L’Encyclopédie/1re édition/VISCÉRAUX, remedes

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VISCÉRAUX, remedes, (Méd. & Mat. méd.) ce sont des remedes propres à fortifier les visceres, c’est-à-dire à donner de la vigueur & de la fermeté aux visceres sanguins, comme le foie, la rate, l’utérus, les reins, les poumons, afin qu’ils s’acquittent plus exactement de leurs fonctions.

Cette classe renferme donc les remedes vulgairement appellés hépatiques, spléniques, pneumoniques, utérins, cachectiques, anti-hydropiques, anti-ictériques, anti-histériques & anti-phthisiques.

Dans cette intention, on ne peut que recommander l’usage des racines de gentiane rouge, d’aristoloche ronde & longue, de chicorée sauvage, de zédoaire, de fougere, de vraie rhubarbe, de rapontic, de safran bâtard, d’arrête-bœuf ; les écorces de quinquina, de cascarille, de winter, de tamarisc, de frêne, de caprier, de cassia lignea ; les feuilles d’absynthe, de petite centaurée, de fumeterre, de chardon beni, de trefle d’eau, d’hépatique, de mélisse, de pulmonaire tachetée, de scolopendre, d’aigremoine, de marrube, de véronique, de scabieuse, d’épithyme, de capillaire, de piloselle, &c.

On ne peut aussi que louer au même titre entre les gommeux & les résineux, le succin, la myrrhe, l’aloës, le bdellium, la gomme de lierre, la gomme ammoniaque, l’oliban, le sagapenum, l’opopanax, l’assa fœtida ; entre les minéraux le soufre stalactite, la limaille de fer, toutes les préparations de ce métal ; & différentes préparations de chimie, comme les sels tirés par la calcination, l’arcanum & la terre foliée de tartre, sa crême, le sel polichreste, le nitre antimonié, l’esprit de sel ammoniac, la teinture de mars tirée avec l’esprit-de-vin, des fleurs martiales produites par la sublimation de la pierre hématite au moyen du sel ammoniac, la teinture de tartre, celle d’antimoine alkaline ; l’antimoine martial céphalique, les pilules de Becher, & autres semblables.

Il faut encore rapporter ici les fontaines médicinales, appellées ordinairement minérales, sur tout celles qui contiennent un principe ferrugineux, délié, comme les eaux de Pyrmons, de Spa, de Schwalbac, & plus encore celles qui sont plus abondamment empreintes d’un ochre martial, telles que celles de Lauchstadt, de Radeberg, d’Egra & de Freyenwald.

Ces balsamiques viscéraux agissent sur les visceres dont les vaisseaux sont engorgés & obstrués d’humeurs tenaces, au moyen d’un principe sulphureux, balsamique, terreux, d’une nature assez fixe ou d’un sel alkali sulphureux ou savonneux, & d’un goût amer, en incisant les liqueurs épaisses, & rendant du ressort aux vaisseaux qui ont perdu leur ton. Ce sont donc des remedes d’un effet assez universel dans les maladies longues que produit le vice de ces visceres, soit pour les guérir, soit pour s’en garantir.

Quoique tous les remedes viscéraux en général se rapportent en ce qu’ils fortifient le ton des visceres, & qu’ils débarrassent les obstructions, il est cependant nécessaire d’en faire une distinction & un choix exact, suivant la nature des visceres & des maladies.

Par exemple, lorsque le foie est attaqué d’obstruction, & que cette disposition produit la jaunisse, la cachexie, le scorbut, les remedes de vertu savonneuse & détersive sont les plus efficaces ; tels sont en particulier les racines apéritives, la rhubarbe, le safran bâtard, l’opopanax, le bdellium, le savon de Venise, l’élixir de propriété sans acide, l’essence de rhubarbe préparée avec le sel de tartre, & tous les remedes martiaux bien préparés.

Quand le poumon est trop relâché & engorgé, & que l’on est par cette raison menacé de phthisie, l’on emploie avec succès la myrrhe, la gomme ammoniaque, le soufre en stalactite, la véronique, la scabieuse, le cerfeuil, la piloselle, le marrube, le capillaire.

Lorsque le gonflement & l’engorgement de la rate engendrent l’impureté du sang, & sur-tout la cachexie, il faut donner la préférence sur les autres remedes aux écorces de tamarisc & de caprier, à la fumeterre, la scolopendre, l’épithyme, l’arrête-bœuf, &c.

Quand la foiblesse & le trop grand relâchement du ton des reins produit la néphrétique, l’écorce des racines d’acacia & son infusion, le rob de fruits d’églantier & de baies de genievre ont une espece de vertu un peu spécifique.

L’affoiblissement de la tension de l’utérus & de ses vaisseaux, & le ralentissement du mouvement progressif du sang & des liqueurs dans ces parties produit, sur-tout après l’avortement, beaucoup d’indispositions auxquelles remédient l’aristoloche, tant longue que ronde, l’armoise, la myrrhe, la matricaire, le galbanum, le bdellium, l’opopanax, le succin, les pilules de Becher, & les autres faites sur le même modele.

Si les intestins & les parties qui ont du rapport avec eux, comme les glandes, les canaux secrétoires & excrétoires, biliaires, pancréatiques, lactés, ont perdu leur tension naturelle ; de sorte que le trop grand abord des humeurs cause des flux excessifs, ou que leur stagnation dans les vaisseaux devienne le foyer, & l’occasion de mouvemens de fievres, la rhubarbe, l’écorce de quinquina, de winter, de cascarille, les safrans très-divisés & les teintures de mars feront un effet qu’on attendroit vainement de tous les autres remedes.

Il faut observer sur l’usage des viscéraux fortifians en général qu’ils sont bien plus avantageux quand, avant que d’y avoir recours, on diminue la surabondance du sang, & qu’on balaie par des purgatifs appropriés les récrémens des premieres voies, sur-tout si, dans le dessein de donner plus de fluidité & de mobilité aux liqueurs, on les donne en décoction ou en infusion ; & mieux encore, lorsqu’on les joint à la boisson des eaux acidules ou thermales, ou à celle du petit-lait, qui certainement aide beaucoup l’opération de ces viscéraux qui sont de nature astringente, & leur donne une plus grande force pour dompter les maladies chroniques, sur-tout lorsqu’on en continue long-tems l’usage ; mais en même tems il est essentiel d’exercer suffisamment le corps, soit à cheval, soit en voiture, soit à pié, & de joindre les frictions journalieres à cet exercice. Telles sont les observations d’Hoffman sur les remedes viscéraux, & sur le choix qu’on en doit faire dans les diverses maladies. (D. J.)