L’Encyclopédie/1re édition/VENUSIA

◄  VENUS
VENZONE  ►

VENUSIA, (Géog. anc.) ville d’Italie, dans les terres, aux confins de la Pouille & de la Lucanie : Ptolomée, l. III. c. j. la donne aux Peucentini, & Pline, l. III. c. xj. aux Daunici ; l’itinéraire d’Antonin la marque sur la route de Milan à la Colomne.

C’étoit une ville des Samnites, dont ils furent dépossédés par les Romains dans les guerres qu’ils eurent avec ces peuples ; ensuite, de peur qu’ils ne la reprissent, & que ce passage ne leur donnât la facilité de faire de nouvelles incursions jusque dans le Latium, ils y envoyerent une colonie romaine, pour tenir en bride la Lucanie d’un côté, & la Pouille de l’autre ; Venuse se nomme aujourd’hui Venosa, & elle est dans le Basilicat.

Horace, le prince des lyriques latins, naquit à Venuse, l’an de Rome 689, sous le pontificat de L. Aurele Cotta II. & de L. Manlius Torquatus II. Il mourut l’an 746, ou huit ans avant Jesus-Christ, à l’âge de près de 57 ans, & environ un mois avant Mécénas.

Il étoit d’un caractere aimable, desintéressé, plein de douceur pour ses valets, & d’affection pour ses amis. Auguste l’appelloit Homuncio lepidissimus ; ennemi de la superstition, il se mocquoit des idoles, des songes, & des miracles. Il fit à Athènes sa philosophie, & y apprit la morale par raisonnement & par principes : étudiant sur-tout les auteurs grecs, il a su le premier imiter leurs poésies, & quelquefois les surpasser ; plein de justesse pour le choix des mots & des figures, il rend agréable tout ce qu’il dit, & peint tout ce qu’il touche, par des images vraies, & naturelles. Son génie ne se lasse point à la fin de ses grandes pieces ; & sa verve lyrique s’éleve quelquefois à un degré sublime ; j’en donnerai pour exemple les deux strophes suivantes, Ode 34. l. I. qui sont de la plus grande beauté.

. . . . . . . .Namque Diespiter
Igni corusco nubila dividens,
Plerumque per purum tonantes
Egit equos, volucremque currum :
Quo bruta tellus, & vaga flumina,
Quo Styx, & invisi horrida Tænari
Sedes, Atlanteusque finis
Concutitur. Valet ima summis
Mutare, & insignia attenuat deus,
Obscura promens ; hinc apicem rapax
Fortuna cum stridore acuto
Sustulit, hic posuisse gaudet.

« Oui, c’est un dieu qui perce les nues par des feux étincelans ; c’est lui qui poussant dans les airs ses foudroyans coursiers, fait rouler son rapide char, dont il épouvante toute la nature : l’énorme masse de la terre en ressent de violentes secousses ; les fleuves épars dans la vaste étendue de son enceinte, en sont troublés ; l’atlas est ébranlé d’un bout à l’autre ; le Styx & l’affreux Tenare, séjour redouté des humains, sont remplis d’effroi ; parlons sérieusement. Les dieux peuvent, quand ils le voudront, abaisser celui-ci, élever celui-là ; obscurcir la gloire la plus éclatante, produire au grand jour un mérite inconnu ; j’en conviens. Mais je sai aussi qu’ils se déchargent toujours de ce soin sur la fortune, qui avec un bruiant fracas, arrache le faîte de la grandeur, & le transporte ailleurs, sans d’autre raison que le plaisir de contenter son caprice ».

Horace a dit de lui, crescam laude recens ; croître en réputation, & conserver toujours la fleur de la nouveauté, voilà les plus riches dons des muses ! Mais ce n’est pas faussement qu’Horace se les est promis ; car encore aujourd’hui ses ouvrages conservent une fleur nouvelle, comme s’ils avoient en eux mêmes, une ame exempte de vieillesse. Aussi ses écrits feront les délices des gens de bien, tant que la poésie latine subsistera dans le monde. (Le chevalier de Jaucourt.)