L’Encyclopédie/1re édition/VISCOSITÉ

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VISCOSITÉ, s. f. (Gramm.) qui se discerne au toucher. Nous appellons visqueux, tout ce qui s’attache à nos doigts, qui a quelque peine à s’en séparer, qui les colle ensemble.

Viscosité des humeurs du corps, (Médecine.) lentor ; c’est une constitution du sang, où les parties sont tellement embarrassées les unes dans les autres, qu’elles résistent à leur séparation entiere, & qu’elles cedent plutôt à la violence qu’on leur fait en s’étendant en tout sens, que de souffrir de division.

C’est l’état glutineux de nos humeurs qui produit de grandes maladies : ses causes sont,

1°. L’usage de farines crues, non fermentées, de matieres austeres & non mûres ; car la farine des végétaux mêlée avec l’eau, forme une pâte visqueuse, & la fermentation détruit cette viscosité.

2°. La disette de bon sang ; il en faut une certaine quantité pour aider la transformation du chyle en sang.

3°. L’action trop foible des humeurs digestives, telle que la bile, le suc gastrique, & le peu de ressort des vaisseaux. Aussi les personnes foibles & qui ont le foie obstrué, la bile mal formée, sont-elles sujettes à la viscosité des humeurs.

4°. La diminution du mouvement animal ; car le mouvement fortifie les solides, attenue les fluides, hâte la digestion, & l’assimilation des alimens.

5°. La dissipation des parties les plus fluides du sang, par le relâchement des vaisseaux excrétoires ; car il est évident que les parties les plus fluides étant dissipées, le sang s’épaissit & devient visqueux : ainsi les sudorifiques doivent être administrés avec prudence.

6°. La rétention des parties les plus épaisses des fluides engagées dans les couloirs dont ceux-ci ne peuvent se débarrasser.

La viscosité se forme d’abord dans les premieres voies, d’où elle passe dans le sang & dans toutes les humeurs qui s’en séparent, lorsque quelque particule visqueuse a traversé les vaisseaux lactées, elle se porte d’abord sur les poumons ; comme elle a de la peine à circuler dans les petits tuyaux de ce viscere, elle produit la dispnée.

Les effets sont dans les premieres voies la perte d’appétit, les nausées, le vomissement, les crudités ; les concrétions pituiteuses, la paresse & l’enflure du ventre, par le défaut d’énergie dans la bile ; enfin la rétention du chyle, & son défaut de sécrétion.

Dans les humeurs, elle rend le sang visqueux, pâle, imméable, obstruant ; produit des concrétions ; rend l’urine blanche & presque sans odeur ; forme des tumeurs édémateuses ; empêche les sécrétions ; produit la coalition des vaisseaux.

Toutes ces causes & tous ces effets pris ensemble ; produiront des effets funestes, tels que la suffocation & la mort, après avoir dérangé toutes les fonctions animales, vitales & naturelles.

Le traitement de la viscosité se remplira, 1°. par l’usage d’alimens & de boisson qui aient bien fermenté, & qui soient assaisonnés de sels & d’aromates ; la biere fermentée donne moins de phlegme & de viscosité que les tisanes : il en est de même du vin. La biere double & le bon vin sont des remedes excellens avec le pain bien cuit, dans la viscosité.

2°. Les aromates sont incisifs ; les principaux sont la canelle, la muscade, le poivre, le gingembre, la menthe, le thym.

3°. Les bouillons de viande de vieux animaux, atténués par les végétaux âcres, à-peu-près comme dans l’acidité : les animaux de proie & sauvages y sont excellens.

4°. Les remedes qui raffermissent les vaisseaux & les visceres, tels que les toniques, les apéritifs, les amers, les antiscorbutiques, les dessicatifs, les corroborans sont sur-tout indiqués.

5°. L’exercice & le mouvement, l’air tempéré, la tranquillité des passions, l’usage modéré & raisonné des non-naturels, sont les meilleures précautions que l’on puisse employer pour aider l’action des remedes.

6°. Les remedes délayans, les savonneux, les résolutifs doivent être continués pendant toute la cure. Voyez ces articles.

Les irritans doivent s’ordonner avec sagesse, ils sont bons pris par intervalle : voici des remedes vantés.

Prenez du fiel de bœuf & du fiel de brochet, de chaque quatre gros ; faites-les exhaler sur un feu modéré jusqu’à ce qu’ils aient la consistance de miel. Ajoutez une quantité suffisante de poudre de racine d’arum ; faites du tout des pilules du poids de trois grains chacune : on en prendra aux heures médicales.