L’Encyclopédie/1re édition/VENLO
VENLO, (Géograph. mod.) ville des Pays-bas, dans le haut quartier de la province de Gueldre, sur la rive droite de la Meuse, à 4 lieues au-dessus de Ruremonde.
Venlo tire son nom des deux mots flamands ueen & loo, qui signifient terre marécageuse & basse. C’étoit un petit bourg que Rénaud, duc de Gueldre, entoura de murailles en 1343, & lui donna le titre de ville. Elle a été prise & reprise plusieurs fois dans toutes les guerres des Pays-bas. Enfin par le traité de Barriere, l’empereur l’a cédée aux Etats-généraux en toute propriété & souveraineté. On y compte trois à quatre mille habitans, qui sont presque tous catholiques, & qui jouissent de l’exercice public de leur religion ; ce sont pour la plûpart des petits marchands, bateliers, voituriers, & de semblables professions, partagés en petits corps de métiers.
Le commerce étoit autrefois très-florissant dans cette ville, mais il est extrémement déchu depuis le partage du haut-quartier de Gueldre, entre quatre différentes puissances. Ce partage a donné lieu à l’établissement de plusieurs péages sur la Meuse, dont le nombre, & les droits qu’on y fait payer, ont causé la ruine du trafic.
La monnoie regne à Venlo sur le pié de celle des pays voisins, comme Clèves, Juliers, & autres, & en Allemagne.
La police y a été réglée par la résolution de L. H. P. du 25 Mai 1726. L’état entretient à Venlo un receveur pour la perception du verponding. L’amirauté de Rotterdam y a aussi ses officiers ; & les Etats genéraux ont établi dans cette ville un conseil supérieur, pour juger les causes civiles qui seroient portées par revision, ou en premiere instance, tant de la ville que tout le district sous leur domination. Long. 23. 38. lat. 51. 22.
C’est à Venlo que Guillaume, duc de Clèves, demanda pardon à genoux à l’empereur Charles-Quint pour s’être révolté contre lui en 1543. C’est aussi dans cette même place qu’on fit le premier essai des bombes, expérience fatale, qui depuis a été si funeste à une infinité de belles villes. Il y a encore un autre événement digne de remarque par rapport à Venlo ; c’est que les Espagnols, dans le dessein de détruire le commerce que les Hollandois entretenoient avec l’Allemagne par le Rhein, entreprirent en 1627, de faire un canal pour détourner ce fleuve, & le joindre à la Meuse. Le canal commençoit au-dessous de Rheinberg, passoit à l’abbaye de Campen à Gueldre ; puis après avoir coupé la petite riviere du Niers, il devoit se rendre dans la Meuse à Venlo. Il auroit eu 18 lieues d’étendue ; & on l’avoit déjà appellé le nouveau Rhein, ou la Fosse eugénienne, du nom de l’infante Isabelle Eugénie, &c. On commença d’y travailler le 21 Septembre ; mais cet ouvrage fut abandonné la même année, ou parce que l’Espagne ne jugea pas à-propos de continuer la dépense, ou parce qu’elle prévit que ce canal n’auroit pas l’effet qu’elle attendoit.
Je connois deux savans célebres dont Venlo est la patrie, Goltzius & Puteanus.
Goltzius (Hubert), naquit dans cette ville en 1526, & mourut à Bruges, en 1583, à 57 ans. C’est un excellent antiquaire, qui voyagea dans toute l’Europe pour chercher les preuves de l’histoire par les médailles ; & par-tout son mérite lui ouvrit les cabinets des curieux. Il n’étoit pas seulement antiquaire, mais dessinateur, peintre & graveur. Comme il craignoit qu’on ne laissât glisser dans ses ouvrages des fautes qu’on eût pu lui imputer, il établit dans sa maison une imprimerie, dans laquelle il faisoit imprimer ses livres, les corrigeant lui-même avec beaucoup de soin. Il a publié sur les médailles deux livres précieux ; 1°. Siciliæ & magnæ Groeciæ Nunuismatæ. 2°. Thesaurus rei antiquariæ. On l’avoit soupçonné d’avoir imposé au public sur plusieurs médailles, mais M. Vaillant a pris sa défense, & lui a rendu la justice qu’il méritoit, après un examen des plus approfondis.
Outre les deux ouvrages dont nous venons de parler, on a encore de Goltzius d’autres bons livres sur l’histoire romaine, & en particulier, 1°. vita & res gestæ Augusti, Antuerpioe, 1644, avec des commentaires de Nonnius. 2°. Imperatorum imagines à C. Julio Cæsare ad Carolum Quintum, ex veteribus numismatibus. 3°. Fasti magistratuum & triumphorum Romanorum, ab urbe condita usque ad Augusti obitum.
Puteanus (Erycius), naquit à Venlo en 1574, passa en Italie l’an 1597, & fut nommé professeur en l’éloquence de Milan, l’an 1601. La ville de Rome l’agrégea en 1603, au nombre de ses citoyens & de ses patriciens. Il se rendit à Louvain l’an 1606, pour y succéder à la chaire que Juste-Lipse avoit occupée avec tant de gloire. Il s’acquit beaucoup de considération dans les Pays-bas, & y posséda le titre d’historiographe du roi d’Espagne, & celui de conseiller de l’archiduc Albert. Il mourut l’an 1646, âgé de 72 ans.
C’étoit un homme d’érudition, & qui entretenoit un prodigieux commerce de lettres. Elles ont été recueillies avec ses autres œuvres, & imprimées à Louvain en 1662, en V. tomes in-8°. Son statera belli & pacis, fit beaucoup de bruit & pensa le ruiner. L’auteur conseilloit la paix, & faisoit voir que la continuation de la guerre nuiroit infiniment aux Espagnols.
Il s’expliqua nettement sut les avantages que les ennemis avoient déjà remportés, & sur les victoires qu’ils pouvoient attendre. C’étoit un livre d’un tout autre tour que celui de ceux qui, pour animer leur nation à continuer la guerre, lui étalent mille descriptions artificieuses de ses forces, & de la foiblesse de l’ennemi.
L’événement justifia que Puteanus ne se trompoit pas ; car si l’Espagne avoit conclu la paix avec les Provinces unies l’an 1633, elle se seroit épargnée bien des dépenses, des malheurs & des pertes. Je conviendrois cependant que l’historiographe du prince, ne médita pas assez dans cette occasion sur les belles paroles de Salluste, qu’il mit au commencement de son livre, & qui lui montroit sagement les raisons pour lesquelles il est dangereux de donner conseil aux rois. Scio ego, dit l’historien romain, quàm difficile atque asperum factu sit, consilium dare regi, aut imperatori ; postremò cuiquam mortali, cujus opes in excelso sunt : quippe cùm & illis consultorum copiæ adsint ; neqùe de futuro quisquam satis callidus, satisque prudens sit. (Le chevalier de Jaucourt.)