L’Homme à la longue barbe/3. Séjour à Bordeaux
CHAPITRE III.
Séjour à Bordeaux.
Il revint alors auprès de sa mère. Une réputation de bravoure l’avait précédé à Bordeaux ; il la justifia bientôt et valut autant qu’elle. Il se déclara le champion du faible et de l’opprimé ; et comme il se lia avec les jeunes héritiers des premières familles du pays, ils purent sous son égide afficher impunément l’insolence et la fatuité.
Aussi beau que brave, on n’appelait Duclos que le Superbe. La fortune de sa mère et celle d’une dame qu’il eut pour maîtresse, lui laissant la facilité d’aller de pair avec tout ce qu’il y avait de plus riche à Bordeaux, il donna bientôt le ton à toute la ville. Son budget pour le compte du tailleur seulement se montait à dix-huit cents francs par mois. Il changeait de linge deux ou trois fois par jour ; et pour offrir une idée encore plus juste du taux auquel s’élevait sa dépense, il se servait de mouchoirs de Madras de quarante et cinquante francs, en guise de crochets de bottes.
C’est ainsi qu’il se maintenait toujours digne du nom de Superbe, qu’on lui avait unanimement décerné ; et c’est à la faveur de ce nom, qu’il savait soutenir, qu’il préluda aux conquêtes les plus capables de flatter son amour-propre. Aussi fut-il, dans cette période de sa vie, l’épouvantail et la terreur des maris par sa force de corps extraordinaire et son adresse dans les armes, et le favori des dames, qu’il se captiva toujours par les manières les plus brillantes, le son de voix le plus mélodieux, la proportion et la beauté de ses formes et le feu de ses regards.