L’Espion libertin ou le Calendrier du plaisir/02

PETIT AVERTISSEMENT
i quelque admirateur des beautés de
la Nature, poussé par un besoin
naturel, ou inspiré par le pieux
désir de contempler l’ouvrage du
Créateur ; si quelque amant Protée, dis-je,
croyant trouver à l’adresse indiquée l’objet
qu’il aurait choisi, voyait son attente
trompée, qu’il ne murmure point contre
l’auteur de cet intéressant opuscule ; mais
qu’il sache que les bacchantes de Paris,
pour la conservation de leurs charmes,
évitent scrupuleusement le mauvais air ; et,
comme personne ne sent si fort qu’un créancier,
elles ont soin de déménager, une ou
deux fois par mois, afin d’éviter les réclamations
insupportables d’une vieille propriétaire
qui fait la réservée ; d’une couturière
coquette qui fait la prude, et d’une
petite marchande de modes qui fait l’innocente.
Or, au moment de mettre ce manuel sous presse, il eut été difficile de changer l’adresse de celles de ces demoiselles qui auraient pris de nouveaux appartements. Malgré cela, le lecteur peut être assuré que ces sortes d’erreurs ne sont point nombreuses. Toutes les précautions ont été prises four que ce petit dictionnaire réunisse à la justesse et à l’exactitude des noms et demeures, autant de ressemblance et de variété dans les portraits que d’impartialité dans les caractères, les mœurs et la conduite.
Jeunes gens, qui ne savez encore ce qui est le plus honorable, de se parer de la vertu des sages d’Athènes, ou de l’amabilité des jeunes Lacédémoniens ; cœurs tièdes ou pusillanimes, hommes timides qui avez un pied sur la route du plaisir, et l’autre dans le monde indifférent ; vous, enfin, que le désir tourmente et que la crainte accable, quel secours ne trouverez-vous pas dans cet ouvrage !
Heureux, si, lorsque les passions me dévorèrent, j’eusse trouvé, comme vous, un écrivain qui préférât aux lauriers du Parnasse le plaisir d’être utile à ses contemporains ! Je ne serais point exténué de fatigue, ni rongé par la jouissance ; et je rendrais, à celui qui m’aurait averti dans ses écrits, la reconnaissance et l’estime que je désire mériter de vous, mes chers lecteurs, en vous assurant que je suis le plus fidèle partisan de votre salut.