L’Imitation de Notre-Dame la Lune (Mercure de France 1922)/Dialogue avant le Lever de la Lune

Dialogue avant le Lever de la Lune
L’Imitation de Notre-Dame la Lune (Mercure de France 1922)Mercure de FranceI. Poésies (p. 248-249).


DIALOGUE
AVANT LE LEVER DE LA LUNE


— Je veux bien vivre ; mais vraiment,
L’Idéal est trop élastique !

— C’est l’Idéal, son nom l’implique,
Hors son non-sens, le verbe ment.

— Mais, tout est conteste ; les livres
S’accouchent, s’entretuent sans lois !

— Certes ! l’Absolu perd ses droits,
Là, où le Vrai consiste à vivre.

— Et, si j’amène pavillon
Et repasse au Néant ma charge ?


— L’Infini, qui souffle du large,
Dit : « Pas de bêtises, voyons ! »

— Ces chantiers du Possible ululent
À l’Inconcevable, pourtant !

— Un degré, comme il en est tant
Entre l’aube et le crépuscule.

— Être actuel, est-ce, du moins,
Être adéquat à Quelque Chose ?

— Conséquemment, comme la rose
Est nécessaire à ses besoins.

— Façon de dire peu commune
Que Tout est cercles vicieux ?

— Vicieux, mais Tout !
— J’aime mieux
Donc m’en aller selon la Lune.