Dumont (p. 13--).


VIII


Quinze jours se passèrent, pendant lesquels Alfred causa de l’inquiétude à ses amis. Le colonel de Talmont, son ami et son frère d’armes, tenta vainement de le faire parler… rien n’éclairait cette figure sombre et malheureuse… Un soir cependant il parla… ce fut sur le suicide !

C’est une action que nul n’a le droit de blâmer, dit le général… on est maître de sa vie… et lorsque le fardeau devient trop pesant…! Ses amis frémirent…

Le lendemain, on porta plusieurs porcelaines d’un grand prix et de fort belles pièces d’orfévrerie, qui avaient appartenu à Sarah, chez madame de Talmont avec une lettre du général.

« Adieu, mon ami ; pardonnez-moi de vous quitter ; mais la vie est trop lourde… je ne puis plus la supporter… je vais rejoindre Sarah… La grâce que je demande à votre amitié, c’est de me rejoindre à elle… que nous soyons ensemble, non seulement dans le même cercueil mais dans le même linceul !… et là-haut nous prierons pour vous. Adieu, mon ami… ne me plaignez pas… il fallait me plaindre de lui survivre !… »

Le colonel n’avait pas achevé la lecture de cette lettre… il courut rue du Helder, à l’hôtel du général… tout y était calme… il interroge les domestiques… rien… il espère que le malheur n’est pas encore accompli… il court à la chambre à coucher… tout y est encore fermé… il ouvre, tire les rideaux et voit son ami, dont le visage n’est pas même altéré… Alfred ! s’écrie-t-il… et se précipitant sur lui, ce mouvement dérange la couverture, il voit le lit rempli de sang… Afred s’était tiré un coup de pistolet au cœur… Dans sa main gauche étaient les gants blancs, la ceinture et la couronne nuptiale de fleurs d’oranger de Sarah.