L’Encyclopédie/1re édition/VIEIL, VIEUX

◄  VIE, la
VIEILLARD  ►

VIEIL, VIEUX, adj. (Gram.) qui est depuis longtems, & qui touche à la fin de sa durée. Un vieil homme, un vieil habit, un vieux cheval. C’est un homicide, à la maniere de Platon, que de caresser une vieille. On est vieux à soixante ans ; décrépit à quatre-vingt. Il y a de vieilles histoires, qui n’en sont pas plus vraies, quoiqu’on les répete sans cesse ; de vieux bons mots que tout le monde sait, & qui sont la provision d’esprit des sots ; de vieux manuscrits qu’on ne consulte plus ; peu de vieilles passions ; beaucoup de vieux livres, qu’on ne lit guere, quoique souvent une page de ces vieux livres ait plus de substance que tout un volume nouveau ; on parle aussi d’un bon vieux tems qu’on regrette, & ces regrets prouvent du-moins qu’on est mécontent de celui qui court ; de vieilles amitiés ; d’un vieux langage dont notre jargon académique n’est qu’un squelette ; de vieux capitaines qui savoient leur métier, & dont nous avons bon besoin, &c.

Vieil de la montagne, terme de relation ; quelques-uns disent vieux de la montagne, & d’autres veillards de la montagne ; nom du prince ou sultan des Ismaéliens de l’Iraque persienne, que les musulmans appellent Molahedah, impies & schismatiques, dont les sujets se dévouoient, pour assassiner ceux que leur prince tenoit pour ses ennemis.

Le premier vieil de la montagne fut Hassan-Sabah, qui environ l’an de l’hégire 493, qui est l’an de J. C. 1099, fonda la seconde branche des Ismaéliens de Perse, que nos historiens ont nommés les assassins, par corruption du mot arvacides ; les chefs de ces cantons de la Syrie se vantant d’être descendus de d’illustre Arsace, qui fonda l’empire des Parthes, environ 245 ans avant J. C. cependant les sujets de ce prince ismaélien cantonnés dans les montagnes de la Syrie, ne sont connus dans l’histoire de nos croisades que sous le nom d’assassins.

Guillaume de Neubourg raconte un fait particulier d’un des princes de ces montagnards de l’Iraque persienne. Conrard, marquis de Montferrat, fut assassiné en 1191, lorsqu’il se promenoit dans la place publique de la ville de Tyr ; les uns accuserent le prince de Torone de cet assassinat, les autres l’imputerent à Richard, roi d’Angleterre : mais le vieil de la montagne ayant su l’injuste soupçon que l’on avoit contre ces deux princes, écrivit une lettre pour la justification de l’un & de l’autre, déclarant qu’ayant été offensé par le marquis de Montferrat, il l’avoit averti de lui faire la satisfaction qui lui étoit dûe, mais que ce seigneur ayant négligé cet avertissement, il avoit envoyé quelques-uns de ses satellites, qui en lui ôtant la vie, s’étoient rendus dignes de récompense. On peut juger par cette lettre de la barbarie du vieil de la montagne ; mais on jugera de sa politesse par le présent qu’il fit au roi saint Louis, lorsqu’il étoit dans Acre. Voyez à ce sujet Joinville, & les observations de du Cange sur cet historien. (D. J.)