahma exerce continuellement les 4 aspirations suivantes : 1o d’amitié ; 2o il désire que tous les êtres puissent être relevés des 4 enfers et obtenir le bonheur ; 3o de tendresse ; que ceux qui sont dans les Brahma lokas gardent pendant très longtemps leur bonheur ; 4o d’équité ; que chacun soit récompensé suivant ses mérites.

Mais Bouddha le seigneur des trois mondes est bien au-dessus de Maha-Brahma.

C’est ainsi que les Bouddhistes, par esprit de conciliation, adoptaient les dieux de la foule, mais en les subordonnant à Bouddha.

3. Les gandarvas ont un loka particulier ; leur taille est de 16 myriamètres et leurs attributs sont les mêmes que chez les Brahmanes.

5. Les garoudas sont des oiseaux d’une grandeur immense, ennemis des Nagas.

7. Les Nagas résident immédiatement au-dessous du Mérou et dans les eaux du monde des hommes ; ce sont des demi-dieux très bien doués généralement favorables à Bouddha, mais dont la colère est fort redoutable.

Leur nom Naga veut dire montagne, sans doute parce qu’il existe entre Assam et Manipur un peuple de montagnards appelés Nagas dont les incursions étaient fort redoutées. On les appelle encore Nayas, nom analogue à celui des Nayades dont ils ont les fonctions. On suppose qu’ils gardent les trésors avec une vigilance sans pareille. On les trouve dans beaucoup de légendes bouddhiques.

8. Yakas. Il ne faut pas les confondre avec les démons quoique ce soit leur désignation populaire. Ce sont des êtres que leur Karma a fait naître tels, mais beaucoup de leurs actes pourraient être attribués aux Dévas et réciproquement.

Les Singalais les redoutent beaucoup et lorsqu’il y a une calamité, on a recours au danseur des démons, pour vaincre leur malignité par des charmes. Mais ces pratiques n’ont pas été approuvées par Gautama et elles sont formellement condamnées quand elles accompagnent un sacrifice sanglant.

Quelques-uns sont méchants et en révolte contre l’autorité.

Les Yakas n’habitent pas les Narakas comme les démons de la révélation. Ils sont cependant sur la terre et dans les eaux. Ils se marient ; aiment la danse, la musique etc. Ils ont une grande force et quelques-uns de l’éclat et de la dignité. Il y a des exemples de Yakas qui sont entrés dans les chemins qui conduisent au Nirvana. Leur roi Wessarvana s’étant présenté à Bouddha avec une nombreuse suite, lui expliqua qu’il avait des Yakas mauvais et opposés à la religion qui habitaient les lieux solitaires et pouvaient troubler les religieux ou leur nuire et il lui proposa d’apprendre le pirit ou la défense contre les Nagas, formule qui préserve contre leurs attaques.

  1. Par exemple, on y voit Bouddha entre Vichnou et Siva, etc. des enfers bouddhiques qui n’envient rien à ceux de Calot, etc.
  2. Tout ce qui suit diffère très peu de ce qui est dit sur les mêmes sujets dans la vie de Bouddha et au Tibet.
  3. Un Kalpa ordinaire est de 18 millions d’années.