L’Encyclopédie/1re édition/YVROGNERIE
YVROGNERIE, s. f. (Gram. & Jurisprud.) nous laissons au théologien à traiter cette matiere, selon les lois divines & ecclésiastiques : nous observerons seulement ici que, suivant les lois civiles, les nations mêmes qui ont permis l’usage du vin, soit aux hommes ou aux femmes, ont toujours envisagé comme un délit d’en boire avec excès.
Les Athéniens punissoient doublement une faute faite dans le vin ; & chez les Romains anciennement, une femme qui avoit bû du vin, pouvoit être condamnée à mort par son mari ; & depuis même que l’on eut permis aux femmes l’usage du vin, on les punissoit lorsqu’elles en buvoient outre mesure : la femme de Cneius Domitius, qui s’étoit enyvrée, fut condamnée à perdre sa dot.
L’yvresse n’excuse point les autres crimes qui ont été commis dans cet état ; autrement il seroit à craindre que des gens mal intentionnés ne fissent, de propos délibéré, un excès de vin ou autre liqueur, pour s’enhardir à commettre quelque crime grave, & pour trouver une excuse dans le vin ; on punit donc le vin, c’est-à-dire, l’yvrogne qui a commis un crime.
Cependant, quand l’yvresse n’a pas été préparée à dessein, elle peut donner lieu d’adoucir la peine du crime, comme ayant été commis sans réflexion.
La qualité des personnes peut rendre l’yvrognerie plus grave ; par exemple, si celui qui est sujet à ce vice est une personne publique & constituée en dignité, comme un ecclésiastique, un notaire, un juge.
Le reproche fondé contre un témoin sur ce qu’il est yvrogne, n’est pas admissible, à-moins qu’on ne prouvât qu’il étoit yvre lors de sa déposition ; néanmoins l’habitude où un homme seroit de s’enyvrer, pourroit diminuer le poids de sa déposition, & l’on auroit en jugeant, tel égard que de raison au reproche. Voyez Bouchel au mot yvrogne & yvresse. Dargentré, art. 266. la Mare, tome I. l. IV. tit. ix. Thaumas. dict. canon. au mot yvrogne ; Catelan, liv. IX. ch. vij. & les mots Cabaret, Vin. (A)