L’Homme roux/L’Homme roux/09

La Librairie illustrée (p. 124-159).
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IX

Le lendemain, je me levai de très bonne heure ; je fis ma chambre moi-même, pour éviter de parler à cette Juliette, qui avait été cause de la terrible scène de la veille. La pauvre fille, c’était par trop grand intérêt pour moi qu’elle avait averti de ma fuite mon plus mortel ennemi. Hélas ! sans elle, j’aurais pu me dérober à toute cette honte : je serais devenue libre.

Je me mis à la fenêtre ; l’atmosphère me semblait étouffante dans l’appartement. Au dehors, l’air était doux ; un beau soleil, beau relativement à la saison, éclairait le ciel. Il allait faire une véritable journée de printemps, en plein hiver ; les froides brumes du matin s’étaient dissipées, laissant des gouttelettes scintillantes, suspendues à tous les brins d’herbe, à toutes les branches d’arbre. Ces mille petits regards limpides semblaient me dire : « Vois ! nous sommes des larmes, mais cela ne nous empêche pas de briller ! »

Le soleil, en glissant sur mes joues ses tièdes rayons, comme de bons baisers paternels, me disait : « Ellen, tu vois, je suis pâle ; je n’ai pas ma jeune chaleur de l’été, mais je fais encore sourire la terre ; il te faut sourire aussi. »

Le ciel, à peine bleu, ajoutait : « J’ai pourtant trouvé le moyen de redevenir pur. Demain j’aurai des nuages peut-être ; que t’importe, si je te parais radieux aujourd’hui ! »

Oh ! pensais-je, n’y a-t-il plus de tranquillité pour moi ? Serai-je la seule créature qui n’a point de repos en ce monde ? Ne pourrai-je faire cesser les affreuses palpitations de mon pauvre cœur ? Je le sens se débattre dans ma poitrine, ainsi qu’un malheureux oiseau blessé.

Je restai longtemps à cette fenêtre. Ce bain d’air pur fit beaucoup de bien à ma pauvre tête. Des ablutions d’eau glacée achevèrent de me donner une nouvelle vigueur.

En me coiffant, je me regardai attentivement dans mon miroir. Je n’avais jamais eu la moindre coquetterie, je pensais avoir un visage comme tout le monde. Il était donc bien vrai que Dieu m’avait fait le don funeste de la beauté !

À cet instant, où la souffrance, contrainte, devait altérer mes traits, ils gardaient encore leur expression régulière et douce. Mes yeux étaient aussi grands ; leur nuance était plus sombre et les rendait plus attachants. Mes lèvres gardaient leur chaud coloris, mon teint sa mate blancheur ; mes formes demeuraient aussi harmonieuses, aussi sveltes. Tout cela était de ces choses parfaitement insignifiantes au cœur, mais elle alimentaient la passion, et tout cela ne pourrait se détériorer que par le temps.

Je fis une toilette aussi simple que possible. Mon deuil, du reste, prêtait à la simplicité. Je regrettais seulement que le noir m’allât si bien. Ma robe de cachemire était tout unie ; j’avais mon tablier ordinaire ; seulement, au lieu d’être élégant, il était en soie noire, sans garniture aucune. On m’avait préparé une ceinture-écharpe en étoffe pareille à la robe : je la trouvai trop gracieuse, je repris une ceinture avec une boucle de bois durci. J’ôtai les parements des manches et du col ; je n’y laissai qu’une ruche de crêpe noir, puis, je tordis soigneusement mes cheveux, les lissant le mieux que je pus, n’en laissant voltiger aucun. Je pris de petits souliers sans talons, dont le bout ne passait pas sous la jupe. Je fourrai mes mains dans d’informes gants de peau de castor. Ces gants étaient fort laids ; ensuite, je me regardai encore : vraiment, je n’avais ainsi rien de remarquable. Je pouvais bien passer inaperçue, surtout auprès d’une femme très parée. On a beau dire, mais une toilette savante dispose énormément aux provocations.

Je repris, non sans un peu de plaisir, mon trousseau de clefs ; il me semblait, en le touchant, que je rentrais chez moi, après une longue absence.

Je sortis de ma chambre et trouvai presque en même temps tous les domestiques dans le corridor, courant ainsi que des chiens en quête de leur maître. La cuisinière fut la première à me dire :

— Est-ce que mistress ne nous commandera plus maintenant ?

— Je pense que si, mes amis. Ma sœur n’est pas très au courant des travaux du ménage ; en attendant qu’elle s’y mette, vous viendrez à moi, il ne faut pas l’ennuyer.

Ma réponse leur fit plaisir. J’ordonnai au cocher d’atteler pour neuf heures ; je lui dis que James voulait faire une promenade avec sa jeune femme ; j’espérais m’en débarrasser au moins pendant quelques instants et être agréable à Madge.

On m’étonna en me disant que l’ancien contremaître, fidèle à ses habitudes de travail, était à l’usine. Je m’empressai de rentrer chez moi après avoir distribué les tâches à chacun.

En passant devant la porte de Madge, celle-ci reconnut mon pas et m’appela. Elle n’était pas encore levée. La chambre nuptiale, que j’avais arrangée moi-même, donnait sur la route de Londres. C’était une fort belle chambre, à côté de celle de mon mari, qu’habitait à présent mon père. Les tentures étaient bleu foncé, les meubles en palissandre et bois de rose. Un épais tapis de moquette couvrait le parquet. Les rideaux de velours tombaient en lourdes draperies autour de l’alcôve et de la croisée ; au-dessus, j’avais disposé des stores de gaze teintés d’azur. De larges guipures frangeaient les rideaux.

Je ne sais rien de joli comme un joli intérieur de croisée. Le jour lui donne un reflet qui embellit toute la chambre. C’est là que les yeux viennent se reposer le plus souvent. Une croisée bien ornée donne un aspect agréable à toute une pièce, si mal meublée qu’elle soit.

Il y avait une chaise-longue des plus confortables ; des sièges bas où l’on eût eu envie de rêver des jours entiers. La cheminée, en marbre blanc, était garnie de deux magnifiques potiches du Japon et de deux vases longs en bronze doré, dans lesquels s’épanouissaient deux camélias roses venus des serres de Brest-square. La pendule était un cadeau de mon père ; le sujet, un peu malicieux, représentait un Vulcain couché aux pieds d’une Vénus.

Quand j’entrai, je constatai du désordre : le voile traînait à terre, la couronne était posée, sans soin, sur la chaise-longue. De ci, de là, la robe blanche, le corsage, le bouquet de fleurs d’oranger…

Madge s’étirait comme une chatte, dans son lit. Ses cheveux d’or retombaient, épars, autour d’elle ; sous les broderies de sa chemise, je voyais sa chair rose et fine comme les pétales des camélias.

Je vins embrasser ma sœur en hésitant ; elle me rendit mes caresses gaiement et me dit en essayant, mais en vain, de faire la moue :

— Comprends-tu James ? Il s’est levé à sept heures… C’est affreux !

Je fus de son avis. Nous parlâmes de choses et d’autres pendant cinq minutes. Elle se leva et je procédai à sa toilette moi-même. Une mère n’eut pas mis plus de soins. Sa robe était sombre aussi. J’en tirai tout le parti possible pour faire valoir les beautés de Madge, fort nombreuses. Je la coiffai et je puis dire que cette coiffure était amoureusement jolie. Jamais, même la veille, ma sœur n’avait été mieux. Elle se laissa tourner et retourner d’assez bonne grâce. Quand j’eus fini, elle se recula de quelques pas, devant la glace.

— Je crois, dit-elle, avec un joyeux sourire, qu’il m’admirera aujourd’hui autant qu’il l’a fait hier.

— Il t’a donc bien admirée, hier ? dis-je en étouffant un soupir d’angoisse.

— Ah ! tu as pu t’en rendre compte, il ne me disait rien… Il me dévorait des yeux, tout le temps.

Oh ! je m’en étais bien aperçue, et quels regards, mon Dieu !

Elle me demanda ensuite ce qu’il lui faudrait faire dans la maison, maintenant qu’elle en avait la responsabilité.

Je la suppliai de me laisser toute cette responsabilité, elle me dit :

— Que tu es bonne !

Et ne s’en inquiéta plus. Elle me parla à son aise de son amour pour son époux ; cet amour m’effrayait. Il y avait là un aveugle attachement. Elle mettait tant d’inconvenance même dans ce récit intime, que je le lui fis remarquer.

— C’est étrange, s’écria-t-elle, tu ne sauras donc rien aimer de ta vie, toi ?

J’avoue que je n’aurais jamais su aimer ainsi, car, au moment où j’écris ces lignes, je puis dire que la passion que je ressens, je la fuis, je n’ose en parler et n’hésite pas à la qualifier de mauvaise.

Je descendis au salon avec ma sœur ; je m’empressai d’aller veiller aux apprêts du déjeuner, dès que j’entendis James rentrer.

Le déjeuner se passa avec de la lassitude de part et d’autre. Mon père était soucieux ; il trouva les œufs trop cuits, le rosbeaf pas assez saignant, son porter détestable et les nouvelles politiques encore plus détestables.

Madge parlait de la promenade en voiture que, selon son désir, j’avais remise à l’après-midi. James parlait peu, mais il aurait voulu qu’on remît cette promenade à l’année suivante. Bon gré, mal gré, ils partirent après le déjeuner. J’eus un instant de repos, que je mis à profit en étudiant un morceau de musique que m’avait offert autrefois milady Stow.

Le soir eut une teinte moins triste. On causa à dîner ; je remarquai que James était plus prévenant pour sa jeune femme. Je m’applaudis de la course en voiture. On fit de la musique après dîner. Je jouai, avec Madge, un morceau à quatre mains qu’elle savait bien, le seul, du reste, qu’elle sût parfaitement. James, contre mon attente, s’anima en nous écoutant. J’avais une glace devant moi ; je voyais que cet être si brutal dans tous ses goûts comprenait, écoutait la musique !… Cela me fit espérer pour l’avenir. J’espérai, rien qu’en le voyant prêter l’oreille en amateur, qu’un jour la vie élégante qui allait être sienne atténuerait, petit à petit, la grossièreté de ses allures ! J’oubliais, malheureusement, qu’il y a, dans les forêts, certaines bêtes fauves que la musique trouve sensibles, mais qui ne perdent point, pour cela, leurs sauvages appétits.

Avant de nous retirer dans nos appartements, nous nous serrâmes tous la main en nous adressant, chacun, des vœux de bon avenir. James me pressa légèrement le bout des doigts ; ses yeux tombèrent sur mes vilains gants : il eut un mouvement de répulsion. J’en fus extrêmement contente et j’allai me coucher avec un doux sentiment de reconnaissance pour Dieu qui sait mettre des bornes à ce qui nous a paru d’abord infini.

Pendant quatre ou cinq mois, ma situation ne changea point vis-à-vis de mon beau-frère ; nous nous évitions sans affectation, et nous n’avions, entre nous, que les relations strictement nécessaires.

Nous ne nous parlions jamais que devant témoins et bien rarement nous nous rencontrions seuls. Si cela arrivait, nos regards ne se rencontraient pas, eux ; nos visages restaient impassibles.

Pour Madge, James était attentionné autant que le comportait sa nature. Il la traitait en enfant et cédait à ses caprices avec une gaieté railleuse, parfois amère, qui m’inquiétait souvent, mais elle y était habituée ; elle se figurait être son tyran ; elle l’était, peut-être, dans les petites questions, mais dans les grandes, il la dominait complètement. Du reste, elle ne résistait pas avec lui.

James s’occupait beaucoup de l’usine ; les affaires marchaient à souhait, mieux même qu’au temps de mon mari.

On fit plusieurs améliorations dans le cottage et dans les forges. James s’était arrangé de manière à livrer tout son fer à Londres pour ne pas s’éloigner pendant longtemps de chez lui.

Au printemps, il me rendit ses comptes comme il le faisait autrefois à sir Veedil. On pouvait se considérer comme au plus haut point de prospérité commerciale.

Il me demanda conseil à propos d’un contremaître à prendre. Il ne pouvait suffire au travail de bureau qu’il repassait souvent à mon père ; celui-ci ne s’en amusait pas beaucoup et me le donnait à faire, à son tour, en cachette.

Je chargeai Hortwer de nous chercher un homme de confiance. Ma principale occupation durant tout cet hiver avait été de rendre Madge la plus séduisante des épouses. Ce n’était pas difficile ; mais je savais que si je ne surveillais pas ma sœur, elle se laisserait aller à son naturel paresseux.

Pour plaire à un mari comme le sien, elle avait si peu de frais à faire, prétendait-elle, que ce n’était pas la peine de se soigner. Je savais, moi, que James avait besoin d’être excité. Sa femme l’aimait en aveugle, hélas ! cet amour ne lui suffisait pas.

Je rendis à ma sœur ses goûts de luxe ; je la forçai de faire, avec son mari, des excursions en voiture, dans tous les environs de Londres. Je ne sais rien de tel que les conseils que donne la belle nature à un homme quand il est à côté d’une jolie femme.

J’obtins qu’ils iraient au théâtre et dans beaucoup d’autres réunions publiques. James refusa d’abord nettement d’y assister ; le fait est que le monde élégant ne devait pas lui plaire. Cependant, il s’y habitua. Ces jours-là, Madge, parée par moi, rayonnait de grâces et de séductions. Elle s’était mise, d’après mes idées, l’éducation de son mari en tête. Elle arriva à le rendre moins rude. Ce qu’il apprit, surtout, à cette école, fut de savoir un peu mieux dissimuler ses mauvais penchants. La jeunesse se polit facilement en dépit des vices de tempérament. Les vices d’entraînement peuvent disparaître au contact de gens distingués : ce furent ceux-là qui s’en allèrent les premiers. Il ne regardait plus les cartes qu’avec indifférence et il buvait modérément.

Par exemple, à l’usine, il conservait toujours son ton bref et sec ; mais, devant nous, il disait : « Madge, ma chère petite ! » avec une voix presque douce. Je reprenais confiance ; je pensais avec joie au moment où l’aversion, faisant place à l’oubli, James me ferait sentir qu’il fallait que je m’éloignasse de Peddry. Car, s’il m’avait oubliée, il devait avoir grande hâte de ne plus se trouver continuellement en face de la femme qui possédait un secret pareil au mien. J’aurais pris la fuite, cette fois, en me considérant bien heureuse, j’aurais laissé, derrière moi, un homme repentant et la tranquillité de ma sœur eut été à peu près assurée.

Comme il n’est pas permis d’avoir un repos complet, ce fut vers ce temps-là que ma santé commença à s’altérer. La perpétuelle anxiété dans laquelle j’avais vécu pendant deux ans, influa sur moi et je sentis, de temps en temps, de fortes palpitations de cœur. Je me gardai bien d’en parler au docteur Hortwer et je m’occupai de ce mal le moins possible, car il eût attiré, nécessairement, l’attention sur ma personne.

Nous étions au printemps. La nature s’était enfin dépouillée de son blanc linceul. Sous cet appareil de mort, il s’était fait des prodiges de vie.

Les arbres gonflaient les bourgeons de leurs branches, la pelouse redevenait verte, la touffe de roseaux, dont j’avais coupé les grands panaches, allongeait de jeunes pousses de tous les côtés.

Dans la campagne, les buissons s’encombraient de passereaux qui, sans se déranger, prenaient la mousse au pied des buissons et montaient au premier étage pour y installer leurs nids.

Les bouleaux secouaient, en tremblotant d’aise, les brindilles de leur faîte où pointaient déjà des feuilles. Les champs d’avoine et d’orge avaient un tout autre aspect ; les babys recommençaient leurs jeux devant le cottage ; c’était un signe de beau temps. Les enfants sentent très bien la fin de l’hiver et, comme les oiseaux, s’agitent bien plus bruyamment à l’approche de la chaleur.

C’était fête, l’usine ne travaillait pas ces jours-là, Madge était à Londres avec notre père ; son mari était dans les environs, chez un de ses ouvriers, malade ; moi, j’avais eu à écouter patiemment le long discours du révérend pasteur de Wolwich, je revenais avec nos domestiques ; la marche m’avait un peu fatiguée.

Pendant que je me reposais sur le canapé du salon, Juliette et la cuisinière étaient allées dans la cour de l’usine causer avec le cocher et le valet de chambre. J’entendais rire les femmes et aboyer le gros Burrague ; ils s’amusaient.

Je montai chez moi ; je posai mon châle et mon chapeau, puis, je redescendis au salon faire de la musique. Je ne jouais jamais qu’étant seule ; je savais que la musique impressionnait vivement James. Je m’en donnais donc à cœur joie, lorsqu’un bruit léger me fit tourner la tête. Je fus stupéfaite en voyant un homme derrière moi. Je me levai vivement et allai vers lui :

— Comment, dis-je en souriant, vous étiez là, Raglle ?

William Raglle était là, en effet, qui m’écoutait, les yeux fixes. C’était un petit jeune homme, chétif, au regard doux et timide ; il avait des favoris blond filasse qui lui donnaient un aspect des plus fades.

Raglle était une découverte du docteur Hortwer. Il nous avait fourni ce garçon pour en faire un contre-maître et, je dois le dire, il n’entendait absolument rien à son métier.

En revanche, Raglle adorait la musique et les morceaux de flûte, en particulier. Pour entendre une mélodie française ou un air de flûte quelconque, il aurait vendu à vil prix tout le fer de la maison. Malgré notre amitié pour Hortwer, nous étions bien décidés à renvoyer ce contre-maître mélomane.

— Mistress, mes sincères excuses ; je me présente d’une façon très incivile. Pardon, mistress, mais je passais, j’ai entendu ces divins accords ; j’allais de M…, chez le baronnet sir Stow, pour une commande, je suis entré inconsidérément… je…

— Allons, répondis-je doucement, je connais votre passion musicale ; vous êtes tout excusé, Raglle.

Je me remis au piano et, pendant qu’il s’en allait à reculons, je jouai rapidement quelque chose de criard qui ressemblait à un air de flûte.

Il était sur le perron lorsque j’eus achevé mon morceau. Au même moment, j’entendis Raglle pousser une exclamation et se confondre, selon son ordinaire, en excuses extravagantes.

Une voix dure, que je reconnus en frissonnant, lui répondit ; ensuite, les deux hommes entrèrent dans le bureau, ils n’en ressortirent que longtemps après. De nouveau, la voix de William s’éleva :

— Ah ! James, où vais-je aller ? Je n’étais pas prévenu… je ne savais absolument rien de votre décision.

— Cela m’est bien indifférent. Je vous souhaite de la santé, Raglle.

— James, reprit la voix chevrotante, je n’ai pas de chance !

— Tant pis, je n’y peux rien. Du reste, vous êtes payé.

On se salua très froidement, sans doute, et je vis William s’en aller très vite. À travers les rideaux de la croisée, je le vis se diriger, non du côté de Londres, mais du côté de Wolwich.

J’étais anxieuse. James entra. Il était vêtu d’un costume de velours vert qui donnait beaucoup de grâce à sa tournure et à son visage toujours d’une pâleur chaude. Ses yeux étaient très animés ; un sourire sardonique errait sur ses lèvres.

Je fus intimidée et je me mis à chercher des morceaux dans mon casier pour lui cacher mon trouble. Il alla se jeter sur le canapé en face du piano.

— Vous pouvez jouer, Ellen, je vous en prie, je serai un auditeur aussi attentif que William.

J’eus froid au cœur. Je m’assis sur le tabouret, je laissai tomber mes mains sur le clavier. La conduite de James était étrange ! Combien y avait-il qu’il n’était jamais resté plus d’une minute seul avec moi ?…

— Eh bien, vous ne jouez pas ?

Je ne pouvais rien répondre. Il vint derrière moi.

— Il me semble, dit-il d’une voix sourde, que vous ne faisiez pas tant de difficultés-, tout à l’heure, pour William.

Je me levai, rouge d’indignation.

— James !… ce garçon est entré sans que je puisse m’en douter. Je vous assure que s’il est venu, il n’y a pas de ma faute !… Et quand je jouerais devant lui, je n’y vois point à redire, surtout de votre part.

Il haussa les épaules.

— Ce sera la dernière fois que ce William vous écoutera, Ellen ; je viens de lui régler son compte. Je pense que vous ne regretterez pas le protégé de votre docteur Hortwer.

J’étais épouvantée.

— Mon Dieu ! m’écriai-je, vous l’avez renvoyé, James ?

— Oui. Qu’est-ce que cela peut vous faire ?

Je fermai mon piano et je voulus m’en aller. Il se plaça sur mon passage.

— Ellen, vous allez jouer, dit-il d’un ton impératif, ou je croirai que ce n’est que pour ceux qui vous plaisent que vous le faites.

— James, je n’ai d’ordre à recevoir de personne, et un ordre de vous, c’est plus qu’un ordre, c’est une insulte !

— De sorte que vous refusez ?

— Je refuse !

— Bien, très bien, je suis content d’avoir renvoyé ce garçon-là, alors !… très content !

Il se promenait en ricanant et ne s’éloignait pas, de façon à m’empêcher de sortir.

— Voulez-vous me laisser passer ? dis-je en essayant de me contenir encore.

— Non !… Faites ce que je vous demande.

J’étais atterrée ; je le croyais complètement guéri !

J’allai près de la fenêtre ; il y vint aussi. Je me retournai ; pour la première fois, nos yeux se rencontrèrent.

— James ! oh ! James…, balbutiai-je douloureusement.

— Quoi… Ellen ? dit-il avec un sourire.

Nous restâmes silencieux. J’eusse donné tout au monde pour voir, sur la route, le tilbury ramenant Madge.

Il y avait un fauteuil à côté de moi ; James s’y agenouilla à demi. Il posa son coude sur le dossier et, appuyant son menton sur sa main, il me regarda. Il paraissait très calme ; pas un muscle de sa physionomie ne bougeait ; seulement, je lisais clairement, au fond de son œil ardent, que sa passion était là, toujours la même, mais plus dangereuse, car elle était plus profonde. J’étais immobile, retenant mon souffle comme si j’avais peur d’éveiller James. On ne peut pas soutenir pendant une seconde un regard fixe, surtout un regard pareil. Je sentis tout mon sang refluer vers mon cœur, qui se prit à battre affreusement.

J’eus l’idée d’ouvrir la fenêtre.

— Non, dit-il, prenez-en votre parti. Vous feriez mieux d’être au piano. Je vous assure que vous y seriez plus en sûreté.

Je savais que la résistance le mettait hors de lui. Je retournai à ma place.

— Que désirez-vous que je vous joue ? dis-je en affectant une parfaite tranquillité.

— Peu importe, Ellen.

Il vint se placer derrière moi, je commençai un morceau classique à grand effet ; un de ces concertos qui font beaucoup de bruit, éblouissent sans aller au cœur.

Dès les premières mesures, il m’arrêta d’un éclat de rire sec.

— Assez, dit-il, assez ; je suis libre de choisir !

— Alors, choisissez.

Je lui tendis un paquet de morceaux. Il feuilleta un instant ; je le vis hésiter entre une valse allemande et un air de Donizetti. C’était la plus belle romance de Lucie qu’il me donna ; j’étais désespérée.

Mais, James, murmurai-je, je ne sais pas jouer cela, je…

— Voici la première fois que je vous prends en mensonge, Ellen.

— Quand me l’avez-vous entendue jouer ?

— Tenez, il y a deux jours. J’étais là (il désignait la porte), je passais ; je me suis arrêté, car j’ai de suite reconnu que ce n’était pas Madge. J’ai trouvé cet air magnifique, bien que je ne doive pas m’y connaître autant que William.

J’eus un geste de colère, il répéta sa phrase en riant.

— Ne continuez pas, ou je me retire à l’instant !

— Allons, chère Ellen, soyez bonne pour moi comme vous l’êtes pour tout le monde ; je ne vous en demande pas davantage.

Il vit qu’une larme glissait lentement sur ma joue.

— Bon, murmura-t-il, vous allez pleurer maintenant.

— Je ne pleure que parce que vous m’y forcez. Allons reculez-vous ; quand j’aurai fini, peut-être serez-vous satisfait.

— Sinon, je serai plus difficile que Raglle.

Je ne relevai pas la seconde allusion, je commençai le morceau. Je jouai avec désespoir, c’est-à-dire admirablement. J’avais juste le sentiment qu’il fallait pour bien interpréter le chef-d’œuvre.

James s’approcha, puis il glissa doucement à mes pieds, mit sa tête sur mes genoux et éclata en sanglots comme un enfant.

Je joignis les mains, éperdue.

— Cette fois, m’écriai-je, il faudra partir ; j’ai cru au repos. J’ai fait un beau rêve, voilà tout.

James se releva :

— Eh bien ! oui, pars tout de suite, si tu veux. C’est trop de souffrance pour un homme qui t’aime autant que je t’aime. Va-t-en, et ne reviens jamais ! J’ai compris que j’avais fait maintenant tout ce qu’il est en mon pouvoir de faire. Toi, plus tu cherches à t’effacer, plus je te vois. Tu essayes de m’éblouir avec Madge, que tu tiens devant toi comme un bouclier. C’est toujours elle que je trouve, c’est toujours toi que je cherche. Quand j’ai vu ce William ici, je ne sais pas toutes les folies qui me sont venues à la tête ! Je l’ai renvoyé, mais en arrivant, je n’en avais pas l’intention. Je revenais pour te voir, seulement, je ne serais pas entré, je serais resté près de la fenêtre ; je le fais souvent quand tu ne peux t’en douter…

Il s’arrêta ; les mots se pressaient sur ses lèvres tremblantes. Pour s’arrêter, il fut obligé de se mordre la bouche. Il tourna deux fois autour de la chambre ; il n’était pas calmé.

— Vous allez être satisfait de votre conduite, James ; demain, je ne serai plus au cottage.

— Oh ! j’en suis satisfait, oui !… Je te dis que ce supplice m’aurait rendu fou. Adieu, Ellen… Où allez-vous ?… Je ne vous inquiéterai pas dans votre retraite ; dites-moi où vous allez…

Il me prit la main.

— Adieu, adieu, répéta-t-il avec passion. Non, ne me dis pas où tu vas, car j’irais t’y chercher ; ce serait plus fort que moi.

Je m’enfuis hors du salon ; je m’enfermai dans ma chambre et, là, je demeurai pendant une heure complètement anéantie, n’ayant pas même la force de penser.

Madge revint rieuse, enchantée, babillant à perdre haleine sur tout ce qu’elle avait vu à Londres. Mon père était aussi content que ma sœur. Pendant tout le dîner, ce fut un bavardage continuel de leur part. Moi, je m’efforçais de sourire. On s’aperçut bien que j’avais quelque chose. James prit la parole et me sauva en disant que j’avais une migraine atroce. Il vint à moi dans le salon, et, en attendant le thé, il m’offrit de faire une promenade sur la pelouse. Il mit, à cette offre, une grâce si charmante, que Madge s’écria :

— Tu ne peux pas refuser.

J’acceptai, rouge de honte ; dès que nous fûmes dehors, je lui dis :

— Allez me chercher le flacon de ma sœur.

Il y alla et je courus du côté de la barrière pour qu’il ne me trouvât pas. J’avais si peu de forces que je ne pus ouvrir cette barrière. Il revint avec le flacon, je pris son bras.

— Ellen, appuyez-vous, ne craignez rien ; je vois que vous souffrez trop ; je ne vous ferai plus de mal.

Hélas, il aurait bien pu ne pas m’en faire du tout. Je n’osais pas me servir de cet appui ; à chaque instant, j’avais un éblouissement, je chancelais. Il s’arrêta.

— C’est étrange, me dit-il à voix basse, je n’aurais jamais cru qu’une femme pût lutter ainsi ! Ellen, vous me haïssez donc bien ?…

— Mon Dieu, James, vous ne savez donc pas ce que c’est que l’honneur ? Vous ne comprenez pas l’odieuse situation que vous me faites ? vous, le mari de ma sœur !… Son mari, mon frère presque…

— Moi, je ne comprends qu’une chose, c’est que je suis en proie à une torture horrible et que je voudrais qu’elle cessât !…

— Oui, James, c’est l’égoïsme seul qui vous fait agir.

— Oh ! pourquoi as-tu voulu ce mariage ?… Ellen, pourquoi Madge s’est-elle placée entre nous deux ?…

— Taisez-vous, rentrons…

— Déjà !… Non. Demain, tu dois partir ; je ne te verrai plus… plus jamais, peut-être… encore une minute…

Il me conduisit au fond de la pelouse. Il y avait là un banc de verdure où nous allions travailler quelquefois avec Madge. Il me força à m’asseoir. Du reste, j’aurais été incapable de lui résister ; les battements de mon cœur m’étouffaient.

Il prit place à côté de moi. Il faisait une nuit ravissante ; des frissons de brise venaient de la campagne, tout chargés de parfums sauvages. Les étoiles étaient semées, pressées dans le ciel sombre comme des paillettes d’or sur un velours.

Je voyais James immobile, la bouche entr’ouverte, se rapprocher de moi.

— Est-ce que tu t’en iras bien loin ? demanda-t-il d’une voix douce comme une caresse.

— Je ne sais pas.

— Tu partiras demain ?

— Je ne sais pas… si je souffre autant, peut-être…

— Oh ! alors, je voudrais te voir souffrir beaucoup.

Il prit ma main, l’arracha de dessus mon sein, la posa sur ses lèvres.

— Si tu veux la laisser là, je te jure de ne plus rien dire.

Je voulus la retirer, il prit l’autre et m’attira à lui.

— Ellen, un peu d’amour, si peu que tu voudras… dis-moi seulement que tu ne me hais pas autant !

— Toujours ! dis-je en détournant la tête avec horreur, je vous méprise, et, si j’en avais la force, voyez-vous, j’appellerais Madge.

Je sentais que je m’en allais complètement… Cependant, il ne fallait pas s’évanouir, sous peine de faiblesse morale. Je devais rester ce que j’avais été jusqu’à ce jour ; forte contre la souffrance même ! Cette souffrance, elle me tordait le cœur !…

Il m’entoura de ses deux bras.

— Je crois, dit-il, que si tu me disais, maintenant, que tu m’aimes, tu me tuerais !

— Si je croyais vous tuer ainsi, James, je vous méprise assez pour vous laisser vivre !

— Comme tu parles bas ! C’est à peine si je puis t’entendre… Vois, pour t’entendre, Ellen, il faut que je rapproche mon visage du tien.

Nos deux fronts se touchèrent. Je voyais ses dents éclater dans les ténèbres qui m’entouraient, comme un rayon livide.

Le rayon disparut et ses lèvres vinrent s’appuyer, brûlantes, sur chacun de mes traits. Je sentais un flot de sang me monter à la gorge ; je ne pouvais crier.

— Si tu veux, Ellen, demain, tu ne partiras pas seule…

— Ayez pitié de moi, James, je vous en conjure, ayez pitié de moi !…

— As-tu pitié de celui qui t’aime ?… Lui dis-tu une parole de tendresse ?… rien qu’une ; c’est si peu, pour toute une passion comme la mienne !

Il mit sa main derrière moi et m’ôta mon peigne d’écaille ; mes cheveux, que j’avais grand’peine à maintenir en ordre et à cacher, se détendirent. Ils tombèrent sur lui, se déroulèrent jusqu’au sol. Il laissa mon visage pour les couvrir de baisers.

— Figure-toi, Ellen, que depuis deux mois, j’avais envie de voir cela. Tu te dissimules tellement, tu me dérobes si bien toutes tes beautés, que j’ai le désir constant de les voir ! C’est un mauvais moyen, Ellen, que celui que tu as pris. Si tu laissais flotter ta chevelure, ainsi que le fait ta sœur, je n’aurais pas le même plaisir à la toucher maintenant !

En conscience, quel moyen fallait-il prendre avec cet homme ?

Les bras qui m’enserraient me semblaient de fer ; mais à ce moment, il se passa une chose étrange en mon être.

J’étais brisée par la douleur physique et morale ; je ne pouvais ni parler, ni crier, ni faire un mouvement.

Soudain, en appuyant sur sa poitrine mon cœur qui ne battait presque plus, contre le sien qui bondissait, je sentis une force nouvelle se répandre dans tout mon corps, une énergie indomptable se glissa dans tous mes sens ; c’était une réaction qui chassait rapidement la crise de nerfs. Cette force, c’était James, lui-même, qui me la donnait ; la passion est la frénésie de la vie, arrivée à son paroxysme ; il est bien difficile de ne pas brûler au contact de cette flamme ! Libres, tous deux, à ce moment, je l’eusse aimé, peut-être ; arrêtée par mon devoir, je tournai la volonté que je lui avais prise contre lui ; je me levai, je le repoussai ; je me dégageai de son étreinte avec une rapidité qui l’étonna, car il me croyait presque sans conscience ; je lui pris le bras et nous nous dirigeâmes vers le cottage. Il voulut rétrograder ; je mis les deux mains sur ses épaules :

— James, lui dis-je, vous allez m’obéir !… Courez aux remises ; faites seller un cheval et allez me chercher le docteur Hortwer. Vous n’êtes pas en état de paraître devant votre femme ; cette course en pleine nuit vous remettra les esprits ; puis, j’ai besoin du docteur.

Je me hâtai de relever mes cheveux ; j’entendais Madge qui m’appelait d’une des fenêtres. Ma coiffure refaite, je poussai James.

— Mais, va donc ! murmurai-je d’une voix frémissante, j’expliquerai tout à Madge.

Il disparut en courant.

Je rentrai au salon, ma sœur vint à moi.

— Tu es restée bien longtemps… Oh ! mon Dieu, comme tu es changée !

— Je suis, en effet, si malade, ma chère Madge, que j’ai envoyé ton mari me chercher le docteur Hortwer. Il est parti depuis qu’il m’a donné ton flacon.

Madge n’eut pas l’ombre d’un doute sur sa physionomie. Elle monta avec moi dans ma chambre et me fit coucher, malgré mon désir de rester encore debout.

Deux mortelles heures se passèrent et James rentra, accompagné du docteur, qui avait l’air très épouvanté, selon son habitude.

Je priai Madge de se retirer, ainsi que mon père.

— Docteur Hortwer, dis-je, je ne me crois pas sérieusement souffrante ; ce n’est pas un conseil de médecin que je vous demande, mais un service d’ami. Je viens d’avoir, avec mon beau-frère, une très grave discussion au sujet de nos intérêts ; vous savez que dans les familles, les intérêts trop unis se divisent tout à coup.

Aujourd’hui, j’ai voulu connaître ma position dans ce cottage que j’ai donné à ma sœur. Mon beau-frère, dans son ingratitude, est allé jusqu’à l’insulte. Je ne puis rester ici ; seulement, pour en sortir, une difficulté se présente. Ma sœur ne sait rien ; je l’aime par-dessus tout et ne voudrais, pour rien au monde, troubler son ménage. Il faut trouver un prétexte pour m’éloigner d’ici sans qu’elle sache le véritable motif de cet éloignement. Quant à rester deux jours de plus à Peddry, je suis trop fière pour le souffrir.

Vous allez me trouver le prétexte, vous me découvrirez une maladie dangereuse et vous direz qu’il me faut suivre un traitement très sérieux à Londres même. Rédigez pour l’instant n’importe quelle ordonnance. Vous entendez, je veux être partie demain ou après-demain. En attendant, vous restez au cottage.

Le docteur était abasourdi.

— Comment, s’écria-t-il, ce James ! Quel monstre !… c’est inouï. Ah ! mon excellente mistress, vous serez guérie d’écouter toujours cette folle de miss Madge !

— Votre ordonnance, docteur ?

Il comprit que je voulais partir à tout prix ; il rédigea je ne sais quelle ordonnance et me donna la main.

— Je vous promets de faire selon vos désirs, chère mistress. Ah ! ce contremaître, il relève le front maintenant, il chasse sa bienfaitrice !

Je rougissais malgré moi ; ce moyen n’était pas loyal, mais cet homme ne méritait pas un scrupule.

Toute la nuit, le cottage fut en l’air. Madge, éplorée, ne se coucha pas. Le docteur gourmandait tout le monde.

Juliette commençait à faire les malles. Je n’avais pas encore l’idée bien arrêtée pour Londres ; cependant, je savais la ville assez grande pour cacher ma pauvre personne.

Le lendemain, je me levai ; mon père était fort inquiet. Une fois la fille aînée partie, le principal rouage manquait à la maison. Pourtant, personne n’eut l’idée d’y penser beaucoup. On s’occupait plus de ma santé, et, sous ce rapport-là, je n’avais pas besoin de jouer la comédie.

James était sombre. Il me fit offrir par sa femme tout l’argent que je voudrais. Heureusement que le docteur n’entendit pas Madge au moment où elle me faisait cette offre. Je pris juste ce qui m’était dû ; je pensais que le travail me fournirait ce qu’il faudrait si j’avais envie de m’en aller ailleurs. Je pouvais donner des leçons de piano ou broder, travail que j’exécutais dans la perfection.

Enfin, deux jours après, je partis, accompagnée de mon père et de ma sœur. Le docteur m’avait donné l’adresse d’un de ses amis ; là, je verrais ce que j’avais à faire.

Au moment de monter en voiture, James, que je n’avais pas vu la veille, arriva de l’usine. Il me balbutia quelques banales paroles d’amitié ; ce fut à peine s’il me serra la main.

On partit… la maison disparut dans un tourbillon de poussière. Je baissai mon voile pour cacher les larmes qui me brûlaient la vue.