L’Idylle éternelle/Bout de lettre

Paul Ollendorff, éditeur (p. 133-134).


BOUT DE LETTRE

(de Bretagne)


À Paul Léaux


Palette, d’après les usages
De nos peintres voyageurs, si
Tu venais voir ce pays ci,
Tu verrais de beaux paysages.

Tu verrais des choses vraiment
Qui raviraient ton cœur d’artiste :
Tantôt, c’est grandiose et triste,
Tantôt, c’est clair et c’est charmant…


Nous, nous voyons toutes ces choses,
Mais le vers n’est pas un pinceau
Et notre Muse, pauvre oiseau,
N’a pas les ailes grandioses.

Un coin discret, tranquille et clos
Ferait cent fois mieux notre affaire
Pour rimer lentement, et faire
À loisir nos petits tableaux.
 
Griffonner sur des bouts de tables.
Cela vaut mieux et c’est plus sûr
Que d’aller contempler l’azur
Et voir des sites admirables.

Mais je te plains plus qu’à demi,
Tu ne vois pas trop la nature
Et tu fais beaucoup d’écriture
Pour un peintre, mon cher ami.