L’Imitation de Jésus-Christ (Lamennais)/Livre premier/12

Traduction par Félicité de Lamennais.
Texte établi par M. Pagès, Bonne Presse (p. 52-53).


CHAPITRE XII.

DE L’AVANTAGE DE L’ADVERSITÉ.

1. Il nous est bon d’avoir quelquefois des peines et des traverses, parce que souvent elles rappellent l’homme à son cœur, et lui font sentir qu’il est en exil, et qu’il ne doit mettre son espérance en aucune chose du monde.

Il nous est bon de souffrir quelquefois des contradictions, et qu’on pense mal, ou peu favorablement de nous, quelque bonnes que soient nos actions et nos intentions. Souvent cela sert à nous rendre humbles, et à nous pré munir contre la vaine gloire.

Car nous avons plus d’empressement à chercher Dieu, qui voit le fond du cœur, quand les hommes au dehors nous rabaissent, et pensent mal de nous.

2. C’est pourquoi l’homme devrait s’affermir tellement en Dieu, qu’il n’eût pas besoin de chercher tant de consolations humaines.

Lorsqu’avec une volonté droite, l’homme est troublé, tenté, affligé de mauvaises pensées, il reconnaît alors combien Dieu lui est nécessaire, et qu’il n’est capable d’aucun bien sans lui.

Alors il s’attriste, il gémit, il prie, à cause des maux qu’il souffre.

Alors il s’ennuie de vivre plus longtemps, et il souhaite que la mort arrive, afin que, délivré de ses liens, il soit avec Jésus-Christ.

Alors aussi, il comprend bien qu’une sécurité parfaite, une pleine paix, ne sont point de ce monde.

RÉFLEXION.

C’est dans l’adversité que chacun de nous apprend à connaître ce qu’il est réellement. Celui qui n’a pas été éprouvé, que sait-il ? [1] L’homme à qui tout prospère est exposé à un grand danger ; il est bien à craindre que son âme s’assoupisse d’un sommeil pesant, et qu’à l’heure du réveil on ne lui dise : Souvenez-vous que vous avez reçu vos biens sur la terre ? [2]. Ici-bas les souffrances sont une grâce de prédilection ; elles nous exercent à la vertu, elles nous fournis sent de nouvelles occasions de mérite, et nous rendent conformes au Fils de Dieu, dont il est écrit : Il a fallu que le Christ souffrît et qu’il entrât ainsi dans sa gloires[3].

  1. Eccli. xxxiv, 9.
  2. Luc. xvi, 25.
  3. Act. xvii, 3.