L’Encyclopédie/1re édition/VERQUEUX

VERQUEUX, s. m. pl. terme de Pêche, ce sont les mêmes filets que les pêcheurs du ressort de l’amirauté de Caudebec, & de la riviere de Seine, nomment alosieres ou rets verqueux, ou brions. Voici la maniere dont les pêcheurs de Bayonne se servent de ces filets qui sont tramaillés.

Les pêches fraîches & communes que font ces pêcheurs, sont celles des filets nommés brions, rets de trente mailles, ces sortes de filets servent depuis Bayonne à la mer, jusqu’au delà de la barre ; les pêcheurs à cet effet ont une espece de petits bateaux pêcheurs qu’ils nomment tilloles, & dont la construction est particuliere, ils n’ont ni quille ni gouvernail, ainsi ils étoient dans le cas d’être supprimés en exécution de l’article vingt-six de la déclaration du 23 Avril 1726. mais sur la représentation que les officiers de l’amirauté ont faite, sur la solidité reconnue de ces bateaux, & sur le besoin qu’on en a pour piloter les bâtimens & les navires qui entrent & qui sortent hors du port de cette ville, ces tilloles ont été conservées.

On ne peut trouver de meilleures & de plus sûres chaloupes pour naviguer dans l’Adoure, & même aller à la mer lorsqu’elle n’est pas émue de tempêtes ; quelque rapides que soient les courans, un seul homme ordinairement en fait toute la manœuvre, se tenant debout, ramant d’une main, & gouvernant de côté, de l’autre main, avec une deuxieme rame ; les tilloliers sont en cela si habiles, qu’ils évitent sûrement tout ce qui les pourroit embarrasser, & il nous a été assuré que de mémoire d’homme, il ne leur étoit arrivé d’accident ; la tillolle qui est d’une forte construction, a ses bords fort hauts, est de la forme des gondolles, & peut tenir jusqu’à dix à douze personnes ; quelquefois on y ajoute deux autres avirons, mais celui qui gouverne se sert toujours des deux siens.

Quand les pêcheurs font la pêche dans la riviere, ils sont ordinairement deux tilloliers, & trois lorsqu’ils la font à la mer : ces chaloupes ont ordinairement seize piés de l’arriere à l’avant ; elles ressemblent à une navette coupée ; sa largeur au milieu est de cinq piés sur le fond, & de quatre seulement sur le haut, & la hauteur du creux de l’avant, aux deux tiers vers l’arriere, est depuis deux piés à deux piés & demi ; les pêcheurs y mettent un mât au milieu, avec une voile quarrée, longue, sur deux vergues, une en-haut & l’autre en-bas, plus longues sous le vent pour en pouvoir prendre davantage.

En pêchant, les filets se jettent toujours à bas bord, se relevent de même, & la voile qui est assez large sert de teux à la tillole.

Outre les pêches qui se font avec des filets, les pêcheurs ont encore des manioles & des berteauts, borgues, ou renards.

Les rets que les pêcheurs de Bayonne nomment brions, sont les mêmes que ceux que les pêcheurs de la riviere de Seine nomment alosiers verqueux, & rets verquans, pour la pêche des aloses ; mais ils en different en ce qu’ils n’ont qu’un seul filet, au-lieu que ceux des pêcheurs normands en ont deux l’un sur l’autre ; c’est de même un ret tramaillé, de soixante brasses de long, sur environ une brasse & demie de chute. Les pêcheurs font avec ce filet la pêche du colac ou de l’alose, des saumons, & des loubines, espece de bars ; un pêcheur & un garçon suffisent seuls dans une tillole pour faire la pêche ; le bout du ret est soutenu à fleur d’eau par des calbaces qui servent de bouées, il dérive à la surface de l’eau, soutenu de flottes de liége avec un peu de plomb pour le bas, pour qu’il ne cale que de sa hauteur ; quelquefois la pêche se fait depuis Bayonne jusqu’à la barre ; quelquefois aussi, de beau tems, & dans l’espérance d’une bonne pêche, ils vont en mer au-delà de la barre.

Cette pêche a lieu depuis le mois de Février jusqu’en Juin, mais pour la faire avec succès, il faut qu’il y ait des eaux blanches, c’est-à-dire de celles qui tombent des monts Pyrénées, ce que recherchent sur-tout les saumons, dont la pêche est aujourd’hui fort stérile, eu égard à l’abondance avec laquelle on la faisoit autrefois.

Les trameaux ou hameaux des brions, que les pêcheurs basques nomment l’esmail, ont la maille de sept pouces dix lignes en quarré, & la toile, nappe, flue ou ret du milieu, qu’ils nomment la charte, a deux pouces, & deux pouces une ligne en quarré ; ainsi ces sortes de rets sont plus serrés & moins ouverts que ceux dont se servent les pêcheurs de la Seine, pour faire dans la même saison, la même pêche.