L’Escole des filles/3

(auteur présumé)
Texte établi par Poulet-Malassis, Bruxelles, aux dépens des dames de la rue des Cailles (p. 3-5).

EPISTRE INVITATOIRE
AUX FILLES


Belles et curieuses damoiselles, voici l’Escole de votre sagesse, et le recueil des principales choses que vous devez sçavoir pour contenter vos maris quand vous en aurez ; c’est le secret infaillible pour vous faire aimer des hommes quand vous ne seriez pas belles, et le moyen aysé de couler en douceurs et en plaisirs tout le temps de votre jeunesse.

C’est une foible raison, mes dames, que celle de vos mères, pour vous défendre de sçavoir les choses qui vous doivent servir un jour, de dire qu’elles ont peur que vous en usiez inconsiderement, et il vaudroit mieux, à mon advis, qu’elles vous en donnassent une pleine licence, afin qu’en choisissant vous-mêmes ce qui est bon, elles fissent esclater davantage par ce choix votre honesteté.

Aussi je veux croire, mes belles, qu’en ceste Escole vous prendrez seulement les choses qui vous sont propres, et que celles d’entre vous qui auront envie d’estre mariées auparavant n’useront point de ces préceptes que quand il en sera temps, là où les autres qui auront plus de haste et qui prendront des amis par avance pour en essayer, le feront avec tant d’adresse et de retenue devant le monde, qu’elles ne témoigneront rien qui puisse choquer tant soit peu la bienséance et l’honesteté. C’est une belle chose que l’honneur, dont il faut qu’une fille soit jalouse comme de sa propre vie ; elle ne doibt non plus estre sans cet ornement que sans robe, et certainement elle n’a pas l’honneur et l’esprit du monde quand elle n’a pas l’industrie et l’adresse de cacher ce qu’il ne faut pas qu’on sçache.

Je vous invite donc, mes belles, à lire soigneusement ces préceptes et à bien estudier les enseignements que Susanne donne à Fanchon ; ils sont d’autant plus exquis et considérables qu’ils partent d’une plume tout à fait spirituelle, et d’un homme de ce temps qui a esté aussi recommandable à la cour par son bel esprit que par sa naissance. Toute la grâce qu’il vous demande pour les instructions gratuites qu’il vous donne, et toutes les prières qu’il vous fait, c’est d’en faire le récit à vos compagnes, et si vous n’en avez point le temps, de les envoyer à l’Eschole.