L’Homme qui rit (éd. 1907)/II-8-VII

Texte établi par Gustave SimonLibrairie Ollendorff ([volume 9] [Section A.] Roman, tome VIII.p. 479-491).

VII

les tempêtes d’hommes pires que les tempêtes d’océans

Les portes se refermèrent ; l’huissier de la verge noire rentra ; les lords commissaires quittèrent le banc d’état et vinrent s’asseoir en tête du banc des ducs, aux places de leurs charges, et le lord-chancelier prit la parole :

— Mylords, la délibération de la chambre étant depuis plusieurs jours sur le bill qui propose d’augmenter de cent mille livres sterling la provision annuelle de son altesse royale le prince mari de sa majesté, le débat ayant été épuisé et clos, il va être procédé au vote. Le vote sera pris, selon l’usage, à partir du puîné du banc des barons. Chaque lord, à l’appel de son nom, se lèvera et répondra content ou non content, et sera libre d’exposer ses motifs de vote, s’il le juge à propos. Clerc, appelez le vote.

Le clerc du parlement debout, ouvrit un large in-folio exhaussé sur un pupitre doré, qui était le Livre de la Pairie.

Le puîné de la chambre à cette époque était lord John Hervey, créé baron et pair en 1705, duquel sont issus les marquis de Bristol.

Le clerc appela :

— Mylord John, baron Hervey.

Un vieillard en perruque blonde se leva et dit :

— Content.

Puis se rassit.

Le sous-clerc enregistra le vote.

Le clerc continua :

— Mylord Francis Seymour, baron Conway de Killultagh.
— Content, murmura en se soulevant à demi un élégant jeune homme à figure de page, qui ne se doutait point qu’il était le grand-père des marquis d’Hertford.
— Mylord John Leveson, baron Gower, reprit le clerc.

Ce baron, d’où devaient sortir les ducs de Sutherland, se leva et dit en se rasseyant :

— Content.

Le clerc poursuivit :

— Mylord Heneage Finch, baron Guernesey.

L’aïeul des comtes d’Aylesford, non moins jeune et non moins élégant que l’ancêtre des marquis d’Hertford, justifia sa devise Aperto vivere voto par la hauteur de son consentement.

— Content, cria-t-il.

Pendant qu’il se rasseyait, le clerc appelait le cinquième baron :

— Mylord John, baron Granville.
— Content, répondit, tout de suite levé et rassis, lord Granville de Potheridge, dont la pairie sans avenir devait s’éteindre en 1709.

Le clerc passa au sixième.

— Mylord Charles Mountague, baron Halifax.
— Content, dit lord Halifax, porteur d’un titre sous lequel s’était éteint le nom de Saville et devait s’éteindre le nom de Mountague. Mountague est distinct de Montagu et de Mountacute.

Et lord Halifax ajouta :

— Le prince Georges a une dotation comme mari de sa majesté ; il en a une autre comme prince de Danemark, une autre comme duc de Cumberland, et une autre comme lord haut-amiral d’Angleterre et d’Irlande, mais il n’en a point comme généralissime. C’est là une injustice. Il faut faire cesser ce désordre, dans l’intérêt du peuple anglais.

Puis lord Halifax fit l’éloge de la religion chrétienne, blâma le papisme, et vota le subside.

Lord Halifax rassis, le clerc repartit :

— Mylord Christoph, baron Barnard.

Lord Barnard, de qui devaient naître les ducs de Cleveland, se leva à l’appel de son nom.

— Content.

Et il mit quelque lenteur à se rasseoir, ayant un rabat de dentelle qui valait la peine d’être remarqué. C’était du reste un digne gentilhomme et un vaillant officier que lord Barnard.

Tandis que lord Barnard se rasseyait, le clerc, qui lisait de routine, eut quelque hésitation. Il raffermit ses lunettes et se pencha sur le registre avec un redoublement d’attention, puis, redressant la tête, il dit :

— Mylord Fermain Clancharlie, baron Clancharlie et Hunkerville.

Gwynplaine se leva :

— Non content, dit-il

Toutes les têtes se tournèrent. Gwynplaine était debout. Les gerbes de chandelles placées des deux côtés du trône éclairaient vivement sa face, et la faisaient saillir dans la vaste salle obscure avec le relief qu’aurait un masque sur un fond de fumée.

Gwynplaine avait fait sur lui cet effort qui, on s’en souvient, lui était, à la rigueur, possible. Par une concentration de volonté égale à celle qu’il faudrait pour dompter un tigre, il avait réussi à ramener pour un moment au sérieux le fatal rictus de son visage. Pour l’instant, il ne riait pas. Cela ne pouvait durer longtemps ; les désobéissances à ce qui est notre loi, ou notre fatalité, sont courtes ; parfois l’eau de la mer résiste à la gravitation, s’enfle en trombe et fait une montagne, mais à la condition de retomber. Cette lutte était celle de Gwynplaine. Pour une minute qu’il sentait solennelle, par une prodigieuse intensité de volonté, mais pour pas beaucoup plus de temps qu’un éclair, il avait jeté sur son front le sombre voile de son âme ; il tenait en suspens son incurable rire ; de cette face qu’on lui avait sculptée, il avait retiré la joie. Il n’était plus qu’effrayant.

— Qu’est cet homme ? ce fut le cri.

Un frémissement indescriptible courut sur tous les bancs. Ces cheveux en forêt, ces enfoncements noirs sous les sourcils, ce regard profond d’un œil qu’on ne voyait pas, le modelé farouche de cette tête mêlant hideusement l’ombre et la lumière, ce fut surprenant. Cela dépassait tout. On avait eu beau parler de Gwynplaine, le voir fut formidable. Ceux mêmes qui s’y attendaient ne s’y attendaient pas. Qu’on s’imagine, sur la montagne réservée aux dieux, dans la fête d’une soirée sereine, toute la troupe des tout-puissants réunie, et la face de Prométhée, ravagée par les coups de bec du vautour, apparaissant tout à coup comme une lune sanglante à l’horizon. L’Olympe apercevant le Caucase, quelle vision ! Vieux et jeunes, béants, regardèrent Gwynplaine.

Un vieillard vénéré de toute la chambre, qui avait vu beaucoup d’hommes et beaucoup de choses, et qui était désigné pour être duc, Thomas, comte de Warton, se leva effrayé.

— Qu’est-ce que cela veut dire ? cria-t-il. Qui a introduit cet homme dans la chambre ? Qu’on mette cet homme dehors.

Et apostrophant Gwynplaine avec hauteur :

— Qui êtes-vous ? d’où sortez-vous ?

Gwynplaine répondit :

— Du gouffre.

Et, croisant les bras, il regarda les lords.

— Qui je suis ? je suis la misère. Mylords, j’ai à vous parler.

Il y eut un frisson, et un silence. Gwynplaine continua.

— Mylords, vous êtes en haut. C’est bien. Il faut croire que Dieu a ses raisons pour cela. Vous avez le pouvoir, l’opulence, la joie, le soleil immobile à votre zénith, l’autorité sans borne, la jouissance sans partage, l’immense oubli des autres. Soit. Mais il y a au-dessous de vous quelque chose. Au-dessus peut-être. Mylords, je viens vous apprendre une nouvelle. Le genre humain existe.

Les assemblées sont comme les enfants ; les incidents sont leur botte à surprises, et elles en ont la peur, et le goût. Il semble parfois qu’un ressort joue, et l’on voit jaillir du trou un diable. Ainsi en France Mirabeau, difforme lui aussi.

Gwynplaine en ce moment sentait en lui un grandissement étrange. Un groupe d’hommes à qui l’on parle, c’est un trépied. On est, pour ainsi dire, debout sur une cime d’âmes. On a sous son talon un tressaillement d’entrailles humaines. Gwynplaine n’était plus l’homme qui, la nuit précédente, avait été, un instant, presque petit. Les fumées de cette élévation subite, qui l’avaient troublé, s’étaient allégées et avaient pris de la transparence, et là où Gwynplaine avait été séduit par une vanité, il voyait maintenant une fonction. Ce qui l’avait d’abord amoindri, à présent le rehaussait. Il était illuminé d’un de ces grands éclairs qui viennent du devoir.

On cria de toutes parts autour de Gwynplaine :

— Écoutez ! Écoutez !

Lui cependant, crispé et surhumain, réussissait à maintenir sur son visage la contraction sévère et lugubre, sous laquelle se cabrait le rictus, comme un cheval sauvage prêt à s’échapper. Il reprit :

— Je suis celui qui vient des profondeurs. Mylords, vous êtes les grands et les riches. C’est périlleux. Vous profitez de la nuit. Mais prenez garde, il y a une grande puissance, l’aurore. L’aube ne peut être vaincue. Elle arrivera. Elle arrive. Elle a en elle le jet du jour irrésistible. Et qui empêchera cette fronde de jeter le soleil dans le ciel ? Le soleil, c’est le droit. Vous, vous êtes le privilège. Ayez peur. Le vrai maître de la maison va frapper à la porte. Quel est le père du privilège ? le hasard. Et quel est son fils ? l’abus. Ni le hasard ni l’abus ne sont solides. Ils ont l’un et l’autre un mauvais lendemain. Je viens vous avertir. Je viens vous dénoncer votre bonheur. Il est fait du malheur d’autrui. Vous avez tout, et ce tout se compose du rien des autres. Mylords, je suis l’avocat désespéré, et je plaide la cause perdue. Cette cause, Dieu la regagnera. Moi, je ne suis rien, qu’une voix. Le genre humain est une bouche, et j’en suis le cri. Vous m’entendrez. Je viens ouvrir devant vous, pairs d’Angleterre, les grandes assises du peuple, ce souverain, qui est le patient, ce condamné, qui est le juge. Je plie sous ce que j’ai à dire. Par où commencer ? Je ne sais. J’ai ramassé dans la vaste diffusion des souffrances mon énorme plaidoirie éparse. Qu’en faire maintenant ? elle m’accable, et je la jette pêle-mêle devant moi. Avais-je prévu ceci ? non. Vous êtes étonnés, moi aussi. Hier j’étais un bateleur, aujourd’hui je suis un lord. Jeux profonds. De qui ? de l’inconnu. Tremblons tous. Mylords, tout l’azur est de votre côté. De cet immense univers, vous ne voyez que la fête ; sachez qu’il y a de l’ombre. Parmi vous je m’appelle lord Fermain Clancharlie, mais mon vrai nom est un nom de pauvre, Gwynplaine. Je suis un misérable taillé dans l’étoffe des grands par un roi, dont ce fut le bon plaisir. Voilà mon histoire. Plusieurs d’entre vous ont connu mon père, je ne l’ai pas connu. C’est par son côté féodal qu’il vous touche, et moi je lui adhère par son côté proscrit. Ce que Dieu a fait est bien. J’ai été jeté au gouffre. Dans quel but ? pour que j’en visse le fond. Je suis un plongeur, et je rapporte la perle, la vérité. Je parle, parce que je sais. Vous m’entendrez, mylords. J’ai éprouvé. J’ai vu. La souffrance, non, ce n’est pas un mot, messieurs les heureux. La pauvreté, j’y ai grandi ; l’hiver, j’y ai grelotté ; la famine, j’en ai goûté ; le mépris, je l’ai subi ; la peste, je l’ai eue ; la honte, je l’ai bue. Et je la revomirai devant vous, et ce vomissement de toutes les misères éclaboussera vos pieds et flamboiera. J’ai hésité avant de me laisser amener à cette place où je suis, car j’ai ailleurs d’autres devoirs. Et ce n’est pas ici qu’est mon cœur. Ce qui s’est passé en moi ne vous regarde pas ; quand l’homme que vous nommez l’huissier de la verge noire est venu me chercher de la part de la femme que vous nommez la reine, j’ai eu un moment l’idée de refuser. Mais il m’a semblé que l’obscure main de Dieu me poussait de ce côté, et j’ai obéi. J’ai senti qu’il fallait que je vinsse parmi vous. Pourquoi ? à cause de mes haillons d’hier. C’est pour prendre la parole parmi les rassasiés que Dieu m’avait mêlé aux affamés. Oh ! ayez pitié ! Oh ! ce fatal monde dont vous croyez être, vous ne le connaissez point ; si haut, vous êtes dehors ; je vous dirai, moi, ce que c’est. De l’expérience, j’en ai. J’arrive de dessous la pression. Je puis vous dire ce que vous pesez. Ô vous, les maîtres, ce que vous êtes, le savez-vous ? Ce que vous faites, le voyez-vous ? Non. Ah ! tout est terrible. Une nuit, une nuit de tempête, tout petit, abandonné, orphelin, seul dans la création démesurée, j’ai fait mon entrée dans cette obscurité que vous appelez la société. La première chose que j’ai vue, c’est la loi, sous la forme d’un gibet ; la deuxième, c’est la richesse, c’est votre richesse, sous la forme d’une femme morte de froid et de faim ; la troisième, c’est l’avenir, sous la forme d’un enfant agonisant ; la quatrième, c’est le bon, le vrai et le juste, sous la figure d’un vagabond n’ayant pour compagnon et pour ami qu’un loup.

En ce moment, Gwynplaine, pris d’une émotion poignante, sentit lui monter à la gorge les sanglots, ce qui fit, chose sinistre, qu’il éclata de rire.

La contagion fut immédiate. Il y avait sur l’assemblée un nuage ; il pouvait crever en épouvante, il creva en joie. Le rire, cette démence épanouie, prit toute la chambre. Les cénacles d’hommes souverains ne demandent pas mieux que de bouffonner. Ils se vengent ainsi de leur sérieux.

Un rire de rois ressemble à un rire de dieux ; cela a toujours une pointe cruelle. Les lords se mirent à jouer. Le ricanement aiguisa le rire. On battit des mains autour de celui qui parlait, et on l’outragea. Un pêle-mêle d’interjections joyeuses l’assaillit, grêle gaie et meurtrissante.

— Bravo, Gwynplaine ! — Bravo, l’Homme qui Rit ! — Bravo, le museau de la Green-Box ! — Bravo, la hure du Tarrinzeau-field ! — Tu viens nous donner une représentation. C’est bon ! bavarde ! — En voilà un qui m’amuse ! — Mais rit-il bien, cet animal-là ! — Bonjour, pantin ! — Salut à lord Clown ! — Harangue, va ! — C’est un pair d’Angleterre, ça ! — Continue ! — Non ! non ! — Si ! si !

Le lord-chancelier était assez mal à son aise.

Un lord sourd, James Butler, duc d’Ormond, faisant de sa main à son oreille un cornet acoustique, demandait à Charles Beauclerk, duc de Saint-Albans :

— Comment a-t-il voté ?

Saint-Albans répondait :

— Non content.
— Parbleu, disait Ormond, je le crois bien. Avec ce visage-là !

Une foule échappée — les assemblées sont des foules — ressaisissez-la donc. L’éloquence est un mors ; si le mors casse, l’auditoire s’emporte, et rue jusqu’à ce qu’il ait désarçonné l’orateur. L’auditoire hait l’orateur. On ne sait pas assez cela. Se raidir sur la bride semble une ressource, et n’en est pas une. Tout orateur l’essaie. C’est l’instinct. Gwynplaine l’essaya.

Il considéra un moment ces hommes qui riaient.

— Alors, cria-t-il, vous insultez la misère. Silence, pairs d’Angleterre ! juges, écoutez la plaidoirie. Oh ! je vous en conjure, ayez pitié ! Pitié pour qui ? Pitié pour vous. Qui est en danger ? C’est vous. Est-ce que vous ne voyez pas que vous êtes dans une balance et qu’il y a dans un plateau votre puissance et dans l’autre votre responsabilité ? Dieu vous pèse. Oh ! ne riez pas. Méditez. Cette oscillation de la balance de Dieu, c’est le tremblement de la conscience. Vous n’êtes pas méchants. Vous êtes des hommes comme les autres, ni meilleurs, ni pires. Vous vous croyez des dieux, soyez malades demain, et regardez frissonner dans la fièvre votre divinité. Nous nous valons tous. Je m’adresse aux esprits honnêtes, il y en a ici ; je m’adresse aux intelligences élevées, il y en a ; je m’adresse aux âmes généreuses, il y en a. Vous êtes pères, fils et frères, donc vous êtes souvent attendris. Celui de vous qui a regardé ce matin le réveil de son petit enfant est bon. Les cœurs sont les mêmes. L’humanité n’est pas autre chose qu’un cœur. Entre ceux qui oppriment et ceux qui sont opprimés, il n’y a de différence que l’endroit où ils sont situés. Vos pieds marchent sur des têtes, ce n’est pas votre faute. C’est la faute de la Babel sociale. Construction manquée, toute en surplombs. Un étage accable l’autre. Écoutez-moi, je vais vous dire. Oh ! puisque vous êtes puissants, soyez fraternels ; puisque vous êtes grands, soyez doux. Si vous saviez ce que j’ai vu ! Hélas ! en bas, quel tourment ! Le genre humain est au cachot. Que de damnés, qui sont des innocents ! Le jour manque, l’air manque, la vertu manque ; on n’espère pas ; et, ce qui est redoutable, on attend. Rendez-vous compte de ces détresses. Il y a des êtres qui vivent dans la mort. Il y a des petites filles qui commencent à huit ans par la prostitution et qui finissent à vingt ans par la vieillesse. Quant aux sévérités pénales, elles sont épouvantables. Je parle un peu au hasard, et je ne choisis pas. Je dis ce qui me vient à l’esprit. Pas plus tard qu’hier, moi qui suis ici, j’ai vu un homme enchaîné et nu, avec des pierres sur le ventre, expirer dans la torture. Savez-vous cela ? non. Si vous saviez ce qui se passe, aucun de vous n’oserait être heureux. Qui est-ce qui est allé à Newcastle-on-Tyne ? Il y a dans les mines des hommes qui mâchent du charbon pour s’emplir l’estomac et tromper la faim. Tenez, dans le comté de Lancastre, Ribblechester, à force d’indigence, de ville est devenue village. Je ne trouve pas que le prince Georges de Danemark ait besoin de cent mille guinées de plus. J’aimerais mieux recevoir à l’hôpital l’indigent malade sans lui faire payer d’avance son enterrement. En Caërnarvon, à Traith-maur comme à Traith-bichan, l’épuisement des pauvres est horrible. À Strafford, on ne peut dessécher le marais, faute d’argent. Les fabriques de draperie sont fermées dans tout le Lancashire. Chômage partout. Savez-vous que les pêcheurs de hareng de Harlech mangent de l’herbe quand la pêche manque ? Savez-vous qu’à Burton-Lazers il y a encore des lépreux traqués, et auxquels on tire des coups de fusil s’ils sortent de leurs tanières ? À Ailesbury, ville dont un de vous est lord, la disette est en permanence. À Penck-ridge en Coventry, dont vous venez de doter la cathédrale et d’enrichir l’évêque, on n’a pas de lits dans les cabanes, et l’on creuse des trous dans la terre pour y coucher les petits enfants, de sorte qu’au lieu de commencer par le berceau, ils commencent par la tombe. J’ai vu ces choses-là. Mylords, les impôts que vous votez, savez-vous qui les paie ? Ceux qui expirent. Hélas ! vous vous trompez. Vous faites fausse route. Vous augmentez la pauvreté du pauvre pour augmenter la richesse du riche. C’est le contraire qu’il faudrait faire. Quoi, prendre au travailleur pour donner à l’oisif, prendre au déguenillé pour donner au repu, prendre à l’indigent pour donner au prince ! Oh oui, j’ai du vieux sang républicain dans les veines. J’ai horreur de cela. Ces rois, je les exècre ! Et que les femmes sont effrontées ! On m’a conté une triste histoire. Oh ! je hais Charles II ! Une femme que mon père avait aimée s’est donnée à ce roi, pendant que mon père mourait en exil, la prostituée ! Charles II, Jacques II ; après un vaurien, un scélérat ! Qu’y a-t-il dans le roi ? un homme, un faible et chétif sujet des besoins et des infirmités. À quoi bon le roi ? Cette royauté parasite, vous la gavez. Ce ver de terre, vous le faites boa. Ce ténia, vous le faites dragon. Grâce pour les pauvres ! Vous alourdissez l’impôt au profit du trône. Prenez garde aux lois que vous décrétez. Prenez garde au fourmillement douloureux que vous écrasez. Baissez les yeux. Regardez à vos pieds. Ô grands, il y a des petits ! ayez pitié. Oui ! pitié de vous ! car les multitudes agonisent, et le bas en mourant fait mourir le haut. La mort est une cessation qui n’excepte aucun membre. Quand la nuit vient, personne ne garde son coin de jour. Êtes-vous égoïstes ? sauvez les autres. La perdition du navire n’est indifférente à aucun passager. Il n’y a pas naufrage de ceux-ci sans qu’il y ait engloutissement de ceux-là. Oh ! sachez-le, l’abîme est pour tous.

Le rire redoubla, irrésistible. Du reste, pour égayer une assemblée, il suffisait de ce que ces paroles avaient d’extravagant.

Être comique au dehors, et tragique au dedans, pas de souffrance plus humiliante, pas de colère plus profonde. Gwynplaine avait cela en lui. Ses paroles voulaient agir dans un sens, son visage agissait dans l’autre ; situation affreuse. Sa voix eut tout à coup des éclats stridents :

— Ils sont joyeux, ces hommes ! C’est bon. L’ironie fait face à l’agonie. Le ricanement outrage le râle. Ils sont tout-puissants ! C’est possible. Soit. On verra. Ah ! je suis un des leurs. Je suis aussi un des vôtres, ô vous les pauvres ! Un roi m’a vendu, un pauvre m’a recueilli. Qui m’a mutilé ? Un prince. Qui m’a guéri et nourri ? Un meurt-de-faim. Je suis lord Clancharlie, mais je reste Gwynplaine. Je tiens aux grands, et j’appartiens aux petits. Je suis parmi ceux qui jouissent et avec ceux qui souffrent. Ah ! cette société est fausse. Un jour viendra la société vraie. Alors il n’y aura plus de seigneurs, il y aura des vivants libres. Il n’y aura plus de maîtres, il y aura des pères. Ceci est l’avenir. Plus de prosternement, plus de bassesse, plus d’ignorance, plus d’hommes bêtes de somme, plus de courtisans, plus de valets, plus de rois, la lumière ! En attendant, me voici. J’ai un droit, j’en use. Est-ce un droit ? Non, si j’en use pour moi. Oui, si j’en use pour tous. Je parlerai aux lords, en étant un. Ô mes frères d’en bas, je leur dirai votre dénûment. Je me dresserai avec la poignée des haillons du peuple dans la main, et je secouerai sur les maîtres la misère des esclaves, et ils ne pourront plus, eux les favorisés et les arrogants, se débarrasser du souvenir des infortunés, et se délivrer, eux les princes, de la cuisson des pauvres, et tant pis si c’est de la vermine, et tant mieux si elle tombe sur des lions !

Ici Gwynplaine se tourna vers les sous-clercs agenouillés qui écrivaient sur le quatrième sac de laine.

— Qu’est-ce que c’est que ces gens qui sont à genoux ? Qu’est-ce que vous faites là ? Levez-vous, vous êtes des hommes.

Cette brusque apostrophe à des subalternes qu’un lord ne doit pas même apercevoir, mit le comble aux joies. On avait crié bravo, on cria hurrah ! Du battement des mains on passa au trépignement. On eût pu se croire à la Green-Box. Seulement, à la Green-Box le rire fêtait Gwynplaine, ici il l’exterminait. Tuer, c’est l’effort du ridicule. Le rire des hommes fait quelquefois tout ce qu’il peut pour assassiner.

Le rire était devenu une voie de fait. Les quolibets pleuvaient. C’est la bêtise des assemblées d’avoir de l’esprit. Leur ricanement ingénieux et imbécile écarte les faits au lieu de les étudier et condamne les questions au lieu de les résoudre. Un incident est un point d’interrogation. En rire, c’est rire de l’énigme. Le sphinx, qui ne rit pas, est derrière.

On entendait des clameurs contradictoires :

— Assez ! assez ! — Encore ! encore !

William Farmer, baron Leimpster, jetait à Gwynplaine l’affront de Ryc-Quiney à Shakespeare :

Histrio ! mima !

Lord Vaughan, homme sentencieux, le vingt-neuvième du banc des barons, s’écriait :

— Nous revoici au temps où les animaux péroraient. Au milieu des bouches humaines, une mâchoire bestiale a la parole.
— Écoutons l’âne de Balaam, ajoutait lord Yarmouth.

Lord Yarmouth avait l’air sagace que donne un nez rond et une bouche de travers.

— Le rebelle Linnœus est châtié dans son tombeau. Le fils est la punition du père, disait John Hough, évêque de Lichfield et de Coventry, dont Gwynplaine avait effleuré la prébende.
— Il ment, affirmait lord Cholmley, le législateur légiste. Ce qu’il appelle la torture, c’est la peine forte et dure, très bonne peine. La torture n’existe pas en Angleterre.

Thomas Wentworth, baron Raby, apostrophait le chancelier.

— Mylord chancelier, levez la séance !
— Non ! non ! non ! qu’il continue ! il nous amuse ! hurrah ! hep ! hep ! hep !

Ainsi criaient les jeunes lords ; leur gaîté était de la fureur. Quatre surtout étaient en pleine exaspération d’hilarité et de haine. C’étaient Laurence Hyde, comte de Rochester, Thomas Tufton, comte de Thanet, et le vicomte Hatton, et le duc de Montagu.

— À la niche, Gwynplaine ! disait Rochester.
— À bas ! à bas ! à bas ! criait Thanet.

Le vicomte Hatton tirait de sa poche un penny, et le jetait à Gwynplaine. Et John Campbell, comte de Greenwich, Savage, comte Rivers, Thompson, baron Haversham, Warrigton, Escrik, Rolleston, Rockingham, Carteret, Langdale, Banester Maynard, Hundson, Caërnarvon, Cavendish, Burlington, Robert Darcy, comte de Holderness, Other Windsor, comte de Plymouth, applaudissaient.

Tumulte de pandémonium ou de panthéon dans lequel se perdaient les paroles de Gwynplaine. On n’y distinguait que ce mot : Prenez garde !

Ralph, duc de Montagu, récemment sorti d’Oxford et ayant encore sa première moustache, descendit du banc des ducs où il siégeait dix-neuvième, et alla se poser les bras croisés en face de Gwynplaine. Il y a dans une lame l’endroit qui coupe le plus et dans une voix l’accent qui insulte le mieux, Montagu prit cet accent-là, et, ricanant au nez de Gwynplaine, lui cria :

— Qu’est-ce que tu dis ?
— Je prédis, répondit Gwynplaine.

Le rire fit explosion de nouveau. Et sous ce rire grondait la colère en basse continue. Un des pairs mineurs, Lionel Cranseild Sackville, comte de Dorset et de Middlesex, se leva debout sur son banc, ne riant pas, grave comme il sied à un futur législateur, et, sans dire un mot, regarda Gwynplaine avec son frais visage de douze ans en haussant les épaules. Ce qui fit que l’évêque de Saint-Asaph se pencha à l’oreille de l’évêque de Saint-David assis à côté de lui, et lui dit, en montrant Gwynplaine : — Voilà le fou ! et en montrant l’enfant : — Voilà le sage !

Du chaos des ricanements se dégageaient des exclamations confuses : — Face de gorgone ! — Que signifie cette aventure ? — Insulte à la Chambre ! — Quelle exception qu’un tel homme ! — Honte ! honte ! — Qu’on lève la séance ! — Non ! qu’il achève ! — Parle, bouffon !

Lord Lewis de Duras, les mains sur les hanches, criait : — Ah ! que c’est bon de rire ! ma rate est heureuse. Je propose un vote d’actions de grâces ainsi conçu : La Chambre des lords remercie la Green-Box.

Gwynplaine, on s’en souvient, avait rêvé un autre accueil.

Qui a gravi dans le sable une pente à pic toute friable au-dessus d’une profondeur vertigineuse, qui a senti sous ses mains, sous ses ongles, sous ses coudes, sous ses genoux, sous ses pieds, fuir et se dérober le point d’appui, qui, reculant au lieu d’avancer sur cet escarpement réfractaire, en proie à l’angoisse du glissement, s’enfonçant au lieu de gravir, descendant au lieu de monter, augmentant la certitude du naufrage par l’effort vers le sommet, et se perdant un peu plus à chaque mouvement pour se tirer de péril, a senti l’approche formidable de l’abîme, et a eu dans les os le froid sombre de la chute, gueule ouverte au-dessous de vous, celui-là a éprouvé ce qu’éprouvait Gwynplaine. Il sentait son ascension crouler sous lui, et son auditoire était un précipice.

Il y a toujours quelqu’un qui dit le mot où tout se résume.

Lord Scarsdale traduisit en un cri l’impression de l’assemblée :

— Qu’est-ce que ce monstre vient faire ici ?

Gwynplaine se dressa, éperdu et indigné, dans une sorte de convulsion suprême. Il les regarda tous fixement.

— Ce que je viens faire ici ? Je viens être terrible. Je suis un monstre, dites-vous. Non, je suis le peuple. Je suis une exception ? Non, je suis tout le monde. L’exception, c’est vous. Vous êtes la chimère, et je suis la réalité. Je suis l’Homme. Je suis l’effrayant Homme qui Rit. Qui rit de quoi ? De vous. De lui. De tout. Qu’est-ce que son rire ? Votre crime, et son supplice. Ce crime, il vous le jette à la face ; ce supplice, il vous le crache au visage. Je ris, cela veut dire : Je pleure.

Il s’arrêta. On se taisait. Les rires continuaient, mais bas. Il put croire à une certaine reprise d’attention. Il respira, et poursuivit :

— Ce rire qui est sur mon front, c’est un roi qui l’y a mis. Ce rire exprime la désolation universelle. Ce rire veut dire haine, silence contraint, rage, désespoir. Ce rire est un produit des tortures. Ce rire est un rire de force. Si Satan avait ce rire, ce rire condamnerait Dieu. Mais l’éternel ne ressemble point aux périssables ; étant l’absolu, il est le juste ; et Dieu hait ce que font les rois. Ah ! vous me prenez pour une exception ! Je suis un symbole. Ô tout-puissants imbéciles que vous êtes, ouvrez les yeux. J’incarne Tout. Je représente l’humanité telle que ses maîtres l’ont faite. L’homme est un mutilé. Ce qu’on m’a fait, on l’a fait au genre humain. On lui a déformé le droit, la justice, la vérité, la raison, l’intelligence, comme à moi les yeux, les narines et les oreilles ; comme à moi, on lui a mis au cœur un cloaque de colère et de douleur, et sur la face un masque de contentement. Où s’était posé le doigt de Dieu, s’est appuyée la griffe du roi. Monstrueuse superposition. Évêques, pairs et princes, le peuple, c’est le souffrant profond qui rit à la surface. Mylords, je vous le dis, le peuple, c’est moi. Aujourd’hui vous l’opprimez, aujourd’hui vous me huez. Mais l’avenir, c’est le dégel sombre. Ce qui était pierre devient flot. L’apparence solide se change en submersion. Un craquement, et tout est dit. Il viendra une heure où une convulsion brisera votre oppression, où un rugissement répliquera à vos huées. Cette heure est déjà venue, — tu en étais, ô mon père ! — cette heure de Dieu est venue, et s’est appelée République, on l’a chassée, elle reviendra. En attendant, souvenez-vous que la série des rois armés de l’épée est interrompue par Cromwell armé de la hache. Tremblez. Les incorruptibles solutions approchent, les ongles coupés repoussent, les langues arrachées s’envolent, et deviennent des langues de feu éparses au vent des ténèbres, et hurlent dans l’infini ; ceux qui ont faim montrent leurs dents oisives, les paradis bâtis sur les enfers chancellent, on souffre, on souffre, on souffre, et ce qui est en haut penche, et ce qui est en bas s’entr’ouvre, l’ombre demande à devenir lumière, le damné discute l’élu, c’est le peuple qui vient, vous dis-je, c’est l’homme qui monte, c’est la fin qui commence, c’est la rouge aurore de la catastrophe, et voilà ce qu’il y a dans ce rire, dont vous riez ! Londres est une fête perpétuelle. Soit. L’Angleterre est d’un bout à l’autre une acclamation. Oui. Mais écoutez : Tout ce que vous voyez, c’est moi. Vous avez des fêtes, c’est mon rire. Vous avez des joies publiques, c’est mon rire. Vous avez des mariages, des sacres et des couronnements, c’est mon rire. Vous avez des naissances de princes, c’est mon rire. Vous avez au-dessus de vous le tonnerre, c’est mon rire.

Le moyen de tenir à de telles choses ! le rire recommença, cette fois accablant. De toutes les laves que jette la bouche humaine, ce cratère, la plus corrosive, c’est la joie. Faire du mal joyeusement, aucune foule ne résiste à cette contagion. Toutes les exécutions ne se font pas sur des échafauds, et les hommes, dès qu’ils sont réunis, qu’ils soient multitude ou assemblée, ont toujours au milieu d’eux un bourreau tout prêt, qui est le sarcasme. Pas de supplice comparable à celui du misérable risible. Ce supplice, Gwynplaine le subissait. L’allégresse, sur lui, était lapidation et mitraille. Il était hochet, mannequin, tête de turc, cible. On bondissait, on criait bis, on se roulait. On battait du pied. On s’empoignait au rabat. La majesté du lieu, la pourpre des robes, la pudeur des hermines, l’in-folio des perruques, n’y faisait rien. Les lords riaient, les évêques riaient, les juges riaient. Le banc des vieillards se déridait, le banc des enfants se tordait. L’archevêque de Canterbury poussait du coude l’archevêque d’York. Henry Compton, évêque de Londres, frère du comte de Northampton, se tenait les côtes. Le lord-chancelier baissait les yeux pour cacher son rire probable. Et à la barre, la statue du respect, l’huissier de la verge noire, riait.

Gwynplaine, pâle, avait croisé les bras ; et, entouré de toutes ces figures, jeunes et vieilles, où rayonnait la grande jubilation homérique, dans ce tourbillon de battements de mains, de trépignements et de hourras, dans cette frénésie bouffonne dont il était le centre, dans ce splendide épanchement d’hilarité, au milieu de cette gaîté énorme, il avait en lui le sépulcre. C’était fini. Il ne pouvait plus maîtriser ni sa face qui le trahissait, ni son auditoire qui l’insultait.

Jamais l’éternelle loi fatale, le grotesque cramponné au sublime, le rire répercutant le rugissement, la parodie en croupe du désespoir, le contre-sens entre ce qu’on semble et ce qu’on est, n’avait éclaté avec plus d’horreur. Jamais lueur plus sinistre n’avait éclairé la profonde nuit humaine. Gwynplaine assistait à l’effraction définitive de sa destinée par un éclat de rire. L’irrémédiable était là. On se relève tombé, on ne se relève pas pulvérisé. Cette moquerie inepte et souveraine le mettait en poussière. Rien de possible désormais. Tout est selon le milieu. Ce qui était triomphe à la Green-Box était chute et catastrophe à la chambre des lords. L’applaudissement là-bas était ici imprécation. Il sentait quelque chose comme le revers de son masque. D’un côté de ce masque, il y avait la sympathie du peuple acceptant Gwynplaine, de l’autre la haine des grands rejetant lord Fermain Clancharlie. D’un côté l’attraction, de l’autre la répulsion, toutes deux le ramenant vers l’ombre. Il se sentait comme frappé par derrière. Le sort a des coups de trahison. Tout s’expliquera plus tard, mais en attendant, la destinée est piège et l’homme tombe dans des chausse-trapes. Il avait cru monter, ce rire l’accueillait ; les apothéoses ont des aboutissements lugubres. Il y a un mot sombre, être dégrisé. Sagesse tragique, celle qui naît de l’ivresse. Gwynplaine, enveloppé de cette tempête gaie et féroce, songeait.

À vau-l’eau, c’est le fou rire. Une assemblée en gaîté, c’est la boussole perdue. On ne savait plus où l’on allait, ni ce qu’on faisait. Il fallut lever la séance.

Le lord-chancelier, « attendu l’incident », ajourna la suite du vote au lendemain. La chambre se sépara. Les lords firent la révérence à la chaise royale et s’en allèrent. On entendit les rires se prolonger et se perdre dans les couloirs. Les assemblées, outre leurs portes officielles, ont dans les tapisseries, dans les reliefs et dans les moulures, toutes sortes de portes dérobées par où elles se vident comme un vase par des fêlures. En peu de temps, la salle fut déserte. Cela se fait très vite, et presque sans transition. Ces lieux de tumulte sont tout de suite repris par le silence.

L’enfoncement dans la rêverie mène loin, et l’on finit, à force de songer, par être comme dans une autre planète. Gwynplaine tout à coup eut une sorte de réveil. Il était seul. La salle était vide. Il n’avait pas même vu que la séance avait été levée. Tous les pairs avaient disparu, même ses deux parrains. Il n’y avait plus çà et là que quelques bas officiers de la chambre attendant pour mettre les housses et éteindre les lampes que « sa seigneurie » fût partie. Il mit machinalement son chapeau sur sa tête, sortit de son banc, et se dirigea vers la grande porte ouverte sur la galerie. Au moment où il franchit la coupure de la barre, un door-keeper le débarrassa de sa robe de pair. Il s’en aperçut à peine. Un instant après, il était dans la galerie.

Les hommes de service qui étaient là remarquèrent avec étonnement que ce lord était sorti sans saluer le trône.