L’Impératrice Joséphine et le prince Eugène (1804-1814)/01

L’Impératrice Joséphine et le prince Eugène (1804-1814)
Revue des Deux Mondes6e période, tome 35 (p. 721-751).
L’IMPÉRATRICE JOSÉPHINE
ET
LE PRINCE EUGÈNE
1804-1814
D’APRÈS LEUR CORRESPONDANCE INÉDITE [1]

I

L’arrière-petit-fils du prince Eugène, le duc Georges Nicolaïevitch de Leuchtenberg, m’a confié les lettres que l’impératrice Joséphine adressa à son fils, depuis le jour où il fut nommé vice-roi d’Italie jusqu’au jour de l’abdication de Napoléon. Il m’a autorisé à publier ces lettres inédites ; j’ai accepté, d’abord parce qu’aucune condition ne m’était imposée ; ensuite, parce qu’on y trouve sur les sentimens réciproques de la mère et du fils des indications nouvelles et précieuses.

Si la plupart des événemens de la vie de Joséphine paraissent connus à présent, et si l’on ne peut espérer rencontrer que des complémens d’information qui ne modifieront guère la construction générale, il y a lieu de revenir sur la façon dont Mme de Beauharnais a compris ses devoirs de mère et dont elle les a remplis. L’on connaît la grand’mère qu’elle fut ; ses lettres à la reine Hortense débordent de tendresse pour ses petits-fils. Le témoignage que lui a rendu l’empereur Napoléon III témoigne de la reconnaissance émue qu’après soixante ans il en avait gardée ; ses lettres au prince Eugène ne sont pas moins probantes : mais la mère fut fort différente de la grand’mère, et, selon qu’elle eut affaire à sa fille ou à son fils, la mère fut encore singulièrement inégale.

Assurément, elle pensait qu’elle aimait sa fille ; elle la plaignait souvent d’avoir une mauvaise santé et, parfois, de ne point vivre en accord parfait avec son mari ; mais Hortense était là d’abord pour lui servir. Elle a imaginé qu’il lui serait profitable que sa fille épousât Louis Bonaparte. Connaissait-elle son état physique ? son état mental ? Depuis six ans, elle le voyait habituellement et, des frères de son mari, c’était le seul qu’elle eût pu pénétrer, si elle s’y était arrêtée ; mais elle n’a pas envisagé comment et pourquoi il ne pouvait faire que le plus détestable mari : il a suffi qu’elle crût utile de l’unir à sa fille pour qu’elle le poursuivît, l’acculât, l’amenât enfin, la corde au col, à un mariage où l’épouse était noyée dans les larmes. Et, de même, n’avait-elle pas fait de sa fille tantôt sa garde-malade, tantôt l’amuseuse de Bonaparte ? Ne s’en débarrassait-elle point, pour peu qu’elle la trouvât gênante, en l’envoyant ici ou là, en la confiant à quelque amie créole, à Mme Campan, ou à Mme Tallien, ou à Mme de Crény, ou à Mme Renaudin, ou à bien d’autres ? On ne saurait dire qu’elle s’en fût occupée, jusqu’au jour où elle pensa qu’Hortense pouvait faire un atout dans son jeu et où elle la tira de son écart.

C’est bien pis pour son fils, tant qu’il est petit. Il paraît ne lui être d’aucun souci : séparé d’elle durant sa première enfance, il traverse ensuite des pensions où elle est empêchée par ses plaisirs et ses affaires de l’aller voir ; bientôt, ce ne sont plus des collèges, mais des camps qu’il habite, et elle trouve fort bon qu’il soit soldat à treize ans. Mais, quand Eugène est devenu un jeune homme, qu’il court sur dix-sept ans, il paraît mûr pour devenir, sinon un confident, au moins un Mentor. Elle le consulte et prend ses avis. La confession est à ce point un besoin de la femme qu’à défaut du prêtre qui lui manque, qu’elle dédaigne ou qu’elle croit haïr, elle prend une amie, sa femme de chambre, rarement son amant, et ici son fils. Cette façon, si étrange soit-elle, n’est point unique. La Révolution a rajeuni les mères en mûrissant les fils. Ceux-ci semblent bien être, vis-à-vis de celles-là, les seuls qui n’aient point à faire échange de désirs. De plus, à cette fureur de plaisir qui entraine les femmes, sorties par miracle des prisons, par miracle échappées à la guillotine, les femmes qui, n’ayant jamais été retenues par la morale religieuse, ne le sont plus même par la décence sociale, auxquelles le divorce apparaît justement comme un oiseux préliminaire de l’union libre, il semble que certains de ces jeunes gens opposent volontiers une forme d’esprit raisonnante, un étonnement indulgent et quelque peu dédaigneux. Cela n’est qu’en nuances, car, pour tout concilier, tout adoucir, tout rendre aisé, il y a, de la part de la femme, un extrême goût de plaire, de la part de l’homme une extraordinaire complaisance. Ainsi ne s’emporte-t-on pas et se garde-t-on des brutalités, même de paroles. D’ailleurs, certains actes qu’une morale plus stricte réprouve et condamne étaient alors sinon admis, au moins tolérés, au point qu’il ne paraissait point très surprenant qu’un fils y fit allusion, ne fût-ce que pour avertir sa mère et la mettre en garde.

De même arrive-t-il que, dans des querelles entre cette mère et son mari nouveau, celui-ci prenne pour arbitre le fils qu’elle eut d’un autre homme, qu’il le charge de lui faire entendre raison sur des objets tout à fait intimes, des fautes de conduite, des résolutions concernant leur communauté de vie ou leur séparation. Loin d’être unique, comme on pourrait le penser, ce cas s’est présenté ailleurs et l’on en pourrait donner pour preuves des correspondances authentiques échangées entre mère et fils bourgeois.

Il convenait d’indiquer cette nuance qui pourrait surprendre. Elle n’est point très accusée dans les lettres de Joséphine, bien qu’elle s’y rencontre ; elle est plus vive dans les quelques réponses que nous avons d’Eugène. Il prévient, mais c’est qu’il sait tout ; il reprend, il conseille, il blâme, il corrige, et cela est tout à fait curieux. On lui prêterait volontiers sur cela un caractère de jeune raisonneur, — qu’il eût pu tenir d’ailleurs de son père Alexandre, — mais qui tromperait sur sa nature véritable : car, jusqu’à son mariage tout au moins, il fut un gai compagnon, et, si appliqué qu’il fût au métier militaire, il ne donnait sa part ni des imaginations plaisantes, ni des aventures amoureuses, ni des soupers en brise-pot. Sur la foi de sa mère, il faut se garder de le prendre pour un Grandisson qu’il n’était pas. Plus tard, il fut uniquement aux mains de sa femme qu’il aimait, qu’il admirait et dont il était très orgueilleux, — avec une pointe de vanité. Aussi, pénétré de l’honneur qu’elle lui avait fait, suivait-il ses avis en toute chose et conformait-il sa vie à des désirs qu’elle n’avait pas même à exprimer.

Pour indiquer très sommairement quel il était, comme il avait pu s’instruire, s’éduquer, recevoir des idées et se former une conscience, une notice est nécessaire qui soit, autant que faire se peut, exacte et qui ne renferme que des faits authentiques. Cette notice d’ailleurs sera brève ; car sur des points on reste mal informé. Les lettres suivront, reliées seulement par le sommaire des faits, la plupart intimes, qui les motivent. Il faudra pourtant les situer dans le temps, et, sans entrer dans l’histoire politique ou militaire, y prendre une date ou un fait pour l’appliquer à la tête. De même pour des personnages de la famille Tascher ou Beauharnais, assez obscurs souvent pour qu’une indication soit utile. La plupart de ces lettres n’étaient datées que du quantième du mois. Le classement tel qu’il est présenté a été motivé par le texte ; on le trouvera peut-être justifié. On ne saurait affirmer que toutes les lettres de Joséphine à son fils se trouvent ici sans exception. Quelques-unes ont passé sur des catalogues d’autographes dont on connaît l’analyse. Si l’on faisait un recueil complet ou un travail d’ensemble, on n’eût pas manqué de les relever, aussi bien que celles qui ont paru ici ou là, celles surtout qui se rapportent à la crise de 1813. Mais tel n’a point été le but poursuivi ; il n’y a ici ni appréciation, ni polémique, une simple publication de textes.


I
ÉDUCATION D’UN PRINCE

Il y eut, à l’époque de la Révolution, des enfances si traversées par les événemens et les désastres qu’on se demande par quel prodige les petites âmes ont pu y résister. Au contraire, en sont-elles sorties trempées pour la vie et pourtant tendres et joyeuses. Rien ne peut plus les étonner, et tous les sentimens ensemble affluent dans ces cœurs que l’on eût crus desséchés par les souffrances précoces, par le repli sur soi-même, les larmes silencieuses et solitaires. De même, quelles éducations ballottées et comment se pourrait-il que les jeunes gens en eussent retenu quelque notion d’histoire, quelque connaissance de la langue française, quelque habitude de l’orthographe ? A l’âge où des enfans, leurs camarades, entrent à peine dans les classes dites supérieures, eux sont soldats : tradition de l’ancienne France. De quatorze à quinze ans, le Roi régnant, un jeune gentilhomme était volontaire, cadet, page et se battait, — et se battait bien. N’importe : cette éducation à la diable, attrapée çà et là, interrompue par les cris de guerre, scandée par le canon, emportée par la charge, produit des fruits surprenans, et qui sont de durée. Telle lettre écrite par ces jeunes hommes figure dans l’histoire et y marque. Sans davantage de préparation, certaines pages, qui ne prétendaient point à être littéraires, prennent rang entre les classiques et méritent d’être proposées comme exemple : ainsi le livre de Fortuné de Brack.

Parmi les éducations ainsi cahotées, il n’en est guère qui se puisse comparer à celle d’Eugène-Rose de Beauharnais. Il était le fils de haut et puissant seigneur Alexandre-François-Marie vicomte de Beauharnais, capitaine au régiment de la Sarre et de haute et puissante dame Marie-Joseph-Rose de Tascher de la Pagerie, son épouse. Il naquit le 3 septembre 1781, rue Thévenot, dans l’hôtel qu’habitaient, avec son père et sa mère, son grand-père, haut et puissant seigneur, messire François, marquis de Beauharnais, baron de Bauville, chevalier de l’Ordre royal et militaire de Saint-Louis, chef d’escadre des armées navales, ancien gouverneur et lieutenant général pour le Roi de la Martinique et îles adjacentes, et la maîtresse de celui-ci : haute et puissante dame Marie-Euphémie-Désirée Tascher de la Pagerie, dame Renaudin. Pour assembler ces quatre personnages autour de ce berceau, il avait fallu une de ces comédies où l’argent joue le grand rôle et qui tournent si souvent au drame.

En voici les premiers actes. Cette dame Renaudin, tante de la jeune mère, avait connu à Fort-de-France, au temps où il y était gouverneur, le marquis de Beauharnais, et s’était introduite dans sa maison, — si bien qu’elle en était devenue l’unique arbitre ; si bien qu’ayant précédé en France Beauharnais, destitué pour avoir mal défendu la Guadeloupe contre les Anglais, séparée avec scandale de son mari, en même temps que Beauharnais se séparait de sa femme, elle s’était publiquement acoquinée avec l’ex-gouverneur, lequel se trouvait fort empêche, ses deux fils approchant de leur majorité, de leur rendre compte de la succession de leur grand’mère. Mme Renaudin eut alors une idée de génie : sur l’ainé des fils, elle n’avait plus de prise ; il était marié à une de ses cousines Beauharnais ; mais que ne pourrait-elle sur le second qui n’avait pas vingt ans, dont elle était la marraine, qu’elle avait presque élevé et dont elle s’était ménagé la confiance ? Il aspirait à s’émanciper et, s’il se portait dans une autre famille, il demanderait assurément ses comptes : ce qui serait grave.

Mme Renaudin avait laissé à la Martinique deux frères dont un avait des filles à peu près en âge d’être mariées. Une lettre du marquis de Beauharnais avertit M. de Tascher qu’on lui en demandait une, n’importe laquelle, et qu’il dût, tôt et vite, l’amener en France. Tout cela assurément enveloppé des formes voulues. Joseph de Tascher de la Pagerie ne pouvait guère s’attendre à cette fortune. Sans doute était-il d’ancienne noblesse percheronne, et mieux né que les Beauharnais ; sans doute, avait-il été admis page de la Dauphine, ce qui demandait les mêmes preuves que la Grande Ecurie. Mais sa vie avait été fort dérangée et sa carrière des moins brillantes.

Rentré à la Martinique sans avoir profité des avantages qui lui étaient acquis, il s’était contenté de figurer comme sous-lieutenant à une compagnie franche de marine, puis comme lieutenant chez les canonniers gardes-côtes : s’étant marié à Rose Desvergers de Sanois, il s’était un peu remonté et avait fait valoir les terres que sa femme possédait aux Trois-Islets et à Sainte-Lucie, mais il dépensait à Fort-Royal plus qu’il n’en tirait. Le passage de Beauharnais au gouvernement eût pu lui être de secours, mais, tout au contraire, les circonstances en avaient fort déconsidéré la famille de Mme Renaudin. De l’opinion il n’y avait point à se soucier et il fallait voir les faits. Or, au départ du marquis, Mme Tascher la mère (née Boureau de la Chevalerie) avait accepté de garder le fils dont Mme de Beauharnais était accouchée avant son départ ; et elle l’avait tenu chez elle durant toute sa première enfance, et ce fils était justement le cadet, cet Alexandre dont Mme Renaudin était la marraine et auquel son père était bien embarrassé, venant ses dix-huit ans, de rendre les 291 559 livres 13 sols 10 deniers qu’il lui devait. Avec les 103 625 livres que réclamait le fils aîné, c’était de quoi mettre le marquis dans la plus fâcheuse posture.

L’expédient du mariage était admirable, mais il fallait qu’il réussît. M. de Tascher y portait toute la bonne volonté désirable, mais sa fille Catherine-Désirée qui, en rapport d’âge avec Alexandre, eût été, pour l’extérieur, la plus désirable, mourut tout juste à ce moment. La dernière des filles. Manette, ne voulait point traverser la mer et opposait une résistance qu’on ne pouvait vaincre. Restait l’ainée, mais n’était-elle pas bien âgée pour le fiancé qu’on lui destinait ? Elle était née en 1763, lui en 1760 ; mais elle n’était point jolie, au dire même de son père, elle avait" seulement une fort belle peau et de très beaux bras, » et elle mourait du désir de venir en France.

Pour le marquis et pour Mme Renaudin, ce qu’il fallait, c’était une fille de M. de Tascher : « Il nous faut une enfant à vous, » dit Mme Renaudin ; et lâchant la grosse raison à qui sait l’entendre, M. de Beauharnais écrit à la fin : « Je pourrais mourir et alors les tuteurs de mon fils, mineur de quatre ans, qui soupire après cette alliance, voudraient peut-être s’y opposer et lui en proposer une autre. » Mme Renaudin sait bien que, si le mariage manquait, ce serait le désastre ; que pour peu que le jeune homme sortît de page, il apprendrait la sottise à laquelle on le pousse, d’épouser une fille presque de son âge, sans dot, sans héritage, sans famille ni entours, pas même jolie et point du tout au ton de la société. Pour une telle affaire, car il ne pouvait être question d’amour, il fallait qu’on lui eût noué un bandeau sur les yeux et qu’on l’y tînt ferme.

En effet ! Mais de ce travail Joséphine est innocente et victime ; seule Mme Renaudin mène le branle. Peut-être croit-elle en cela servir sa nièce, mais elle sert d’abord elle et le marquis.

De fait, la vie de ces deux êtres, Alexandre et Joséphine, a été gâtée par cette mauvaise action de la Renaudin ; parce « mariage forcé, » qui n’est point une comédie, et qui tourne au drame. Et aussi la vie des deux enfans qui naîtront de cette union : l’aîné au temps où l’on peut encore garder quelque illusion, la cadette au moment où tout est brisé et où les liens sont déjà rompus.

Il faut par quelques dates préciser les faits, indiquer le cours de ces existences et noter en particulier les allées et venues des uns et des autres.

Alexandre et Joséphine sont mariés le 13 décembre 1779 à Noisy-le-Grand où Mme Renaudin possède une maison de campagne. Un fils — Eugène-Rose — naît le 3 septembre 1781, rue Thévenot, dans l’hôtel du marquis, avec lequel on fait vie commune aux frais du mineur. Déjà le ménage marche assez mal — s’il a jamais marché. Alexandre mène la vie de château et, par lettres, avec une insoutenable pédanterie, inflige à sa jeune femme des compositions littéraires et des pensums. Eugène, selon l’usage, est placé en nourrice aux environs de Noisy et le père, à qui le séjour de Paris ne vaut rien, s’en va faire un grand voyage en Italie. A son retour, le marquis et ses femmes ont déménagé, s’en sont venus habiter rue Neuve Saint-Charles au prolongement de la rue de la Pépinière, entre la rue de Courcelles et le faubourg Saint-Honoré. Le bail est au nom du vicomte, mais d’habiter il n’a garde. Après un mois de répit, il aspire à passer à la Martinique avec l’espoir de faire campagne sous M. de Bouillé ; M. de Bouillé ne veut point de lui, mais quelqu’un d’autre, une dame de Longpré qui le range à sa suite et, pour des raisons obscures, entreprend contre l’inoffensive Joséphine une guerre de calomnie perfide qui amène la séparation. Quand, en octobre 1783, Alexandre revient de la Martinique derrière cette femme, Joséphine est mère pour la seconde fois. Elle est accouchée, le 10 avril, de sa fille Hortense-Eugénie. Son mari s’est fait précéder de lettres insultantes ; c’est par les pires injures qu’il annonce son arrivée. La séparation est inévitable : Joséphine se retire au couvent de Panthémont, laissant sa fille en nourrice à Noisy, chez la mère Rousseau, et son fils Eugène aux soins d’Euphémie, une femme de couleur que jadis M. de Tascher amena en France et qui restera inébranlablement fidèle à ses maîtres. Eugène habite avec elle l’appartement où son père l’a établi, rue Saint-Charles.

La famille de Beauharnais a pris platoniquement parti pour Joséphine, mais nul ne saurait empêcher alors la reddition de comptes qui constitue la défaite définitive et la ruine de Mme Renaudin : peu importe qu’ensuite Joséphine, par l’acte de séparation du 5 mars 1785, ait gain de cause sur tous les points, reçoive de son mari les plus formelles excuses et obtienne une pension à peu près suffisante pour elle et pour sa fille qui lui est laissée.

Quant à Eugène-Rose, il est dit par l’article III de l’acte de séparation qu’il restera à son père, mais que celui-ci le laissera jusqu’à l’âge de cinq ans sous les yeux de sa mère dans l’appartement qu’il occupe à présent. Alexandre se chargera de tous les frais relatifs à son fils, lequel passera les étés avec sa mère à la campagne. Eugène demeure dans la même maison que sa mère, jusqu’au 3 septembre 1786. A partir de cette date, Euphémie habite sans doute un autre quartier, car on rencontre assez fréquemment des lettres que lui adresse Joséphine pour avoir des nouvelles de « son cher Eugène. » Ainsi passe l’hiver de 87. A l’été, Noisy étant vendu, Eugène vient à Fontainebleau chez son grand-père le marquis et chez son excellente tante Mme Renaudin, qui y sont récemment établis.

En juin 1788, au moment où Joséphine part pour les Iles avec sa fille Hortense, Eugène est placé dans l’institution la plus recherchée qui soit à Paris : l’Institution de la jeune noblesse, rue de Berry, « près le jardin Beaujon et la Porte Maillot, » Rien de plus cher : cent louis par an, sans compter le trousseau d’entrée et les arts d’agrément, mais on y rencontre ce qui est le mieux né, le plus élégant et le mieux en cour. On y fait des relations, et, parait-il, les études, sous MM. Lemoine et Loiseau, ne sont pas mal soignées. Joséphine revient en France en octobre 1790, Eugène est en pension et, sauf aux vacances où il rejoint sa mère à Fontainebleau, il la voit peu. Beauharnais, député de la noblesse du bailliage de Blois, aux États Généraux, grâce au fermier général Lavoisier, s’est signalé tout de suite dans la minorité de son Ordre : il a été adopté par la Révolution et il multiplie les motions égalitaires. L’on sait comme il présida l’Assemblée constituante lors du voyage de Varennes. Puis, l’Assemblée se sépare et, Cincinnatus parlementaire, l’ex-dictateur rentre dans l’obscurité. Le 7 décembre 1791, la guerre étant imminente, il reçoit l’ordre de rejoindre la 21e division à laquelle il est attaché en qualité d’adjudant général (lieutenant-colonel). Il rejoint son poste en janvier 92. Eugène est toujours dans sa pension Loiseau. Après le 10 août, Joséphine, prise de peur pour ses enfans, les confie à son amie, la princesse de Hohenzollern, laquelle, quittant Paris, va se réfugier dans une terre de son frère le prince de Salm, à Saint-Martin-en-Artois, en attendant une occasion de passer en Angleterre. Beauharnais, qui est à Strasbourg, maréchal de camp et chef d’état-major de l’Armée du Rhin, dès qu’il apprend cette escapade, expédie un courrier avec ordre de s’opposer à l’émigration de ses enfans et de lui ramener, à Strasbourg, Eugène qu’il place au collège (septembre 92).

Il y reste tout juste une année. Alexandre, obligé, dans les dix heures, de quitter l’armée qu’il avait commandée, l’a laissé au collège, qui bientôt va fermer. Le garçon rejoint à Croissy, le 28 septembre 1793, sa mère réfugiée dans cette campagne, près d’amis dévoués. Il est placé comme apprenti menuisier chez le père Cochard, agent national de la Commune, ce qui vaut à sa mère un certificat civique, et, étant réputé patriote, il reçoit, le 19 octobre, un sabre et un fusil.

Son civisme de douze ans et demi ne sauve pas ses parens. Le 25 mars 1794 (12 ventôse III), sur un arrêté du Comité de sûreté générale, Beauharnais est arrêté à la Ferté-Aurain où il s’est retiré ; il est amené à Paris, écroué aux Carmes le 14 mars. Un mois plus tard, le 19 avril (30 germinal), le Comité de Salut public ordonne l’arrestation de Joséphine qui, le 2 floréal, rejoint son mari en prison. Les enfans sont restés avec leur gouvernante, la citoyenne Lannoy, qui s’emploie pour eux avec le plus grand dévouement, fait rédiger, écrire, porter des pétitions où « d’innocens enfans » réclament alternativement la liberté de leur père et de leur tendre mère. Alexandre est trop en vue pour qu’on l’oublie dans ces fournées, qui, en juillet 94, vident les prisons, comme, deux ans auparavant, avaient fait les massacres. Il est guillotiné, le 5 thermidor (23 juillet). Quatre jours plus tard, ce qui s’écroule sous l’irrésistible et muette poussée du peuple, ce n’est pas comme on a dit la tyrannie d’un homme, c’est le système d’une faction. Joséphine fut des premières mise en liberté, le 19 thermidor (6 août).

Enfermé aux Carmes, par la volonté de Saint-Just et sous la signature de Carnot, le général Hoche y a fait la connaissance de Joséphine. Mis en liberté le 17 thermidor (4 août), il reste quelques jours à Paris en liaison avec elle, avant d’aller prendre le commandement de l’armée des Côtes de Cherbourg. Il emmène Eugène le 15 fructidor (1er septembre 94). Joséphine le lui confie et « il s’habitue à le considérer comme son fils. » Voilà donc Eugène avec Hoche, faisant le petit officier d’état-major, de fructidor an II à fructidor an III (septembre 95) (il doit donc avoir été à Quiberon), peut-être à vendémiaire an IV (octobre). A ce moment, Joséphine, qui a de nouvelles liaisons avec Barras, réclame son fils à Hoche qui le lui renvoie et elle le place à Saint-Germain-en-Laye, dans la pension, dite Collège irlandais, que vient d’ouvrir, en face de l’Institution nationale de Saint-Germain, tenue par Mme Campan, un sieur Patrice Mac Dermott, qui fut, dit-on, précepteur du jeune Campan.

Puis c’est Vendémiaire, la mitraillade du cul-de-sac Dauphin, la protestation étouffée, le général Buona-Parte promu général en chef de l’Armée de l’Intérieur, le désarmement des Parisiens, la visite, au Quartier général, d’Eugène réclamant le sabre de son père, l’accueil que lui fait Bonaparte, et le reste. Car de là, la prodigieuse fortune des Beauharnais, de tous les Beauharnais et de tous les Tascher, même ceux qui ont émigré.

Eugène est toujours chez Mac Dermott ou plutôt chez Mestro, son successeur. N’était que la chère maman vient bien rarement à Saint-Germain les voir, sa sœur et lui ; n’était qu’elle oublie d’envoyer les effets qu’il réclame et même l’argent de sa pension, tout irait bien, car, à Saint-Germain même, le marquis et Mme Renaudin, celle-ci à la fin épousée, sont toujours prêts à gâter les enfans. Eugène se développe en force et en agilité, tant que, dans une des fêtes civiques, il emporte le prix de la course à pied.

Bonaparte, comme beau-père, n’est point gênant : il est parti à la conquête de l’Italie, et, pour la première fois qu’il s’en mêle, il réussit assez. Dans chacune de ces lettres, écrites avec la lave brûlante, « que lance le volcan de son cœur, » dans chacune de ces lettres qui marquent d’un signe d’amour chaque station de la voie triomphale, il a, pour les enfans, un souvenir, une tendresse, quelque chose de paternel, car il a adopté toutes les affections de sa maîtresse, il les a réalisées telles que la nature eût dû les lui inspirer à elle, et il rêve de cette paternité. En même temps, il se fait presque le contemporain de ces enfans et se rangerait volontiers à être leur frère, sous la maternité tendre de Joséphine. Tout ce qui est sentiment vient de Rousseau et comment s’étonner de trouver cette nuance, qui rappelle au souvenir la pervenche des Charmettes ?

Joséphine à la fin contrainte à partir pour triompher avec cet époux qui menace de planter là la victoire si sa maîtresse n’arrive pas, la vie pour les enfans est d’une dissipation qui ne doit guère aider à leurs études, ni à leur formation morale. Pour correspondans, Joséphine leur a donné les deux Tallien, mari et femme, et Barras. Jérôme Bonaparte est venu rejoindre Eugène à la pension Mestro et Mme Tallien y a placé dans la même chambre le fils qu’elle eut du premier de ses innombrables lits, Théodore Devin de Fontenay, qui pour lors marche sur sept ans. Eugène est le grand aîné de la chambre, car il touche à quinze ans, mais Jérôme, qui n’en a que douze, mène, ou croit mener tout le monde, tranche et décrète. Le paradis est à Chaillot chez les Tallien. Seulement, parfois, il fait relâche. Monsieur et Madame ont eu dispute et vont se séparer ; mais Barras intervient et se charge des reprises à ces déchirures conjugales. Plus souvent qu’il ne faudrait pour le cours des études, Barras fait prendre les enfans, pour une fête, un diner, une promenade, simplement parce que cela le distrait et, dans ce rôle, il paraît bon homme. Hortense est de quantité de dîners, où des généraux venus d’Italie, des littérateurs, des diplomates la traitent comme une dame. Eugène parait moins fait, quoique de deux ans plus âgé ; mais c’est le cas des garçons. Quant à Jérôme, on lui donnerait une armée à conduire ou un royaume à gouverner, il ne s’en étonnerait pas plus que de la couronne de lauriers dont on le coiffe par procuration et des discours qu’on lui adresse comme s’il revenait d’Italie.

Tout de même, elle est conquise, cette Italie : Rome a été épargnée, mais c’est que Bonaparte n’a point voulu y entrer ; l’Istrie, la Carinthie, la Carniole, la Styrie, tout cède au vainqueur ; un pas de plus, il est à Vienne. De Mombello, où il se repose, jouit de son triomphe, organise la Cisalpine, il appelle Eugène qu’il se donne pour aide de camp (10 messidor V — 28 juin 1797) ; deux jours plus tard, il le fait nommer sous-lieutenant au 1er régiment de hussards. L’enfant n’a pas seize ans, mais il est des grâces d’état — même, surtout en république.

On le voit bien, car du sous-lieutenant Eugène, Bonaparte va tout à l’heure faire presque un ambassadeur, pour porter aux Sept-Iles le traité de Campo Formio. L’enfant trouve à Corfou M. de Corbigny, qui lui est le plus précieux des introducteurs, et il rentre par Naples et Rome ; à Rome, où Joseph Bonaparte ambassadeur prépare la République romaine, il tombe en plein dans cette émeute que les commensaux de l’ambassade ont provoquée et où le général Duphot est tué. Il ne tint pas à Eugène qu’il partageât son sort ; au moins rapporta-t-il son cadavre.

Rentré à Paris au plus tard à la fin de nivôse (février 1798), il passe quelques mois à jouir de sa nouvelle vie, à se faire gâter par sa mère et par sa sœur, à prendre une notion des manœuvres militaires, à se préparer aux expéditions que son beau-père va entreprendre. Où Bonaparte mènera-t-il son armée ? Qu’importe aux dix-sept ans d’Eugène ? En Egypte ? va pour l’Egypte ! Mais s’il y porte toute l’ardeur de son jeune courage, il est singulièrement affecté par ce qu’un hasard lui a fait entendre : dans un entretien que Bonaparte eut avec ses aides de camp, Junot et Julien, et avec son chef d’état-major, Berthier, il a été question de Joséphine, de ses imprudences avec le nommé Hippolyte Charles qu’elle a connu à Paris, en Italie, adjudant de Leclerc, et qui est devenu indispensable à sa vie. On a dit au général à peu près tout ce qu’il en est, et le fils a tout entendu : « Tu penses bien, maman, que je ne crois pas cela, mais ce qu’il y a de sûr, c’est que le général est très affecté. Cependant il redouble d’amabilité pour moi. Il semble, par ses actions, vouloir dire que les enfans ne sont pas responsables des fautes de leur mère. Mais ton fils se plait à croire tout ce bavardage inventé par tes ennemis. Il ne t’en aime pas moins et n’en désire pas moins l’embrasser. » Et, en terminant, cette phrase : « Depuis six semaines, point de nouvelles, point de lettres de toi, de ma sœur, de personne. Il ne faut pas nous oublier, maman ; il faut penser à tes enfans. Adieu, crois que ton fils sacrifierait mille fois son bonheur au tien. » Ainsi, par une réticence qui pourrait être de style, Eugène se refuse à croire, mais il sait tout, et dans de tels détails qu’il ne saurait garder d’illusion. En a-t-il sur les autres personnages qui ont traversé la vie de sa mère : Hoche et Barras, par exemple ? N’importe : celui-ci suffit ; celui-ci qui est sans excuse, même d’un coup de cœur. Bien que renseigné, Eugène ne juge ni ne condamne. Il accepte ; il ne donne point aux actes physiques une portée ni une sanction morale. Ne voit-il pas, chez sa tante Renaudin-Beauharnais, une fille de son père, la nommée Adélaïde, dite Adèle, élevée à frais communs par sa tante et par Joséphine ? Il n’a point pris ombrage, dans ce milieu où s’est écoulée son adolescence, de cette sensualité qui, sans mauvaise tenue, accorde les désirs, fût-ce pour un seul jour. Dans un temps revenu au paganisme, il semble que l’attrait physique excuse, justifie tout, même aux yeux des enfans.

Après avoir écrit cette lettre qui doit mettre Joséphine en éveil et qui ne parvint jamais, car elle fut prise en mer par les Anglais, Eugène continue son service simplement. Bonaparte, se tenant pour libéré de fidélité conjugale, a une fantaisie pour une petite femme, à minois et à tournure de modiste, qui est venue de Carcassonne en Egypte, costumée gentiment en chasseur à cheval, à la suite du mari, lieutenant au 22e, qu’elle vient d’épouser. La liaison établie entre Bonaparte et Bellilote, comme on appelle Mme Fourès, le général se montre partout avec elle : tantôt elle est à ses côtés dans la calèche, l’aide de camp de service trottant à la portière ; tantôt elle caracole en habit de général, bicorne à plumes tricolores en tête, sur un cheval arabe dressé tout exprès. Eugène n’est point dispensé d’accompagner et de suivre. Cela fait un curieux pendant à ce qui se passe à Paris et à Malmaison.

En Syrie, où, promu lieutenant, il accompagne son général, il prend une part brillante aux opérations et est blessé à la tête devant Saint-Jean-d’Acre. Par chaque courrier, il donne des nouvelles à sa mère ; il lui raconte la bataille du Mont-Thabor, il lui annonce la prise prochaine de la ville : « J’espère, écrit-il, que ma première lettre sera datée de la ville d’Acre : elle nous aura donné du mal, mais nous l’aurons, et sous peu. »

La retraite fut dure et, après Aboukir, qui avait cette fois sauvé l’armée, le général jugea indispensable sa rentrée en France : Eugène l’accompagna, et ce fut lui qui, de Fréjus, le n vendémiaire, à quatre heures du soir, avertit sa mère de la prochaine arrivée de Bonaparte. Son courrier n’a que deux heures d’avance sur le général, mais celui-ci muse en route, s’arrête à Aix, à Avignon, à Lyon, à Nevers ; il arrive rue de la Victoire, le 24, à six heures du matin. Joséphine, partie à sa rencontre sur la route de Bourgogne, a dû pousser jusqu’à Lyon, et en revenir. Le général est décidé à la rupture ; il s’enferme dans sa chambre. Hortense et Eugène, à genoux devant la porte, supplient pour leur mère. Bonaparte ne sut jamais résister aux larmes. Il cède.

Après Brumaire, c’est une carrière de prince du sang qui se dessine pour Eugène. Avant même que Bonaparte soit officiellement Premier Consul, le 1er nivôse (22 décembre 1799), il nomme Eugène capitaine : comme capitaine, Eugène charge à Marengo, y est remarqué et la récompense ne se fait pas attendre. Un mois après, le 29 messidor (18 juillet 1800), il est, à dix-neuf ans, chef d’escadron, commandant les chasseurs à cheval de la Garde consulaire : quelle vie ! quelle fortune ! Tout s’empresse vers lui, si bien que, ne croyant plus à des cruelles, il se fait rabrouer par Mme Récamier. Il fait ménage avec Bessières, qui commande en chef la cavalerie de la Garde et qui le semonce à l’occasion ; mais, à la campagne, pour être plus libre, quoique à portée de Malmaison, il reçoit de son beau-père le pavillon de la Jonchère, acheté pour lui 40 000 livres métalliques. Il est comblé d’argent, comme il est comblé d’honneurs. Le 21 vendémiaire an XI (18 octobre 1802), il est promu, à vingt et un ans tout juste, colonel de ce régiment des Chasseurs de la Garde des Consuls, qui vaut une brigade et bientôt une division, qui est bien, au propre, la Garde à cheval, corps privilégié par sa solde, sa tenue, ses garnisons, son service, et qui passe de loin en faveur les grenadiers à cheval, seuls à mettre en parallèle. Il reçoit d’abord de son beau-père 30 000 francs de traitement annuel, puis, à la fin de 1803, 150 000 francs. Les gratifications sont de même force : en l’an XI, 50 000 francs le 1er frimaire (novembre 1802), 100 000 le 30 germinal (20 avril 1803). On rachète pour lui, moyennant 120 000 francs, de son oncle François de Beauharnais, la moitié indivise d’une habitation située à Saint-Domingue, dite Lacul. On achète pour lui, moyennant 194 975 francs, un hôtel situé rue de Lille, « entre une cour décorée de peupliers et un jardin planté à l’anglaise en arbres exotiques et indigènes et donnant en terrasse sur le quai Bonaparte ; » cet hôtel, que Germain Boffrand a construit en 1723, sur un terrain acheté de Jean de Bédé et de Guillaume du Villeroy, a passé tout de suite (en 1715) à Jean-Baptiste-Colbert de Torcy, l’illustre ministre, et des héritiers de celui-ci à Gabriel-Louis de Neufville-Villeroy, dont les ayans droit l’ont vendu à des marchands de biens. C’est un des plus beaux emplacemens qui soient à Paris, car la vue s’étend alors sur des jardins bordant le fleuve, sur les Tuileries se silhouettant entre les arbres de la terrasse du Bord de l’Eau ; de l’autre côté sur la place de la Concorde et ses palais, les Champs-Elysées et au retour du fleuve, après l’allée des Veuves, la montagne de Chaillot. Mais où sont-ils, les correspondans du petit Beauharnais : Tallien, Barras, la citoyenne Cabarrus ? A la décoration et l’ameublement de l’hôtel, Eugène, secondé par l’architecte Bataille et par Calmelet, son intendant, dépense, assure-t-on, 1 800 000 francs : il en fera la plus belle et la plus élégante maison qui soit à Paris. On en peut encore juger, car les propriétaires ont eu le bon goût, depuis un siècle, de n’en rien distraire et de n’y rien ajouter.

Il ne manque pour Eugène qu’une femme ; aussi chacun s’empresse à le marier : tantôt à une nièce de M. de Talleyrand, Mlle de Périgord, tantôt à Mlle de Rohan. Il eût pu entrer alors dans les intentions de Bonaparte d’allier les siens aux familles les plus grandes qu’il y eût en France, et cela eût pu être d’une politique soutenable ; mais cela lui passa, et il ne trouva plus bientôt que, si bien nées fussent-elles, les filles de la noblesse française profitassent à ses desseins. Il ne poussa donc pas.

D’ailleurs, à l’Empire, il sembla quelque peu refroidi vis-à-vis d’Eugène. S’il avait pensé à une adoption, l’idée en a passé. On lui a donné ou il a pris quelque jalousie de ce joli garçon, qui a tout pour plaire et qui y réussit. Au lieu de l’élever dans la hiérarchie nouvelle, il le laisse au rang où il est, qui, étant celui de colonel, le met fort loin ; Eugène « se trouve relégué, par son rang et ses fonctions, dans le salon d’attente le plus éloigné des Appartemens. » On a compté qu’il marquerait un mécontentement dont on profiterait. « Il ferme la bouche à ses bons amis de cour, en leur disant qu’il se trouve bien partout où le devoir le place. » Comme s’il voulait l’éprouver, Napoléon lui fait offrir par Joséphine l’office de grand chambellan. Quelle situation c’eût été créer, et comment eût-on envisagé les rapports quotidiens ? Eugène s’excuse sur ce que cet emploi ne convient ni à ses goûts, ni à son caractère, « sa vocation étant toute militaire. » Loin de lui en tenir rigueur. Napoléon paraît lui en savoir gré. Eugène veut rester dans le militaire, soit. Il ne recevra à la vérité qu’une dignité purement honorifique, qui n’est point un grade et qui ne comporte pas d’emploi : elle est de parade et de fantaisie, mais donne place parmi les dignitaires. C’est Eugène, le fils de l’Impératrice, qui, à Fontainebleau, le jour de l’arrivée de Pie VII, dîne avec le Souverain Pontife ; mais c’est le colonel général Beauharnais qui, seul avec les maréchaux d’Empire, est appelé, dans la grande cérémonie de Notre-Dame, à porter un des honneurs de l’Empereur, l’anneau, — non point celui que Napoléon vient tout à l’heure d’échanger avec Joséphine, mais celui qui atteste l’indissoluble union de l’Empereur avec l’Empire. Et de cette fonction, comme de toutes celles qu’il reçoit, il s’acquitte avec une grâce infinie. Il faut avouer qu’entre les costumes qu’a dessinés Isabey le sien est un des plus seyans : il porte le dolman vert et la pelisse rouge brodés d’or, le pantalon et les bottes brodés de même, ainsi que la saberdache, et le fond du bonnet de poil d’ours. Le bon temps pour les brodeurs : 472 francs pour la saberdache et 272 pour le fond du colback !

Cela dispense-t-il le colonel des chasseurs de la Garde de quelque exercice ou manœuvre ? point du tout, peut-être même au contraire. Tout à l’heure, il était à Pont-de-Brique avec son régiment et jamais la vie n’y fut plus active. « Tous les jours, écrit-il à Bessières, nous restons dix, douze et quatorze heures à cheval. » Il commande les escortes dans le voyage sur la rive gauche du Rhin, et comme il trime ! « Nos détachemens, écrit-il, sont assez fatigués. Sur les deux cents hommes venus d’Ostende et de Dunkerque, il y en a trente-cinq malades... » « L’intention de l’Empereur est de faire des courses à cheval, parce que les chemins sont mauvais pour les voitures, sur Juliers, Gueldre, Vanloo et toute la rive du Rhin jusqu’à Cologne. » Nul n’a le droit d’être las ; tout ce monde est jeune, enthousiaste, affolé d’ambition, constamment excité par des honneurs nouveaux. Ainsi Eugène sera-t-il membre de la Légion le 12 frimaire XII (4 décembre 1803), commandant le 25 prairial (14 juin 1804), général de brigade le 25 vendémiaire XIII (17 octobre 1804). L’unique emploi civil qu’il ait reçu jusqu’ici est celui de président du collège électoral de Loir-et-Cher : peu de chose.

L’Empereur est sur le point de partir pour l’Italie où toutes sortes d’affaires exigent sa présence. Eugène commandera les escortes de cavalerie et, étape par étape, conduira ses chasseurs, grenadiers, gendarmes, mamelucks, artilleurs, de Paris à Milan, par vent, pluie, neige et tempêtes. C’est de ces marches où l’on peut laisser la moitié de son monde et sa réputation. La commission peut sembler hors de proportion avec la dignité de colonel général et le reste. Mais Eugène, assure-t-on, n’a pas compris que, sur les terres impériales, la chasse est interdite et qu’il est dangereux même de ramasser le gibier qui s’offre et qu’on ne sait pas poursuivi. Cela lui vaut un voyage d’hiver : les voyages forment la jeunesse.

A ce moment, Joséphine, quoique mariée par le grand aumônier, sacrée par le Pape et couronnée par l’Empereur, se croyait ou se trouvait menacée par une autre femme dans le cœur de Napoléon. Ce fut justement cette femme qui était la cause indirecte du départ d’Eugène. C’est pourquoi celui-ci écrit à Bessières (de Saint-Pierre-le-Moutier, le 7 pluviôse XIII), 27 janvier 1805 : « Quant à moi, mon cher ami, je voyage toujours gaiement, pensant souvent à Paris, non pas pour Paris, je te jure, mais je souffre quelquefois de mon incertitude sur l’état de mon excellente mère. Je ne sais plus aucune nouvelle d’elle. Je ne la crois pas malade, mais je redoute qu’elle soit inquiétée. Je serais heureux de savoir la maison tranquille et c’est à ce bonheur que je tiens le plus. »

Juste au moment où il rumine des idées noires, une révolution se produit aux Tuileries. D’abord, Napoléon, soit que sa fantaisie fût passée, soit plutôt qu’elle fût satisfaite, ne pensa plus à la dame qui avait manqué brouiller « la maison, » comme dit Eugène. Les Bonaparte, dans leur intempestive convoitise de l’hoirie fraternelle, refusèrent l’un après l’autre le trône de Lombardie, si l’hérédité en France ne leur était pas conservée et garantie. Il s’éleva des querelles d’une violence brutale autour de ce cercueil vide. Finalement, Napoléon ne trouva aucun de ses frères qui voulût de l’Italie, même pour son fils. Écœuré, il se rejeta aux Beauharnais, il pensa à ce garçon qu’il avait constamment trouvé obéissant, serviable et dévoué, qui, à présent, sur un ordre malencontreux, chevauchait sous la pluie et la neige. Il se le représenta aimable, doux, point gênant, tout à fait dans sa main. C’est ce qu’il lui fallait, et il n’aurait avec lui aucune des difficultés qu’il éprouvait dès maintenant, et si l’on peut dire, avant la lettre, avec ses frères : mais il fallait pour cela qu’il retirât Eugène du militaire où il l’avait confiné et qu’il lui donnât entrée dans le civil. Ce fut ce qu’il fit le 12 pluviôse (1er février) en le nommant grand dignitaire, archi-chancelier d’Etat de l’Empire, — emploi quelque peu falot, qui consistait en particulier à conserver le protocole de l’Empire, mais qui donnait la qualité de prince, le rang immédiatement inférieur aux princes français, l’entrée au Conseil privé, au Grand Conseil de la Légion d’honneur, au Sénat et au Conseil d’Etat. On était cousin de l’Empereur. « Mon cousin, écrit l’Empereur à Eugène, ce changement n’apporte aucun obstacle à votre carrière militaire ; votre titre est : le Prince Eugène, archichancelier d’Etat. Vous recevrez celui d’Altesse Sérénissime. Vous n’êtes plus colonel général des chasseurs. Vous restez général de brigade, commandant les chasseurs à cheval de ma Garde. »

Et, bien mieux que par le titre et la dignité, il habilite Eugène à n’importe quelle fonction par ce message au Sénat : « Au milieu des sollicitudes et des amertumes inséparables du haut rang où nous sommes placé, notre cœur a eu besoin de trouver des affections douces dans la tendresse et la consolante amitié de cet enfant de notre adoption. » Voilà un mot grave et qui porte. Eugène le reçoit à Lyon : « Tu connais ma nouvelle dignité, écrit-il à Bessières. Tu connais surtout le message du Sénat. Tu me connais surtout et tu dois aisément juger de tout ce que j’éprouve. C’est impossible à peindre. Je t’avouerai que, connaissant les bonnes intentions de l’Empereur à mon égard, j’osais m’attendre à quelque chose, mais à rien de si beau, de si flatteur pour moi. Je te jure que j’en suis confus. » Désormais les situations envoyées à Bessières concernant le « Détachement de cavalerie commandé par S. A. S. le prince Eugène » sont signées le Prince Eugène et malgré qu’avec Bessières il conserve le tutoiement et s’efforce à la familiarité, on trouve dans le ton quelque apprêt qui est nouveau, comme dans cette lettre du 29 pluviôse où il dit : « Je te prie d’être l’interprète de mes sentimens distingués pour ta respectable famille. » Il arrive péniblement à Lans-le-Bourg, ayant subi à Modane une tourmente qui a fait beaucoup souffrir hommes et chevaux. Un certain nombre ont failli périr par des éboulemens de terre ou de rochers. Puis, c’est le Mont-Cenis, « détestable depuis huit jours, » et qu’il faut passer coûte que coûte, car il n’y a plus de fourrages. Enfin on passe ; on est à Verceil où l’on fait séjour et d’où Eugène peut enfin répondre aux lettres de compliment qui lui arrivent par centaines. Dans la lettre qu’il adresse à Mme Campan, il dit en finissant : « Veuillez donc accorder au Prince Eugène votre amitié et à Eugène cette ancienne bienveillance dont le souvenir lui est si cher. »

Il arrive à Milan le 25 ventôse (16 mars). Sur huit cent quatre-vingt-dix hommes et chevaux, il n’a laissé en route que trente-quatre hommes et trente-six chevaux. C’est peu, dit-il, et cela est vrai. Il tombe au milieu des bruits les plus contradictoires. Les Italiens disposent de tout avec une extraordinaire liberté, ils font des rois, des ducs, des gouverneurs, des colonels généraux et tout cela en faux. « Ce qu’il y a de bien sûr et ce que je puis t’assurer, écrit Eugène, c’est qu’en Italie, on désire beaucoup que ce soit l’Empereur qui conserve le titre de roi des Lombards et que celui de ses frères qu’il a l’intention déplacer ne soit que vice-roi. Les gaillards, ajoute-t-il, ne sont pas dégoûtés. » Un mois plus tard, lorsque l’Empereur et l’Impératrice, en route pour Milan, sont déjà arrivés à Lyon (25 germinal XllI-15 avril), il écrit à Bessières : « Entre nous, ce pays-ci est très beau, mais l’esprit y est des plus mauvais ; point d’enthousiasme, point d’attachement pour personne, et la plus cruelle aversion pour tout ce qui n’est pas italien. » Le lendemain, il écrit : « L’esprit public est bien mauvais dans cette chienne de ville ; » nul que lui ne semble moins penser que sa destinée va y être attachée, qu’il aura à tenir tête à ces peuples qu’indispose si fortement le caractère français et à s’y consacrer.

Dans le cortège du sacre de Milan, il marche, comme prince de l’Empire, au-devant de l’Empereur, à défaut des princes impériaux ; dans la visite à Saint-Ambroise, il commande les troupes, sous les ordres du colonel général de service ; il s’occupe avec Bessières à constituer la Garde italienne, parce qu’il commande les chasseurs ; l’Empereur a bien pensé à lui conférer une souveraineté, mais c’eût été le duché de Parme. Et puis, d’autres pensées sont venues qui ont rompu tous les plans. Après Joseph et Louis, l’Empereur a pressenti Lucien pour la couronne de Lombardie ; il le ferait roi, à condition que sa femme. Mme Jouberthou, consentit à n’être que duchesse de Parme, avec souveraineté pour elle et future succession pour ses enfans : Lucien veut tout ou rien. S’il est roi, sa femme doit être reine et son fils prince royal. Là-dessus, rupture.

Il faut pourtant quelqu’un pour tenir la place à Milan. Puisque aucun Bonaparte ne consent à l’accepter, l’Empereur prendra un Beauharnais et, le 18 prairial (7 juin), il rend sa décision publique, il nomme le prince Eugène vice-roi du royaume d’Italie « pour qu’il remplisse, conformément à ses décrets et instructions, les fonctions qu’il lui a attribuées, qu’il exerce l’autorité qu’il lui a déléguée et qu’il jouisse des honneurs, rang et prérogatives qu’il a déterminés. »

Les fonctions de vice-roi, toutes de reflet et de représenta- lion, assurent à Eugène, avec l’extérieur de la souveraineté, la jouissance des palais, le service de la Maison royale ; il travaille avec les ministres, préside le Conseil d’Etat, commande les troupes et les milices, correspond avec les agens diplomatiques ; mais ce n’est là que l’extérieur. En fait, Napoléon s’est réservé, jusque dans l’extrême détail, l’exercice du pouvoir, et il n’en a rien abandonné ; seul, il statue sur tout objet qui présente un intérêt ou qui offre une utilité, et le vice-roi n’a qu’une fonction d’information et de transmission. Nulle promesse d’inamovibilité ; il fait serment d’abandonner ses fonctions aussitôt que le Roi le lui ordonnera : il est donc révocable ad nutum, comme un préfet, et c’est le sort qui l’attend, s’il déplaît, si Joseph, ou Louis, ou Lucien se ravisent ; et il n’aura gagné à cette élévation subite que de tomber de plus haut.

L’Empereur, à son départ de Milan, laisse à Eugène des instructions qui ajoutent un chapitre au Prince de Machiavel et par lesquelles se trouve formulée la philosophie de la souveraineté : pessimiste certes, mais si profondément observée qu’aucun des traits ne manque le but. Et après avoir rédigé ces pages [2] qui doivent fournir la doctrine générale à ce jeune homme de vingt-trois ans, lequel n’a jamais eu à s’occuper jusque là de législation, d’administration, de finances, ni de quoi que ce soit, hormis de se battre, il le jette dans le détail du gouvernement, et lui enjoint d’être soudain instruit de toutes choses : administration départementale, finances, frais de justice, dépenses des préfets, sbires, ponts et chaussées, cultes, budget, domaine, instruction publique, code Napoléon ; il doit tout savoir, tout connaître, tout deviner ; il doit être au courant des impôts, des lois constitutionnelles, des formes d’administration, de l’armée, que dire ? Tous les jours, une, deux, sept (19 juin), neuf lettres (20 juin) et quelles lettres ! Qu’Eugène ne s’avise point d’empiéter sur ce que le Roi s’est réservé ; un éclair et la foudre. Parfois, ce n’est pas assez qu’il fulmine. Par Maret, il fait écrire à Méjan, qu’il a donné à Eugène comme mentor, des paroles d’une sévérité encore plus rude. D’ailleurs, tout y passe. À propos d’un projet de loi dont il craignait le rejet, Eugène a fait venir Salimbeni, le chef de l’opposition dans l’ancienne Consulta. « Votre discours à Salimbeni, écrit l’Empereur, n’est pas sensé, il faut être plus grave dans la magistrature. Il fallait le faire appeler par la police ou par le ministre de l’Intérieur et m’en rendre compte. Il y a dans votre conduite quelque chose de chevaleresque qui est de votre âge, mais non de votre place. J’ai commencé par destituer Salimbeni. Je connais mieux les Italiens que vous. Je protégerai ceux qui me professent de l’attachement, mais je ferai une sévère justice de ceux qui seraient d’une catégorie différente. »

Et c’est là, tant la réprimande tient au cœur d’Eugène, le sujet de la première lettre que lui écrit l’Impératrice depuis le retour d’Italie. Arrivée à Saint-Cloud le 29 messidor (18 juillet) avec Napoléon, elle est partie pour prendre les eaux à Plombières le 14 thermidor (2 août), en même temps que l’Empereur se rendait à Boulogne. De là elle écrit :


De Plombières, le 18 thermidor (an XIII, 6 août 1805).

« Non, mon cher Eugène, je ne t’oublie pas, car je suis sans cesse occupée de toi, de ce que tu fais, de tes plaisirs, mais surtout de tes peines et je t’assure que, lorsque j’apprends que tu éprouves quelque contrariété, j’en suis plus affectée que toi. L’Empereur m’a paru toujours content de toi ; il a seulement été un peu fâché de ce que tu avais fait venir un homme qui avait tenu des propos. Il dit, — et avec raison, — que tu aurais dû le faire tancer par le ministre de la Police et qu’il n’était pas de ta dignité de le faire venir chez toi. Mais il a dit que c’était d’un jeune homme et d’un jeune homme qui avait de l’honneur. Il serait curieux de savoir par qui il a su cela. Au reste, il connaît ton dévouement pour lui et ton attachement et il t’aime bien. Il n’en est pas de même de sa famille. Elle a vu avec le plus grand chagrin ta nomination. Murat fait toujours le courtisan. Sa femme a été malade. Il y paraît, car elle est bien changée. Elle a conservé cet air qu’elle appelle dignité (que je nomme, moi, composé) qui ne lui réussit pas du tout. Tout ce monde-là a bien tort de ne pas nous aimer. S’ils voulaient être bonnes gens, ils n’auraient pas de meilleurs amis que nous.

L’Empereur est toujours bien aimable pour moi. Je fais aussi tout ce qu’il dépend de moi pour faire tout ce qui lui est agréable. Plus de jalousie, mon cher Eugène, et ce que je te dis là est bien vrai. Aussi est-il plus heureux et moi plus heureuse. Je ne puis te rien dire sur les nouvelles politiques, c’est un mystère que l’Empereur ne laisse jamais pénétrer. Il est dans ce moment-ci à Boulogne. Tout ce que je sais, c’est qu’il attend depuis huit jours un courrier qui devait décider de son départ. Tu sais sans doute que le mariage du prince de Bade est rompu, ce qui donne de grandes espérances pour la personne que tu connais. J’ai vu son portrait. On n’est pas plus belle. Ta sœur se porte bien, ainsi que les enfans. J’avais avec moi à Saint-Cloud le second qui est bien beau. Louis est toujours dans le même état. Il me tarde bien, mon cher Eugène, d’être au milieu de l’hiver. C’est l’époque où tu m’as promis de venir me voir. Combien ta mère sera heureuse ! Tu sauras, mon cher fils, que je gémis tous les jours d’être séparée de toi et que mes yeux sont toujours remplis de larmes, toutes les fois que je pense à toi ou qu’on me parle de toi. Si je ne t’ai point écrit depuis mon arrivée, j’ai été bien fatiguée et bien tourmentée par des visites. D’ailleurs, il n’y avait rien de nouveau ; je t’écrirai maintenant toutes les semaines. Je suis convenue avec Lavallette de lui envoyer mes lettres. Adieu, mon bon Eugène, le plus tendre des fils. Ta mère t’embrasse de tout son cœur et t’aime à la folie.

« Mille choses aimables à Mme Litta et à Méjan. »


L’Impératrice dit : « L’Empereur est toujours bien aimable pour moi. » Et voici une lettre qui le prouve :


« J’ai voulu savoir comment on se portait à la Martinique. Je n’ai pas souvent de vos nouvelles. Vous oubliez vos amis. Ce n’est pas bien. Je ne savais pas que les eaux de Plombières eussent la vertu du fleuve Léthé. Il me semble que c’est en buvant les eaux de Plombières que vous disiez : « Ah ! […..] [3] si je meurs, qui est-ce qui l’aimera ? » Il y a bien loin de là, n’est-ce pas ? Tout finit. La beauté, l’esprit, le sentiment, le soleil ?) lui-même ; mais ce qui n’aura pas de terme, c’est le bien que je veux, le bonheur d’en jouir et la bonté de ma Joséphine. Je ne serais pas plus tendre. Fi ! vous en faites des risées. Adieu, mon amie, j’ai fait hier attaquer la croisière anglaise ; tout a bien été.

« NAP. »


On a remarqué l’annonce de la rupture du mariage du prince de Bade. Le prince devait épouser la fille aînée du premier lit du roi de Bavière et cette allusion montre assez que Joséphine et son fils étaient également au courant de la mission confiée à M. de Thiard, chambellan de l’Empereur, qui parcourait les cours d’Allemagne en quête de princesses à faire épouser aux Napoléonides, en même temps que de jeunes princes à unir à des parentes ou des alliées de la famille. De cette mission matrimoniale devaient résulter trois mariages : du prince de Bade avec Stéphanie de Beauharnais, du prince Eugène avec Auguste de Bavière, du prince Jérôme Napoléon avec Catherine de Wurtemberg.

Et ces trois mariages furent heureux !

Malgré les promesses qu’elle a faites à son fils de lui écrire toutes les semaines, un mois presque entier se passe avant qu’elle écrive. Il faut qu’elle soit rentrée de Plombières, ce qui est le 13 fructidor (31 août). Elle va directement à Malmaison d’où elle écrit le 14 ou le 1.5 (1er ou 2 septembre). L’Empereur revient de Boulogne le 16 seulement. Mme Murat est allée l’y rejoindre. C’est le moment le plus actif de son intrigue et aussi de sa faveur, de sa lutte contre Joséphine et de ses prévenances pour Napoléon ; elle excelle à chercher les moyens de lui plaire et elle ne manque pas de s’en faire récompenser [4]. Joséphine écrit [5] :


14 ou 15 (?) fructidor an XIII (1er ou 2 septembre 1805).

« J’ai vu avec grand plaisir, mon cher fils, M. Bataille [6], J’ai été bien heureuse de pouvoir causer avec détail de toi et de tout ce qui t’intéresse. Il te dira que le courtisan Murat et sa femme n’ont rien négligé auprès de l’Empereur pendant mon absence pour jouir encore d’avantages plus grands ; ils ont bien tort, car ma présence ne leur nuit en rien. Ils en ont une preuve assez forte donnée l’hiver dernier. Au surplus, ils font très bien, puisqu’ils obtiennent tout auprès de l’Empereur qui, cependant, finit par les apprécier. Murat vient de se faire nommer à un commandement. On dit que c’est sur les bords du Rhin. Sa femme, qui est arrivée de Boulogne et qui est venue me faire une visite ce matin, me parut triomphante, ayant, à ce qu’elle dit, obtenu de l’Empereur tout ce qu’elle désirait. Au surplus, mon cher Eugène, mon opinion est tellement arrêtée sur eux qu’ils ne peuvent plus être dangereux pour moi. Une seule crainte pourrait m’agiter : ce serait leurs intrigues contre mes enfans, si nous avions le malheur de perdre l’Empereur. Je pense, mon cher Eugène, que tu seras bien aise de savoir les nouvelles qu’on débite ici. Je ne te les donne pas comme certaines tant que je n’aurai pas vu l’Empereur. Je te les répète telles qu’elles m’ont été dites.

« Il paraît cependant certain que la guerre est déclarée avec l’Autriche. L’Empereur vient de faire filer en Alsace 150 000 hommes. Il y sera, à ce qu’on dit, à la fin du mois et les logemens sont préparés pour nos deux maisons. Masséna est parti ce matin pour l’Italie où sera le théâtre de la guerre. J’en suis tout effrayée pour toi, mon cher fils, et la tristesse profonde dont j’étais accablée en me séparant de toi et que je conserve était, je crois, un triste pressentiment de ces fâcheuses nouvelles. Ecris-moi souvent, mon cher fils. J’en ai besoin plus que jamais dans ce moment-ci. D’ici quelques jours, si j’en apprends davantage, Mme de La Rochefoucauld te le mandera. On vient de m’assurer que la flotte de Brest était sortie hier pour se rendre en Irlande. Celle combinée est aussi sortie du Ferrol. On ignore sa destination, mais, ce qu’il y a de sûr, c’est que nous avons en mer, dans un petit espace, 56 vaisseaux de ligne, et que les flottes anglaises sont dispersées.

« Adieu, mon cher fils, mon cœur aurait bien des tendresses à te dire, mais je suis si pressée de t’embrasser comme je t’aime. Adieu, mon bon Eugène. C’est à regret que j’écris toujours ce vilain mot d’adieu. »

D’une autre main (Mme de La Rochefoucauld) [7] :

« L’Impératrice me charge, mon cher Eugène, de joindre à cette lettre celle que lui a remise M. de Choiseul. Elle désire vivement que vous puissiez prendre son fils pour aide de camp et, dans le cas où vous ne le pourriez pas, de le placer sous-lieutenant dans un régiment italien [8]. Elle y tient beaucoup. Ce jeune homme est un très bon sujet que l’Impératrice a pris sous sa protection, parce qu’il le mérite. »


A Malmaison, le 14 fructidor XIII (1er septembre).

« Le général Masséna part pour aller prendre le commandement de l’Armée d’Italie [9] ; il désire, mon cher Eugène, que je lui donne auprès de toi un mot de recommandation. Je sais qu’il n’en a pas besoin, mais je me rends avec plaisir à sa demande, connaissant son attachement pour toi et son dévouement pour l’Empereur. Ces deux raisons te suffisent pour lui rendre tous les services qui dépendent de toi et auxquels tu es toujours disposé. Joins-y de plus le désir que je t’exprime en sa faveur.

« Adieu, mon cher fils, je t’embrasse du plus tendre de mon cœur.

« JOSÉPHINE. »


La guerre est déclarée ; le 1er vendémiaire an XIV (25 septembre), l’Empereur s’est rendu au Sénat ; il monte en voiture avec Joséphine le 2 (24) à cinq heures du matin ; il arrive le 4 (26) à cinq heures du soir à Strasbourg, où Joséphine s’installe assez mal commodément. L’Empereur la quitte le 9. Il est le 10 à Ludwigsburg chez l’électeur de Wurtemberg. Le 15, Joséphine écrit :


De Strasbourg, ce 15 vendémiaire (an XIV, 7 octobre 1805).

« M. de Talleyrand va faire partir un courrier. J’en profite, mon cher Eugène, pour te dire que je t’aime et que je pense sans cesse à toi. De ton côté, sois tranquille et sans inquiétude et j’espère que tu seras content. Je suis seule depuis quelques jours. L’Empereur est sur la rive droite à la tête de l’armée, mais il me donne tous les jours de ses nouvelles. Sa dernière lettre que j’ai reçue hier est datée de Louisbourg. Il a été reçu par l’électeur de Wurtemberg avec autant de joie que d’empressement, et il y a assisté à une noce. Il me mande que tout est aussi bien qu’il pourrait le désirer, que les armées ont fait leur jonction, qu’elles sont en marche et que les opérations l’empêcheront de m’écrire de cinq à six jours. Je pense qu’il se passera bien des choses d’ici à ces cinq ou six jours, mais tout nous fait espérer que ces opérations seront heureuses.

« Il marche vers Nordlingen, lieu déjà célèbre, et que, peut-être, il rendra plus célèbre encore par quelque nouvelle victoire. Mais, malgré ma pleine confiance, ce n’est pas tout à fait sans quelque peine que je me livre à ces idées. Ce qui m’a causé une bien grande satisfaction, c’est une lettre à ton sujet que j’ai reçue du maréchal Masséna. Il se loue beaucoup de toi, de ton accueil, de ton empressement à prévenir les besoins de l’armée et des sujets du royaume d’Italie. Tu devines aisément quel plaisir m’ont fait les éloges qu’il te donne, et je suis bien sûre que plus tu auras occasion de te faire connaître, plus j’en aurai aussi d’entendre répéter tes louanges. Ma santé est très bonne. Je vais souvent me promener aux environs de la ville et je lis une autre partie de la journée. C’est ce que je puis faire de mieux loin de l’Empereur et loin de toi. J’ai reçu hier des nouvelles de ta sœur. Elle se porte très bien. Adieu, mon cher Eugène ; adieu, le meilleur des fils. Donne-moi souvent de tes nouvelles et surtout, je te le répète, sois tranquille et sans aucune impatience.

« JOSÉPHINE.


« Dis mille choses aimables à Méjan et que ses lettres me font grand plaisir à recevoir. Rappelle-moi au souvenir de Mme Litta et des dames du Palais. Envoie-moi de la musique et une bonne chanteuse que j’attacherai à ma chambre. »

Trois jours plus tard, Joséphine annonce à son fils la victoire de Wertingen (16 vendémiaire, 8 octobre), mais elle ne dit point que c’est Murat qui l’a remportée.


À Strasbourg, ce 18 (vendémiaire) à neuf heures du soir (10 oct. 1805).

« Je suis au comble de la joie, mon cher Eugène ; un courrier de l’Empereur annonce quinze mille prisonniers, des drapeaux, des canons, etc. La relation que M. de Talleyrand te fait passer te donnera tous les détails de cette affaire. Je me borne, moi, à te faire part du bonheur que j’éprouve et à t’assurer que ta mère t’aime de tout son cœur. »

Puis ce sont les lettres de la campagne d’Ulm.


À Strasbourg, ce 28 (vendémiaire) (15 oct. 1805).

« Je t’embrasse, mon cher fils, et m’empresse de t’envoyer la copie d’une lettre que je reçois à l’instant de l’Empereur. La voici mot à mot[10] :

« Mon armée est entrée à Munich. L’ennemi est au delà de L’Inn d’un côté. L’autre armée, de 60 000 hommes, je la liens bloquée sur l’Iller, entre Ulm et Memmingen. L’ennemi est battu, a perdu la tête, et tout m’annonce la plus heureuse campagne, la plus courte et la plus brillante qui ait été faite. Je pars dans l’instant pour Burgau sur l’Iller. Je me porte bien ; le temps est cependant affreux. Je change d’habit deux fois par jour, tant il pleut. Je t’aime et t’embrasse. »


À Strasbourg, le 30 vendémiaire (22 octobre, à onze heures du soir).

« On m’annonce qu’un courrier part à l’instant pour l’Italie. J’en profite, mon cher Eugène, pour t’envoyer la copie d’une lettre que j’ai reçue ce matin de l’Empereur. Elle te fera, j’en suis sûre, autant de plaisir qu’à moi.

« Adieu, mon cher fils, je n’ai que le temps de t’embrasser et de t’assurer de ma tendresse,

« JOSÉPHINE.

« Tu devrais bien me donner des nouvelles de ce qui se passera en Italie. »


Copie d’une lettre de Sa Majesté l’Empereur et Roi, à Sa Majesté l’Impératrice.

« J’ai été, ma bonne Joséphine, plus fatigué qu’il ne le fallait. Huit jours, continuellement, l’eau sur le corps et les pieds froids m’ont fait un peu de mal, mais la journée d’aujourd’hui m’a reposé. J’ai rempli mon dessein ; j’ai détruit l’armée autrichienne par de fortes marches, j’ai fait 60 000 prisonniers, 120 pièces de canon, plus de 90 drapeaux et plus de 30 généraux. Je vais me porter sur les Russes, ils sont perdus. Je suis content de mon armée ; je n’ai perdu que quinze cents hommes dont les deux tiers faiblement blessés. Adieu, ma Joséphine, mille choses aimables partout. Le prince Charles vient couvrir Vienne ; je pense que Masséna doit être à cette heure à Vicence. Dès l’instant que je serai tranquille pour l’Italie, je ferai battre Eugène. Mille choses aimables à Hortense.


Signé : NAPOLÉON. »

D’Elchingen, 27 vendémiaire (19 octobre).


Près d’un mois se passe sans que Joséphine écrive à son fils ; mais c’est qu’elle a quantité de visites et de cérémonies : le Te Deum pour la prise d’Ulm, la réception de la députation du Tribunat, des bals, des concerts et des cercles à la Cour ; la réception des maires de Paris allant en députation près de l’Empereur ; les audiences (6 au 9 brumaire, 28 au 31 octobre), au prince électoral de Bavière ; audiences du matin, audiences du soir, et spectacle au Théâtre-Français ; puis c’est l’électeur de Bade, avec le prince héréditaire et le prince Louis, et les fêtes qu’on leur donne : diner, cercle, concert, bal, bal qui se prolonge jusqu’à deux heures du matin, et puis le 20 (11 novembre), la représentation à l’opéra allemand où l’on joue le Miroir d’Arcadie du célèbre Kissmayer. Le lendemain, elle écrit :


À Strasbourg, ce 21 brumaire (12 novembre).

« Je vois, mon cher Eugène, par tes derniers bulletins, que l’Armée d’Italie se couvre aussi de gloire et que l’ennemi est en retraite. Tout va aussi bien que nous pouvions le désirer. De mon côté, je ne suis pas moins heureuse en voyant s’approcher le moment où je pourrai aller rejoindre l’Empereur. Je suis bien sûre qu’il me tiendra la promesse qu’il m’a faite et que je partirai le plus tôt qu’il sera possible. On dit que l’Électeur m’attend à Munich et qu’on prépare de belles fêtes pour moi. La plus agréable sera de t’y voir. L’Empereur m’en a donné l’espérance dans une de ses lettres. Tu connais ma tendresse pour toi, mon cher fils, et tu dois sentir combien je serais heureuse de voir se réaliser cette espérance. J’ai reçu de M. de Talleyrand, il y a peu de jours, une lettre dont j’ai été enchantée. Il me mande que l’Empereur lui a dit en parlant de toi : C’est étonnant les progrès que ce jeune homme fait tous les jours. Il est déjà plus capable de gouverner que Le Brun. Comme M. de Talleyrand me parlait dans cette même lettre d’un mariage auquel il s’intéresse ainsi que toi et qu’il croit devoir se réaliser, je lui avais promis de brûler sa lettre et je lui ai tenu parole. Mais une phrase comme celle que je viens de te dire ne s’oublie pas et je puis bien dire qu’elle ne te gâtera pas, mais qu’elle te fera autant de plaisir qu’à moi. Adieu, mon cher fils, mon cher Eugène, je t’embrasse bien tendrement.

« J’ai vu ici le prince électoral de Bavière. Il m’a beaucoup parlé de toi, de l’attachement qu’il t’avait voué. Il m’a prié, lorsque je t’écrirai, de te dire combien il t’aimait et combien il était heureux d’avoir fait ta connaissance.

« Je reçois à l’instant une lettre de l’Empereur. Il était à Linz [11]. Il me mande que, d’ici à cinq ou six jours, il se passerait bien des choses. Les avant-postes n’étaient qu’à dix lieues de Vienne. »


Le 25 brumaire (16 novembre), l’Empereur écrit de Vienne [12] : « J’écris à M. d’Harville pour que tu partes et que tu te rendes à Bade, de là à Stuttgart, et de là à Munich. Tu donneras, à Stuttgart, la corbeille à la princesse Paul [13]. Il suffit qu’il y en ait pour quinze à vingt mille francs ; le reste sera pour faire des présens, à Munich, aux filles de l’Electeur de Bavière. Tout ce que tu as su par Mme de Serent est définitivement arrangé. Porte de quoi faire des présens aux dames et aux officiers qui seront de service près de toi. Sois honnête, mais reçois tous les hommages. On te doit tout et tu ne dois rien que par honnêteté... »


Joséphine, qui a été souffrante et n’a pu assister à la représentation qu’elle avait demandée du Don Juan de Mozart, quitte Strasbourg le 8 frimaire (29 novembre). Elle commence à travers l’Allemagne un voyage triomphal : des escortes de cavalerie se relayent pour lui faire honneur ; elle est accompagnée d’écuyers de chaque cour ; les princes vont au-devant d’elle ; elle passe, en son carrosse à huit chevaux, sous des arcs de triomphe, devant des temples enfermant le buste de l’Empereur, devant des colonnes de cent pieds de haut sur qui on lit : Josephinæ Galliarum Augustæ ; canon, cloches, spectacles, cercles, galas, concerts, visites. A qui fera-t-on croire que c’est ici, à Carlsruhe, que l’on hait le plus violemment l’Empereur ? Après Carlsruhe, Stuttgart et un développement plus fastueux encore d’arcs de triomphe, d’autels égyptiens, de dîners dans la Salle Blanche, en face de l’orchestre, avec l’Impératrice et les princes sous un dais, deux tables de cent couverts à droite et à gauche, le service par les grands officiers, et le reste : puis opéra italien, feu d’artifice, que dire ? Quand elle part, le 12 frimaire (3 décembre), à sept heures du matin, toute la famille électorale est réunie et l’Electrice a tous ses diamans !


FREDERIC MASSON.

  1. Copyright by Frédéric Masson, 1916.
  2. Elles ont été publiées pour la première fois, dans : Bibliothèque choisie du Constitutionnel, I. p. 61, et elles ont paru si extraordinaires de pensée audacieuse qu’on avait mis en doute leur authenticité. Voyez Correspondance, n° 8852.
  3. Mot illisible.
  4. Je me permets de renvoyer ici à mon livre : Napoléon et sa famille, t. III, page 49.
  5. La lettre n’est pas datée, mais, à un jour près, on ne peut s’y tromper.
  6. Aide de camp de confiance du prince Eugène ; Auguste Nicolas Bataille, baron de l’Empire sous le nom de bataille de Tancarville, suivit son maitre en Bavière et y devint maréchal de camp et chambellan du Roi.
  7. Mme de La Rochefoucauld, née Pyvart de Chastulé, dame d’honneur de l’Impératrice, était très proche parente de la grand’mère d’Eugène et pour cela cousinait avec l’Impératrice.
  8. Je ne vois de Choiseul rallié et en âge de servir que le fils du duc de Praslin, sénateur en 1800 ; lui-même sorti de l’École polytechnique en 1799 et plus tard chambellan de l’Empereur.
  9. Voir la lettre de l’Empereur du 15 fructidor (2 septembre).
  10. Cette lettre de l’Empereur est du 20 vendémiaire.
  11. Du 13 au 18 brumaire. Vienne est pris le 22. L’Empereur arrive à Schœnbrunn dans la nuit du 22 au 23.
  12. Omise dans la Correspondance de Napoléon.
  13. Au mariage de laquelle l’Empereur a assisté, à Ludwigsburg, le 13 vendémiaire : « J’ai assisté à une noce du fils de l’Électeur avec une nièce du Roi de Prusse. Je désire donner une corbeille de trente-six à quarante mille francs. Fais-la faire et envoie-la par un de mes chambellans à la nouvelle princesse quand ces chambellans viendront me rejoindre. Il faut que ce soit fait sur-le-champ. » (Omise dans la Correspondance de Napoléon.)