L’Encyclopédie/1re édition/VÉGÉTATION métallique

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VÉGÉTATION métallique, (Chimie.) quoique le mot de végétation ne convienne proprement qu’aux végétaux, cependant il est en usage parmi les Chimistes pour exprimer certaines crystallisations particulieres, ou un arrangement de quelque matiere que ce puisse être, dont la figure extérieure ressemble assez sensiblement à celle des plantes ; c’est en ce sens que les Chimistes appellent arbre de Diane ou arbre philosophique une végétation d’argent, & arbre de Mars une autre végétation chimique, qui a de l’analogie avec la premiere ; cette derniere végétation est une dissolution de fer faite par le moyen de l’esprit-de-nitre.

Peu de chimistes ont travaillé avec plus de succès sur les végétations métalliques que M. Homberg. On a de lui, dans les mémoires de Mathématique & de Physique, année 1692, une observation, dans laquelle non-seulement il donne une maniere plus prompte que la commune de faire l’arbre de Diane, mais il enseigne encore de nouvelles méthodes pour la production d’autres végétations semblables, & il explique la formation de ces végétations par des raisons assez claires. Toutes ces végétations, à l’exception d’une pour laquelle il ne faut qu’une simple amalgamation d’or ou d’argent, avec du mercure, sans addition d’aucune autre liqueur ; toutes ces végétations, dis-je, se forment au milieu d’un liquide & au fond du vaisseau. Le seul arbre de mars se forme au-dessus du liquide, qui est même enlevé tout entier au haut du vaisseau, & quelquefois en très-peu de tems. Ainsi il doit être regardé comme une espece de végétation métallique, différente des autres. Celles dont parle M. de la Condamine dans les mémoires de l’académie des Sciences, sont encore des végétations d’une autre espece, & méritent le nom de végétation par la maniere dont elles se forment.

Il a mis sur une agate polie, ou sur un verre posé horisontalement, un peu de solution d’argent, faite à l’ordinaire par l’esprit-de-nitre, & au milieu de cette liqueur épanchée qui n’avoit que très-peu d’épaisseur, il a placé un clou de fer par la tête. Dans l’espace de quelques heures, il s’est formé autour de cette tête-de-clou un très-grand nombre de petits filets d’argent, qui, à mesure qu’ils s’éloignoient du centre commun, diminuoient de grosseur & se divisoient en plus petits rameaux. C’est-là ce qui avoit l’air de végétation.

M. de la Condamine juge avec beaucoup de vraissemblance, que la cause générale de ce fait est le principe établi en Chimie, qu’un dissolvant qui tient un métal dissous l’abandonne dès qu’on lui présente un autre métal qu’il dissoudra plus facilement. Ici le nitre a abandonné l’argent pour aller dissoudre du fer ou la tête du clou.

On peut conclure de ce principe qu’on fera la même expérience sur tous les autres métaux, en substituant à la solution d’argent une solution d’un métal quelconque, & au fer un métal plus aisé à dissoudre par le dissolvant du métal qu’on aura choisi ; & c’est en effet ce que M. de la Condamine a trouvé par un grand nombre d’expériences différemment combinées.

Il a eu des végétations horisontales, des arbrisseaux plats avec plusieurs variétés, soit en ce que les arbrisseaux ont demandé plus ou moins de tems, soit en ce qu’ils ont été plus ou moins touffus de ramifications.

On a supposé jusqu’ici que le verre sur lequel se faisoit l’expérience étoit posé horisontalement, mais il peut aussi être incliné. Toute la différence sera qu’il y aura plus de ramifications, que l’arbrisseau sera plus touffu au-dessus du centre, ou à la tête du clou qu’au-dessous. La raison en est qu’entre les courans qui doivent tous aller vers ce centre, les inférieurs y trouvent plus de difficulté, puisqu’ils n’y peuvent aller qu’en remontant. Les végétations de cette espece se font également bien sur des verres ou glaces de toutes couleurs, & l’esprit s’amuse volontiers à ces sortes d’artifices. (D. J.)