L’Encyclopédie/1re édition/VÊPRES

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VÊPRES, s. f. plur. (Hist. ecclés.) dans l’Église romaine, c’est une partie de l’office divin ou du breviaire qu’on chante ou qu’on récite le soir ou l’après-dînée. Les vêpres, ainsi nommées du mot vespere, soir, sont composées de cinq pseaumes avec leurs antiennes, un capitule, une hymne, le cantique magnificat, avec une antienne & un oremus. On distingue pour les fêtes premieres & secondes vêpres ; les premieres vêpres sont celles qu’on chante la veille, & les secondes celles qui se disent le jour même de la fête ; suivant le rit ecclésiastique, les fêtes commencent aux premieres vêpres, & se terminent aux secondes.

Cet office paroît avoir été institué dans l’Église dès la premiere antiquité : l’auteur des constitutions apostoliques, livre VIII. chap. xxv. parlant du pseaume 141, l’appelle τὸν ἐπιλύχνιον ψαλμὸν, pseaume qu’on récitoit à la lueur des lampes, parce qu’on le chantoit à vêpres. Il fait aussi mention de plusieurs autres prieres, actions de graces, &c. que l’évêque récitoit alors ou sur le peuple assemblé, ou avec les fideles. Il rapporte aussi l’hymne ou la priere du soir, προσευχὴ ἑσπερινὴ, & ὕμνος τοῦ λυχνίου, dont S. Basile nous a conservé quelques fragmens dans son livre, de Spiritu Sancto, c. xxj. Il y a apparence qu’on y chantoit encore d’autres pseaumes ; Cassien dit que les moines d’Egypte y récitoient douze pseaumes ; qu’on y joignoit deux lectures ou leçons, l’une de l’ancien, & l’autre du nouveau Testament ; qu’on entremêloit les pseaumes de prieres, & qu’on terminoit le dernier par la doxologie. Dans les églises de France, on disoit aussi jusqu’à douze pseaumes entremêlés de capitules semblables à nos antiennes ; & enfin, dans celles-ci, aussi-bien que dans celles d’Espagne, on terminoit les vêpres par la récitation de l’oraison dominicale, comme il paroît par le IV. concile de Tolede, Cant. 9. & par le 111. d’Orléans, c. xxix. ceux qui ont traité des offices divins, disent que les vêpres ont été instituées pour honorer la mémoire de la sépulture de Jesus-Christ ou de sa descente de la croix. C’est ce que porte la glose, vespera deponit. Bingham, orig. ecclés. tom. V. bb. XIII.

Vépres siciliennes, (Hist. mod.) époque fameuse dans l’histoire de France ; c’est le nom qu’on a donné au massacre cruel qui se fit en Sicile de tous les François, en l’année 1282 le jour de Pâques, & dont le signal fut le premier coup de cloche qui sonna les vêpres.

Quelques-uns prétendent que cet événement tragique arriva la veille de Pâques ; d’autres le jour de l’Annonciation ; mais la plupart des auteurs le mettent le jour même de Pâques. On attribue ce soulevement à un nommé Prochyte cordelier, dans le tems que Charles d’Anjou premier de ce nom, comte de Provence, & frere de S. Louis, régnoit sur Naples & Sicile. Le massacre fut si général, qu’on n’épargna pas même les femmes siciliennes enceintes du fait des François.

On a donné à-peu-près dans le même sens le nom de matines françoises, au massacre de la S. Barthélemy en 1572 ; & celui de matines de Aloscou, au carnage que firent les Moscovites de Démétrius & de tous les Polonois ses adhérens qui étoient à Moscou, le 27 Mai 1600, à six heures du matin, sous la conduite de leur duc Choutski.