L’Encyclopédie/1re édition/VERVEUX

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VERVEUX, CLIVETS, RAFLES, ENTONNOIRS, RENARD, termes synonymes de Pêche, c’est une sorte de filet rond qui va toujours en pointe, l’ouverture de ce filet est faite d’un demi cercle & d’une traverse par le bas ; plusieurs cercles qui vont toujours en diminuant se soutiennent ouverts ; il y a à l’entrée un filet qui prend de l’ouverture du verveux & diminue comme un entonnoir, c’est par le bout de ce filet, que l’on nomme le goulet, qu’entrent dans le verveux les poissons qui y sont conduits, & d’où ils ne peuvent plus sortir, parce-que le goulet se dilate quand le poisson se présente pour entrer, & pour que le goulet demeure toujours en état, il est soutenu par quatre ou six petites ficelles qui le font toujours rester dans le milieu du verveux.

Pour conduire le poisson dans ce piege, il y a deux filets, un de chaque côté, que l’on nomme les aîles, & qui sont d’inégales longueurs ; ces filets sont garnis de flots par le haut, & chargés de pierres par le bas : le même filet dans les rivieres est garni de plomb au-lieu de pierres.

Quand on veut mettre le verveux ou raste à la mer, on le place dans un endroit convenable ; on amarre le bout du filet à une grosse pierre que l’on appelle cabliere, au moyen d’un bout de corde attachée à chaque cercle du verveux, & dont le nombre est proportionné à sa longueur ; il y a de même comme au bout, une cabliere ou grosse ralingue amarrée à chaque bout de la traverse de l’ouverture ; & au-haut du demi-cercle de l’ouverture, il y a un fort cordage de quelques brasses de long, dont le bout qui tire cet engin & le fait tenir debout, est frappé sur une grosse pierre. Le corps du verveux à son ouverture peut avoir environ quatre piés de haut & huit piés de large ; les bouts des deux filets qui forment les aîles entourent toute cette ouverture, afin que le poisson qu’ils conduisent dans cet instrument n’en puisse échapper : on met aussi une grosse cabliere à chaque bout des aîles : on place le verveux le bout à la mer, & l’ouverture du côté de terre, & si la marée, par exemple, se porte à l’ouest, l’aile du côté de l’est doit être plus courte que celle du côté de l’ouest ; la premiere aura huit brasses, & la seconde seize ou dix-huit, plus ou moins, selon que l’on le juge convenable pour arrêter le poisson qui se trouve à la côte après la pleine mer & le conduire dans le verveux ; les aîles font pour cet engin le même effet que les chasses pour les parcs & pêcheries ; ces aîles ont environ une brasse de haut comme les tramaux : on prend dans le verveux de toutes sortes de poissons, tant plats que ronds, & on fait cette pêche toute l’année ; elle ne peut être interrompue que par les tempêtes qui faisant rouler & venir à la côte les grosses pierres auxquelles le verveux est amarré, déchirent & brisent ces sortes d’instrumens.

Les mailles qui composent le corps, le goulet, & les aîles du verveux, sont de divers calibres, & de fils de différentes grosseurs ; les mailles du corps ont environ dix-huit lignes ; celles du goulet ont quinze lignes ; celles des ailes sont de l’échantillon des seines ou mailles des harengs, & ont environ treize lignes. Le peu de dépense que coute un pareil instrument, & la facilité de s’en servir, a excité grand nombre de pêcheurs riverains à s’en servir, Voyez la fig. 4. Pl. IV. de pêche.

Il y a encore une autre sorte de verveux en usage dans le ressort de l’amirauté de Dieppe. Ce verveux a des aîles de bas clayonnage & piquets ; cette sorte de verveux est différente de ceux en usage, dans le ressort de l’amirauté de Saint-Valeri en Caux ; la tonne est semblable à celle de ces premiers ; la queue ou extrémité est de même amarrée sur un fort piquet ; mais les aîles, pannes ou côtés, sont montées sur de petits piquets, d’environ quatre piés de hauteur au plus.

Les pêcheurs commencent à reconnoître qu’ils peuvent s’en servir avec autant de succès que de leurs anciens parcs de clayes & autres filets qui ont tous été détruits. Les verveux dont se servent les pêcheurs à la mer de ces deux ressorts, ont la queue ou l’extrémité arrêtée sur un fort piquet avec les aîles, pans ou côtés, montées sur de petits piquets d’environ quatre piés au plus de hauteur ; pour faciliter aux poissons l’entrée dans le verveux, qui a de même un ou plusieurs goulets, on met au pié des côtés une petite levée de cailloutage, & quelques pouces de clayonnage ; l’ouverture des aîles peut avoir vingt à vingt-cinq brasses de largeur exposé à la côte, & comme cette nouvelle pêcherie est de même sédentaire, il n’y a que les gros vents & les tempêtes qui puissent empêcher ces pêcheurs de les tendre.

Les pêcheurs de Saint-Valeri en Caux ont inventé différentes sortes de verveux depuis la défense de se servir des filets trainans, & la suppression des pêcheries exclusives sans titres de la qualité prescrite par l’ordonnance. Autrefois ces pêcheurs ne se servoient point de ces instrumens, mais depuis quelque tems ils en ont fait de neuf différentes manieres, que leur industrie leur a suggerées. Il y a les tonnelles ou verveux simples pierrés ; les mêmes arrêtes sur pieux ou piquets ; ceux qui ont une jambe, panne ou bras flotté ; les mêmes dont la jambe est montée sur piquets ; ceux qui ont la jambe ou côté formé en demi cercle, tant flotté que non flotté ; les tonnelles avec deux jambes en demi-cercle flottées ; celles qui sont établies de même, mais le tout monté sur piquets ; les verveux avec jambes & chasse au milieu comme aux parcs ; enfin les mêmes instrumens non flottés avec jambes & chasses, & couverts à l’entrée de la tonnelle.

Tous ces verveux se peuvent reduire à deux especes, en pêcheries variables & en pêcheries sédentaires.

Les verveux simples, qui sont les premiers que les pêcheurs ont imaginés, sont les véritables verveux des rivieres ; on les établit aux bords des pêcheries ; c’est un sac de ret tenu ouvert au moyen de quatre, cinq & six cercles qui vont toujours en diminuant jusqu’à l’extrémité du sac, au bout duquel est une corde que le pêcheur amare sur une grosse roche pour tenir le verveux tendu, l’ouverture qui est toujours exposée à la côte, est en forme de demi-cercle, arrêtée par une traverse de corde ; aux deux coins du demi-cercle de l’entrée est une autre corde que l’on arrête aussi sur la roche de même que celles qui sont de chaque côté des cercles ; au milieu du demi-cercle de l’entrée du verveux est une autre corde que le pêcheur nomme raban ; en roidissant cette derniere, le verveux se tient droit & ne peut varier ; elle est arrêtée ordinairement sur une grosse roche, ou à un piquet de bois, ou à une cheville de fer ; à la volonté des pêcheurs qui arrêtent de même souvent la queue du verveux ; celui-ci est variant, & se peut changer à volonté.

La deuxieme sorte de verveux ou tonnelle est formée de la même maniere ; elle differe de ceux de la premiere espece en ce qu’au lieu que l’ouverture, les cercles & le bout sont arrêtés & frappés sur des pierres ou des roches qui se trouvent sur le lieu où les pêcheurs veulent tendre ; ces derniers y sont arrêtés par de petits pieux ou piquets qui saisissent le verveux, ou auxquels cet instrument est amarré, de maniere qu’il y reste stable & immobile, ce qui est d’autant plus nécessaire que les verveux se placent (dans le ressort de l’amirauté de Dieppe) le long des roches qui sont au pié des falaises, où la brise est toujours violente.

La troisieme espece de tonnelles est celle où le corps de verveux est établie comme à la premiere espece, mais à laquelle les pêcheurs ont ajouté une jambe, aile ou côté, bras tendu flotté & pierré, de la même maniere que l’on tend les tramaux, les cibaudieres & bretelieres flottées ; ce côté ou jambe est exposé à la marée, afin de conduire dans la tonnelle le poisson que le flot amene à la côte ; ce filet est de l’espece des rets varians, parce que le pêcheur le place où il lui plait, le pouvant changer à son gré toutes les marées.

Les tonnelles de la quatrieme espece sont les mêmes que les précédentes, à la différence qu’elles ne sont point flottées ; le corps du verveux, & la jambe ou bras sont arrêtés sur des piquets de la même maniere que les rets de bas parcs ; ce verveux est une pêcherie sédentaire ; ce qui contribue le plus à arrêter tout ce qui se présente dans le filet, est un clayonnage de quelques pouces au bas de la jambe, que quelques pêcheurs de Dieppe y ont ajouté ; ce qui ne doit point être permis parce qu’il pourroit retenir le poisson du premier âge, qui vient le premier à la côte à la marée, & qui ne s’en retourne que lorsque la basse mer le force à s’en retourner.

La cinquieme sorte de verveux est la même que la précédente, le corps du verveux, ou la tonnelle est comme à la premiere ; il n’a semblablement qu’une seule jambe, panne ou côté exposé à la marée ; il differe du précédent en ce que la jambe est formée en demi-cercle, que les pêcheurs montent sur piquets, ou qu’ils flottent suivant le terrein où la tonnelle est placée.

A la sixieme espece des verveux, cet instrument a deux jambes, ailes ou pannes ; il forme une pêcherie plus parfaite que les premieres ; on le tend flotté ; l’aîle du côté d’où vient la marée à la côte, est toujours plus courte que l’autre, afin de donner une entrée plus libre au poisson qui y arrive de flot ; ces jambes forment une espece d’équerre, dont l’ouverture de l’angle est suivant la nature du terrein sur lequel la pêche se fait ; les lieux les plus convenables sont les petits coudes où la marée tombe avec plus de rapidité.

La septieme espece des tonnelles ou verveux est droite ou en demi-cercle ; le verveux & les jambes sont montés sur piquets ; on peut regarder ces sortes de tonnelles ainsi établies, comme des bas parcs, tournées ou fourrées, dont la pointe de la pêcherie exposée à la mer, est garnie d’une tonnelle ou gonne ; les pêcheurs des Greves du mont Saint Michel, ont de semblables pêcheries ; elles pourroient bien avoir donné lieu à l’établissement de ces sortes de tonnelles dont commencent à se servir les pêcheurs des côtes de Caux.

La huitieme espece de verveux ou tonnelle a deux jambes ou pannes droites ou en demi-cercle, & dans le milieu de l’intervalle une chasse comme les parcs de bois & de filets ; cette chasse va du pié de la côte jusqu’à l’entrée ou l’embouchure de la tonnelle ; ainsi que tous les autres filets de la pêcherie elle est montée sur pieux ou piquets ; il n’y a aucun inconvénient de lui laisser la hauteur de cinq à six piés au-dessus du terrein ; elle a le même effet qu’aux parcs, en conduisant dans la tonnelle le poisson qui entre dans la pêcherie ; celle ci est complette, & peut pêcher avec autant & plus de succès que les parcs, & il est certain que tous les poissons qui sont assez grands pour ne pouvoir passer au-travers des mailles, n’en peuvent échapper quand ils y sont une fois restés au jussant.

La neuvieme espece de tonnelle est la même que la précédente ; l’industrie du pêcheur y a ajouté encore un filet, pour fermer l’entrée de la tonnelle ; il prend du bout des pannes ou côtés qui joignent le verveux, dont il augmente de cette maniere l’embouchure : on le lace également sur la chasse, avec cette précaution. Les pêcheurs empêchent que les bars & les mulets qui sont dans la pêcherie ne se puissent évader en franchissant au-dessus du filet, comme ces sortes de poissons ont l’instinct de le faire.

On prend dans les verveux, de toutes especes de poissons, également des poissons plats & des poissons ronds, des raies, des folles, des barbues, des carrelets & limandes, aussi-bien que des mulets, des rougets, des petites morues, & de toutes autres especes.

Verveux volant ou bertaut, terme de Péche, sorte de verveux. Voyez Verveux. La pêche avec le bertaut ou verveux dans la riviere de Ladour, dans le ressort de l’amirauté de Bayonne, se fait de la même maniere que dans la Seine & aux côtes de Bretagne, mais la manœuvre en est différente.

Lorsque les pêcheurs basques veulent tendre leur bertaut, ils ont un petit piquet pointu, amarré avec un bout de corde, au bout ou à la queue de cet instrument, dont le ret qui le forme est tenu ouvert au moyen de plusieurs cercles, & dont l’embouchure est en demi-cercle, comme l’entrée d’un four ; ainsi tendu par une traverse, ils mettent ce petit piquet ainsi préparé dans le gros bout d’une perche, creusé à cet effet, pour enfoncer le pieux où ils veulent placer leur bertaut ; ensuite ils tendent le corps du bertaut, en passant une perche au-travers de deux annelets de corde frappés l’un au haut du demi cercle, & l’autre au-dessous ; au milieu de la traverse le pêcheur enfonce cette perche à la main ; & si elle ne lui paroît pas suffisamment arrêtée, il acheve de l’affermir avec le gros bout de sa perche creuse.

Il y a une autre sorte de bertaut, qu’on appelle verveux volant, qui se tend de deux manieres différentes : la premiere est le bertaut pierré, pour cela les pêcheurs mettent aux deux bouts du demi-cercle qui forme l’entrée une grosse pierre, & une au milieu de la traverse de corde qui est à l’ouverture ; le verveux qui a plusieurs goulets a quatre & cinq cercles pour le tenir ouvert ; il y a de même à la queue une pierre, mais pour empêcher que le courant ne l’emporte, le pêcheur plante sur le fond un petit piquet où est amarrée une corde, qui est à l’extrémité de la queue du verveux.

L’autre maniere de tendre le verveux est avec trois perches, deux de front, & éloignées l’une de l’autre de la grandeur de l’ouverture des aîles ou côtés du bout du verveux, qui reste ainsi arrêté par ces trois piquets ou petits pieux.

Les mailles des sacs des verveux ont 12 lignes en quarré.