L’Exercice du pouvoir/Partie VII/25 octobre 1936

Gallimard (p. 330-341).

La semaine suivante, poursuivant ses contacts avec le pays, Léon Blum se rendit à Toulouse, puis à Narbonne. Le discours, radiodiffusé, prononcé à Narbonne, le 25 octobre, à la veille de la rentrée parlementaire, s’attache moins aux réformes déjà accomplies, qu’à celles envisagées pour leur faire suite :

Je me retrouve auprès de vous pour la première fois depuis bientôt six mois. Je vous ai quittés au lendemain d’une élection que vous ne pouvez avoir oubliée tout à fait. J’étais, bien entendu, le candidat du Parti Socialiste, mais vous vous souvenez qu’en même temps une circonstance inattendue, et bien involontaire, avait donné à ma candidature un caractère spécial. À la suite du petit accident qui m’était advenu boulevard Saint-Germain, un matin de février, le Parti Radical avait résolu de ne pas m’opposer d’adversaire. Tous les républicains sincères et loyaux groupaient leurs bulletins de vote sur mon nom. S’il en avait été besoin, au second tour nos camarades communistes m’auraient apporté leur concours sans réserve. Après une courte campagne électorale dont les souvenirs retentissent encore en moi, je me suis donc trouvé non seulement l’élu du Parti Socialiste, mais l’élu du Rassemblement Populaire tout entier.

L’élection de Narbonne était à la fois le prélude et le présage des événements qui l’ont suivie. La victoire remportée ici dès le 26 avril, l’a été le 3 mai dans la France entière. Un Gouvernement s’est constitué, dont je n’ai pas besoin de définir, une fois de plus, le caractère. Non pas un Gouvernement socialiste ayant pour mandat d’appliquer le programme socialiste, non pas un Gouvernement fondé sur une coalition des partis prolétariens et ayant pour mandat d’appliquer le programme d’action commune arrêté d’accord entre socialistes et communistes, mais un Gouvernement de Front Populaire, fondé sur la coalition des partis groupés dans le Rassemblement Populaire, ayant pour mandat d’appliquer le programme délibéré et arrêté d’un commun accord avant la campagne électorale. Gouvernement présentant pourtant un caractère d’originalité et de nouveauté saisissant, puisque, pour la première fois dans notre pays, hors l’exception de la guerre, le Parti Socialiste participait au pouvoir ; puisque pour la première fois, et ici sans exception, le verdict des électeurs lui confiait la direction de la coalition gouvernementale ; puisque, pour la première fois, un Gouvernement recueillait l’appui et la collaboration de toutes les forces populaires, de toutes les forces prolétariennes organisées sur le plan politique ou corporatif.

Je puis bien, devant cet auditoire où mes camarades du Parti tiennent une si grande place, évoquer nos vieux débats sur la participation ministérielle. Vous savez quelle position j’y avais prise et à quelles appréhensions j’étais, pour ma part, le plus enclin. Le but du Parti Socialiste est la conquête du pouvoir politique, en vue de la transformation du régime de la propriété. C’est cette transformation sociale, dont la possession totale, intégrale du pouvoir politique est la condition nécessaire, que nous appelons, dans notre langage, la Révolution.

Mais, avant que les Partis Socialistes soient en mesure de conquérir le pouvoir pour fonder une société différente — et qu’ils croient meilleure — ils peuvent être appelés à l’exercer dans le cadre de la société présente. J’avais toujours redouté, beaucoup d’entre vous s’en souviennent, qu’une confusion ne s’établît dans l’esprit de la masse des travailleurs entre l’exercice du pouvoir et sa conquête. Je craignais qu’en voyant des socialistes installés au Gouvernement, ils ne fussent le jouet d’une dangereuse illusion, c’est-à-dire qu’ils attendissent de l’exercice du pouvoir les résultats que sa conquête seule pourrait procurer. Je considérais que ce danger se présentait dans des conditions à peu près analogues quelles que fussent les modalités de l’exercice, les socialistes exerçant le pouvoir seuls ou en collaboration avec d’autres partis, participant au Gouvernement que d’autres partis constitueraient, ou leur offrant une participation dans le Gouvernement qu’ils constitueraient eux-mêmes.

En revanche, j’avais toujours pensé et professé que, dans l’hypothèse où le Parti Socialiste exercerait une influence prépondérante sur la coalition gouvernementale, ces inconvénients inévitables pourraient trouver une compensation suffisante dans les avantages substantiels assurés à la masse des travailleurs dans l’accélération du rythme des réformes, dans une sorte de « prise directe » sur la classe ouvrière, entretenant en elle le sentiment persistant du contact et de l’intelligence réciproque.

C’est de ce point de vue qu’aujourd’hui, en présence de camarades et d’amis tels que vous, je suis tenté d’examiner l’œuvre accomplie pendant le temps à la fois si bref et si long de notre existence ministérielle. Je crois pouvoir dire, sans trop de présomption, que les contre-parties ont été largement assurées. À la fin de la session dernière, quelques instants avant de lire le décret de clôture, j’ai pu rappeler, devant la Chambre, notre Déclaration ministérielle en ponctuant chaque promesse de réforme de ces trois petits mots : « c’est fait ».

Les réformes votées en quelques semaines portent si loin, et par l’importance intrinsèque de chacune d’elles, et, par leur concordance, que nous pouvons presque nous flatter d’avoir fondé dans le pays la première assise d’un ordre nouveau. Nous avons opéré, dans les conditions matérielles et morales des travailleurs, les changements les plus profonds qui y aient été sans doute apportés depuis les débuts de la Troisième République. Nous avons transformé l’économie rurale du pays, en rehaussant le prix de vente des denrées agricoles essentielles au niveau de leur prix de revient, en commençant l’organisation des offices professionnels, en aménageant les dettes des producteurs paysans. Nous avons animé et entretenu un grand espoir, parce que nous l’avons en partie satisfait. Les signes de la renaissance économique commencent déjà à parcourir le pays tout entier.

Voilà les compensations aux périls que j’appréhendais.

Mais en considérant le temps écoulé avec un peu de recul, je n’ai même pas le sentiment que ce péril ait été aussi redoutable que je l’avais craint. On s’est plaint que certaines fractions de la classe ouvrière se soient montrées impatientes et exigeantes. Je ne veux pas rechercher ici ce que ces critiques ont de fondé, mais vraiment, s’il y a quelque chose d’admirable, quelque chose qui atteste l’intelligence et la culture politique, vraiment incomparables, du peuple français, c’est précisément que la constitution d’un Gouvernement comme le nôtre, après de telles élections, dans de telles circonstances, n’ait pas provoqué plus d’impatiences et d’exigences. La grande masse du pays a parfaitement compris ce que je craignais qu’elle ne comprît qu’imparfaitement. Elle s’est rendu compte, avec la plus fine exactitude, de ce qu’était un Gouvernement comme le nôtre, de ce qu’il peut réaliser, de ce qu’il peut vouloir. Elle a clairement mesuré les limites de notre volonté et de notre puissance.

Les adversaires de notre pays à l’intérieur et à l’extérieur s’acharnent à le dépeindre sous les plus sombres ou les plus violentes couleurs ; ils le montrent en proie à des secousses convulsives, menacé par le désordre et le chaos. En réalité j’observe dans la masse du pays une profonde sagesse, une prudente et savante clairvoyance et hier, avant de gagner cette ville en fête, j’ai traversé un pays en paix.

Mais, sans doute, attendiez-vous de moi, plutôt que ces considérations rétrospectives sur l’action passée, quelques informations inédites et sensationnelles sur l’action de demain. La date de rentrée du Parlement sera fixée après-demain mardi par le Conseil des ministres. Selon mon sentiment personnel, cette date sera très prochaine.

Les conseils généraux, vous vous en souvenez, sont convoqués pour le 16 novembre, et notre intention est de soumettre au Parlement, avant qu’ils ne se réunissent, un certain nombre de mesures qui rendront moins difficile l’établissement des budgets locaux.

Déjà, en vertu d’une autorisation qui nous était donnée par la loi monétaire, nous avons négocié avec le Crédit Foncier une convention permettant aux départements et aux communes de convertir et d’abaisser à un taux modique tous les emprunts contractés par eux auprès de cet établissement.

Une convention semblable est en voie de négociation avec la Caisse des Dépôts et Consignations. Un crédit de trois milliards ouvert au Crédit Foncier par la Banque de France permettra de réduire le taux de certains emprunts hypothécaires privés et d’alimenter la Caisse de crédit aux communes, qui deviendra prêteuse à bon compte, notamment pour les emprunts nécessaires à l’exécution du plan des grands travaux.

D’autre part, un important travail accompli pendant les vacances par la Commission chargée de l’examen et de la revision des finances locales, se traduira en dispositions législatives, libérant les budgets départementaux et communaux d’un certain nombre de charges.

Le Parlement sera saisi de ces dispositions dès le début de la session et les commissions de la Chambre seront en état de les examiner d’ici très peu de jours.

En même temps, nous comptons déposer sur le bureau de la Chambre cette loi sur la presse qui a déjà fait couler tant d’encre, avant que personne n’en connaisse les dispositions précises. J’ai déjà indiqué, dans des réunions plus privées que celle-ci, vers quel objet une législation de la presse devait tendre, selon moi : d’une part, fournir aux personnes privées les moyens de se défendre efficacement contre la diffamation, d’autre part, fournir à la puissance publique les moyens de contrôler les budgets et de vérifier les ressources d’entreprises dont le but est d’agir sur l’opinion du pays et auxquelles l’opinion a le droit de réclamer, en retour, des preuves de leur indépendance matérielle et de leur probité intellectuelle.

J’ai lu, dans je ne sais quelle feuille — ou plutôt on m’a dit avoir lu, car je ne la lis pas pour mon compte, — que le but secret de la loi nouvelle serait de protéger un de mes collègues, qui est en même temps un de mes plus chers camarades, contre des accusations abominables.

Je ne réponds pas aux hommes assez vils pour me prêter une telle pensée, mais je puis vous assurer, vous, que la réforme de la presse, telle que je la conçois et telle que je la soumettrai à mes collègues, permettra au contraire aux auteurs de diffamations d’administrer dans tous les cas la preuve des articulations considérées par la loi comme diffamatoires. La législation actuelle ne le permet pas ; on peut être condamné comme diffamateur quand on a dit la vérité. Je voudrais, quant à moi, que la preuve fût toujours ouverte, que la vérité fût toujours établie, mais que des condamnations civiles écrasantes, correspondant à la réalité du dommage, vinssent alors frapper le mensonge confondu.

Peut-être la Chambre pourra-t-elle se saisir, avant la clôture de la session extraordinaire de ces textes, dont des adversaires sans scrupules et sans honte se chargent chaque jour de prouver la nécessité.

Elle en achèverait donc le vote dès le début de janvier, et nous comptons alors saisir le Parlement de quelques grands projets complétant l’exécution du programme du Rassemblement Populaire. J’envisage, quant à moi, comme les plus urgents, ceux qui concernent l’assurance nationale contre les calamités agricoles, le fonds de protection nationale contre le chômage, l’assistance efficace des vieux travailleurs ou des travailleurs usés inscrits aujourd’hui à nos caisses de chômage, mais qu’une activité économique, même normale, même accrue, ne pourrait plus résorber.

Voilà donc un aperçu du prochain programme de réformes tel que je le conçois. Mais pour les semaines qui vont venir, il est clair qu’elles seront presque entièrement consacrées au vote du budget de 1937. Car nous sommes résolus à le faire voter avant la fin de l’année, sans douzièmes provisoires, et cela en dépit de toutes les circonstances qui auraient pu servir d’excuses à une pratique tant de fois employée par nos prédécesseurs : année d’élections générales, clôture de la session ordinaire à une date exceptionnellement tardive, nécessité de soumettre un certain nombre de crédits ou d’évaluations de recettes à la révision que l’alignement monétaire imposait, importance des changements d’ordre financier et d’ordre fiscal, que la loi de finances de 1937 doit consacrer.

C’est à mon ami Vincent Auriol que revient la tâche — ou le privilège — de faire connaître à l’opinion les caractéristiques essentielles du budget qu’il a élaboré. Je n’entends ni marcher sur ses brisées, ni déflorer ses effets. La seule remarque que je veuille me permettre à cet égard est de mon ressort plutôt que du sien, car elle est d’ordre non pas technique, mais politique.

J’assiste, et vous assistez, depuis une semaine ou deux, à un assez étrange spectacle. Personne ne sait encore ce que sera le projet de budget ; personne, sauf Vincent Auriol, ses collaborateurs directs, et, si vous permettez que je m’adjoigne à la liste, moi-même, qui suis le confident habituel de ses desseins.

Mais, sur ce budget, que personne ne connaît encore, voilà que les rumeurs les plus sinistres commencent déjà à circuler. Tantôt on dépeint avec des trémolos de commisération l’énormité du gouffre que laissera béant l’écart entre les dépenses et les recettes ; tantôt on vitupère avec des accents à la fois indignés et compatissants, sa cruauté envers le contribuable. Ce budget que personne ne connaît et dont tout le monde parle, il est même devenu l’un des instruments contondants employés pour disloquer le Front Populaire et briser le Gouvernement qui en est l’expression.

Ce qui complète le tableau, c’est que, parmi les censeurs les plus impitoyables, parmi ceux qui font, dès à présent, au budget de Vincent Auriol, l’avance de leur rigueur préventive, se trouvent quelques-uns des hommes dont la gestion personnelle a laissé les souvenirs… mettons les plus discutables. On dirait vraiment que l’échec personnel crée un droit à je ne sais quelle sévérité impitoyable pour les autres. Pardonnez-moi ce petit mouvement de mauvaise humeur, que vous ne jugerez peut-être pas sans excuses.

Mais je voudrais maintenant m’adresser à l’opinion impartiale. Tous les hommes de bonne foi, tous les hommes familiers avec les affaires publiques conviendront, j’en suis sûr, que le budget de 1937 présentait nécessairement un caractère de transition et de précarité. Établi honnêtement comme il l’a été, il était impossible qu’il ne prît pas en charge dans leur intégrité tous les suppléments de dépenses résultant de l’application des lois sociales, de l’alignement monétaire et, par contre, il était impossible qu’il escomptât, dans la limite des probabilités raisonnables, tous les suppléments de recettes qui apparaîtront en contre-partie du changement social, économique et monétaire.

Un ministre des Finances honnête et scrupuleux comme est Vincent Auriol, un ministre déterminé à ne pas s’en tirer par des jeux d’écritures ou des artifices de comptabilité budgétaire, se trouvait donc dans une situation difficile. Vous verrez cependant qu’il a résolu la difficulté sans ouvrir un gouffre béant de déficits, et que, son budget, sans perdre son caractère d’attente prudente et de transition, entamera courageusement l’œuvre de détente et d’équité fiscale inscrite dans le programme du Rassemblement.

Je souhaiterais que les quelques indications que j’ai fournies ici puissent couper court à la campagne que j’ai dénoncée, campagne qui touche à la fois les milieux politiques, les milieux de presse, les milieux de bourse. Son pire danger, c’est qu’elle s’attaque aux résultats de l’alignement monétaire, c’est que toutes les rumeurs ainsi répandues sur le budget, — la soi-disant impossibilité de l’établir, les soi-disant désaccords qui se seraient élevés à son sujet entre ministres, la soi-disant énormité du déficit qu’il ferait finalement apparaître — sont employées comme autant d’arguments nocifs, pour persuader à une portion crédule de l’opinion que l’alignement monétaire n’est pas définitif, que les parités actuelles du franc ne tiendront pas, qu’une nouvelle opération monétaire est à redouter demain pour compenser l’insuffisance de celle d’hier.

J’avertis dès à présent l’opinion qu’elle se trouvera d’ici peu de jours en présence d’un budget honnête, d’un budget en ordre, d’un budget à la fois hardi et sage, qui rencontrera auprès d’elle le même assentiment confiant et amical que toutes les mesures que nous avons précédemment proposées.

Au surplus, puis-je vous faire cet aveu ? Il faut que je sois bien naïf ou bien dépourvu de perspicacité, mais je n’aperçois pas à quels mobiles obéissent les fauteurs, les inspirateurs et les instruments de cette campagne. Il y a là, ou bien une aberration que j’ai peine à concevoir, ou bien une perfidie que le pays aurait plus de peine à excuser.

Tout se passe comme si dans certains cercles de l’opposition, c’est-à-dire de la réaction politique ou économique, on s’évertuait par tous les moyens à entraver, à paralyser les résultats bienfaisants de l’alignement monétaire.

Quoi qu’on en puisse penser par ailleurs, il n’est pas douteux que l’alignement monétaire, dans les conditions où il a été exécuté, devrait permettre la baisse du taux de l’intérêt, la hausse des valeurs de bourse et notamment de la rente, une circulation plus active des capitaux, une stimulation de la demande, c’est-à-dire de la consommation générale. Il est certain que l’intérêt public exigerait que ces résultats bienfaisants ne fussent pas contrariés par la hausse trop rapide des prix.

Or, tout se passe comme si un certain nombre d’adversaires de la majorité actuelle et du Gouvernement actuel se flattaient de les écraser sous l’échec de l’alignement monétaire, comme s’ils prenaient à tâche de peser en sens contraire sur les effets favorables et sur les conditions défavorables, de comprimer les uns et d’exagérer les autres.

En bourse on a joué à la baisse de la rente, on a tendu les reports, on a détourné ou on a effrayé la clientèle. Par contre, on accélère la hausse des prix, on raréfie le marché ; dans certains cas, on refuse de livrer les marchandises stockées ou de prendre des commandes nouvelles à prix et à délai fermes.

Y a-t-il vraiment des hommes qui cherchent aujourd’hui à nous atteindre à travers les intérêts vitaux du pays ? Y a-t-il des hommes qui puissent penser qu’ils ont intérêt à empêcher l’équilibre économique de se rétablir, à préparer de nouvelles difficultés sociales ? Je ne puis le croire. Mais si une telle entreprise était tentée, je suis convaincu qu’elle se heurterait à la volonté inébranlable de la majorité du Parlement et du pays.

Mais je suis bien sûr, au fond de moi-même, que ni la majorité du Parlement, ni la majorité du pays n’auront besoin de manifester leur force.

Il suffira, pour que ce genre de désordre soit apaisé, comme les autres, que certaines illusions et certaines espérances chimériques soient dissipées. Il suffira, qu’en même temps que le Gouvernement atteste sa fidélité au Front Populaire, le Front Populaire manifeste sans ambages sa fidélité au Gouvernement. Il suffira qu’on sache partout que la confiance qui lui est accordée n’est pas une confiance à terme, une confiance avec sursis, mais une confiance claire, ferme et durable ; et c’est ce que la majorité de Front Populaire au Parlement n’hésitera pas à répéter une fois de plus sitôt que la question lui sera posée. Il suffira que le pays manifeste sa volonté inébranlable d’assurer, suivant une formule célèbre, qui n’était pas celle d’un révolutionnaire, « le premier et le dernier mot » au suffrage universel.

Et au surplus, ce pays, dont on s’applique, vis-à-vis des opinions hostiles, à exagérer et à dramatiser les divisions, sur qui l’on montre déjà les discordes civiles suspendues, ce pays n’est-il pas plus uni et plus unanime qu’on voudrait nous le faire supposer ?

Qui oserait, dans ce pays, professer, sans s’exposer à la honte et à l’aversion unanime, qu’il place des intérêts privés ou des intérêts de caste au-dessus du bien-être de la masse des producteurs ? Qui oserait se déclarer l’ennemi de la liberté et des institutions démocratiques ? Qui oserait s’avouer hostile au progrès et à la justice sociale ? Qui oserait reconnaître qu’il cherche le progrès et la justice sociale dans la haine et dans la discorde civile ?

Les égoïsmes, les cupidités, les ambitions ne vont pas loin quand l’opinion quasi unanime du pays les contraint à avoir honte d’eux-mêmes. Voilà pourquoi je ne m’inquiète pas des manœuvres. Voilà pourquoi je reste convaincu, comme je l’affirmais il y a huit jours, devant la fédération du Parti Radical, dont j’étais l’hôte, que rien ne peut porter atteinte à la cohésion et à la solidité du Front Populaire.

J’achève par cet acte de confiance et d’espérance. Je sais, chers amis et chers camarades, à quel point il répond à vos sentiments et à vos vœux.