Victor Palmé (p. 128-143).

CHAPITRE XI

La progéniture de Naundorff.




Quand on est usurpateur, ou qu’on désire l’être, on n’a jamais d’enfants ; c’est réglé. L’Ami de la Vérité l’affirme, et, contre son habitude, fournit des preuves à l’appui de son affirmation. Considérez l’histoire, écrit-il, en terminant son Discours préliminaire, « Louis XVIII et le duc d’Angoulême n’eurent point d’enfants ». L’Ami ne parle point de Charles X, mais il ajoute que le comte de Chambord, qui aurait bien voulu continuer le crime de son grand-oncle, l’infâme Louis XVIII, que le « comte de Chambord lui-même a eu la douleur de voir son foyer désert ». Tandis que Naundorff a reçu « la récompense que l’Écriture assure à l’homme de bien : une nombreuse postérité ». Ce qui prouve, en toute évidence, qu’en revendiquant le trône, il ne rêvait point une usurpation, et, conséquemment, qu’il était bien Louis XVII. Voilà !

C’est en vain que l’on s’imagine être préparé aux plus vives surprises, lorsqu’on affronte la lecture d’un écrit naundorffiste ; on y découvre tout de même des choses qui renversent. Par exemple, je ne pouvais pas m’attendre à voir l’Ami de la Vérité, – un prêtre ! – proclamer, avec cette hardiesse, qu’en s’emparant d’une demi-douzaine de couronnes, puis en mettant, pour finir, une main sacrilège sur les États du Pape, Victor-Emmanuel n’a point fait au droit le plus petit accroc. Car enfin, il est incontestable que Victor-Emmanuel a eu plusieurs enfants, et l’aîné de ses fils, qui continue le crime de son père, en a aussi. Donc, Victor-Emmanuel et le roi Humbert ne peuvent pas être accusés d’usurpation, s’il faut en croire M. l’abbé Dupuy !

Mais je n’ai pas à m’occuper de la postérité des princes de Savoie. C’est la postérité de Guillaume Naundorff qui doit faire le sujet de ce chapitre.

Charles Naundorff, l’héritier de Guillaume, n’est pas premier enfant mâle de l’aventurier prussien. Avant Charles, il y avait Édouard ! Ce prénom vous étonne. À mon idée, il prouve tout simplement qu’aux environs de 1820, quand Édouard naquit, son père ne pensait pas encore à jouer le rôle qu’il a joué plus tard. Autrement, s’il avait conçu, dès cette époque, le projet de se faire passer pour Louis XVII, il n’eût point omis de donner à son fils aîné un prénom plus conforme aux traditions de la maison de France[1]. Son deuxième fils, il l’appela Charles ; le troisième, il l’appela Edmond ; le quatrième, Adelberth. Quant aux filles, la première, qui vint au monde le 31 août 1819, fut nommée Amélie. C’est aujourd’hui Mme Laprade. En 1829, Naundorff eut une autre fille qui fut nommée Marie-Antoinette. Quelques années plus tard, il en eut une autre encore, et celle-ci reçut le prénom de Marie-Thérèse. Ainsi donc, vers 1829, quand il se préparait à se dire le fils de Louis XVI, Naundorff pensait aux noms traditionnels, ce qui prouve clairement qu’il y aurait pensé de même pour son premier fils, si, dès 1820, il eût songé à ressusciter Louis XVII.

Il n’est peut-être pas inutile de faire, à propos de cette postérité nombreuse, une seconde observation, d’un certain intérêt : Au début de ce siècle, il était bien appauvri, le sang des Bourbons de la branche aînée. De plus, la chétive et malheureuse enfance du fils de Louis XVI, avant 1795, puis, après 1795 (s’il fallait s’en rapporter aux Mémoires de l’aventurier prussien), son adolescence et sa jeunesse plus malheureuses, plus tourmentées encore, ne semblaient pas le destiner précisément à se survivre en une postérité d’une telle abondance. Aussi, loin de voir, comme l’abbé Dupuy, un gage de la vérité des affirmations de Naundorff dans cette postérité, je serais, au contraire, enclin à y trouver un témoignage de son imposture. À ce titre, mieux eût valu certainement pour ce faux dauphin n’avoir que les trois enfants dont je vais m’occuper, laissant de côté les autres, qui sont morts, ou ne font point parler d’eux.

Seuls, demeurent en scène, Amélie, Charles et Adelberth.

Commençons par Mme Amélie Naundorff, femme Laprade. C’est l’aînée et le véritable chef de la famille. Ses fidèles prétendent lui trouver une ressemblance frappante avec la reine Marie-Antoinette. Il y a bien quelque chose en effet, dans la coiffure. Mais les traits du visage s’écartent sensiblement de ceux du modèle. Et puis, la fille de Naundorff est d’une taille au-dessous de la moyenne, tandis que la reine-martyre était d’une taille élevée. En fait, Mme Laprade, qui manque de distinction, a surtout l’aspect d’une « princesse de théâtre ». Grande (moralement), noble et généreuse, elle a daigné accorder sa main royale au frère d’un de ces désabusés qui, en 1841, couvrirent son père des témoignages de leur mépris, de leur dégoût, le reniant tout haut, le déclarant, à la face du monde, fourbe, imposteur et crapuleux. Mme Laprade honore de temps à autre Paris de sa présence, et voyage assez souvent pour les besoins de la cause et les petites nécessités du commerce de sa famille. Quand elle ne voyage point et qu’elle n’est pas à Paris, elle réside aux environs de Poitiers, habitant un petit château, où l’on mène, paraît-il, large vie. On n’a pas de revenus, mais on a des partisans qui en ont, et qui en font. Cette existence confortable est assombrie, toutefois, par quelques légers désagréments : on n’est point reçu dans la bonne société, ni dans le monde ecclésiastique, l’illustre et si regretté cardinal Pie ayant, à vingt reprises, manifesté son profond mépris pour ces intrigants.

Il faut reconnaître un mérite à Mme Laprade : elle est intelligente, en quoi elle diffère beaucoup, s’il faut en juger par les apparences, de sa famille et de son entourage. C’est elle qui conduit le bateau de pêche naundorffiste à travers les eaux troubles où il flotte ; c’est elle qui le préserve de l’envasement. C’est elle, qui la première, s’est convertie au catholicisme, comprenant que là était le meilleur moyen, pour sa famille, de recruter un certain nombre de partisans nouveaux, sans perdre aucun des autres. C’est elle, qui, à la mort d’Henri V, voyant trois ou quatre milliers de légitimistes, presque tous fort bons chrétiens, désorientés, éperdus, a précipité le mouvement dans le sens catholique, et, bientôt, est parvenue à faire abjurer son frère Charles. Quelque temps après, elle est parvenue aussi à lui faire rétracter l’abdication qu’il avait signée, en un moment de découragement, ou plutôt de gêne, au profit d’Adelberth, demeuré protestant.

J’ai parlé jadis de la fameuse abdication du « prince » Charles[2]. Je possède toujours les pièces relatives à cet épisode ultra-comique : le texte même de la renonciation au trône de France, faite à Bréda, en Hollande, et légalisée par Monsieur le bourgmestre ; puis, les manifestes du « prince » Adelberth, officier de l’armée des Pays-Bas, manifestes où ce guerrier chevronné flétrit, en un langage digne, mais émaillé de fautes d’orthographe et de français, le manque de parole de son frère. En effet, Charles, après avoir, moyennant sans doute un plat de lentilles quelconque, transmis tous ses droits au capitaine Adelberth, le quatrième fils de Naundorff, parce qu’il « ne regardait point comme légitimes les enfants d’Edmond » le troisième fils[3], s’est ensuite refusé, ô parjure ! à tenir compte d’une abdication aussi sérieuse ! À la fin, découragé, Adelberth a lui-même abdiqué, au profit de l’aîné de ses enfants. Reconnaissons-le : cette nouvelle transmission de droits n’a jeté aucun trouble parmi les naundorffistes, qui, du moins en France, étaient presque tous demeurés fidèles à leur « prince » Charles, préférant de beaucoup, au libéral protestant, le catholique réactionnaire, qui copie le comte de Chambord, affiche un zèle dévorant pour la religion et voue la France au Sacré-Cœur[4] !

Mais, puisque je suis en Hollande, j’y vais rester encore un peu de temps. Je reviendrai ensuite au néo-catholicisme des Naundorff.

Il importe, en effet, d’examiner, en deux mots, quelle est la situation des enfants de l’imposteur prussien dans le royaume des Pays-Bas. Ils affirment que leur père y a été solennellement reconnu pour le fils de Louis XVI, et qu’ils y sont traités eux-mêmes comme princes de la maison royale de France. À l’appui de leurs assertions, ils fournissent trois « preuves » : une lettre du ministre plénipotentiaire de Hollande à Paris ; l’épitaphe inscrite sur la tombe de Naundorff, à Delft ; enfin, quelques extraits d’actes de l’état civil, qui montrent qu’on leur laisse prendre, en ce pays, le nom de Bourbon. Il faut dire ce que valent ces trois prétendues « preuves ».

Voici d’abord la lettre du ministre de Hollande. Je la reproduis de confiance, telle que la donne M. l’abbé Dupuy, dans son Discours préliminaire. Elle est adressée à « Madame Amélie de Bourbon », et conçue en ces termes :

« Paris, le 26 juin 1873.

  « Madame,

{{g| « En réponse à la requête que vous avez adressée à Sa Majesté le Roi, mon auguste souverain, pour obtenir communication de pièces relatives au duc de Normandie, je suis chargé de vous informer qu’il n’y a pas eu de correspondance entre le gouvernement néerlandais et celui des autres puissances, concernant le duc de Normandie, et que les renseignements que le gouvernement a pu recueillir à ce sujet ne sont pas de nature à être communiqués. Vous pouvez cependant être assurée, madame, que ces renseignements ne contiennent aucune donnée qui pourrait être utile à votre procès.|2}}

 « Veuillez agréer, madame, l’assurance de ma haute considération.


« Le ministre des Pays-Bas,
« Baron de Zuylen-Nyeveld.


« Madame Amélie de Bourbon, boulevard Magenta, 133. »

Vous connaissez maintenant le texte, d’après les naundorffistes, de cette lettre qu’ils déclarent si écrasante pour leurs adversaires. Eh bien, non, je n’éprouve pas du tout l’impression qu’un homme écrasé doit ressentir. Que dit, en somme, ce document ? Que Mme Laprade a présenté une « requête pour obtenir communication de pièces relatives au duc de Normandie » ; qu’on lui oppose une fin de non-recevoir, parce « qu’il n’y a pas eu de correspondance entre le gouvernement néerlandais et celui des autres puissances, concernant le duc de Normandie » (l’imposteur allemand et ses champions avaient toujours affirmé le contraire). On ajoute qu’il a bien été recueilli des renseignements « à ce sujet », mais que ces renseignements « ne sont pas de nature à être communiqués », et « ne contiennent aucune donnée qui pourrait être utile » aux descendants de l’aventurier prussien. Quels sont ces renseignements ? Le ministre ne s’explique point là-dessus ; il s’agit, la chose est évidente, des rapports de police que le gouvernement des Pays-Bas, comme le gouvernement français, comme le gouvernement anglais, comme tout autre gouvernement l’eût fait à sa place, demanda sur cet étrange étranger qui venait s’installer en Hollande. Ah ! certes non, ces rapports ne doivent contenir aucune donnée qui puisse être utile aux descendants de Naundorff !

Oui, mais écoutez le commentaire de M. l’abbé Dupuy : « On voit, dit-il, que, dans cette lettre, l’ambassadeur des Pays-Bas donne à Louis XVII son véritable titre, « duc de Normandie », et qu’il appelle la princesse, sa fille : « Madame Amélie de Bourbon. » Peut-on penser que, dans une communication diplomatique, un ministre donne à ses correspondants des titres qui ne leur appartiennent pas, ou dont la légitimité ne lui serait pas parfaitement démontrée ? » Oh ! la chose a dû arriver quelquefois, et même quand il s’agissait de communications diplomatiques plus importantes ! En tout cas, elle ne se présente point ici. Le ministre plénipotentiaire parle bien d’un duc de Normandie, c’est vrai ; on lui a demandé s’il y avait trace d’une correspondance entre le gouvernement de la Hollande et quelque autre, au sujet de ce duc. Il répond « qu’il n’y a pas eu de correspondance concernant le duc de Normandie », et comme il a existé, en effet, un duc de Normandie, né à Versailles en 1785, mort au Temple en 1795, M. l’ambassadeur est absolument en règle ; il peut écrire : le duc de Normandie. Mais relisez la lettre, et vous verrez que rien n’y montre qu’il applique ce titre à Naundorff.

Soit, dira l’abbé Dupuy. Seulement il appelle Mme Laprade : « Amélie de Bourbon. » En effet. Qu’y a-t-il là de surprenant ? Il reçoit une lettre signée : « Amélie de Bourbon » il n’a pas, lui, ministre d’une puissance étrangère, à s’occuper de savoir si ce nom français est légitimement porté par une personne qui réside en France. Il répond à l’adresse indiquée : « À Madame Amélie de Bourbon, boulevard Magenta, 133. » Remarquez-le bien ; il écrit à Madame de Bourbon ; il met en suscription : Madame, simplement ; au bas de la lettre, il répète : « à Madame Amélie de Bourbon », et c’est encore Madame, tout court. Ainsi, voilà l’ambassadeur de la Hollande, de cette puissance qui reconnaît, au dire des naundorffistes, les enfants du juif prussien pour fils et fille de Louis XVII, qui les traite comme princes de la maison royale de France, voilà l’ambassadeur des Pays-Bas qui a l’honneur de correspondre avec une femme d’un rang si élevé, et il n’adresse point sa lettre à : « Madame la princesse de Bourbon », et il se borne à lui dire, en terminant, comme à n’importe quelle bourgeoise : « Veuillez agréer, madame, l’assurance de ma haute considération. » À la place de M. l’abbé Dupuy, je ne serais pas fier de la lettre de M. le baron Zuylen-Nyeveld : ni le fond ni la forme ne m’en plairait, et loin de la montrer, je la dissimulerais soigneusement.

Quant à l’épitaphe de Naundorff, il est certain qu’elle lui donne les titres auxquels il prétendait. Qu’est-ce que cela prouve ? Richemont fut bien enterré, non pas en pays étranger, lui, mais aux portes de Lyon, sous le nom de Louis-Charles de France. Je l’ai dit ; j’ai dit aussi que son acte de décès le qualifiait de la manière suivante : « Monsieur Louis-Charles de France, natif de Versailles, etc. » Telle est la haute valeur des témoignages tirés des épitaphes et des pièces de l’état civil. C’est la même chose en Hollande que dans notre pays. Et M. Van Lier, le consul de Hollande à Paris, examinant des attestations qu’on m’avait envoyées et que je lui soumettais, attestations où un bourgmestre quelconque certifiait que le capitaine Adelberth était venu le trouver, accompagné d’une paire de témoins, déclarant tous deux que ce capitaine s’appelait Adelberth de Bourbon, M. Van Lier me disait dernièrement : « Ces pièces ne sont pas apocryphes ; mais que démontrent-elles ? Si l’on avait produit à ma naissance deux témoins venant affirmer par devant le bourgmestre que j’étais le fils d’un roi, il est infiniment probable que cette déclaration eût été mentionnée sans l’ombre d’une difficulté. »

De Delft, en Hollande, je transporte la scène à Figeac, en France. Supposez un Anglais s’établissant dans cette dernière ville avec sa famille, et se faisant appeler Stuart. Qui se refuserait parmi ses voisins à lui donner ce nom, et à le donner aux enfants de cet homme ? Et qui les empêcherait, ces enfants, quand leur père défunt serait porté au cimetière, de lui élever une tombe et d’y placer l’inscription suivante : « Ci-gît Jacques Stuart, descendant des anciens rois de la Grande-Bretagne » ?

L’absence de valeur des preuves tirées par les Naundorff de leur prétendue situation en Hollande, me semble démontrée. Voulez-vous voir maintenant ce qu’il faut penser de leur toute récente et si tapageuse abjuration du protestantisme ?

Qui oserait essayer de contester l’intérêt puissant que Charles Naundorff avait, après la mort d’Henri V, à se convertir au catholicisme ? Personne. On doit admettre, en conséquence, qu’il est au moins possible que le fils du fondateur de la religion nouvelle ne se soit converti, en 1883, que pour obéir à des mobiles sans élévation. Dieu seul connaît le fond des cœurs ; mais, devant les hommes, rien ne saurait laver Charles Naundorff de ce soupçon d’hypocrisie. Et il n’y aurait aucun autre motif de mettre en doute sa sincérité, que celui-là seul suffirait. Car à ceux qui invoquent sa conversion comme un témoignage en sa faveur, on pourrait toujours répondre : « Prouvez-nous premièrement qu’il ne s’est point converti pour augmenter le nombre de ses dupes ! » Comment la donner, cette preuve ?

Prouver le contraire est plus facile. Le fils Naundorff a d’abord contre lui sa précipitation. Il n’avait pas encore abjuré, que déjà, farce inconvenante, il lançait un manifeste ultra-catholique, où se lisaient des phrases à l’accent royal et chrétien, textuellement copiées dans les écrits du comte de Chambord[5]. Il n’avait pas encore abjuré non plus, que déjà, farce sacrilège, il se permettait, cet aventurier, ce huguenot, de vouer la France au Sacré-Cœur ! La patience lui manquait : il craignait d’arriver trop tard, de rater son effet. L’hypocrite !

Mais il y a pis que cela ! Veut-on savoir à quoi s’occupent, sans que « Charles XI » proteste, et avec le plein assentiment de la « princesse » Amélie, les catholiques champions de ces grands catholiques ? Qu’on lise la lettre suivante, qui m’a été adressée par M. Le Chartier, ancien rédacteur de la Légitimité, et l’auteur du Salut de la France, l’une des plus récentes et des plus habiles brochures faites pour soutenir les Naundorff. M. Le Chartier a vu de près ceux qu’il avait défendus avec une évidente conviction, et voici ce qu’il en pense à présent :

« Toulouse, le 2 avril 1885.

  « Monsieur Pierre Veuillot, à Paris.

{{g| « Beaucoup de personnes m’écrivent que ma brochure, le Salut de la France, fait pencher vers les naundorffistes certaines bonnes volontés désorientées par la tourmente politique. Il est vrai que ma brochure présente ce fantôme de société sous un jour imaginaire qui m’avait séduit moi-même. Mais le mirage disparaît dès qu’on peut voir à nu les misérables inventions mystico-politiques et les menées véritablement sataniques de ces néo-naundorffistes.|2}}

 « Ce désenchantement commença pour moi quand ils voulurent m’imposer de transformer ma brochure dans le sens de leurs machinations insensées. Une fois le doute entré dans mon esprit, je voulus voir : j’ai vu.
 « Je confirme aujourd’hui mes révélations du 1er janvier dernier dans le Messager de Toulouse, concernant les folies spirites, anticatholiques et antinationales, qui sont la vie et l’espoir de cette triste cause, et j’affirme qu’aucun homme animé du véritable esprit national ne peut, pas plus du temps de la Milice royale des Francs du Sacré-Cœur (?), que du temps de la Doctrine Céleste, prêter la main à la propagande des inventions naundorffistes.
 « Si vous jugez, monsieur, que ces révélations et ma présente lettre éclaireraient un peu la foi de vos lecteurs, je vous autorise à leur en donner connaissance.
 « Et je vous prie d’agréer, monsieur, mes cordiales salutations.


« Le Chartier,

« Publiciste, ancien membre de la direction centrale
de la Légitimité, 19, rue Saint-Étienne, à Toulouse. »


Je vais citer maintenant deux extraits de l’article auquel il est fait allusion dans la lettre qu’on vient de lire. M. Le Chartier déclare « d’abord que les principes et les agissements politico-religieux de l’abbé Dupuy et de ses partisans, sont uniquement inspirés par les voyantes à la mode en ce petit monde, notamment par une certaine Mme B..., de Lyon, qui paraît avoir la spécialité de tomber en extase à volonté... Durant ces prétendues extases, Mme B... a l’attitude de la stupeur, les traits grimaçants, les membres raidis et convulsés, la tenue sans dignité, la voix oppressée et gutturale ». Cette convulsionnaire, quand elle se livre à ces charmants ébats, témoigne habituellement son affection pour « Charles XI en l’appelant Pataud » !!!

M. Le Chartier ajoute encore les lignes suivantes : « La direction de l’abbé Dupuy... est uniquement fondée dans l’orgueil, la tyrannie et la révolte. Sur la foi d’une prétendue révélation, il est allé jusqu’à exhorter (heureusement sans succès) un prêtre de nos amis à se révolter contre son évêque, en lui disant pour conclure son discours : Vous ne savez guère comment on mène les évêques[6]. »

C’en est assez. L’imposture et l’hypocrisie de ces gens-là me semblent suffisamment prouvées. Ils n’ont pas craint, malgré leur prétendue piété, d’essayer de mettre le Saint-Siège en contradiction avec lui-même. Ils ont subtilisé en 1877, une bénédiction du Souverain-Pontife, et ils la donnent encore comme une reconnaissance de « leurs droits », bien que la formule employée ne comporte rien de semblable, bien qu’ils aient été sommés de mettre un terme à cette profanation, bien que l’Univers, sur la demande même de la nonciature, ait inséré jadis une note pour protester hautement contre cette odieuse exploitation. Ils ont beau faire ; c’est en vain qu’ils se maquillent, ils porteront toujours la marque de leur vile origine : ce sont les dignes enfants du Naundorff, de « cet homme perdu, qui s’est vanté mensongèrement d’être le duc de Normandie » !

  1. Les naundorffistes semblent d’ailleurs avoir compris la portée de cette petite, mais grave objection. Depuis quelque temps, en effet, ils ont imaginé de dire que le défunt s’appelait Charles-Édouard. Seulement, cette annexion est toute nouvelle, et, en 1880, dans la Survivance du Roy-Martyr, l’abbé Dupuy produisant une généalogie des Naundorff, écrivait encore, comme il est écrit dans les ouvrages antérieurs : Édouard, tout simplement.
  2. Dans l’Univers.
  3. Et, probablement, il n’avait pas tort, bien qu’il affirme aujourd’hui le contraire !
  4. C’est justement parce que le « prince » Adelberth n’a pas eu le moindre succès près des naundorffistes, et aussi parce qu’il ne faut pas être trop long que je m’abstiens de reproduire les susdites pièces. Il me paraît suffisant de rappeler le souvenir de cette comédie qui montre si bien ce que vaut cette famille.
  5. « Je suis le droit et le pilote nécessaire ! » ─ « Il faut que Dieu rentre en maître ! » etc.
  6. J’ai reçu depuis communication, par l’auteur lui-même, d’une seconde lettre de M. Le Chartier, adressée à M. l’abbé Dupuy. M. Le Chartier y confirme toutes les révélations que contenaient sa première lettre et son article. Il ajoute quelques détails, notamment celui-ci, que je donne sous réserves : « Vous m’avez conduit à Lyon », dit-il à M. Dupuy, « dans je ne sais quelle soupente, en me disant que la Sainte Vierge y était apparue en face de Fourvières inachevé pour jouer un tour à S. Ém. le Cardinal Caverot ».