L’Illusion/La Magie de Salomon

Œuvres de Jean LahorAlphonse Lemerre, éditeurL’Illusion (p. 282-283).




LA MAGIE DE SALOMON


 
Salomon fit un signe : un Génie amena
              Sous la nuit étoilée
La Mort, qui sur-le-champ, humble, se prosterna,
              Magnifique et voilée.

Et Salomon lui dit : « à La lune suit aux cieux
              Sa danse accoutumée ;
Je veux te voir aussi, Reine, devant mes yeux
              Tourner comme une almée.

« Entends pleurer la flûte et gronder les tambours. »
              Et dans cette musique
Elle tourbillonna sous ses vêtements lourds,
              Selon l’ordre magique.

Or, quand elle eut fini, Salomon soucieux
              Lui cria : « Mets-toi nue,
Je veux voir ta laideur, et voir s’il n’est pas mieux
              Qu’elle soit moins connue. »


Et la Reine obéit : et, ses voiles ouverts,
              Elle apparut horrible,
Le corps tout décharné, le crâne par les vers
              Tout troué comme un crible.

« C’est bien, recouvre-toi de ta robe, dit-il,
              Habille ton squelette ;
Que parfois à tes pieds brûle un parfum subtil
              Dans une cassolette ;

« Sous un long voile obscur tiens cachés tes yeux creux,
              Et pare de mensonges
Ton silence ou ta voix, pour que les malheureux
              Aient devant toi des songes,

« Et qu’à la dernière heure, en rêvant dans tes bras
              Les délices suprêmes,
Ils pensent, éblouis, lorsque tu paraîtras,
              Goule, que tu les aimes !

« Mets du fard à ta peau, trompe-les, je le veux ;
              Pour tenter leur envie
Sème de diamants la nuit de tes cheveux,
              Et mens comme la Vie ! »